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rené char

  • René Char, en puissance

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    Même dans la gravité, René Char sonde l'énergie du possible. Il n'y a pas de vain combat, pas d'engagement (et cela s'entend bien au delà du politique) par quoi nous ne pouvons nous mouvoir, nous émouvoir et avancer, encore et encore. En amour, en amitié, en désir de vivre.


    LE MORTEL PARTENAIRE
                             À Maurice Blanchot

        Il la défiait, s'avançait vers son coeur, comme un boxeur ourlé, ailé et puissant, bien au centre de la géométrie attaquante et défensive de ses jambes. Il pesait du regard les qualités de l'adversaire qui se contentait de rompre, cantonné dans une virginité agréable et son expérience. Sur la blanche surface où se tenait le combat, tous deux oubliaient les spectateurs inexorables. Dans l'air de juin voltigeait le prénom des fleurs du premier jour de l'été. Enfin une légère grimace courut sur la joue du second et une raie rose s'y dessina. La riposte jaillit sèche et conséquente. Les jarrets soudain comme du linge étendu, l'homme flotta et tituba. Mais les poings en face ne poursuivirent pas leur avantage, renoncèrent à conclure. A présent les têtes meurties des deux battants dodelinaient l'une contre l'autre. A cet instant le premier dut à dessein prononcer à l'oreille du second des paroles si parfaitement offensantes, ou appropriées, ou énigmatiques, que de celui-ci fila, prompte, totale, précise, une foudre qui coucha net l'incompréhensible combattant.
        Certains êtres ont une signification qui nous manque. Qui sont-ils ? Leur secret tient au plus profond du secret même de la vie. Ils s'en approchent. Elle les tue. Mais l'avenir qu'ils ont ainsi éveillé d'un murmure, les devinant, les crée. Ô dédale de l'extrême amour !
                                             La Parole en archipel (1952-1960)

  • Résistance

    Fruits des notes prises dans le maquis entre 1943 et 1944, Feuillets d'Hypnos de René Char bouleverse de n'être pas un simple chant de combat. Le recueil, dans sa fragmentation même, porte une incertitude, l'incertitude du vivant pour qui chaque pas, chaque souffle sont comptés. Le poète n'édifie pas le lecteur à venir. Il ne nous renvoie ni à une ligne de partage entre le bien et le mal, entre l'héroïsme et la couardise, ni à la simple brutalité des événements. Il cherche à se frayer un chemin entre l'immédiat apeuré et la confiance du jour qui suit.


    La contre-terreur c'est ce vallon que peu à peu le brouillard comble, c'est le fugace bruissement des feuilles comme un essaim de fusées engourdies, c'est cette pesanteur bien répartie, c'est cette circulation ouatée d'animaux et d'insectes tirant mille traits sur l'écorce tendre de la nuit, c'est cette graine de luzerne sur la fossette d'un visage caressé, c'est cet incendie de la lune qui ne sera jamais un incendie, c'est un lendemain minuscule dont les intentions nous sont inconnues, c'est un buste aux couleurs vives qui s'est plié en souriant, c'est l'ombre, à quelques pas, d'un bref compagnon accroupi qui pense que le cuir de sa ceinture va céder... Qu'importent alors l'heure et le lieu où le diable nous a fixé rendez-vous !