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Politique de la teuf

 

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Parmi les plus belles escroqueries intellectuelles du XXe siècle, laquelle escroquerie continue joyeusement en son suivant, il y a cette idée magique que la féminisation du monde politique humaniserait, adoucirait, et a fortiori, valoriserait l'exercice du pouvoir. Les exemples de Golda Meir, de Margaret Thatcher, d'Indira Gandhi devraient suffire, d'un point de vue rationnel, à mettre fin au mythe (1). Il  n'en est rien cependant. La loi sur la parité et les discours émus sur les ascensions des femmes au pouvoir entretiennent l'illusion.

Il fallait voir les couillons parisiens exulter à l'élection de l'égérie socialo-bobo, Anne Hidalgo, pour désespérer de la lucidité politique de l'électeur moyen (vraiment très moyen). Il est vrai que, pour sa défense, l'alternative était consternante. Hidalgo ou NKM ? La démocratie du vide (ou par le vide, je ne sais).

Donc : une femme à l'Hôtel de Ville. Une révolution, une bouffée d'air frais. Paris sera toujours Paris, à la fois rebelle et enjouée. On peut y mettre tout ce qu'on veut, selon votre bon plaisir.

La nouvelle reine a su s'entourer, mieux que quiconque puisque c'est une femme politique. En atteste le choix de son premier adjoint, Bruno Julliard. Bruno Julliard, pour qui ne connaît pas, est le énième leader syndical étudiant, n'ayant pas décroché son master 2 au bout de sept ans de fac assidus, le énième apparatchik (après Désir, Dray, Assouline, Isabelle Thomas) à faire de l'agitation universitaire un tremplin pour se gaver ensuite dans les ors municipaux, voire ministériels. Petit roquet frondeur de trente-et-un ans, il traîne son air mélancolique et décalé sur les plateaux télé. On le croirait sorti d'un film de Despléchin, ce qui n'est pas peu dire. 

Bref, il est premier adjoint (un peu comme le Prudhomme de Verlaine est juste milieu) et ce sont ses attributions qui font sourire. Vu la situation économique, et pire encore à Paris : le logement et un certain déséquilibre social (doux euphémisme), l'électeur parisien aurait pu croire que ce serait là le domaine de compétence de celui qui, potentiellement, et en cas de malheur, pourrait succéder à la Reine Mère. Mais le logement, le social, l'économique, voire l'écologique, c'est chiant ! Et le chiant, ce n'est pas Paris. Ainsi notre olibrius est-il

Premier Adjoint à la Maire de Paris, chargé de toutes les questions relatives à la culture, au patrimoine, aux métiers d’art, aux entreprises culturelles, à la "nuit" et aux relations avec les arrondissements

En clair, c'est d'abord le clinquant, le festif (si cher à Philippe Muray), le poudre-aux-yeux, la visibilité extérieure, la satisfaction bobo, le csp+, voire ++, qui sont visés. Vous pensiez qu'elle était là pour les pauvres et qu'elle ferait du social. Gros Jean comme devant. Paris n'est pas faite pour les misérables et la populace ; la vitrine française est destinée à nos amis du monde entier. Son identité œuvre au bonheur des riches Chinois, Américains et autres Russes ou Japonais. C'est, pour adapter l'image immonde d'Attali, un hôtel de luxe. C'est d'ailleurs à cet effet que la maréchaussée s'active dans les beaux quartiers et aux alentours des rues les significatives du prestige parisien (mode et bijouterie). Le sieur Julliard, gauchiste universitaire, fait désormais dans le toc, le chic, le glamour et l'international...

Ajoutons que le glissement de la "culture" aux "entreprises culturelles" signe le passage du savoir et de la conservation du passé à sa dynamisation économique par les sons et lumières, le spectacle vivant et autres balivernes modernistes qui font des lieux contemporains des sortes de Puy du Fou perpétuels...

Mais la cerise sur le gâteau est évidemment cette "nuit" qui, même avec des guillemets, nous fait sourire. La "nuit"... Quelle nuit ? La nuit des Folies Bergères, du Crazy Horse ? quelle nuit ? celle des backrooms du Marais, des teufeurs avec le nez plein de coke ? Quelle nuit ? celle des apéros minables le long du canal Saint Martin, celle de la rue Saint-Denis, celle du Panic Room  ?

Nuit fort éloignée de celle vécue par ceux qui mériteraient d'être les premiers soucis d'une politique de gauche (mais disons : d'une politique tout court). Nuit bien peu baudelairienne, quand le poète évoque la souffrance dans son Crépuscule du soir.

Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment,
Et ferme ton oreille à ce rugissement.
C'est l'heure où les douleurs des malades s'aigrissent !
La sombre Nuit les prend à la gorge ; ils finissent
Leur destinée et vont vers le gouffre commun ;
L'hôpital se remplit de leurs soupirs. - Plus d'un
Ne viendra plus chercher la soupe parfumée,
Au coin du feu, le soir, auprès d'une âme aimée.

Mais n'est-ce pas là trop de sensiblerie, trop de féminité, quand il faut, pour mater la capitale, une poigne de fer et une ambition qui, elle, n'a pas de sexe ?

 

(1)Mais l'histoire plus ancienne n'est pas en reste, si l'on pense à Mary 1re (pour laquelle on créa plus tard le bloody Mary, pas moins), à Isabelle de Castille, à la grande Catherine de Russie,  ou à Élisabeth 1re. 

 

Photo : Brassaï

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