Tu as treize ans (ou à peine plus). Ce n'est pas encore le temps d'Internet, de Google, des réponses à la seconde pour une question (ou un doute, ou une curiosité). Cette chanson te surprend. Le sujet importe peu : une rencontre sans lendemain, ce que la contemporanéité, qui aime la crudité pour se donner l'illusion d'être vraie appelle désormais un plan cul. Rien de plus banal. Ce n'est pas cela qui te trouble et qui fera que cette chanson, jamais tu ne l'oublieras, mais le caractère mystérieux, quasi ésotérique des références : topographiques, musicales, cinématographiques, lesquelles donnent à ces trois petites minutes baignant dans la banalité d'une composition réduite à un ensemble guitares-accordéon une demi-teinte fort belle. Yves Simon ne confond pas la vitesse et la brièveté et son esquisse, parisienne et très cryptée pour toi, a la saveur d'une délicatesse sans romantisme niais, d'une tendresse sans grandiloquence. Mystère des noms propres... Clichy, Rochechouart, Dorléac, Higelin et Polanski : c'est plus qu'il n'en faut pour peupler de fantasmes un monde ennuyeux, forcément ennuyeux.
énigme
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Trois minutes pile
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La part invisible (et heureusement)
Dans la nuit qui manœuvre son silence, ton silence à toi, lecteur, cour intérieure dans sa ténèbre, à converser avec Henri James ou, plutôt, avec le narrateur perplexe du Motif dans le tapis, qui voudrait comprendre le mystère avoué (?) qui tisse sa toile subreptice dans les livres de Hugh Vereker, un mystère qui n'a pas de nom, qui n'est pas un son, ou une figure mais, peut-être, l'indéfinissable de la recherche en soi, comme une volonté d'asseoir notre plaisir et notre volonté sur un sens, oui, un sens, dans cette nuit d'été, tu es un roi, en quelque sorte, le roi d'un pays sans frontières.
Il cherche donc, ce narrateur, la figure livresque (ou narrative, à moins que ce ne soit qu'un détail, si petit que l'article, pourtant sérieux, qu'il a consacré à Hugh Vereker a amusé ce dernier qu'il n'ait pas, cet autre, compris l'essentiel) qui hanterait l'œuvre. Sa vie sera désormais consacrée à cette obsession. En vain.
Et toi, quand tu en as fini de ce court roman -sinon nouvelle-, tu noies ta perplexité dans le noir bondissant du dehors (tu as éteint la lumière : tu n'écris pas. Qu'aurais-tu à prolonger de ta lecture, sur un papier quelconque ?). Tu la trouves au fond assez médiocre, cette histoire, dans ce qu'on appellera sa dimension littéraire. Presqu'à l'opposé du nœud indicible de la trame, elle est cousue de fils blancs. C'est un péché d'accorder sa confiance à celui qui écrit quand il veut faire croire qu'il a tout pensé.
Reste, néanmoins, qu'on pourrait en tirer une leçon indirecte, de cette histoire insipide : nous ne pouvons pas vivre des obsessions d'autrui...