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hollande - Page 2

  • (presque) un anniversaire

     

    10 mai 1981,mitterrand,hollande,mélancolie,politique

    Ainsi dura le souvenir précieux de l'élection de Mitterrand, en 1981, dont le profil informatique, apparaissant à l'écran fut, pour moi,  pendant longtemps, l'émotion télévisée la plus forte, la plus bouleversante, même au tamis de la désillusion et de la trahison, émotion d'un 10 mai se perpétuant toutes ces annés, puis s'effondrant, par je ne sais quel enchantement, pour laisser la place à ce matin du lendemain, alors qu'il pleuvait fort, et que sous le préau, les lycéens que nous étions, silencieux et ravis d'une victoire qui ne nous appartenait pas vraiment mais que nous faisions nôtre, essayaient de comprendre ce qui changeait vraiment, sceptiques ou incrédules, je ne puis le dire, heureux encore d'être de gauche, y voyant une signification qui allait progressivement se perdre, ce matin du 11 mai, toujours intacte cependant, 11 mai resté dès lors l'anniversaire d'un événement quittant son éclat institutionnel et nationalement collectif pour n'être plus qu'un souvenir personnel autour de personnes laissées depuis sur le bord de la route, sans regrets, sans larmes, sans amertume, parce que c'est la vie, parce qu'il existe des choses impossibles, parce que certaines sensations, certains sentiments se (re)vivent seul, de toute manière, se poursuivent dans l'intervalle du quotidien, comme l'inégalité du pavé vénitien, et qu'il n'est peut-être pas plus grande valeur pour certains moments que de ne pouvoir plus jamais en parler...

     

  • Si la photo est bonne...

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    La spectacularisation du monde dont Guy Debord avait annoncé l'avènement continue son déploiement. Elle induit que nous remisions dans les armoires de la vieille morale des attitudes qui correspondaient à la common decency chère à Orwell. Que la politique soit une mise en scène n'est pas nouveau. Le XXe siècle et son cortège technologique ont  cependant donné une autre mesure au phénomène et le pouvoir a joué d'ingéniosité pour se mettre en valeur. Il y eut les causeries au coin du feu de Roosevelt mais tout cela est loin. Désormais la scénographie est permanente.

    On aura beaucoup glosé sur la neutralisation du tueur, Mohamed Merah  ; certains se seront fendus de quelques considérations sur le respect du droit, les principes nécessaires de la procédure judiciaire, le rôle ambigu de Claude Guéant. Il est certes fort étonnant d'avoir attendu si longtemps pour une opération dont il était prévisible qu'elle se terminât dans le sang. La complainte de ceux qui voient en chaque action politique le signe d'un fascisme rampant n'est pas nouvelle. Pourquoi pas ? Déplorer que le jihadiste n'en soit pas sorti vivant a des motivations douteuses. En ce cas-là, on invoque les nécessités de la justice, le refus de la vengeance qui bafoue l'humanité et les droits. Soit...

    Mais revenons un peu sur le spectaculaire de toute cette séquence meurtrière qui englobe l'assassinat de trois militaires français et celui d'enfants et d'adultes juifs. Les treillis et les cagoules du RAID, les bavardages journalistiques et politiques ne sont pas les seuls éléments qui interpellent. Prenez la cérémonie rendant hommage aux parachutistes abattus. Hommage de la nation, où déboulent, outre le candidat Sarkozy qui a revêtu pour l'heure ses habits d'exercice, quatre des têtes de série qualifiées par le conseil constitutionnel. Ces quatre-là viennent imposer leur componction et leur gravité en tribune officielle, pour signifier cette tarte à la crème de la nation réunie. Ils sont droits, sérieux, conformes à la circonstance. Mais au nom de quoi, au nom de qui sont-ils en tribune officielle ? Qui sont-ils pour pouvoir ainsi s'afficher ? On connaît la chanson : "je suis venu(e) parce que ma place était ici". J'exagère à peine.

