usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

fief

  • Fief (substantif)

    Soyons grands, soyons modernes ! Regardons vers le futur, encore et toujours ! C'est, pourrait-on dire, le credo du temps, l'antienne des démocrates européistes et des vendeurs de lendemains radieux et sans frontières.

    On nous promet de l'espace, du territoire infini, du cosmopolitisme clinquant et humain. Si vous vous acharnez à aimer votre territoire (lequel n'est vôtre que par abus de langage : la propriété n'est ici que le signe de l'affection), vous êtes un passéiste, un rétrograde à l'esprit servilement paysan. À bas les crotteux et les enracinés. Tout cela sonne trop ancien régime et l'âme politique moderne regimbe.

    Il est néanmoins un détail qui surprend. Le personnel politique, de droite, du centre, de gauche, s'entend pour revendiquer son ancrage dans le pays. Rouges, roses, orange, bleus, les chœurs montent ferme pour ne pas briser le lien entre les élus et les citoyens. Tel est d'ailleurs l'argument central de ceux qui ne veulent pas d'une loi sur le cumul des mandats. Il s'agit de demeurer au cœur des choses, d'entendre les oscillations du peuple.

    Magnifiques, ces pétitions de principes, sublime, ce désir démocratique servant les intérêts fort circonscrits de barons provinciaux qui s'accaparent les fonctions, les pouvoirs, les droits, les nominations.

    Quand on considère l'affaire dans certains pays, on parle de népotisme, de confiscations démocratiques, de prébendes, etc. Ici, on appelle cette situation un fief

    Les plus nantis de la classe politique (chacun aura loisir de trouver des exemples qui lui sont proches, à toutes les mangeoires de la démocratie française) ont donc réactualisé, faut-il écrire : modernisé cette définition féodale du pouvoir. Ici et là : limites du droit et bon plaisir du baron ou de la baronne. 

    Fief : le mot est sans cesse repris dans les médias sans que cette anachronisme fasse grincer des dents.

    Le fief, donc. La valetaille et notre bon maître.

    On aimerait y trouver un abus de langage mais pour avoir vécu en plusieurs endroits du territoire hexagonal, dans des endroits particulièrement fieffés, nous savons qu'il n'en est rien. La République et ses valeurs, dont ils nous rebattent les oreilles, par quoi ils justifient fausse morale et désinformation pour masquer leurs pratiques honteuses, s'effacent devant ce qui les contente. 

    Le fief est une de ces piteuses mascarades de la démocratie, certes, mais plus encore : il est l'aveu à peine voilé d'un mépris souverain du citoyen au profit d'une roture qui se rêve poudrée et sang bleu.

    Le fief, c'est la pitoyable mesquinerie d'une troupe satisfaite se rengorgeant de toute sa fierté à célébrer les comices agricoles et les inaugurations de salles polyvalentes.

    Mais, pour parodier Céline, écrivons que le fief, c'est l'idéal aristocratique à la portée des caniches...