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Érik Satie n'est pas un grand compositeur, évidemment. Ses œuvres servent aujourd'hui très bien les intermèdes paysagers dans les documentaires où un écrivain se raconte, ou bien s'il s'agit d'évoquer une cité hanséatique, avec de belles images d'automne.
Les Gymnopédies, les Gnosiennes. Scies contemporaines pour émission de milieu de nuit.
Il n'empêche que Satie, axé qu'il est sur le rythme autant que sur la mélodie, est souvent mal joué. Cavalcade ou niaiserie. Et c'est dommage.
Les critiques ne furent pas tendre avec le rosicrucien et l'un trouvait que sa musique était sans forme. L'homme ne manquait d'esprit et composa ces trois morceaux en forme de poire qui suivent.
Places est un des plus beaux opus de Mehldau accompagné de Jorge Rossy et Larry Grenadier. Peut-être est-ce le fait d'avoir construit cet album autour d'une thématique à la fois unificatrice -transposer sur la portée l'esprit des lieux- et ouverte, tant la diversité des endroits évoqués est grande... Car il s'agit bien d'un imaginaire aléatoire qui peut réunir des lieux aussi étrangers les uns des autres que le sont Los Angeles, Madrid, Perugia ou Schloss Elmau, en Bavière.
Mais il y a chez ce pianiste une faculté à toucher ce qui lui est intime (d'une manière ou d'une autre, puisque tel ou tel endroit est choisi parmi les innombrables qu'il a pu connaître) tout en nous emportant dans une rêverie collective. Sur ce plan, la composition consacrée à Paris est saisissante. Le cheminement mélancolique, quasi début de siècle (le XXe, évidemment), est celui d'un matin silencieux, le lever du jour après une nuit blanche. Un hommage à Debussy, une traîne douce, et plus lointaine, de Chopin sans doute aussi. Il faut attendre que tout, dans le cœur, se remette en place. Les cafés un peu chic sont fermés ou presque. Reste une grande terrasse vide, où l'on sert un Armagnac qui vous servira de soleil, pendant que les nuages s'étirent. On s'amuse du va-et-vient qui papote crescendo. Un ami passe. Il surprend votre engourdissement, s'installe et vous raconte sa folle odyssée chez Marianne qui est complètement folle, mais si belle, si rousse, et elle vit, comme dans les romans, dans une chambre sous les toits, et même s'il a fallu déguerpir en quatrième vitesse, parce que son mec revient dans la matinée, et qu'elle redevenait sérieuse, il a ri, ri, en dévalant quatre à quatre les escaliers de la rue des Canettes, il en rit encore et vous riez avec lui...
Ce qui rend Brad Mehldau si particulier quand on l'écoute, c'est l'intériorité nimbant son jeu, une sorte de Sehnsucht indescriptible (mot qu'il a d'ailleurs choisi pour l'un de ses morceaux les plus réussis), bien plus précieuses que toute évaluation virtuose. Qu'il y ait chez lui une maîtrise de l'histoire du jazz doublée d'une culture classique est une évidence (mais il n'est pas le seul) et que cela traverse ses albums d'une manière saisissante, tout cela n'est pas le plus important.
Sa grande carcasse quasi repliée sur le piano est le signe le plus spectaculaire de cette intériorité qui file sur le clavier, parfois rapide, souvent lente, avec des notes détachées, comme si elles avaient été pesées, réfléchies encore et encore, à l'inverse du lieu commun définissant le jazz par le principe de la pure improvisation. Mehldau est un pianiste chez qui l'éclat n'est jamais totalement libéré au grand jour, mais la mélancolie toujours contrôlée, et la beauté qu'il nous délivre du bout de ses doigts n'est jamais aussi forte que dans la lenteur.
Il a fait des incursions dans l'univers de la pop en reprenant des morceaux de Radiohead : Exit Music (for a film), Paranoid Android, extrait du remarquable O.K. Computer de 1997, Knives Out, extrait du non moins intéressant Amnesiac, sorti en 2001. Sa reprise la plus connue concerne le premier titre. On le trouve dans un enregistrement studio sur le CD Art of the Trio (vol. 3) et en concert sur Art of the Trio (vol. 4) Back at the Vanguard. Cette dernière version, dépassant les huit minutes, est sublime mais on ne peut pas à ma connaissance la trouver sur le web. Il faudra donc se contenter de celle qui suit pour se délecter du bonheur qu'offrent Mehldau et ses deux complices de longue date, Jorge Rossy à la batterie, Larry Grenadier à la contrebasse, à délier une mélodie qui rappelle le Prélude, opus 28 n°4, de Chopin.
Mazurka, valse, scherzo... Des mots qu'on associe rapidement à Chopin. Rondo, moins. Il y a pourtant de belles pages quand il compose pour ce genre. Le numéro 3 allie langueur et énergie, lenteur et virtuosité, avec des touches de drôlerie qu'on n'attend pas d'un homme aussi sombre. En plus, l'interprète est Vladimir Ashkenazy...
Entre le fluide et l'aérien, le précipité (parfois) et le languide, un bonheur matinal, alors qu'un voile nuageux prend doucement possession du soleil. Debussy. Certains préféreront la version de Richter que l'on peut aussi écouter sur le net. Le choix (le mien s'entend) de Pollini est affectif.
Le 24 janvier 1975, Keith Jarrett enregistre le fameux Köln Concert. Certains crient au génie, d'autres lui reprochent un classicisme facile et donc un peu factice. Peu importe, en l'espèce, puisque le jazz n'a jamais prétendu, que je sache, prendre la place de ce qu'on appelle le classique, justement... Il y a dans l'entreprise de Jarrett, entreprise de pure improvisation, un délié poignant, une lenteur à laquelle l'auditeur se plie doucement. Est-ce si facile d'arriver à ce résultat avec ce parti pris ? Pas sûr. Pour se faire une idée (ou pour y revenir) en voici les dix premières minutes.