La transparence, ça nous regarde. Voilà bien la formule qu'on nous adresse du haut des assemblées, des couloirs dorés, des arcanes du politique. La transparence est notre droit, notre inscription égalitaire dans l'univers démocratique. Elle est la synthèse de nos pouvoirs dus par le monde qui parle pour nous. Le donnant-donnant. Homme normal ou arriviste vulgaire, ils viennent, comme des destins nus et purs le dire au citoyen : la transparence, ça vous regarde. C'est votre bien, votre blanc-seing nécessaire à notre crédibilité. Ils viennent avec comptes et bilans, dans leurs costumes inquiets d'hommes intègres, forcément intégres (et ce n'est pas tant leurs écarts qui troublent, nous ne croyons pas à la vertu du politique, moins encore à sa pleine lumière, mais leurs impossibles reconnaissances de pris-dans-le-sac.)
La transparence. Rien dans les mains, rien dans les poches.
La transparence, listée, légiférée, mise en scène, pour pas grand chose, en fait, car les mots doivent être remplis, être une matière et une épaisseur du monde, san quoi je peux aisément découvrir l'horreur réversible qui se cache, là et ailleurs.
Comme cette transparence qui nous regarde, à laquelle nous nous exposons, qu'on le veuille ou non, sur les réseaux, dasn l'organigramme insondable des connections, du numérique, de la vidéo-surveillance, de la structure eye fish de l'espace, de l'historique des appels, des indices de satisfaction, des numéros de transactions, des cryptages, des cookies, des bases de données, comme cette transparence de nous-mêmes à la machinerie marchande et sécuritaire, sécuritaire parce que marchande,
transparence sécurisée en zones, délivrant les plus nantis de l'angoisse, accroissant la terreur, ailleurs, entre miséreux.
Transparence qui nous regarde : terrible, reptilienne et fluide. La seule, l'essentielle, toujours plus galopante et que l'on masque et protège en offrant, sans même y croire tout en dramatisant l'annonce, cette autre transparence qui ne dit absolument rien du politique.
Photo : Elliot Erwitt