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liberation

  • Orientation d'un inculte

    La semaine passée, sur I-télé, le hasard (s'il existe) m'offre l'occasion d'écouter un débat "d'éditorialistes". Une sorte d'affrontement gauche-droite, aussi factice dans le milieu des journaleux qu'il l'est dans le milieu politique (1). Et le hasard se combinait avec la chance puisque l'un des deux artistes était Laurent Joffrin. Celui-ci sévit dans le paysage médiatique français depuis trente ans. Il en est un des représentants les plus superfétatoires. Baudruche gauchiste dans le sociétal et libéral éclairé au niveau économique. Rien que du classique.

    Comme tous les gauchos patentés, sa signature, à défaut de l'intelligence, est l'indignation. Signature qui, au passage, est une exclusive : un homme de droite, ou pire : d'extrême-droite, en est sui generis privé. L'indignation est le point de Godwin de ces gens-là, leur structuration mentale par quoi tout passe, en bouillie ou en purée. Pour le coup, Joffrin était indigné. La question portait sur l'appel de Denis Tillinac concernant la préservation des églises françaises, appel paru dans Valeurs actuelles. Pour les lecteurs de ce blog qui ne seraient pas au courant, voici l'affaire.

    Il y a quelques semaines, le président du CFCM, le si modéré (?) Dalil Boubakeur, accessoirement recteur de la mosquée de Paris, proposait de récupérer les églises abandonnées pour combler le déficit de mosquées. En clair, ce qu'on appellera non une transformation mais une conversion du lieu. Celui-ci, devant un certain nombre d'indignations, a rectifié le tir en disant qu'il s'était mal exprimé. On ne glosera pas plus avant sur cet essai malicieux pour tâter le terrain d'une possible islamisation du territoire à travers ses lieux symboliques, lesquels ont donné à la France une identité architecturale, intellectuelle et morale que les islamo-gauchistes et les francs-maçons s'ingénient à nier, selon une démarche révisionniste ahurissante.

    Devant cette inquiétante tentative de radicalisation (2), l'écrivain Denis Tillinac a donc lancé son appel. Et Joffrin évidemment de crier à l'intox, au faux débat, au détournement. Tout cela .organisé par des hommes (et des femmes) d'extrême-droite : il suffit de nommer l'écrivain Jean Raspail pour que le tour soit joué. Ce ramassis de réac fachos n'ont rien compris et ils épousent, peu ou prou, la ligne incarnée par une lepénisation des esprits. Denis Tillinac, dont j'avais déjà défendu la position sur ce blog, est encore une fois cloué au pilori. La parole de Boubakeur n'est pas à prendre au premier degré ; celle de Tillinac si. Le propos de Joffrin n'aurait rien de particulier et ne mériterait pas qu'on s'y arrête si cet idiot, ivre de sa bêtise, ne se donnait pas le droit d'être spirituel. Il explique alors que beaucoup des églises sont dans un axe est-ouest, tournées vers l'Orient, vers Jérusalem. Dès lors, Jérusalem ou La Mecque, c'est un peu la même chose. Sublime, forcément sublime, pour plagier la bonne Marguerite Duras...

    Ces considérations sont du même tonneau que celles de Boubakeur, pour qui l'islam et le christianisme sont des cultes voisins ! Balancées avec la présomption de l'inculte (nul sur le plateau ne rectifie), elles procèdent par amalgame (mot à la mode) et sont le fruit d'une ignorance crasse. Si le petit Joffrin avait un tant soit peu de culture, il saurait

    -que l'orientation (qui vient effectivement du mot orient) est-ouest est un classique architecturale ; que sa pratique se retrouve dans d'innombrables civilisations. Cela établit le rapport très ancien de l'homme à la nature, et notamment au soleil. Le porche du Temple de Salomon était déjà tourné vers l'est, ainsi que le précise Ezéchiel. La question de Jérusalem, qui n'est d'ailleurs pas l'est universel, selon la latitude où nous nous trouvons, est ridicule. Elle ne fonde pas l'édification des églises occidentales.

    -que la thématique de la lumière organise effectivement l'orientation des édifices chrétiens répond aussi à une symbolique déterminée par la figure même du Christ, "soleil de justice". Il est "la lumière du monde", ainsi que l'écrit Jean. L'architecture est donc le relais d'un discours spirituel et théologique spécifique à la chrétienté.

