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hubert damisch

  • Femme en bleu (XII) : Piero della Francesca

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    Piero della Francesca, La Madonna del parto, Monterchi, ca 1460

    Que se passe-t-il ici qu'à la contempler on en reste muet et comme désemparé ? Il y a sans nul doute la charge symbolique du religieux et la singularité de l'événement  sur lesquels Hubert Damisch a si bien écrit (1)...

    Mais ce n'est pas seulement cette épaisseur du sens qui repousse sans cesse la question d'écrire sur elle, qu'elle soit la dernière femme en bleu. Plutôt : la rigueur, pour ne pas dire davantage, l'austérité, de Piero della Francesca... La barrière vient de plus loin. Ni sensuelle (cela pourra advenir chez d'autres peintres, plus tard) ni  doucement maternelle, elle semble habitée de sa fonction d'abord et la rondeur de son ventre est comme un accident de l'histoire, de son histoire, parce que la vérité est ailleurs.

    À la regarder, on se demande si elle fut jamais une mère, une mère telle que vous l'entendons. Et pour entendre, comprenons que la voix de qui parle est essentielle. Elle paraît d'un autre temps : le travail se déroule hors d'elle, déjà. Le rideau que tirent les anges, le pli de la robe qui s'écarte en une fente immanquable : tout est spectacle, ou démonstration, pour après. C'est l'annonce de la Vierge, en pendant de l'Annonciation qui lui a été faite, sans pathos, sans tremblement.

    La Madone de Piero n'est pas désincarnée ; elle est seulement dans le transitoire de sa maternité. L'œuvre s'accomplit et elle y tient sa place, au début, avant de revenir, à la fin, pour la mort. On la voudrait merveilleuse, picturale et irradiante. Piero la peint sévère et consciente.

    La beauté... La question esthétique est déplacée. Le devoir ne s'orne pas : il est une force.

    Cette peinture, une fresque : combat contre le temps, cherche cela : la force du corps qui abrite et dont le premier acte d'amour est de sauver/préserver l'encore absent. Tâche à la fois humble et redoutable, pour ce qui sera, en l'espèce, une divine apparition. 

    (1)Hubert Damisch, Un souvenir d'enfance par Piero della Francesca, 1997