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  • Trafic

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    Une chose.

    Parmi d'autres choses.
    Un peu moins coloré que les choses qui l'environnent,
    parce qu'il n'est pas à vendre,
    ou qu'il s'arrange pour croire qu'il ne l'est pas.
    ou plus.
    Une chose qui s'assoit souvent
    sur les principes,
    par lâcheté, par lassitude,
    avant de voyager, de toutes les façons.
    Une chose, un matricule, un code, un identifiant,
    libre de ne pas faire de bruit,
    dans la salle d'attente d'un laboratoire
    d'analyse, où il se demande si
    le multicolore des chaises
    relève de la fantaisie médicale ou d'une stratégie
    dérisoire
    pour détendre les anxieux qui finiront,
    malgré tout,
    par avoir raison, un jour.
    La chose reste en suspens. Toutes les choses

     

    Photo : Philippe Nauher

  • noir de monde...

    Au besoin que l'on a d'écrire, il est possible, dans une formule à quatre mots (pour faire comme Beckett), de répondre : «impossible de faire autrement». Des mots, tout cela, de la formule. Ni une justification esthétique, ni un credo, moins encore une posture romantique. Le fond, c'est une question essentielle que l'on a fini par ne plus se poser, elle, étant là, comme une ombre que l'on promène avec soi le long du chemin. Une question qui contient, entre autres, pulvérisée qu'elle est en mille étais invisibles, la somme des rencontres faites, réelles, fictives, de longue durée, évanescentes, improbables, fantasmées, perdues.

     

    Tu crois que tu vas y arriver ? Je ne cherche pas à y arriver.

     

    Tu cherches, tu compenses, tu détournes, tu coutures, rayes et ressuscites... Admettons qu'on s'en approche. Ils sont cela, un peu, et plus, bien sûr, sans qu'on le sache.

     

    Préserver à perte, conserver la perte.

     

    Raconter des histoires, ou des lambeaux d'histoires, c'est n'en jamais revenir tout à fait, d'elles, et de ce qui les a suscitées. Tu marches dans la ville, ou ailleurs, n'importe où. Tu leur parles secrètement, à  celles et ceux qui, toujours, sont tes compagnons. Pour emprunter à une chanson de Bashung (mais oui, parfois, bizarrement...) je suis noir de monde.

     

  • Par un bel après-midi

     

    Certes, on se rend au Palais Spada pour en admirer la cour intérieure de Borromini, et, donnant sur le jardin, sa fameuse Galerie qui joue de la perspective...

    Nous sommes en février et, dans le jardin, justement, les citronniers sont dans leur plénitude. Cela rajoute à la beauté quiète du lieu.

    Mais ce qui donne le sourire, pour une fois, est ailleurs que dans l'Histoire et la nature.

    À la grille qui ferme le carré de la cour arborée, dans cet endroit si institutionnel, puisqu'y siège depuis 1927 le Conseil d'État, une petite pancarte est accrochée, qui ne vise pas le touriste, pour une fois, mais ceux dont l'office se fait entre ses murs, et sans doute les visiteurs venus pour des raisons sérieuses (je veux dire, dans l'ordre de notre monde contemporain : plus sérieuses que de vouloir jouir d'un bonheur anachronique en rêvant à l'effervescence baroque). Il y a, en effet, des voitures garées de part et d'autre.

    Il y est écrit «Procedere con cautela. Colonia feline», ce que l'on traduirait (mal) par : avancer avec précaution. Colonie féline. L'automobiliste se doit d'être attentif.

    C'est en effet un havre de paix pour un nombre certain de chats qui vous regardent avec un air tranquille, sûrs qu'ils sont d'être les maîtres. Voilà donc la Colonie féline, celle dont une hypothétique parentèle se trouve aussi protégée dans un autre lieu célèbre : le Colisée et ses recoins secrets.

    Sans en vouloir aux animaux (mais n'ayant pas non plus cette fascination décadente pour eux, qui traverse nos sociétés avancées, la française en particulier), j'avoue que ce n'est pas leur présence sur laquelle je fixe mon attention, mais sur cette dénomination si curieuse de Colonie féline. Les matous se dorant au soleil de l'hiver indulgent (ce qui n'est pas nouveau, si j'en crois ce qu'écrit Jean-Pierre Guillerm dans son Vieille Rome), il faut les imaginer en envahisseurs reconnus (et les hommes sont défaits) que l'adjectif m'oblige tout à coup à considérer comme des guépards ou des léopards en milieu tempéré. Des félins. La classification zoologique a sans nul doute raison. À cet instant précis, les félins m'entourent donc. J'avance, incertain devant l'attaque possible des quelques individus qui se lèvent nonchalamment pour une place plus adéquate à leur humeur. Je m'amuse soudain de ce jardin menaçant. Colonie féline.

    Ils auraient pu, au Conseil d'État, se contenter d'un vulgaire : Attenzione ! Gatti ! Mais ils sont, à leurs heures perdues, des poètes, ces hommes et ces femmes si sévères,à moins que ce ne soit simplement le gardien, le concierge, qu'on imaginerait bien en écrivain vivant d'expédients, de petits boulots, comme le firent nombre d'auteurs. Je choisis qu'il en sera ainsi, qu'il y a en cette demeure un homme qui n'aime pas le langage réduit à sa pure valeur informative et que la moindre réalité mérite une formule excédant justement la seule dénomination. Et je lui sais gré de ces instants où le plaisir des pierres s'est doublé de celui, improbable alors, des mots.