    De cela, Joffrin, en bon renégat de la culture millénaire qui a bâti l'Europe, fait des raccourcis à seule fin de nier une réalité historique et intellectuelle à laquelle ses accointances islamo-gauchistes voue une haine sans bornes.

    Peut-être n'aurais-je pas signé l'appel de Denis Tillinac (la pétition n'est pas mon fort), mais la bêtise mortifère de Joffrin ajoutée aux souvenirs littéraires des inquiétudes, il y a un siècle, de Proust et de Barrès, devant la ruine des églises, m'ont incité à le faire...

    (1)Si l'on veut comprendre rapidement cette identité sous la fausse garde des débats dits contradictoires, il suffit de regarder quelquefois les deux chaînes d'infos en  continu : BFM et I-télé. La première est vaguement de droite, l'autre vaguement de gauche. Mais dans les limites très étroites d'une doxa européenne et libérale qui les fait se ressembler comme des sœurs jumelles. Ceux qui y voient des différences imaginent donc que Ruth Elkrief et Laurence Ferrari pensent. Fichtre !

    (2)Radicalisation, en effet, parce que le sieur Boubakeur est fort silencieux quand il s'agit de défendre les chrétiens d'orient, et plus encore les chrétiens d'Algérie, lesquels sont persécutés au milieu d'un silence condamnable.

    (3)Il dirige Libération. Que dire de plus ?

     

     

     

  • Tour d'égout

     

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    Deux âmes délicates se sont indignées par mail privé de ma pique contre Libération dans le billet précédent. Pourquoi tant de haine au fond ? Certes... N'argumentons pas durant des heures. Un exemple suffira.

    Le lecteur en cliquant sur ce lien (Libération) pourra lire le témoignage d'un français parti faire le jihad en Syrie. Ce journal, dont la haine de tout ordre (sauf s'il a des références catholiques) va jusqu'à nous éclairer complaisamment sur ce que sont les blacks blocs, se fait donc la tribune d'un homme qui, parti de Seine-Saint-Denis, parle de sa "nouvelle "famille" d’Al-Qaeda". N'est-ce pas merveilleux ? C'est sans doute la contribution de ce torchon aux fameux printemps arabes.

    Le caractère socio-anthropologique de ce choix n'échappera à personne. Il s'agit de rendre plus compréhensible le droit islamiste à la révolte. On hésite entre la fascination pour la terreur et la complicité idéologique. Évidemment, on imagine sans mal combien les journaleux héritiers de July auraient hurlé si Le Figaro avait à l'époque du déchirement de l'ex-Yougoslavie donner quelques pages pour que s'épanche un soldat de Milosevic ou je ne sais quel Rambo croate...

    Mais tout le monde sait que depuis toujours les gauchistes sont les seuls à distinguer le bien du mal...

     

    Photo : Marco Quinones

  • De la respiration démocratique artificielle

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    Libération a des problèmes, des problèmes financiers. Cela attriste : la démocratie risque de perdre beaucoup dans l'affaire, comme si l'arc-en-ciel perdait une couleur et que le gris gagnait encore un peu plus dans le décor. Une voix qui s'affaiblit, c'est un peu de nous qui meurt. Etc, etc, etc.

    On peut ainsi enfiler les perles. Trois phrases suffisent. Revenons au sérieux.

    Le fait est que Libération se meurt, faute de lectorat. Des ventes au numéro en baisse de près de 40 %. En clair, ce journal commence à devenir confidentiel, de bien moindre importance que certaines publications régionales que l'on regarde comme du menu fretin. Les intellos gaucho-parisiens continuent de la jouer influence-référence-contre-culture, alors qu'ils marinent dans un bassin à poissons rouges. La disparition de Libération ne serait pas un malheur en soi. Ce serait même plutôt une bonne chose, une sorte d'hygiène dans le paysage de la manipulation et de la fausse monnaie. Que quelques énergumènes à la Demorand (1) se croient encore le droit de faire entre Châtelet et le Rostand la pluie et le beau temps de ce qui doit être (bien) pensé est pénible. On peut toujours espérer qu'un jour l'escroquerie cesse. Mais ce n'est pas garanti.

    Il y a, ainsi, dans notre démocratie des zones de non-droit d'inventaire où la suffisance gauchiste échappe aux lois. Même à trois dans une cabine téléphonique, péronnelles et moineaux se croiront le centre du monde. Sur ce point, Libération partage un grand privilège avec nos amis écolos, les mesdames et messieurs 2,5% du suffrage universel, à qui on fait la part belle, en rétribution sans doute de leur rôle supplétif à une majorité bancale et sans ligne politique (mais pour l'économique, si : le bateau ultra-libéral sous spinaker). Les Verts sont l'exemple emblématique d'une démocratie fabriquée et confisquée, comme Libération est le signe d'une interdiction au débat que l'on voudrait maintenir coûte que coûte.