    Je regarde cette photo. Que diraient-ils les uns et les autres si on déclarait que, pris dans la logorrhée de la nation recomposée, cela donne un côté photo de famille ? Ils répondraient que non. Sur la même estrade, certes, mais en définissant chacun sa différence, sa trop fameuse différence. Le problème est qu'ils sont venus sans autre légitimité qu'eux-mêmes, et eux-mêmes en candidat, en campagne. Ils sont venus planés sur des sépultures, discrètement, avec l'art des voix alourdies par la compréhension du chagrin profond vécu (vécu, lui, vécu, profondément) par les familles des victimes.

    Il n'est pas besoin de faire sonner cors et trompettes. Le spectaculaire est là, sous nos yeux, avec ces quatre silhouettes en noir, la main sur le cœur, jurant que c'est la compassion et le sens des responsabilités qui les ont fait oublier la bataille électorale. C'est vrai, j'oubliais : la campagne est suspendue. Pure ironie, évidemment : elle est la matière même de ce jeu compassionnel dont il ne faudrait pas être dupe. Ceux qui sont dans les cercueils n'avaient pas besoin de ces quatre-là. Ils ne sont, de droite comme de gauche, en cet instant rien d'autre que des quidams que le jeu médiatique a projetés au devant de la scène et qui essaient de rentabiliser leur position. De droite comme de gauche, je leur dénie tout droit de me représenter, d'être mon pays, d'être ma voix.

    Dans cette histoire, le pire de tous n'est d'ailleurs pas celui qu'on croit. Le pire, c'est le common man, qui, avec la même ignominie, la veille de cette cérémonie, aura imposé sa présence dans une école, pour la minute de silence décidé par Nicolas Sarkozy. Au-delà du ridicule de la copie (ce qu'en football, on appelle un marquage à la culotte),  on retrouve la même impudeur devant la mort. Une telle bassesse spectaculaire ne laisse rien présager de bon, et il faudrait une dose d'anti-sarkozysme primaire pour trouver à ce geste une grandeur politique. Oui, il faudrait être d'une cécité coupable et d'une mauvaise foi morbide pour me répondre qu'à sa place d'autres (entendons : le concurrent) aurait fait de même. Nul ne peut se prévaloir des turpitudes d'autrui pour cacher les siennes.

                                                                             afp.com/Pascal Pavani

  • De la couleur avant toute chose...


     

    Toutes les notes

     

    Il paraît que le candidat socialiste et son équipe ont eu besoin d'une boîte de com' pour en arriver là. On admettrait une explication un peu décalée de deux mecs en fin de soirée, vodka-red bull, sur un coin de table, à une heure de l'échéance. Mais pas du tout. DDBA et fils ont planché sérieusement pour si peu...

    Parce qu'invoquer le changement pour un parti de gauche relève de la tautologie. C'est leur fonds de commerce depuis toujours. La gauche, c'est par principe (du moins est-ce ainsi qu'elle se vend) la rupture avec l'ordre, la terreur, la tradition, la morale (à compléter selon son humeur). Encore faut-il reconnaître que l'esprit aventureux en a pris un sérieux coup. Le changement (de qui ? de quoi ?) n'est pas la révolution. Et Hollande ne promet donc pas à son électorat (et à la France) des lendemains qui chantent. Petit bouleversement en perspective, inscrit dans le choix typographique d'ailleurs, puisque ce mot est en caractère maigre, dans la taille la plus petite de l'annonce. Le roi de Corrèze est visiblement plus soucieux de nous annoncer le temps de l'événement : maintenant. Au cas où le peuple français aurait oublié que l'élection présidentielle était vendue comme la clé de voûte de notre prétendue démocratie. Un peu comme un gars qui rameuterait ses potes pour leur rappeler que samedi prochain, autant dire maintenant, c'est son anniversaire, qu'ils peuvent venir, sans oublier les cadeaux. D'ailleurs, il n'échappera pas à l'oeil que c'est moins le changement qui est signifié que l'équation entre maintenant (une affaire de timing) et François Hollande. C'est son tour, en quelque sorte.

