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  • L'optimisme imbécile des temps de crise

    Je ne sais s'il faut en rire ou en pleurer. En rire, sans doute, avec toute l'ironie mordante de celui qui n'a plus d'illusions depuis longtemps, parce que l'arbre est pourri des racines à l'extrémité des branches.

    Adoncques le Covid-19, au-delà de la peur et des morts, a provoqué l'émulation de toute une armée de révolutionnaires : écolo, altermondialistes, pacifistes, philosophes de la démocratie, libéraux "responsables", et j'en passe. Ces belles personnes voient par le biais de ce péril un moyen, voire une opportunité (passons les morts pour par pertes et profits. D'un mal surgit un bien, on le sait...), de changer la société. Il faut infléchir la mondialisation, penser le monde d'après, réintroduire l'homme au centre de tout, réindustrialiser nos démocraties, tailler des croupières aux faiseurs de fric,... La litanie des bonnes intentions et des oracles est grandiose. Toutes ces éminences, grises, vertes, roses, rouges, arc-en-ciel sont remarquables de bêtise. Elles revoient le système, l'amendent, pour en garder le meilleur. Comme si la structure n'était pas le fruit de ceux qui y participent, y collaborent, s'y complaisent.

    Le Covid-19 est donc l'ange exterminateur de l'individualisme forcené, du profit maximal, de la globalisation honnie. On aimerait y croire (ou pas, d'ailleurs). 

    En attendant, méditons cette anecdote. Les Français se sont confinés depuis quinze jours. Ils étaient sérieux (plus ou moins), volontaires, solidaires et obéissants (plus ou moins). Au début de la troisième semaine, ils sont passés de victimes potentielles au statut de miraculé de la catastrophe. C'est alors que certains ont demandé aux urgentistes, aux médecins, aux infirmiers vivant près d'eux d'aller voir ailleurs parce que ceux-ci présentaient un risque. Ils se sont mis à bannir les personnes devant lesquelles ils auraient pleuré si on les avait amenés en urgence après s'être effrayés d'une fièvre méchante et d'une toux inquiétante.

    Dès lors, on comprendra mon scepticisme sur un possible bouleversement du paradigme économico-culturel, lequel n'est pas étranger, ce me semble, au désastre actuel.

  • Interlude

    « Les femmes, je suis contre, tout contre » (Sacha Guitry)

  • Aucun homme...

    Aucun homme n’est une île, un tout, complet en soi ; tout homme est un fragment du continent, une partie de l’ensemble ; si la mer emporte une motte de terre, l’Europe en est amoindrie, comme si les flots avaient emporté un promontoire, le manoir de tes amis ou le tien ; la mort de tout homme me diminue, parce que j’appartiens au genre humain ; aussi n’envoie jamais demander pour qui sonne le glas : c’est pour toi qu’il sonne.

               John Donne (1572-1631), Méditation XVII

  • Bien en face

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    Elle est bien en face, la fenêtre. Tu peux savoir que tu es là sans y être. Le bris de la vitre et le désordre à l'intérieur t'effacent, suspendent ton image. Ce n'est pas un autoportrait mais une métaphore, c'es-à-dire un signe qui s'est déplacé dans le sens et dans l'espace. La chose te soustrait. Il faut penser la mort ainsi, et ce n'est pas facile, de voir le moment où l'on n'est plus là et que les choses nous survivent, même celles que nous ne considérons pas. La moindre masure surpasse notre chemin. 

    La fenêtre, ou ce qui s'ouvre sur le monde, des théories de la perspective à celles de John Szarkowski sur la photo. Sinon qu'ici, c'est l'inverse : une fermeture ou une concentration. Tu l'as prise sans hésiter, en sachant que tu n'avais pas à chercher la meilleure place possible, parce qu'il ne peut y en avoir. Ton regard ne trouvera jamais ton corps, tu le sais. C'es au-delà que l'histoire se passe. A la fois tout et rien...

     

    Photo : Ph. Nauher

  • Les apprentis sorciers

    Bashung sort en 2002, après l'incroyable Fantaisie militaire de 1998, un opus crépusculaire intitulé L'Imprudence. Cet album est intégralement remarquable. La composition qui suit est exemplaire.


