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À la lumière de... - Page 2

  • 2-Ne pas entendre

    La série "À la lumière de..." reprend les photos que Georges a. Bertrand m'avait proposées pour la série "À l'aveugle". Il m'a depuis donné les indications concernant leur localisation et les conditions dans lesquelles elles ont été prises.

     

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    Là-bas, tout là-bas, dépassée même la pensée de la brume froide, aux confins (cette idée qui n'a pas de consistance, pas plus que la contrée, forcément lointaine, ou l'utopie) du point de fuite donné par la route, tendue, la Corée du Nord.

    On croirait bien, cycliste, que tu en reviens et on voudrait t'arrêter pour que tu nous racontes, ainsi que savent le faire les précieux voyageurs (ceux qui ne cherchent pas à l'être) le silence, l'invisible, mais nous parlons mal chinois. Nous ne pouvons exiger que tu sois un Hermès de feu. Tu passes ton chemin et nous laisses à notre imagination, alors même que tu avais peut-être tant à nous dire sur toi, ton quotidien, les rigueurs de ton existence. Mais nous sommes parfois pris par le lointain. La ligne d'horizon pétrifie le proche, et le prochain qui l'habite.


    Photo : route enneigée de Mandchourie

    Texte "À l'aveugle" : Mirek

  • 1-Les nuits d'étoile-absinthe

    La série "À la lumière de..." reprend les photos que Georges a. Bertrand m'avait proposées pour la série "À l'aveugle". Il m'a depuis donné les indications concernant leur localisation et les conditions dans lesquelles elles ont été prises.

     

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                                                                                                  À ceux et celles qui tiennent (à) l'alcool, malgré tout

    Parfois, tu es ce cavalier qui, ayant parcouru une grande étendue gelée, s'enquit auprès d'un paysan de l'emplacement du lac de Constance, lequel paysan lui répondit qu'il venait d'y passer au galop. Alors, découvrant quelle épreuve folle il venait de traverser (ainsi peut-on dire) il tomba de selle et mourut. Sans courir de tels périls, il arrive que tu sois fourbu de chagrin, d'ennui ou de désolation, et que tu boives. Tu peux alors t'abandonner au banc le plus isolé ou au trottoir le plus froid. Ton corps est engourdi, attiré vers le bas et les mots (les pensées, ne rêvons pas...) tournent, les syllabes se perdent.

    Parfois tu soudoies ta faiblesse en la charmant d'une traîtrise querelleuse, parfois tu es déjà au delà, réduit à l'indifférence, qui serait belle et douce si tu n'étais pas très loin de la maison. Tu as grandi, tu t'es émancipé et tu as passé depuis longtemps en revue le bataillon des alcools forts. Ainsi as-tu cru pouvoir tenir, la distance, ton rang, l'absinthe, et derrière l'absinthe, l'absente, ce soir-là.

    Rien n'y fait. Tu es vaincu, et la place se videra (les mots se voileront progressivement à ton corps fermé), se videra. Tu t'endormiras et à l'aube la lame du soleil vif ouvrira tes paupières. Ton dos aura épousé comme jamais les petits pavés. Tu te redresseras. Tes trippes grelotteront. Un passant te jettera un œil torve, et toi, tu souriras, chu de ton insouciante jeunesse, de ne pas être mort, étouffé dans ton vomi.

    Alors, sciemment cette fois, tu t'allonges à nouveau contre le pavé et, d'un endroit inconnu de toi, pièce intérieure jamais dite de ton présent, monte un rire, amertume et sel mêlés, en pensant à cet amour désormais d'un siècle passé, fée verte évanouie, un rire achagriné et pourtant serein à te faire passer pour un fou, dont tu remercies le ciel qui est là, là, ici et là, à plein visage...

    Photo : Champs-Élysées, passage à l'an 2000, 31 décembre 1999/1 janvier 2000

    Texte "À l'aveugle" : À la rue