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illusions

  • En passant...

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    Peu importe l'actrice, peu importe la marque. De toute manière, les deux ne sont que des produits. Elles s'encadrent dans le panneau de l'Abribus pour te faire de l'œil. L'idéal : n'y voir que du feu. 

    Ce n'est pas la confusion des genres, mais bien l'aboutissement des genres, le lieu propre de la parodie culturelle combinée à l'impératif consumériste. C'est la séduction érigée en principe, pour te fourvoyer, littéralement.

    Tu repenses à Guy Debord, bien sûr, à l'aphorisme 34 qui clôture la première partie ("La séparation achevée") de La Société du spectacle : "Le spectacle est le capital à un tel degré d'accumulation qu'il devient image".

     

    Photo : Philippe Nauher

  • Blaise Cendrars, le kaléidoscope...

     

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    Au milieu du récit épique et poétique de ses pérégrinations, dans Bourlinguer, mélange de souvenirs sauvages et vifs, de considérations sensibles et acerbes, Blaise Cendrars s'arrête dans sa course. Il se regarde. Ou plutôt : il réfléchit au regard des autres, et à la trace qui va, d'année en année, la trace de soi, l'impression de soi, sur les diverses matérialités de l'époque. C'est écrit au sortir de la guerre, autant dire une ère antédiluvienne pour un contemporain figé dans l'éternel instant de sa technologie tactile : texte simple et imparable dans un temps qui laissait, peut-être, encore espérer autre chose que la mire et le mirage.

    "Aujourd'hui, c'est le 1er septembre 1947, c'est le jour de mon anniversaire, j'ai soixante ans. Qui suis-je ?

    Les quelques portraits de peintres, que je viens d'énumérer dans le paragraphe précédent ne me servent à rien pour répondre à cette quesion, pas plus que ne me sont utiles pour résoudre ce problème de l'identité de soi les milliers de photographies pittoresques que l'on a pu faire de moi dans tous les pays du monde, les instantanés, les bouts de pellicule, les chutes de films de montage et les négatifs que l'on a pu collectionner quand je faisais du cinéma et parce que j'y figurais comme acteur, ou comme metteur en scène ou auteur du scénario, dans le générique, les agrandissements et les clichés publicitaires et jusqu'à cette radiographie en relief que l'on a faite de moi au lendemain d'un accident d'automobile, où l'on voit par transparence mon cœur à l'aorte déviée, le docteur Dioclès, le grand spécialiste de l'Hôtel-Dieu, pointant de son stylomine mes poumons, mon estomac, mes intestins, mon foie, ma rate et me faisant toucher du doigt les vraies et les fausses côtes de ma cage thoracique qui encerclent ces organes comme dans un tonneau et compter mes vertèbres, du sacrum, entre les os iliaques, jusqu'à la pinéale, en avant du repli postérieur du cerveau, cette documentation n'est bonne à rien, ne me livre tout au plus qu'une image fugitive, chronométrée en telle et telle année, tel mois, tel jour, à telle heure, sous telle et telle latitude, dans tel et tel rôle, tout cela ne répondant pas à la question : en vérité, qui suis-je ?"


    Photo : Christopher Anderson.

  • Ne jamais se départir politiquement d'une grimace de joie...

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    Claude Monet, La rue Montorgueil -Fête du 30 juin 1878, Musée d'Orsay, Paris.


    "Pendant que les fonds publics s'écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages"

                  Arthur Rimbaud, "Phrases", Illuminations.

  • Homo festivus

    Illumination des Champs Elysées à Paris

     

    À l'automne sont sorties en édition Folio les chroniques de fin de millénaire du regretté et décapant Philippe Muray, disparu en 2006, chroniques regroupées dès l'origine sous le titre général Après l'Histoire, et dans lesquelles il développe le concept d'homo festivus. Qu'il ait été l'objet d'une vindicte croisée de Libération, du Monde, du Figaro, d'Art Press et de Télérama suffirait à le rendre attachant, même si certaines de ses analyses méritent la discussion et la contradiction. N'empêche : la lecture de ces pages écrites il y a dix ans est à la fois jubilatoire (pour le style) et terrifiante (quand il met en évidence les travers d'un société qui se vide de toute pensée). L'extrait qui suit date de janvier 1999, tiré d'un article intitulé Euro et Thanatos.

    "D'année en année, les festivités dites de fin d'année se développent avec plus de virulence et d'efficacité. On voit bien qu'elles n'ont pour vocation que de recouvrir les années, de bouffer le temps et d'ahurir l'espace. Il devient de plus en plus difficile de les isoler du reste de l'existence. Noël, la Mère des fêtes, est une catastrophe de plus en plus irrésistible qu'il faudrait évoquer à la façon dont on décrit généralement les plus monstrueux phénomènes naturels. Si ses réjouissances ont précédé de très loin l'avènement de l'ère hyperfestive, c'est seulement avec celle-ci qu'elles ont commencé à prendre les dimensions qu'on les voit atteindre aujourd'hui ; de sorte que même les optimistes les plus incurables se mettent à ressentir une obscure épouvante.

    C'est une inondation, Noël, et c'est un éboulement. Les guirlandes sont des muscles démesurés qui s'enroulent et gonflent pour étouffer le peu qui restait de la réalité. Les lumières clignotantes rampent vers les immeubles et les escaladent pour les aveugler. Des éboulis de boules hétéroclites deviennent des giboulées de grêlons impitoyables. Les vitrines se couvrent de mille chiures d'étoiles. Des étages sans fin de fausse joie pétillante s'empilent au-dessus des rues. Il n'y a pas d'autre géographie que celle du cataclysme. Qui peut se vanter d'avoir surpris, à l'aube ou en pleine nuit, les malfaiteurs municipaux grimpés dans leurs nacelles pour accrocher toutes ces décorations terrifiques ? Lorsqu'on les aperçoit, il est déjà trop tard. Noël vous saute dessus comme une bête féroce. Chaque façade reçoit des coups de griffe. Des sapins hystériques fument comme des feux d'enfer. Dans les centres-villes meurtris de sonorisations, il ne reste plus qu'à marcher courbé entre des magasins fardés de neige empoisonnée et remplis de post-humains qui se ressemblent tous parce qu'ils sont habités de la même peur qu'ils camouflent en allégresse. Un peu plus tard, à minuit, le 31 décembre, ils viendront hurler leur panique devant les télés sur les Champs-Élysées. Ce sont des jours louches où on peut rencontrer des gens perdus qui rasent les murs, au milieu de forêts de stupidités, et les bras chargés de cadeaux avec lesquels ils espèrent apaiser la Bête. Noël est un effroi. Noël est une vieille peur mythique toujours jeune. Noël est une colère des cieux qui s'étale lourde comme un orage de plomb."