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La Bêtise

 

C'est un peu l'histoire de l'arroseur arrosé. Le sieur Valls, voulant marquer le coup de son mécontentement vis-à-vis des quatre élus partis voir Bachar Al-Assad (1), a usé de son art mineur de la formule. Après l'islamo-fascisme qui ne veut rien dire, il a décrété qu'on ne pouvait se rendre dans le bureau d'un tel "boucher".

Que n'avait-il pas dit ? Dans la foulée, la confédération française de la boucherie s'est insurgée : «Encore une fois le manque de respect d'un homme politique est confondant d'ignorance. Il y a tant de synonymes dans les dictionnaires que c'est au mieux une facilité au pire une malveillance que de continuer à utiliser le mot boucher». Et d'interpeller le Valls intempestif :  «Monsieur le premier ministre, pouvez-vous cesser pour désigner quelqu'un que vous tenez pour un criminel d'employer ce mot sacré pour les 80 000 personnes - artisans, conjoints, salariés et apprentis - qui travaillent dans ce métier. Par avance, les artisans bouchers vous en remercient».

Nos chers artisans doivent imaginer que le quidam est assez idiot pour ne pas prendre la métaphore pour ce qu'elle est. Le second degré, connaissent-ils ? Faudra-t-il récrire le chapitre 3 de Candide, quand le personnage assiste à une bataille présentée comme une "boucherie héroïque" ? On aimerait qu'ils se détendent un peu. Qu'ils ne craignent pas que nous finissions végétariens parce que nous penserons à Bachar devant un étal de rumsteak...

Mais le ridicule de leur inquiétude, le grotesque de leur agacement n'étonnent pas. Ils sont dans l'air du temps. Un détail retient l'attention : le mot est "sacré". Décidément, le sacré s'invite partout. Il est l'excuse de chaque tentation communautaire. Et de découvrir la communauté des bouchers, qui voudrait illico qu'on refasse le dictionnaire, qu'on le nettoie de ce qui ne lui plaît pas.

Cette volonté d'assujettir la langue aux desideratas d'intérêts particuliers est effrayante. Face à cela, les revendications sectorielles en matière de fiscalité ou de statut ne sont rien. Il y a bien pire que de vouloir tirer profit d'une situation : c'est d'étouffer la langue, de scléroser la pensée et faire que, petit à petit, plus rien ne puisse être dit, sous prétexte que Pierre ou Paul s'agace. On n'est même plus dans une question morale mais dans le registre de la contrariété égocentrée, du narcissisme facile. On avait vu ces derniers temps le travail de la gauche pour tuer l'esprit de polémique français. Valls et sa clique, à commencer par Taubira, veulent lisser la langue pour que nous ne puissions plus que nous taire. Les bouchers, dans cette perspective, sont dans leur bon droit.

Mais ce droit particulier atomise la pensée et la société. En ne comprenant pas la métaphore que le temps a consacrée, cette confédération montre d'abord qu'elle est bête. J'allais dire bête comme une oie, mais je crains d'être attaqué dans l'heure par la confédération du foie gras et celle de la volaille. Je m'abstiendrai donc...

 

 

 

(1)Lequel est, pour la doxa française, le pire du pire. Voilà qui est bien excessif, si l'on veut considérer que les principaux ennemis du chef syrien sont les fanatiques de l'EI. Passons sur ces incohérences...

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