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blanchot

  • Fin de partie (à répétition)

    La pensée de l'amitié : je crois qu'on sait quand l'amitié prend fin (et même si elle dure encore), par un désaccord qu'un phénoménologue nommerait existentiel, un drame, un acte malheureux. Mais sait-on quand elle commence ? Il n'y a pas de coup de foudre de l'amitié, plutôt un peu à peu, un lent travail du temps. On était amis et on ne le savait pas.

    (...)

    La philia grecque est réciprocité, échange du Même avec le Même, mais jamais ouverture à l'Autre, découverte d'Autrui en tant que responsable de lui, reconnaissance de sa préexcellence, éveil et dégrisement par cet Autrui qui ne me laisse jamais tranquille, jouissance (sans concupiscence, comme dit Pascal) de sa Hauteur, de ce qui le rend toujours plus près du Bien que "moi".

    Telles sont les premières et les dernières lignes du livre de Maurice Blanchot, Pour l'amitié (Farrago, 2000). L'ouvrage est bref, très bref, et simple. Comme si, pour aborder ces rives fortes et subtiles de notre humanité, de ce qui en fait le prix, il n'avait pas été possible ou utile à l'auteur d'en explorer tous les arcanes. Une retenue, un non-dit qui rappelle Montaigne évoquant La Boétie :

    "Si on me presse de dire pourquoy je l'aymois, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en respondant : Par ce que c'estoit luy ; par ce que c'estoit moy"

    On sent chez l'un et l'autre que l'on touche à la limite de la langue. Les mots leur manquent. Et, nous aussi, les mots nous manquent parfois (ou nous ont manqué), comme nous manquent intensément ceux et celles, aimés, qui sont partis. Et, souvent, pour se rassurer, pour que la vie ne soit pas un immense champ de ruines précieuses, on se dit que ce sont eux qui m'ont manqué.