  • Les angles

    La rencontre de deux murs forme un angle, obtus ou aigu, le plus souvent droit, parce que c’est ainsi que l’on imagine la stabilité la plus grande et la lisibilité du monde la plus simple. L’angle droit est le propre de ce qui est carré, comme on dit. La netteté mathématique voudrait avoir une vertu matérielle et spatiale. Ce serait une manière efficace de confronter sans heurts les tensions.

    Mais ici, qu’en est-il ? Il y a le choix d’arrondir les angles, d’enrouler la rigueur putative de l’architecture dans une enveloppe qui contourne la percussion des plans. C’est l’enrobage, là où on attendait une arête. Un élémentaire qui, ainsi saisi par l’objectif, rappelle la charnière à spirales de quelque dossier à moitié ouvert, comme pour une exposition dans une vitrine.

    Cependant, l’esprit ne s’y trompe pas. Cet angle adouci subit le démenti de l’ombre qui mange le tableau et le transforme en pilier (pilier d’une hypothétique voilure de ténèbres : un mat qui ne monte pas au ciel mais descend vers les Enfers). Plus encore : ce sont les lignes à angle droit (même si la perspective peut fausser le jugement…), le quadrillage vitrifié qui donne une autre vérité. On y voit la trame, c’est-à-dire l’intrigue. Le texte du mur, du mur tel que le conçoit la modernité se dépassant elle-même. La structure y a la finesse d’une lame, la légèreté d’un fil, et pour le reste, il s’agit d’une opacité menaçante, l’impact glaçant de l’invisible.

    On note, çà et là, des îlots de clarté, où se condense le dehors qui ne peut, semble-t-il, aller plus en profondeur. Ce sont des formes illusoires, des concentrations impuissantes. Rien qui soit, de près ou de loin, similaire à l’ouvrage gothique d’une transformation de la lumière. Dès lors, l’angle des murs peut épouser la courbe la plus belle et nous détourner de l’essentiel…

  • L'image inaudible et virtuelle

    En écoutant Macron, hier soir, c'est-à-dire en entendant la confusion, l'incohérence et le souci de "tout" reprendre en main, coûte que coûte (et non pas, en faussaire de la Providence, "quoi qu'il en coûte"), j'ai repensé à ce texte de Claude Amey (peut-être à cause du dernier mot de celui-là...). Je voyais, plus que je n'entendais, une parole-image, qui n'en finissait pas, qui inventait l'horreur tout autant que la biologie la propageait (ou non). C'était la distorsion d'une guerre sans combat, d'un ennemi sans identité, tout ce qui était convenable pour un pouvoir sans autre réalité que sa volonté de pouvoir (c'est-à-dire de ne pas pouvoir, de n'en plus pouvoir...). Et je me disais, in fine, qu'il allait passer en boucle, Macron, que cette image occuperait le temps à défaut de maîtriser l'espace. C'était proprement un moment incroyable... 

    « L'image s'est décollée des choses en les emmenant avec elle, et décollée de l'art avec son aura ; elle n'est plus médiation mais radiation du tout visible ; l'image participe donc de l'immanence du monde et de la vision qu'on en a, non  pas seulement au sens d'avoir une image (une vision) du monde, mais au sens où l'image est aussi le fait d'une révolution de l'optique physique des appareils de vision -rappelons le télescope, le microscope, et aujourd'hui l'ordinateur et l'automation de la perception par exemple dans la recherche militaire (voir la guerre du Golfe), où il n'y a plus de regard, les choses voyant par elles-mêmes ce que l'œil ne peut percevoir. Ajoutons qu'à un niveau plus basique ou quotidien, celui du maniement de l'appareil photo, quand le photographe mitraille son objet ou que son corps danse autour de son modèle (comme on peut le voir dans Blow Up d'Antonioni), il devient en soi un mode optique entre la chose et l'image.

    La pluralité des appareils de vision à la subjectivité ou au virtuel, produit ce que Virilio appelle le « bloc-image », qui s'autogénère en cercle d'informations participant de la constitution de l'image du monde qui n'est donc plus son doublon ; en bref, on ne peut plus comparer les images et les choses, elles ne comparaissent plus les unes devant les autres en opposition dialectique, mais forment un bloc dynamique, comme une sorte de simulation générale doublée d'une contamination ».

    Claude Amey, « Le revers des images », Regards sur l'image, Klinsieck, 2009

  • Le sourire

    Ce que tu sais.

    Sans besoin de le voir, de le dire, de le vérifier...

     

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