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Pour ne jamais en finir...

Ce matin, je me suis installé en terrasse avec une amie et son bébé. Nous avons discuté, entre autres, de ce qui était arrivé dans la nuit, et je regardais les clients autour de nous, certains sérieux, d'autres à rire. Je me demandais dans quelle partie de leur mémoire ils avaient placé ces morts qui leur ressemblent terriblement. Mais, peut-être se posaient-ils la même question à mon encontre. Les discussions étaient discrètes. C'était étrange. Je ne sentais pas la même consternation appliquée et facile de l'"après Charlie". Et cette amie de me dire : y a-t-il des manifs en perspective ? Les gens iront-ils encore, maintenant qu'ils savent qu'il ne suffit pas d'être dessinateur ou journaliste pour prendre de sang-froid une balle dans la tête ?

C'est là que commence le courage, le vrai. Pas celui qui consiste à faire sa b-a, en se voulant citoyen du monde, caricaturiste du dimanche et amnésique politique. Or, il semble bien que l'État qui ne sait pas, ou ne veut pas, nous protéger et poser les questions qui sont au cœur de ces événements terribles, il semble bien que cet État ait voulu couper court à toute réflexion sur le sujet puisque les rassemblements en lieu public sont interdits. Voilà qui a le mérite d'être clair.

Il ne nous reste pour l'heure qu'à revenir encore une fois sur le fond, sur ces hypocrisies mortifères qu'ici, comme sur d'autres canaux, d'autres blogs, nous avons dénoncées. Ces terroristes sont-ils, pour reprendre la phraséologie de ces dernières années, des "loups solitaires" ? Ou, pour citer ce grand penseur qui se croit premier ministre, des "enfants perdus de la République" ? Et du côté du CFCM, va-t-on, pour se dédouaner et faire ses ablutions en toute tranquillité, nous resservir la soupe classique qui commence par : "ceux qui ont fait cela ne sont pas des musulmans. Cela n'a rien à voir avec l'islam" (1) ? Aura-t-on droit à l'expert es-Lybie BHL (maintenant que Glucksmann n'est plus de ce monde) pour venir nous dire la voie à suivre ?

Plutôt que de bavasser comme ils savent si bien le faire, plutôt que d'être, pour beaucoup, et notamment à gauche, les complices de l'islamisme rampant (mais qui rampe de moins en moins tant on lui permet de se tenir droit), les politiques devraient savoir que des âmes fortes sont mortes pour avoir, elles, affrontées la réalité. Mais l'affaire n'est pas gagné ; et de repenser à l'attribution du Goncourt à Enard qui nous fait de l'orientalisme conciliant quand Boualem Sansal fixe l'hydre en face. Ce n'était pas la peine, Pivot, d'aller à Tunis annoncer la liste sélectionnée et de nous faire croire à un symbole quand on se couche ainsi pour, je suppose, ne pas déplaire à la gérontocratie algérienne. Bel exemple de décomposition qu'il faut combattre autant que les grenades et les explosifs, car c'est ici et maintenant que nous saurons savoir être vivants.

Je regardais la terrasse, les tasses de café et les apéritifs ; j'entendais les murmures et je me souvenais de Tahar Djaout, assassiné par les islamistes en 1993 : "avec ces gens-là/Si tu parles, Tu meurs/Si tu te tais, Tu meurs/Alors parle et meurs"...

 

(1) à peine ai-je publié ce billet que je tombe sur la déclaration d'Anouar Kbibech, président du Conseil Français du Culte Musulman, lequel conclut son propos ainsi : les auteurs des attentats qui ont frappé Paris «ne peuvent se réclamer d'aucune religion ni d'aucune cause». Cela s'appelle la démonstration par l'exemple...

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