    Il n'y a pas lieu de s'attarder sur la médiocrité poétique (au sens où l'entendait Jakobson) du message. Construit sur une allitération en /ɑ̃/, il révèle chez ses concepteurs un sens du rythme et du mot pour le moins simpliste. S'il s'agissait de marteler une signification, ils ont fini par la noyer dans une prosodie aussi lourde qu'inefficace. Le changement, c'est maintenant François Hollande... Ce slogan est poussif, à l'oreille comme à la vue.

    À ce niveau, on pourrait penser que la formule 2012 des socialistes ne nous apprend rien. Sur le plan de la rhétorique classique, c'est certain, et il faut une conviction de militant aveugle pour lui trouver l'écho mitterrandien de la force tranquille. Que nenni !

    L'intérêt est ailleurs. Dans un très intéressant article publié par l'UPR, on trouve une observation curieuse sur les couleurs du logo UMP

     

    Le bleu et le rouge choisis par le parti héritier du gaullisme ne renvoient nullement à ceux du drapeau tricolore mais ont leur correspondance dans le domaine américain, ainsi qu'on peut le constater dans les exemples suivants

    http://www.u-p-r.fr/wp-content/uploads/2011/09/s3_US_logos.jpg

     

    C'est aussi l'étrange choix du candidat François Hollande. Le rose (et la rose au poing) qui fit la signature du parti dirigé par lui pendant dix ans a disparu pour une conformité chromatique anglo-saxonne. Peut-être une façon subliminale d'indiquer un changement à l'américaine, comme quelqu'un qui voudrait accompagner le mouvement libéral. Une manière d'annoncer la couleur sans le dire vraiment...

     

  • Sans idéologie (groupe prépositionnel)

    Le communisme de type stalinien et le nazisme, outre les horreurs dont ils sont directement responsables, nous ont laissé un héritage politique qui a mis à un certain pour éclore mais dont la puissance a en quelque sorte procédé du temps qu'il a pris pour accoucher. Il aurait sans doute été catastrophique que la Révolution russe échouât rapidement dans les premiers revers de la NEP et que Marx pût demeurer un auteur dissociable du goulag. Heureusement Joseph le Géorgien a mise les petits plats dans les grands et la liquidation fut sanglante à souhait. Comme, en plus, il eut le bon goût de s'allier ouvertement avec Hitler (ce qui est, cynisme pour cynisme, un courage qu'on doit lui reconnaître : celui de ne pas avoir fait semblant, comme tant d'autres, Anglais et Américains en tête, lesquels savaient depuis longtemps le sort qu'on réservait aux Juifs, aux Tziganes, sans plus d'émotion), il permit de faire un trait d'union entre les deux horreurs et de faire de Marx, mort en 1883, la statue du Commandeur des désastres sibériens, et cela n'est pas sans conséquence (1).

    Je ne suis pas marxiste. Pas en tout cas sur le modèle crispé et douteux d'un Badiou, par exemple. Mais il me semble que le travail d'effacement qui concerne certaines de ses analyses quant aux antinomies radicales et violentes d'une société en mode libéral est suspect, pour le moins... Les antagonismes qu'il mettait en lumière entre la classe dirigeante et la classe ouvrière (inutile d'entrer dans le détail d'une société qui avait créé suffisamment de strates intermédiaires pour consolider le système) n'ont pas, me semble-t-il, disparu. Mais il est clair que l'histoire du XXe siècle peut aussi se concevoir comme celle d'une lente acceptation de l'ordre libéral sous couvert d'une liturgie du progrès (sur laquelle on reviendra sous peu parce que W. Benjamin a écrit de fort intéressantes choses sur ce point). Tout le monde constatant que sa situation s'améliorait, ou pouvait s'améliorer, ce qui n'est pas tout à fait identique, chacun a déduit que l'humanité allait dans le bon sens (et il y aurait à gloser sur la polysémie de cette expression, parce qu'elle permet de plaquer sur la flèche de l'histoire une morale donnée comme une quasi évidence...).


