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  • Murs (IX)

    Ce n’est pas le mur, ni son prolongement, mais l’habillage transitoire de la faille, de l’usure que l’on colmate, de la salissure qui répugne. Il fallait ravaler. La discipline décennale et l’artifice des Beaux-Arts.

    Faire propre le mur.

    A cet effet, on a sorti l’armature et d’étage en étage on entend le trincaillement tubulaire qui s’amplifie, pourvu que le vent prenne à sa charge le chant des hauteurs.

    Sur lesquelles le maçon règne comme vigie.

    Par souci d’esthétique, pour ne pas gâcher le paysage (et tout à coup, on y pense : le mur décrépi est digne d’intérêt. Panneaux, encorbellements, cariatides et décrochements…), on a tendu une toile commerciale plus ou moins transparente. On habille le mur d’un masque.

    Et face à ce qui est momentanément soustrait à notre regard, nous échafaudons l’histoire de nos souvenirs, quand nous sommes passés tant de fois dans cette rue ; et bien que nous nous fassions bien une idée de l’endroit, le degré d’incertitude existant suscite en nous une attente curieuse de ce qui nous était, au fond, indifférent.

  • Murs (VIII)

    La lézarde part du coin droit du haut du mur, pour descendre jusqu'au sol.
    C'est une cicatrice.
    Une veine.
    Le signe hasardeux et pourtant précis de l'histoire de cette façade.
    Elle témoigne de l'ébranlement tectonique qu'on ne sent jamais, qu'on n'entend jamais.
    Personne ne pourrait dire le jour de son apparition et maintenant, d'une certaine façon, il est trop tard. Il faut faire avec, jusqu'à l'impossible.

  • Murs (VII)

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    Photo : Philippe Nauher

  • Murs (VI)

    C’est un monument.

    On passe à côté. On n’y fait plus attention. Il fait partie du décor.

    Parfois, tu t’arrêtes, sans raison. Et tu commences à faire ton chemin dans la litanie des noms. Ici, une fratrie, peut-être ; là, des homonymes. A Prague ou à Vimy, le nombre t’a pétrifié. Il n’y a plus alors mesure d’hommes. Le mur n’est pas si haut, pour que tout puisse être lu, mais rarement tu t’es senti plus écrasé. Le mur ne raconte rien mais chacun des présents, dans son absence même, détient les clefs d’une histoire, la sienne, inconnue mais vive comme la mort qui l’a fait entrer dans le temps.

    Les lettres sont en capitales souvent. Le passé est lapidaire. Plein de gravité. Les noms des morts sont des entailles dans le silence et quand tu commences à les prononcer ils sont tout à coup litaniques, comme si le mur, au-delà de toutes ces identités, n’avait conservé qu’un seul mot, indicible, imprononcé, et pourtant là : c’est le ciment secret du mur, sa féroce identité.

    Un monument devant lequel on passe…

     

  • Murs (V)

    Il était jeune. Il faisait le mur. Il allait la rejoindre, au croisement des chemins du Terruel. Ils se dévoraient et lui revenait avant l'aube à l'internat.

    Puis il a mal tourné, comme disent les gens. Il connut les murs de la cellule et ceux de la cour de promenade. Qu'importe alors que le ciel soit bleu, gris ou nuageux, quand on ne voit pas la ligne d'horizon.

    Ce fut la guerre. Il résista, sans hésitation. On le plaqua, ainsi que trois autres, contre un mur, à complies, et on lui tira une balle dans la tête.