usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

livre

  • L'indignation épicière

    Pour avoir écumé les librairies depuis près de quarante ans, je trouve fort drolatique la soudaine indignation de certains libraires (mais il est vrai que c'est un gimmick de ce début de siècle, la hesselisation de la pensée...) à l'endroit du livre commis par Valérie Treirweiler. Que cet ouvrage soit puéril, mesquin ou ridicule, qu'il fasse l'amalgame du privé et du public, qu'il soit un brûlot de jalousie, qu'il soit d'une médiocre écriture et fruit d'un petit esprit (il ne fallait pas attendre grand chose d'une journaliste, et moins encore d'une journaliste de Paris-Match...), qu'il soit mensonger en partie (je n'en sais rien), tous ces griefs ne peuvent en faire un ouvrage mis à l'index commercial. C'est, pour tout dire, fort étrange.

    Et plus singulier encore, ce besoin d'afficher qu'on ne le vendra pas, comme s'il fallait à tout prix se faire un peu de publicité, en signant un refus au vu et su de tous. Les révoltés se devaient de le faire savoir. Dont acte. Quant à leurs motifs, pour ce que j'ai pu en deviner, ce serait, pour faire simple, la condamnation d'une littérature de caniveau, alors même que nous sommes en pleine rentrée littéraire justement.

    Pour pouvoir tenir une telle ligne, il faudrait a minima que la librairie ne se soit pas fourvoyée depuis longtemps, que la médiocrité de ces épiciers du livre (un peu comme les pharmaciens sont les épiciers du médicament. Monsieur Homais n'est pas loin), et l'inculture qui l'accompagne, n'aient pas fait des bonds vertigineux en quarante ans. Qu'à Lille on ne connaisse pas José Donoso, qu'à Dijon on ignore les Garnier Classique, qu'en Lozère, on en trouve pas Peggy (sic) dans la base de données, ces quelques exemples (1) vécus suffisent à mettre un bémol le sort fait au livre de Valérie Treirweiler. 

    Pour donne un poids à cette exclusion, il faudrait que ces mousquetaires à peu de frais aient depuis longtemps banni de leurs rayonnages Virginie Despentes et Guillaume Musso, Marc Lévy et Katherine Pancol, ainsi toute l'engeance des journalistes scribouillards (dont la spécialité est de proposer des biographies plates et faussement surprenantes), toute cette production qui ferait d'excellents torche-cul (pour reprendre Rabelais). Du temps de ma jeunesse, quand j'allais visiter mes nourricières, il eût été impensable que celles-ci s'abaissassent à vendre de telles engeances. Elles se fussent senties comme des receleuses, refourguant de la fausse monnaie, celle dont Baudelaire a si bien su parler.

    Mais les temps ont changé et il faut bien vivre. Je vois beaucoup de médiocrité dans les rayonnages des librairies : un recul progressif de la littérature, une place quasiment inexistante pour le théâtre et la poésie, la confidentialité des ouvrages critiques. En revanche, des livres avec des bandeaux où l'on vous montre des visages qui peuvent être vendeurs, comme sur les pochettes de disque, il y en a à foison. Je repère beaucoup de libraires qui ne lisent pas, ou si peu. Les exceptions sont de plus en plus rares...

    Dès lors, la réaction autour de Valérie Treirweiler (pour qui je n'ai aucune sympathie et qui a usurpé une place à laquelle elle n'avait pas droit. Une première dame de France est mariée, sans quoi c'est une concubine (2)) est une parade facile qui coûtera peu à ceux qui en usent. Ils auraient pu d'ailleurs le faire discrètement. Que nenni ! La publicité était nécessaire. L'affichage, dans les deux sens du terme, était une condition sine qua non. Tout cela est un peu ridicule et, dans le fond, n'est que le pendant épicier de la débâcle présidentielle. L'ère du faux brille de mille feux et le moindre quidam, dès qu'il le peut, cherche la lumière. Aujourd'hui des vendeurs de livres. Demain qui ?

