Il n'y a pas de réalité mais des rapports à la réalité. Ce qui ne veut pas dire que la réalité n'existe pas (quant au réel, on sait ce qu'en disait Lacan...). Le monde nous percute mais il flotte aussi dans l'intermédiaire des prismes multiples dont nous nous saisissons (ou qui nous saisissent).
Prenez l'abricot, le fruit charnu et jovial, comme des fesses orangées (mais nous laisserons de côté le caractère érotique de la question). L'abricot. Une enfant, à peine trois ans, y voit le bonheur sucré de l'été, un rafraîchissant intermède dans une après-midi de jeux sous le soleil : ce sont les vacances et l'on rit à qui mieux mieux, en écorchant au passage le nom du fruit. Il est un délice. À quelques mètres, lui, qui essaie tant bien que mal de rattacher le commun à ses pérégrinations dans les livres, pense à Ponge et croque la palourde du verger. Quand il en saisit la fermeté juteuse, il prend le parti pris des choses et joue la pose poétique dans le jardin. Il se retourne alors vers elle, dans le transat, qui médite, aussi, juridique en diable, et qui voit dans l'objet qu'il s'apprête à porter à sa bouche un meuble en devenir.
Le monde n'est pas un. Il y a les mots...