    L'effondrement du communisme, la chute du Mur de Berlin, le discrédit jeté sur l'analyse marxiste ont pris du temps et cette lenteur a permis que le  libéralisme nouveau visage puisse prendre l'allure de l'évidence et de s'interpréter, dans une hypocrisie qu'il faut dire remarquable, non seulement comme l'inversion radicale de l'interventionnisme étatique, mais aussi comme une idéologie en négatif, celle qui, plutôt que de forcer la nature (et du monde, et des hommes) se ralliait à l'évidence des faits. L'idéologie a ainsi pris la forme du pragmatisme. Pas n'importe quel pragmatisme, bien sûr ! Celui d'une approche comptable et inégalitaire (sur ce plan, on a avec subtilité substitué l'équité à l'égalité...) qui impose aux individus de s'en remettre à une lecture imparable du monde. C'est ainsi que toutes les réformes allant dans le sens du libéralisme radical, depuis plus de vingt ans, ont été faites selon le principe d'un nécessité impérieuse, presque la mort dans l'âme pour ceux qui s'en chargeaient, comme s'il ne pouvait en être autrement. Telle est la teneur du sans idéologie dont on nous rebat les oreilles désormais pour réformer les retraites, le code du travail, le système social et hospitalier, les indemnisations chômage, le système scolaire, la fiscalité des entreprises, etc., etc., etc.. Il faut avoir entendu nos hommes politiques de gauche comme de droite masquer leur soumission aux marchés (la crise des subprimes et les problèmes de la dette en sont des exemples flagrants) derrière le souci d'un traitement efficace (pour qui ?) des difficultés de la société contemporaine pour se convaincre que leur pragmatisme est d'abord un discours contre l'égalité.

    Prétendre que les choix qui ont été faits depuis le déclin soviétique (n'oublions pas que la résistance afghane, dont les talibans, furent largement financés par l'Occident, les Américains qui voyaient là une occasion d'amener les communistes au cimetière...) relève d'une logique de bon sens, d'une gestion quasi domestique des problèmes est une belle escroquerie (et l'on a ressorti avec bonheur que l'économie (2) venait étymologiquement de l'oikos, de la maison, et d'une façon pourtant fort brutale, la gestion domestique est devenue une référence : être responsable, c'est penser en père de famille entreprenant).  Encore fallait-il, pour que l'escroquerie marchât, que l'idéologie, comme mot, fût discréditée et que son identification à la terreur la plus noire fût sûre... Les plus staliniens ne sont pas forcément ceux qu'on croit.

    L'analyse structuraliste aura au moins eu le mérite de poser comme principe que l'absence n'était pas rien, qu'elle pouvait être signifiante, qu'elle prenait place et sens dans un cadre défini. Si l'on accepte ce principe, le sans idéologie est un avatar discursif de l'idéologie. L'évolution des modèles européens en porte la trace. Il y eut dans le milieu des années 90 une majorité de gauche parmi les dirigeants politiques des pays concernés. Cela ne changea pas grand chose (pensons à Blair. et à Jospin...). Et si la prochaine élection présidentielle française a un sens, dans la mesure même où ses deux finalistes présumés (Sarkozy et Hollande) se veulent des pragmatiques, c'est celui d'un choix libéral plus ou moins nuancé (et plutôt moins). Ce n'est plus une opposition droite-gauche mais, selon les anciennes distinctions, un choix droite-droite. Il est certain que l'électeur, à ce titre, peut aller voter sans idéologie. D'ailleurs, depuis le référendum sur la Constitution, on aura compris qu'on ne lui demande plus vraiment son avis...

     

    (1)Il est maintenant de bon ton de railleur le pauvre Karl. Mais on est toujours d'une indulgence nauséabonde avec le père Heiddegger. Il est vrai que pour certains de ses défenseurs, ils ont un passé qui plaide en faveur de leur bêtise radicale.

    (2)L'économie a aujourd'hui, pourrait-on dire, deux sens antagonistes. Dans une visée mondialisée, dans une vision globale et anonymé (comme quand on dit : l'économie française, ou chinoise, ou américaine, va bien) c'est l'expansion à outrance. Pour le quidam, à un niveau microcosmique,  c'est subir l'économie, lui apprendre à faire des économies (non pour qu'il en est réellement mais pour que les coûts de production diminuent à ses dépens).