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Les abrasions - Page 3

  • Who's next ?

    Tu t'es précipité vers la bouche d'égout mais le temps, la clé des songes et les cendres de ta dernière cigarette avaient déjà filé vers l'inconnu. C'était sans doute un temps déraisonnable, comme l'écrivait l'autre guignol. N'empêche qu'une telle aventure ne pouvait pas ne pas laisser de traces. Tu crois que tu vas rafler la mise, avant de t'apercevoir combien tu es naïf. Tu t'es précipité : pas la peine d'ajouter une précision, un complément, une circonstance, ce qui aurait des allures d'excuse. La compromission commence à l'heure même où tu fais un geste pour sauver quelque chose.

  • Conjonctif

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    Jacques Villeglé, Bleu O Noir (1955)

    Tout ce qu'on ne peut pas arracher, restant à l'insoumission face à l'adversité du temps, d'une fragilité tout épithéliale sans doute mais précieuse. C'est très rigoureusement l'impartition de la mémoire, qui se déploie selon des trajectoires rappelant celles du bateau amené à tirer des bords pour remonter contre le vent.

  • Cortège

     

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    Paul Cézanne, Nature morte aux pommes et aux oranges (1898)

    Au soir du 24 décembre, elle avait le droit à une orange. Ce n'est pas du misérabilisme, mais la vérité. La vie. Et dans la coupe de fruits, sur la table, devant toi, les pommes et les oranges s'accumulent.
    Nous sommes pourtant loin de Noël. Dérisoire.
    Ayant désemparé l'histoire des autres, de nos précédents, nous nourrissons le vide de fruits anachroniques et sans goût...

     

     

  • Trafic

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    Une chose.

    Parmi d'autres choses.
    Un peu moins coloré que les choses qui l'environnent,
    parce qu'il n'est pas à vendre,
    ou qu'il s'arrange pour croire qu'il ne l'est pas.
    ou plus.
    Une chose qui s'assoit souvent
    sur les principes,
    par lâcheté, par lassitude,
    avant de voyager, de toutes les façons.
    Une chose, un matricule, un code, un identifiant,
    libre de ne pas faire de bruit,
    dans la salle d'attente d'un laboratoire
    d'analyse, où il se demande si
    le multicolore des chaises
    relève de la fantaisie médicale ou d'une stratégie
    dérisoire
    pour détendre les anxieux qui finiront,
    malgré tout,
    par avoir raison, un jour.
    La chose reste en suspens. Toutes les choses

     

    Photo : Philippe Nauher

  • Marée basse

    Parfois, le chagrin est là, comme un résiduel, la trace du sel qui agace ta peau après un bain dans la Manche. Ce n'est pas un reste qui te dérange, mais une démangeaison habile et souveneuse. Tu passes ta langue sur ton avant-bras. Un mélange de ce que tu es et de ce qui t'excède. Telle est l'histoire qui blesse et te bénit ; le jour faillit ; le pouvoir qui se volatilise et tu reprends courage...

  • La moindre des choses

    Est-il nécessaire que ce soit connu ? ou su ? Ne serait-ce même que lu ? Ce sera, en temps et en heure, dissous, ou rapiécé. On dira : quelle étrangeté ! Ou bien que cela rappelle un motif ancien, une phrase, quelque chose qui traîne dans la mémoire. Plus vraisemblablement : poubelle ! Il faut que la pièce soit débarrassée. Les nouveaux locataires arrivent la semaine prochaine. Ils ne veulent rien récupérer. Ils veulent faire table rase. Tabula rasa. Tout lieu, qu'il soit réel, physique, ou symbolique, quasi imaginaire (comme une page écrite ou une orchestration), doit finir sans encombres. C'est l'âme clinique du nouvel orgueil.

  • Puis on continue

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    Tu n'es pas le passant mais celui qui passe, parfois s'arrête pour l'imaginaire du paysage ou le désarroi de la pérégrination. Rien, aussi, sinon le semblant d'être ailleurs ; et tu regardes, au ras, l'asphalte atmosphérique le séparant de toi, celui qui ne saura jamais rien de plus à ton endroit, qui ne t'a même pas vu, et pour qui tu aurais pu laisser l'appareil  dans la sacoche...

     

    Photo : Philippe Nauher

  • La densité

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    La lumière vient de l'intérieur, d'une source à la fois située et inestimable. Tu la reçois comme un approximé. Au contraire de tout ce qu'on pourrait croire, rien n'est clair à cause d'elle, d'abord. Elle est l'alerte, quand tu passes dans la rue, dans l'après-midi qui s'incline devant le ciel d'orage grondant. La lumière est là, mais elle n'est pas, de toute manière, ton attente, ce qui dirige ton regard et fixe ton attention. Elle est certes le fond nécessaire, impérieux, en quelque sorte : ce qui permet qu'il en soit ainsi. Mais l'important est au devant d'elle, dans la dissémination des objets, selon une histoire que tu ne connais pas, La lumière n'éclaire pas la scène, pour en détailler les éléments : elle les dé-signe, pour les mettre en avant. Ils sont sur l'estrade, plus que sur le rebord de la fenêtre, ou sur des tréteaux de rangement collés à la dite fenêtre. Tu n'en sais rien, tu as des doutes et c'est à ce titre qu'ils deviennent des figures, qu'ils portent masque. Ils ne sont pas l'ombre d'eux mais se dessinent dans leur fragilité d'objets et se magnifient de leur basse définition.

    Tout procède de l'impolitesse de la vitre qui neutralise les efforts de la technicité que tu tiens dans les mains. Elle est la dérision de ton désir de précision, pour que tout soit net et qu'on puisse y voir quelque chose. Elle donne une densité qui n'a rien à voir avec le flou que tu pourrais fabriquer à partir de ton appareil. Elle n'en a pas la linéarité. Cette impolitesse varie selon un faussé qui a l'apparence de l'aléatoire. Chaque centimètre carré te semble un territoire propre, projetant un éclat particulier qui enraie ton regard et dans toute cette diffraction, tu t'accroches au goulot de la bouteille sur la droite et au haut du bocal sur la gauche, qui tranchent dans le quadrillage...

     

    Photo : Philippe Nauher

  • Levinas, sans tain

    "Le courage n'est pas une attitude en face de l'autre, mais à l'égard de soi" (Emmanuel Levinas, Liberté et commandement)