usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

libertés

  • Pour l'instruction des idiots utiles de la Macroncéphalie

    Pour qu'une entreprise d'exploitation réussisse, l'histoire doit coller à la tendance lourde du moment, aux lignes de force structurant en profondeur l'évolution sociale. Les ahuris qui voient en Macron un renouveau politique sont doublement idiots, en surface et en profondeur. En surface, parce qu'ils oublient, dans un effort amnésique assez remarquable, que le jeune homme n'est pas neuf, ni dans dans son parcours classique, ni dans sa trajectoire politique hollandiste. En profondeur, parce qu'il n'est, dans sa logorrhée d'illuminé télévangéliste, que le relais d'une transformation politique que d'aucuns et non des moindres (Zygmunt Bauman, récemment disparu, Frederic Jameson, Christopher Lasch, Jean-Claude Michéa, Rawi Abdelal, sans parler des "ancêtres" comme Benjamin ou Hannah Arendt) ont dénoncé, transformation qui, sous couvert d'un esprit d'ouverture, veut maximiser le contrôle économique pour le confondre avec l'autorité politique et la détruire in fine.

    La réussite macronienne est, d'une certaine façon, une mise en abyme de l'entreprise plus large que représente l'énergumène. Celui-ci incarne un tout est possible très anglo-saxon, un idéal du moi synthétisant le jeunisme, l'esprit d'entreprise, l'anti-conformisme (d'où la place symbolique de sa femme plus âgée), le goût de l'argent et le vernis culturel (dont l'un des axes est le reniement de tout classicisme, pour un mainstream triomphant à la Frédéric Martel). 

    Ce qui suit est l'extrait d'un livre de Stéphane Haber dont j'incite évidemment à la lecture intégrale, livre qui éclaire à bien des égards l'horreur politique et culturelle dans laquelle nous plongeons aveuglément.

     

    "[...] le néocapitalisme n'hérite pas seulement de motivations antérieures à lui ou distinctes de lui qui, présentes dans son milieu social, présupposées comme autant de conditions externes données, lui permettent de correspondre aux intentions et aux intérêts de certains individus : il n'influence pas seulement le monde ; il tend en outre à produire affirmativement ou du moins à investir avec bonheur un système de liens très denses avec le monde. C'est d'ailleurs ce qui lui permet d'avoir, dans certains de ses aspects, cette allure décentralisée, diversifiée et ubiquitaire (le réseau fluide plutôt que le tout fermé sur soi, la cohérence d'assemblages compliqués plutôt que l'organisation nette dans sa fixité écrasante) qui a souvent été remarquée. C'est elle qui, très visible à l'échelle internationale (un monde économique désormais multipolaire), se retrouve aux différents niveaux de l'activité économique dans le management de grande entreprise, par exemple, même si d'autres facteurs interviennent.

    Il y a mieux encore. Non seulement le capitalisme récent a, de ce fait, plutôt réduit la distance qui le séparait de la vie dans les configurations antérieures, mais, dans certains secteurs, il s'est ressourcé grâce à la mise œuvre du projet consistant à diminuer cette distance. Réduire ou supprimer sa propre extériorité par rapport au monde ou à la vie constitue même aujourd'hui l'horizon de sa croissance ; c'est pourquoi il semble concentrer sa souplesse et sa mobilité, manifestées, comme on l'a rappelé, par toute son histoire passée, en ressource endogène et actuelle de développement.

    L'extension du travail "immatériel" forme, en amont, la condition de possibilité de cette inflexion. Le travail, en devenant immatériel, se fait perméable à l'expression de pouvoirs corporels et vitaux de plus en plus nombreux. Par rapport à l'âge industriel, il paraît impliquer un ensemble plus large de compétences, réclamer aux corps et aux esprits des efforts plus variés, donc un peu plus à la mesure, en quelque sorte, de la souplesse de la vie elle-même. Dans un certain nombre d'emplois, la répétition taylorienne tend à céder la place à la sollicitation des talents, à la rechercher de l'improvisation heureuse. En aval, nous avons bien sûr ce formatage des esprits que les critiques du néolibéralisme ont si brillamment analysé ces derniers temps. Tout le monde doit personnellement intérioriser ce que les prétendues lois de l'économie imposent d'en haut à la société entière, à commencer par la course à l'efficience compétitive sans merci. La vie doit se saisir elle-même, s'ajuster à un rythme qui va s'accélérant. Elle doit prendre à cœur des objectivités détachées décomplexées qui veulent aller toujours plus loin, plus vite, et pas seulement obéir à la force d'inertie qui les a fait sortir autrefois du monde de la vie.