    Demorand et Cécile Duflot ont le même profil. Des gens de peu représentant d'abord eux-mêmes auxquels la magouille politique et médiatique accorde des droits exorbitants. C'est, paraît-il, à ce prix que nous respirons démocratiquement. Quand ils ne seraient pas là, ni l'un ni l'autre, est-il sûr que nous aurions besoin d'un masque à oxygène ? J'en doute...

     

    (1)Lequel en est à sa troisième motion de défiance de la part des journalistes qui lui reproche, entre autres, son autoritarisme (ce qui amuse de la part d'un chantre de l'harmonie, du respect de l'autre, et autres boniments droits-de-l'hommiste...).


    Photo : Stuart Franklin

  • Benoît XVI et Daniel Darc

     

    C'est curieux, parfois, d'être loin, même si la distance est modeste. Mais simplement dans un endroit où la langue maternelle ne circule pas et qu'on ne fait pas attention aux kiosques à journaux, pour guetter des nouvelles de chez soi. D'être à l'étranger, et de trouver cette situation assez reposante, parce qu'elle n'a pas besoin d'éveiller en vous une tension, un mouvement d'indignation. Il y a comme une manière, même, de relativiser, d'ajouter une couche à la dérision de ce qu'on nous monte en épingle, qu'on nous fait prendre pour l'alpha et l'omega du monde, parce que nous ne cessons jamais d'être au centre, et de tracer des ronds autour de ce cœur hypertrophié. Pourquoi pas ?

    Mais rire, donc, de suivre à la RAI la déconfiture politique jusqu'à l'extrême du jeu démocratique, de voir des gens débattre sur ce qu'il faudrait désormais engager comme réforme pour qu'on sorte de ce bourbier, et qu'un vulgaire Cavaliere puisse sans cesse être sur le retour, et que le premier parti péninsulaire soit aujourd'hui celui d'un comique qui vitupère, charge, crie, éructe en voulant renvoyer tout le monde a casa.

    On s'engueule sur les plateaux télé, on réclame qui Monti, qui un nouveau vote, qui un gouvernement d'union nationale. C'est comme ici, le ici de chez vous, de chez moi. La duplication d'un air qu'on a connu. Seule la version change, je veux dire : la langue. Encore faudrait-il dire : l'idiome, car sur le fond, c'est la même langue de bois, la même putréfaction.

    On hésite entre le désarroi, de cette classe politique à demeure alors qu'elle pue de tous ses pores, et le sentiment honteux qu'il s'agit d'un état général, que ce serait même, peut-être, le fondement de la démocratie : des crabes, une marée basse, la vase, des urnes...

    Sur la RAI, c'est Grillo, le trublion, dont l'establishment attaque le populisme. Air connu qui rappelle à chacun des jours passés. Grillo, c'est, à certains égards, le Le Pen spaghetti. Pas le même bord, pas les mêmes idées (pour le si peu qu'il en développe), mais la même indignation contre lui des gens sérieux et responsables, ceux du déni démocratique de 2005, ceux de l'euro contre les peuples, ceux du parlement bidon à Strasbourg, ceux de l'espace Schengen, ceux du libéralisme à fond la caisse...

     

    grillo.jpg 

    Sinon, il y a CNN, et là, c'est Benoît XVI resigns, avec vue sur la place Saint-Pierre, les dernières minutes pontificales, John Allen qui développe des hypothèses, le cardinal Dolan ironisant sur ses chances, de comiques journalistes s'interrogeant sur les chantiers du futur pape : le mariage des prêtres ?, l'ordination des femmes ?, et alors, dit l'un, pourquoi pas des femmes évêques, archevêques, cardinaux et... Celui-là a dû relire La Papesse Jeanne de Lawrence Durrell en buvant un double scotch.

    On reste sérieux. Un homme se retire ; un homme qui a parlé au monde, qui parle encore au monde. Un vieil homme qui marche avec une canne, dont la diction est bien moins claire qu'il y a encore quelques mois, un homme annonçant sa révérence et son obéissance à celui qui lui succèdera, un homme ému au balcon de la résidence de Castel Gandolfo venant remercier les gens du lieu qui lui rendent hommage, leur parlant de ce qu'il est redevenu, « un simple pèlerin qui commence la dernière partie de son pèlerinage sur la terre » (1), avant de leur dire « bonne nuit ».

