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  • Ovale ou rond

    Hier matin, parcourant les titres des journaux sur le web, je découvrais (quoique ce ne soit pas une découverte, tant l'affaire est récurrente) que le stade vélodrome de Marseille et que le match contre Lyon n'avait été qu'incidents et ambiance délétère. Bref, la racaille en culotte courte (avec les idées encore plus courtes) avait encore une fois des siennes. Petits voyous de cour d'école auxquels on passe tout...

    Et de me souvenir que quelques heures plus tôt, le dimanche en fin d'après-midi, d'une anecdote de Nouvelle-Zélande/Argentine. Pour un petit croque-en-jambe : geste d'anti-jeu sans méchanceté (1), Richie McCaw avait été expulsé dix minutes. Pour ceux qui ne le savent pas, le sieur McCaw est le recordman des sélections et des capitanats en rugby. C'est le boss des All-Blacks, ce que le journalisme sportif, dans son goût de l'hyperbole, appelle une légende, un mythe. Soyons plus mesuré : c'est une figure. Une faute, un carton jaune et McCaw, sans un mot de contestation, sans un geste d'agacement, sans un regard de colère, obtempère. Tout grand qu'il est, il se plie à la décision qui amoindrit son équipe alors même qu'elle est menée. Et pas un de ses co-équipiers pour venir protester. Transposez l'affaire chez les footeux et tout est dit...

    Il y a évidemment des explications sociologiques, culturelles et aujourd'hui politiques pour expliquer une telle différence de comportement. On les connaît, et l'exaltation de la banlieue à travers la réussite mirobolante de demi-analphabètes à la syntaxe sidérante (ce qu'on pourrait définir ainsi : parler le Ribéry...) n'est pas pour rien dans l'histoire. C'est sans doute là une des plus belles réussites de cette escroquerie prolongée de 1998 et de son drapeau Black-blanc-beur... Passons.

    Osons un autre biais pour éclairer l'outrecuidance du footeux : prétentieux et sournois, râleur et truqueur, quand le rugbyman reste un gentleman même quand, parfois, quelques claques volent entre les joueurs. Serait-ce une histoire de ballon ?

    D'un côté, le ballon rond : parfait, prévisible, avec lequel on peut jongler, étaler sa technique, montrer sa supériorité. À ce niveau, l'homme se sent fort et sûr de lui. L'erreur est ailleurs, le défaut est hors de lui et la faute incombe à deux ennemis intimes : les poteaux et l'arbitre. Les poteaux qui sont ou ronds ou trop ronds, ou trop ceci, ou trop cela ; quant à l'arbitre, inutile d'en parler.

    D'un autre côté, le ballon ovale : d'une forme improbable et inamicale (sauf à le coller au creux de ses bras, mais pas facile d'y arriver). Le rugbyman sait d'emblée que le cuir pourra être glissant et insaisissable, que toute passe est incertaine,  que l'en-avant est le lot de chacun, que le rebond est aléatoire, que le vent joue avec le ballon dans les airs.

    Le rugbyman, aussi habile soit-il, sait que l'humilité est le fondement du sport qu'il pratique. Peut-être est-ce aussi d'être souvent à terre, de goûter le gazon plus qu'il n'en faut et les forces de l'adversaire plus qu'à son tour. C'est justement à travers toutes ces attitudes et ces confrontations que s'exprime une virilité sereine et amicale que l'on ne trouve nullement dans le football. Dans un quinze qui pèse sa tonne et demie, des hommes. Dans un onze qui roule des mécaniques, des adolescents pré-pubères... 

     

    (1)c'est-à-dire qui ne pouvait pas blesser son adversaire.