    Mais nous avons également, de façon complémentaire, ce capitalisme contemporain, réactif, énergique, postmoderne, hyperintelligent, que nous ne connaissons que trop bien -le capitalisme d'optimisation, directement branché sur de nombreuses expressions de la souplesse vitale et existentielle, devenu lui-même singulièrement subtil et plastique dans l'emprise qu'il exerce sur elle. C'est, par exemple, le capitalisme qui, au lieu de se présenter comme un carcan totalitaire ou comme une pénible obligation (il faut s'industrialiser pour sortir de la pauvreté et de l'arriération) cajole l'individu et ses lubies, investit le biologique sur plusieurs fronts, vise la santé et l'amélioration performante, vit d'une communication sans bornes qui élargit tous les horizons, se montre plus à l'aise avec la création de contenus intellectuels créatifs qu'avec la production en série de gros objets industriels importuns. 

    C'est donc ce capitalisme qui, sans qu'il puisse être uniquement question de "récupération", absorbe, parce qu'elle s'avère rentable, l'aspiration vécue à sortir de l'aliénation, de la monotonie, de la routine, du suboptimal, au nom d'une certaine conception tonique de la vitalité : au nom, finalement, d'une exigence radicalisée de souplesse en acte. Une certaine addiction générale à la dynamique expansive comme telle s'en dégage. Elle attire à elle et finalement satellise presque toutes les valeurs. Les institutions qui expriment et diffusent cette addiction, comme certaines grandes entreprises, deviennent des attracteurs universels : presque tout ce qui, dans la société, se veut actif, intelligent, dynamique et créatif se met irrésistiblement à leur ressembler. Ainsi, le marketing et le management, entendus comme techniques d'optimisation réflexives ajustées à un expansionnisme devenu intransigeant, donnent-ils l'impression de se retrouver partout. En tout cas, désormais, ce capitalisme sait faire autre chose que rejouer sans cesse la même sinistre mélodie de l'exploitation du travail industriel et de la domination de classe à la manière du XIXe siècle."

      Stéphane Haber, Penser le néocapitalisme. Vie, capital et aliénation, Les Prairies ordinaires, 2013

     

    Les Prairies ordinaires est une remarquable maison d'édition, dont l'orientation éditoriale permet, dans les domaines de la sociologie, de la politique, de l'économie mais aussi de l'esthétique ou de la culture, de mieux appréhender l'apparent désordre du monde et sa recomposition masquée pour l'établissement d'une terreur organisée pour le profit encore plus phénoménal de quelques-uns. J'invite les lecteurs à aller sur leur site et à consulter leurs publications

  • Décrypter (verbe)

    Je me souviens d'un temps où les journalistes analysaient les informations ou les événements. Cette époque semble révolue. Aujourd'hui, ils décryptent. Cette évolution linguistique n'est pas anodine, je crois. À mesure que l'accélération (voulue ou simulée) du monde s'accroît, et que leur magister faiblit (la médiocrité journalistique a une courbe exponentielle ascendante...), ces pauvres gens se retranchent derrière une illusoire capacité à dévoiler le monde qui nous entoure, comme de véritables mages.

    Ainsi donc le présent n'est-il plus seulement une somme d'éléments sur lesquels on pourrait exercer sa raison, ce qui est le principe de l'analyse. Il est un mystère dont le sens n'est accessible qu'aux seuls initiés. Le présent verse dans un ésotérisme dont le génie (bon ou mauvais) ne se dévoile qu'aux happy few, lesquels happy few n'ont rien à voir avec les lecteurs espérés et lointains de Stendhal, mais avec un marigot de journaleux, de spécialistes et d'experts qui ont couvert et serviteurs sur les ondes et dans les pages quotidiennes ou hebdomadaires.

