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  • Nouvelles médiations, nouvelles évaluations ?

    L'intérêt de l'élection à venir ne tient pas à ce que certains appellent la vérité des urnes. C'est faire trop d'honneur à la conscience politique comme un en-soi dont chacun serait maître. Les manipulations, les mensonges, les défauts de parallaxe, le jeu des mots, le trouble des images, le traitement événementiel des idées (ou ce qu'on prétend être telles) : autant d'éléments qui doivent pousser l'esprit rationnel (pas rationaliste, entendons-nous bien) à douter de la grandeur démocratique. 

    Il faut reconnaître d'ailleurs qu'à l'autre bout de la chaîne, non sur le plan des citoyens mais sur celui des représentations, dans la politique de l'offre à laquelle se conforme le cirque présidentiel, il y a de quoi sourire, avec une certaine amertume, convenons-en. Les quatre canassons les mieux placés pour franchir le poteau en tête, se réclament du peuple, à tort et à travers. C'est le retour du peuple, alors même que le populisme (ou ce qu'on assimile à du populisme, sans faire l'historique du terme) est voué aux gémonies. C'est avec drôlerie que nous les entendons invoquer ce qu'ils connaissent si mal : le peuple. L'héritière de Saint-Cloud, le hobereau sarthois, l'adolescent mondialiste, le rhétoricien sénateur : autant de figures qui ne nous laissent que peu d'espoir.

    S'il y a encore une curiosité dans la quinzaine à venir (et surtout ce dimanche), trouvons-la dans la confrontation des résultats dûment authentifiés avec les extrapolations dont on nous abreuve depuis des semaines, depuis des mois. Pourquoi ? On pourrait déjà chercher des raisons dans les événements électoraux de l'année passée. Le brexit et la victoire de Trump n'étaient pas annoncés par les instituts de sondage. Quant à la caste journaleuse et médiatique, elle tirait à boulets rouges, comme au meilleur temps du référendum de 2005, sur les immondes esprits qui ne voulaient pas plier devant ce qu'on avait prévu pour eux.

    Or, pour l'heure, on peut repérer deux tendances majeures et quelque peu contradictoires dans l'appréciation de la campagne et les supputations présidentielles. Pour faire simple, les sondeurs classiques nous serinent avec un duel Macron-Le Pen, quand des modes nouveaux d'estimation, fondés sur le big data, à l'instar des pratiques de Filteris, annoncent invariablement une confrontation Fillon-Le Pen. Les contempteurs des premiers dénoncent l'obsolescence des modalisations choisies et l'étroitesse de l'échantillonnage, qui ne peuvent rendre compte des formes inédites de socialisation, d'appréhension du politique et des échanges capables d'influencer les individus. Les critiques des seconds fustigent un protocole algorithmique obscur et une propension à privilégier une classe sociale, culturelle restreinte, soucieuse de nouvelles technologies. Les raisonnements se tiennent, certes.

    N'empêche... Sans doute aurons-nous une configuration du monde hexagonal bouleversée s'il s'avère que la formule "big data" gagne la partie (ce qui n'est pas sûr, et je n'ai sur le sujet aucune certitude, aucun préjugé). La défaite de Macron, malgré ses appuis dans les journaux, les magazines, les télévisions (avec une mention particulière pour BFM TV), renverrait bien au-delà de l'échec du candidat à la faillite d'un système hérité pour partie du XIXe et pour une autre part du milieu du XXe. C'est là qu'est la curiosité que ce qui va se passer. Sommes-nous encore dans un monde de l'écrit et de la parole, construit sur un modèle pyramidal, quasi bismarckien, pour reprendre Richard Sennett, ou bien avons-nous glissé véritablement dans un modèle protéiforme, diffus, réticulaire, dont le contrôle pour l'heure reste très aléatoire ?

    Si dimanche soir on nous annonce un duel Fillon-Le Pen, il en sera fini des prérogatives des journaux et de la télévision. ces médias seront morts. Il faudra penser les choses autrement, et nul doute que les instances avides de pouvoir, les lobbies et la finance, sauront envisager avec sérieux l'illusoire liberté du web 2.0...