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lisbonne

  • La littérature dans le siècle (II) : terrasse

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    Qu'il est triste, vénérable Fernando, d'ainsi vous rencontrer, au détour d'une rue piétonne, sous un soleil un peu frais de Lisbonne (il ne pleuvait  pas comme sur ce cliché), dans une posture aussi grotesque (1), le genou replié, comme le ferait n'importe quel quidam affalé ; qu'il est triste de voir autant de gens passer devant vous, bruyants, indifférents, ignorants, peu importe, mais tous, et moi compris, comme de mauvais plaisantins, transformant l'intranquillité dont vous parlez si bien en une cacophonie de marchandage ; qu'il est triste de vous voir ainsi en terrasse, comme si vous étiez employé à haranguer le chaland, pour qu'il boive un verre dans ce café qui croit pouvoir, sans outrecuidance, se prévaloir des heures que vous y passâtes...


    (1)Pour vous consoler, mais cela peut-il se faire, sachez que des barbares, italiens ceux-là, ont agi de la même façon à Lucques, avec Puccini, et c'est d'ailleurs en le revoyant, lui, cet été que j'ai pensé à vous avec autant d'amertume...

  • Helena Viera da Silva, un monde en coulisses

     

    Les Grandes Constructions, (1956)

     

    Il y a chez Helena Viera da Silva un abandon paradoxal du trait, une perdition du chemin et une linéarité offerte à la fois prégnante et décomposée. C'est le lieu et sa négation, l'arpentage d'un monde sans homme, comme l'esquisse d'un plan futuriste (sans les grosses ficelles des bandes dessinées de science-fiction) : nous avons l'impression d'être ailleurs, dans ce qui n'est pas encore. Et pourtant, nous passons à l'épreuve d'un univers décarcassé, réduit à sa seule épaisseur structurelle, appartenant au passé. Les plans viennent se percuter, se croiser. Certes, le fond existe, la hauteur, la profondeur, la largeur aussi. Mais ces valeurs semblent se combattre instamment. Nous marcherions chez Viera da Silva comme sur un bateau ivre, sur des ponts successifs de dalles improbables, et chaque cellule (carrés, rectangles, figures moins définies) est le tremblement promis de nos pas. La couleur est taillée en pièces, en voiles déchirées d'un voyage qui aura la force des plus beaux cauchemars. Et lorsqu'il est possible d'enchaîner (non pas sur le mode de la rapidité des visites au musée, mais en favorisant le lien) plusieurs œuvres de l'artiste ainsi composées (1), l'esprit s'éclaire de la fascination douce des labyrinthes.(2)


    (1)Pour cela, le musée que lui a dédié Lisbonne (avec les œuvres de son mari Arpad Szenes) est merveilleux

    (2)Voilà pourquoi le parti pris linéaire de Viera da Silva est moins angoissant que le dripping courbe et filandreux de Jackson Pollock. Dans un cas, on touche les parois d'un local ; dans l'autre, c'est l'infini du fil d'Ariane sans jamais savoir se placer dans l'espace.