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  • La littérature dans le siècle (II) : terrasse

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    Qu'il est triste, vénérable Fernando, d'ainsi vous rencontrer, au détour d'une rue piétonne, sous un soleil un peu frais de Lisbonne (il ne pleuvait  pas comme sur ce cliché), dans une posture aussi grotesque (1), le genou replié, comme le ferait n'importe quel quidam affalé ; qu'il est triste de voir autant de gens passer devant vous, bruyants, indifférents, ignorants, peu importe, mais tous, et moi compris, comme de mauvais plaisantins, transformant l'intranquillité dont vous parlez si bien en une cacophonie de marchandage ; qu'il est triste de vous voir ainsi en terrasse, comme si vous étiez employé à haranguer le chaland, pour qu'il boive un verre dans ce café qui croit pouvoir, sans outrecuidance, se prévaloir des heures que vous y passâtes...


    (1)Pour vous consoler, mais cela peut-il se faire, sachez que des barbares, italiens ceux-là, ont agi de la même façon à Lucques, avec Puccini, et c'est d'ailleurs en le revoyant, lui, cet été que j'ai pensé à vous avec autant d'amertume...

  • La littérature dans le siècle (I) : intérieur

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    On aime statufier, c'est ainsi. Certains y verront une sorte d'académisme multi-séculaire. Pourquoi pas ? Pendant longtemps, ces œuvres ont servi de repères. Le citoyen, ou le simple voyageur, pouvait les admirer (ou en rire, qui sait ?) dans les carrefours, sur les places, à l'entrée des villes, devant les monuments majeurs. Il y avait toujours quelque chose de guindé, de terriblement établi. La statue, c'était le stable. Elle portait la durée et l'honneur. Elle était dévolue au pouvoir, d'une certaine manière et par exemple, lorsqu'on voit tous les artistes représentés dans la cour si longue que forment les arcades des Offices, on sait fort bien qu'il y a une dévotion par quoi Pisano ou Giotto appartiennent à une essence remarquable. Ils sont plus qu'eux-mêmes.

    Ces considérations ne conviennent plus à une époque comme la nôtre. Il faut ramener l'exception à la banalité (1). C'est sans doute ce qui explique cette tendance à nous offrir des hommages contextualisés, des sortes de happenings figés, de bronze, plus ou moins dorés. Tout à fait charmant, cela.

    À Salamanque, par exemple, dans le café Novelty, GonzaloTorrente Ballester siège à sa table de prédilection. La pose est sans affectation mais la mise montre que l'homme ne s'est jamais laissé aller à la négligence. L'écrivain est dans toute sa stéréotypie. Homme de repli et de travail dans le silence, il dispose de son temps libre pour aller au café, poursuivre la tradition de ce qui fut d'abord une institution française. Cette statue illustrerait donc une certaine idée de la mythologie des écrivains telle qu'elle s'est développée à partir du milieu du XIXe. Le(s) propriétaire(s) du lieu a/ont participé, à la place qui est la leur, à l'épanouissement de l'artiste. Il était donc normal que celui qui assura si longtemps le service auprès du prix Cervantès en tirât un certain bénéfice. Tout travail mérite salaire. 

    C'est un hommage à usage privé en quelque sorte. Le désormais silencieux Ballester devient une curiosité, un produit d'appel, une démarcation. Il faut bien qu'à un moment la littérature serve à quelque chose...


    (1)Alors même qu'on nous vend pour exceptionnel le premier imbécile qui passe la télévision... Mais le paradoxe n'est qu'apparent. Celui qu'on rabaisse n'a pas eu besoin de l'espace médiatique ; celui que l'on hausse n'en est que le produit. Il faut bien vendre sa marchandise...