    Le décryptage est une des traces linguistiques de cette nouvelle manière d'en imposer non seulement au quidam et au populaire mais plus largement au spectateur, qu'il ait ou non un bagage intellectuel. Alors que l'hexagone fleurit de bac +5 incapables d'écrire une phrase correctement, de bacheliers mention très bien incultes, il fallait bien déplacer le curseur sur l'échelle de la difficulté pour justifier de l'intérêt d'un monde de l'information en plein inflation.

    De fait, le décryptage est d'autant plus nécessaire que les chaînes d'infos en continu et l'ouverture des versions web pour les journaux ont singulièrement appauvri la valeur intrinsèque des informations. Plus que jamais, celles-ci sont de créations ex nihilo, selon les fluctuations de l'intérêt économique. Dans cette perspective, le décryptage est une construction de sophistes pour faire d'un rien un questionnement crucial et profond. Il est indissociable de la vanité des objets choisis. À ce titre, les bavardages incessants du 20 heures politiques de BFM sont l'archétype de cette suffisance qui tourne à vide. Les petites phrases, les mines, les silences y sont traduits pour notre plus grand bonheur. Le décryptage donne à l'inanité des propos et à la vulgarité du discours de Duflot, Placé, Copé, NKM, Valls et consorts des allures de manigances subtiles dignes du Grand Siècle.

    On pourrait faire la même chose avec les commentaires des experts économiques et des géo-stratèges. Notre idiotie supposée est en fait le tribut de cette démocratie médiatique qui n'a pas d'autre mode de fonctionnement pour se justifier que d'occuper le terrain en imposant ses règles, ses sujets, son jargon et ses décrets. Tout cela pour nous maintenir dans un obscurantisme paralysant et culpabilisateur...

    Dans le même temps, la lecture des journaux (à commencer par Le Monde) est devenue un pensum tant les idées et le style ont disparu. Le décryptage est une escroquerie mécanique pour esprit formaté. Il est la mort du verbe. Une mort de plus dans ce siècle dévastateur...

  • Pour ceux et celles qui...

    islamisme,frères musulmans,tariq ramadan,abdelwhab medded,abdennour bidar,intégrisme,poltitique,le figaro,slateafrique,féminisme,libertés,printemps arabe


    Pour ceux et celles qui veulent un pape rose...

    Pour ceux et celles qui n'en veulent même plus...

    Pour ceux et celles qui bouffent du curée sans avoir lu au moins un évangile...

    Pour ceux et celles qui trouvent que les seins nus à Notre-Dame-de-Paris, c'est juste une plaisanterie...

    Pour ceux et celles qui voient de l'islamophobie partout...

    Pour ceux et celles qui s'extasient devant le printemps arabe...

    Pour ceux et celles qui trouvent que l'Occident est sexiste, machiste et rétrograde...

    Pour ceux et celles qui veulent qu'on fournisse des armes aux rebelles syriens (comme on en a fourni aux rebelles lybiens)...

    Pour ceux et celles qui ont le colonialisme comme seule explication du monde contemporain

    Pour ceux et celles qui n'ont jamais rien lu de Tariq Ramadan et ne veulent pas s'en inquiéter...

    Pour ceux et celles qui devraient lire Abdelwahab Medded et Abdennour Bidar... 


    le refus des Frères Musulmans d'Égypte (dont est issu  l'actuel président, le sieur Mohamed Morsi) de souscrire au texte de l'ONU fondé sur le principe d'égalité entre les hommes et les femmes...

    C'est sur Slate Afrique.


    On trouve aussi l'information sur Le Figaro.fr. mais rien ni dans Le Monde ni dans Libération. Peut-on s'en étonner ? La question de l'embaumement impossible de Chavez est pour eux autrement plus cruciale...


    Photo : Zoubeir Souissi/Reuters.