    Chaque soir, CNN essaie de creuser le mystère de ce renoncement et ceux d'un chapître imprévu (et imprévisible) de l'Église catholique et du monde. Chapître dont n'ont évidemment rien à faire les illuminés gauchistes dont j'avais oublié la logorrhée libertaire. Car, d'une certaine façon, j'en suis là : la RAI et CNN, Grillo et Benoît XVI, en version originale, sur les manchettes de journaux, aussi, me reposent de toute cette lie gauchiste qui s'arroge le droit de dire le vrai et le faux, le juste et l'injuste, le bon et le mauvais, l'original et le passé, le moderne et le réactionnaire, la tendance et le croupissant.

     

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    Je les oublie jusqu'au dernier jour, quand, sur le chemin de la gare, je m'attarde devant un kiosque. Le Monde, Le Figaro, Libération. Libération : son titre et le haut d'un crâne. Je tire le journal pour savoir à qui est dévolu cette pleine page. Et, en une fraction de seconde, je les retrouve tels que je les avais laissés (sinon qu'alors c'était le visage de Marcelu Iacub...) : pathétiques et creux. Daniel Darc est mort. Paix à son âme. Le journal est lui plus en verve. Daniel Darc en ciel (2). Que ne feraient-ils pas pour un jeu de mots...

    daniel darc.jpg

    Je ris, évidemment. Pour les gens de ma génération, Daniel Darc, c'est un minois un peu efféminé, une musique composée sur un orgue Bontempi (après trois leçons, on pouvait se lancer), Cherchez le garçon, le titre qui a fait connaître son groupe. Daniel Darc, c'est Taxi Girl. Rien de mémorable, et sans doute n'en aurais-je qu'un souvenir vague si un ami, au lycée, ne jurait que par eux. Taxi Girl, c'est un titre, dans un format musical d'une médiocrité confondante. Une chanson, et on ferme. L'après Taxi Girl est une odyssée cahotique entre la drogue et les tentatives underground pour resurgir quelque part. C'est de la mythologie de midinette, comme on peut en fabriquer au kilo, au mètre ou à la page. Cela s'appelle pisser de l'encre.

    Tout est dans la photo choisie, dans ce noir et blanc expressionniste, ce jeu facile et mille fois reproduit, d'un homme lumineux hanté par ses démons (3). La réactivation de l'artiste maudit.

    Et puis, c'est revival, pour les uns, et nostalgiques pour les autres. Parce qu'il ne s'agit pas de se méprendre. Libération et ses troupes ne détestent pas la nostalgie. Loin de là. Mais dans ce domaine encore ils décrètent. Le portrait de Daniel Darc en une est une forme d'appropriation multiple du passé (passé proche, il faut le dire). Nos jeunes années, nos premières soirées, le retour des années 80 dans les soirées branchées (4), la contre-culture, le rejet des conventions et des normes. Il y a dans la récupération de ce visage (parce que je ne suis pas certain que l'intéressé eût apprécié...) une manière de définir ce qui mérite hommage, ce qui fait la culture, ce qui fait le monde, ce qui fait le contemporain. Libération a le droit d'être nostalgique, parce que sa nostalgie est propre, digne, respectable. Elle ne se construit dans la culture bourgeoise, s'entend ; sa nostalgie est jeune, libertaire, vivante, et elle compte bien plus que les vieux débris qui s'émerveillent encore de la littérature (5).

    Le monde continue de s'entre-déchirer. La politique s'agite. Le désordre règne. Peu importe : une icône est morte. Pleine page ! Disons-le nettement : il y a comme un déficit dans la représentation. Aller chercher Daniel Darc pour faire la différence (6), c'est faire les fonds de tiroir. Il fallait vraiment ne pas faire un titre sur le départ de Benoît XVI.

    C'est, en effet, sur ce plan que l'affaire se joue. Ce chanteur est mort au bon moment. Une affaire de timing. Pour occulter le visage du souverain pontife, pour faire que rien de lui ne soit visible. À la place, un artiste. N'importe lequel, pourvu qu'on puisse broder sur lui. Le lecteur moyen pouvait comprendre les unes sur Bashung ou Salvador, sur Yves Saint-Laurent ou Michael Jackson. Mais Daniel Darc... Mais il meurt le 28 février, le jour où Benoît XVI renonce...