     

    (1)Je ne parle pas des libraires qui ne lisent pas, ni de ceux qui font mine de lire et vous recommandent chaudement Anna Gavalda et Laurent Gaudé

    (2)Est-ce d'ailleurs pour cela que, concernant sa séparation d'avec Moi je, le mot répudiation revient sans cesse ? Étrange confusion qui nous ferait penser que dans ce pays c'est le droit islamique qui fait référence...

  • Le fil

    Le livre a sommeillé cinq ans, dix ans, plus peut-être, tu ne sais plus. Son titre, sur la tranche, régulièrement devant tes yeux. Tu y pensais, mais passais ton chemin pour un autre pays quelques rangées plus loin. Puis, un matin, ta main s'est tendue vers lui. Était-ce plaisir ou obligation ? Un peu des deux. Tu voulais retrouver une phrase rêveuse et incisive. Mais ton attention est sortie de son cours parce qu'avant même de le feuilleter tu as repéré le rectangle (à peu près) de papier déchiré. Un marque-page de fortune. Rien à voir avec le signet d'un libraire ou quelque cartoline impressionniste. C'est un autographe jauni sur un papier quelconque. Tu as coutume de laisser traîner tes marques : futiles, lourdes, insignifiantes ou mystérieuses. Une liste de courses, cf Spinoza, un prénom qui ne t'évoque rien, un autre dont tu sais quel il fut pour toi, une phrase illisible (pour constater que ton écriture a changé), un numéro de téléphone, un semblant de dessin. Tu prends le temps, c'est selon, de chercher (en vain) ce que tu as perdu, de savourer ce que tu as retrouvé, de creuser ce qui t'empêche, là, de retrouver la phrase initiale, dans un mélange d'étonnement et de volupté...

    Ces traces n'ont rien à voir avec les annotations dont tu parsèmes les livres eux-mêmes : commentaires, renvois, croix, flèches, points d'interrogation. Elles sont les restes intersticielles de ta propre vie. Peut-être un bout de papier qui traînait et qui aura fait office de. À moins que ce ne soit l'irruption du monde dans ta lecture, quand, soudain, tu es traversée d'une préoccupation urgente, parfois prosaïque (ne pas oublier une course), parfois plus symbolique (le texte a réveillé un pan ankylosé de ta mémoire). Le plus étrange, en fait, est que ce papier, tu l'as laissé dans les pages du livre, comme s'il avait continué de signaler une pause, alors même que tu sais, sans l'ombre d'un doute, que tu es allé au bout de l'œuvre. C'est pourquoi tu lis et relis les deux pages en vis-à-vis que désigne le morceau de papier. Mais tu ne trouves rien de particulier. Il faut croire que le hasard entre dans la composition de la fiction qui fonde ton passé. Tu relis et rien ne vient. 

    Tu as perdu le fil et plus tard, quand tu te décides à revenir vers ce livre, en entier, en commençant par la première page, tu comprends que si l'architecture du texte t'est connue, le chemin que tu suis mêle souvenirs et (re)découverte, à la manière d'un labyrinthe dont certains points te sont familiers, mais sans être tout à fait sûr que tu sois passé de la même façon par ce chemin, et dans le milieu d'après-midi pluvieux, quand on sonne à ta porte, tu prends un petit bout de papier, pour marquer l'interruption, et tu souris : il es vierge de toute écriture...

  • Prophète ultra-moderne

     

    steve jobs,lecture

    Claudie Hunziger, Bibliothèque en cendres, sans date






























    "Bientôt plus personne ne lira"

    (Steve Jobs, interview au New York Times, en date du 15/01/2008)

  • T...

    Tout finit par se savoir, me glisse la nonne, très belle, en achevant son mille-feuilles. Pas étonnant que Dieu soit en perte de vitesse.




    Les commentaires sont fermés.