Si tout ce que tu as appris, si tout ce que tu sais devait te garantir des heures qui viennent, de l'aube qui pointe, tu ne serais plus vivant, tu ne serais plus une existence. Rien ne t'attend et tu n'as pas de répertoire exhaustif. Tu croises des visages et des histoires ; pour chacun et chacune, il te faut une part d'oubli et d'ignorance. Sans quoi tu n'es plus qu'un personnage, un scénario où rien ne manque, où tu ne manques rien. Si tout, en toi, finissait par être motivé, dans l'enchaînement des semaines et des mois, tu perdrais la possibilité nécessaire de tomber et de te relever, de t'exalter et de craindre, de mourir. Si tu regardais, dans le miroir, sans ce supplément d'âme inconnu en toi, tu ne garderais plus le souvenir -et sa course fluide- de ce qui est et n'est plus là, ou pas encore, en même temps.
Photo : Florentine Wüest
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