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chant

  • Chant du demi-jour

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    Depuis quelques jours, un oiseau chante dans la cour intérieure. Il trille ; il soliloque. Mâle ou femelle, tu ne sais. Pas plus que son espèce. Tu n'es pas un spécialiste. Ignare en la matière, tu l'écoutes, vers les cinq heures trente, alors que la nuit est encore là, ce que tu as trouvé étrange d'abord,  croyant qu'il lui fallait soleil pour faire sérénade. Apparemment pas. Mais tu n'y connais rien. Tu l'écoutes. Peut-être est-il seul, faisant ses gammes, parce qu'il se doit d'en être ainsi : le chant comme raison d'être. Peut-être est-ce à un(e) autre que s'adresse son babil vigoureux, un(e) autre qui ne répond pas, écoute ?, puisque, unique certitude, tu n'entends qu'une voix. Il est en tout cas ponctuel dans ses vocalises. Il t'apaise. Est-il le signe définitif du printemps, ce plus-près-de-la-nature venu à ton oreille, fenêtre fermée (et quand il fera plus chaud, et qu'ils joueront sonate à deux, ou quatuor, ou quintet, ce sera folie, la fenêtre alors ouverte)? Tu ne sais (bonté entretenue de l'ignorance. Tu ne guettes pas l'intrus, le jour venu) où loge l'intempestif. Anfractuosité plutôt que branche : les arbres sont nus. Il a fait son chemin et sa demeure et n'a pas de compte à te rendre. Tu écoutes son solo, ses vingt minutes modulés dans le silence. Il se tait sans que ton esprit là encore puisse rien comprendre : d'un coup plus rien que la demi-obscurité chargée désormais de cette voix suspendue. Mais ce chant est comme la clef infirmière de ton insomnie et tu tombes au sommeil, très vite, avec cette pièce de bonheur en toi.

                                                                   Photo : X

  • 4-À feu et à sang

    "À l'aveugle" est un ensemble de douze photographies de Georges a. Bertrand, que celui-ci m'a envoyées sans la moindre indication. Il s'agit d'écrire pour chacune un texte dans ces conditions d'ignorance. Une fois achevé ce premier travail il me donnera les informations que je désire, et j'écrirai pour chacun de ces clichés un second texte : ce sera la série "À la lumière de..."

     

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    Le désir, c'est l'ombre. Non pas l'ombre seule, car en sa continuité, elle n'aurait pas plus de prix que la pleine lumière. Mais l'ombre fureteuse, nappe de grâce intérieure (notre vie, nos pulsions) taillant sa route pour aller du nœud dans les cheveux aux yeux, des yeux à la dentelle. En plus, me dis-je, gitane, andalouse, qui sait... Babil méditerranéen, ardant notre compassion d'un Canto de Lorca. Et nous imaginons toujours, dans cette voix plus nue que l'épaule tremblante, une histoire déchirée, un mélodrame dont, en d'autres endroits, notre esprit se détournerait. Mais nous l'écoutons, religieux, quasi. Elle chante le désir, l'ombre du désir, mélange de chevelure en mouvement, floue, de guipure odorante et de pupille-feu.