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La politique blockbuster

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Fin de campagne. Dernier billet sur le sujet. Il sera bien temps après de penser à l'intérêt que cela avait et aux accrochages que cela a suscités. Pour l'heure, on se dit : dernier billet, conclusion dans le calme alors même que cela pue abondamment, que Sarkozy s'extrémise non par idéologie mais pour pratiquer la politique de la terre brûlée et faire que son camp ne s'en relève pas (et Marion Le Pen se délecte...).

Finir en douceur une campagne âpre et ennuyeuse signifie imparablement célébrer les femmes pour trouver un peu d'espoir. Les femmes en politique sont la quintessence de la délicatesse, un autre regard, une démocratie apaisée. Du moins c'est ainsi qu'on me l'a vendu, cette équation femme politique, depuis que je suis jeune. Naïf (ou sensible) comme je suis, j'ai voulu y croire. De même, l'idée qu'avec le crépuscule sarkozyste s'achevait l'époque du clinquant et du m'as-tu-vu. Retour aux affaires (1) de la gauche. Du sérieux, de l'austère, du common man, de la madame tout-le-monde, de la modestie... La gauche, la vraie, dans toute la sincérité d'une tradition qui remonte à Jaurès et compagnie.

C'est dans cet esprit, sans doute, que les Inrocks ont choisi de faire leur couverture sur la nouvelle garde socialiste. J'imagine que le Huron voltairien ou l'Indien de Montaigne voyant une telle photographie, à l'aveugle, déclarerait qu'il s'agit de quatre actrices réunies, à coup de fric, pour un blockbuster où l'on trouvera de l'action, du suspens, du sexe et de l'amour. On y trouve tout : le mélange cultural studies, la beauté un peu mystérieuse, la rudesse des regards, le chic retenu et le décontracté de marques. Le lecteur suppose qu'elles sont quatre sur la photo mais que le scénario a prévu que certaines s'affronteront. C'est un casting où chacune a un rôle, incarne une certaine ligne hollywoodienne, entre femme fatale et femme de tête, entre sévérité et sensualité, entre traîtrise et fidélité. L'Europe, l'Asie, le monde arabe : tout y est. Très mainstream. Les visages fermés, le sourire carnassier, le style un peu masculin et le rouge à lèvres qui claque. Toutes ensemble et déjà prêtes à s'entretuer. D'ailleurs le titre du film dit tout : Girl Power On a hâte d'y être. Pas de panique : elles arrivent, les Drôles de Dames de la rue Solférino. Et de se demander laquelle in fine terrassera les autres et trouvera l'amour dans les bras du magnifique héros dont l'affiche fait l'économie...

Que les Inrocks tentent le coup d'une politique rock and roll n'étonne pas. C'est de leur niveau : bobos de gauche décalés et vaguement révolutionnaires du MP 3. Leur ligne d'horizon, fort basse, comme leur intelligence, ne peut guère viser autre chose. En revanche, que les égéries du PS se prêtent au jeu, qu'elles n'y voient qu'une stratégie de com supplémentaire, sans en saisir ni la puérilité (eh oui, les filles, vous ne serez jamais Uma Thurman ou Scarlett Johanson (2)) ni l'indécence, ni le déni que représente une telle posture, voilà qui consterne. Il ne s'agit pas d'être dupe : s'engager à ce niveau en politique n'est pas le fait d'enfants de chœur, de bons samaritains. Soit. Mais jouer avec les codes d'une pensée jeune (!) et illusoirement rebelle est pitoyable. Que la gauche aux aspirations moralisantes cède à la tentation n'est pas à sa gloire. Mais il y aura toujours des bonnes âmes pour m'expliquer que cela n'a absolument rien à voir avec Sarkozy et Carla, le Fouquet's, Nicolas et ses amis du show-bizz... Je ne vois pas la différence et je trouve que finir symboliquement ainsi qu'avait commencé l'histrion hystérique, c'est risible (sauf que je n'ai pas envie de rire, au fond...).

 

 

(1)J'aime bien cette expression. Elle est savoureuse, car, dans la majorité ou dans l'opposition, quel parti politique a-t-il jamais quitté les affaires ? Ou pour l'écrire autrement : les affaires ont-elles jamais quitté les politiques ?

(2)Je prends à dessein des exemples contemporains pour renforcer le ridicule. Il eût été infamant d'aller invoquer les mânes d'actrices authentiques...

 

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