    Du coup, si l'on revient à la photo en une, on comprend mieux son choix. La croix tatouée. La vie tatouée à même la peau. Une spiritualité à même la peau. Pendant qu'un vieux con se barre à Castel Gandolfo, Libération (alleluia) nous offre une silhouette quasi christique. Un mec qui chante, qui vous chante, pas un has-been qui jacte en latin. Benoît XVI ou Daniel Darc : choisis ton monde, ta religion, ton temps...

    Y a-t-il lieu de s'indigner ? Pas arrivé à ce point. Cela ressemble trop à ce qu'est devenu Libération : un repaire d'adolescents attardés qui voudraient assujettir le monde à leur fantasme libertaire. Ils veulent être les seuls à dire ce que doit être le monde. Staline demandait : « Le pape, combien de divisions ? ». Ils en sont encore là. Ils sont pathétiques de puérilité.

    Mais le pire est que dans le marais du parisianisme, ils ont des appuis, et nombreux. Pas de doute que des gens bien, ouverts, à la nostalgie ciblée auront apprécié ce gimmick underground, cette ironie subtile (forcément subtile) qui efface le pape.

    C'est une manière de populisme mondain, fier cul et arrogant. Ils peuvent baver sur Grillo, ils peuvent baver sur le pape. Je leur préfère, et de loin, et Grillo et le pape (le présent et celui à venir). Ils sont, pour détourner Pascal, « inutiles et incertains ».

     

     

    (1)Ce qui nous vaut des traductions fausses, comme celle du Point qui écrit : « un simple pèlerin qui achève la dernière partie de son pèlerinage », ce qui n'est absolument pas la même chose. Passons...

    (2)Réutilisable pour Mireille Darc...

    (3)Pas lu une ligne de Libération, bien sûr, mais faut-il être grand clerc pour deviner ce qui s'y écrit.

    (4)Mais sur un mode distancié. La distance est un fondement de la distinction sociale. Relire Bourdieu sur ce point. C'est l'accordéon de VGE.

    (5)Libération fera-t-il une pleine page à la mort d'Yves Bonnefoy ? Je parie que non.

    (6)Certain qu'une telle une, ni Le Monde, ni Le Figaro, ni La Croix, ni même Le Parisien n'y auraient pensé. Les Inrocks, oui... Mais Les Inrocks....

  • La falsification en douce

    Dans son édition du 9 février 2011, Libération publiait un article sur les déboires de Michèle Alliot-Marie en Tunisie. Le papier n'avait en soi rien de très neuf. Il ne faisait qu'illustrer la bêtise ministérielle, son inconséquence, ou, ce qui est le plus vraisemblable, le mépris pour la chose publique. MAM est au quai d'Orsay et l'on se demande bien pourquoi si elle est ainsi ignorante des agitations du monde. Il est vrai qu'elle n'est peut-être là que pour achever un parcours politique exemplaire où elle aura été de toutes les fonctions régaliennes (un peu comme un footballeur qui aurait fait le tour des grands clubs).

    Mais la question de ce billet ne porte pas sur les reproches que l'on peut adresser à cette médiocre diplomate. Elle concerne le journal lui-même, que je ne lis plus depuis longtemps (ou si peu), rachitique et creux qu'il est désormais devenu. Il y avait fort longtemps que je ne m'étais commis à lire sa prose. Au moins ne m'y suis-je pas attardé pour rien... Pour accompagner cet article, une photographie, dans un format qui prend à peu près le tiers de la double page. C'est un portrait assez serré de MAM. Au cas, sans doute, où le lecteur idiot n'aurait pas compris ce qu'il lisait. Je m'y arrête un peu, sur ce cliché tant il est remarquable. On y voit une ministre impeccablement peignée, avec des lunettes noires, col ouvert avec un foulard discret : un petit air Catherine Deneuve qui n'aura jamais réussi à être aussi belle que l'actrice (il faut faire avec ce qu'on a). Elle esquisse un léger sourire, rictus si rare chez celle dont la rigidité, dans le physique et le phrasé, est remarquable. Elle n'a rien, bien sûr, de la vacancière en goguette, de madame Michu sortant de l'hôtel ou du camping. Mais on s'en doutait. Dans le contexte où cette photo apparaît le lecteur se dit que la mère MAM se moque du monde, qu'à l'heure où des peuples sont soi-disant à se battre pour conquérir leur liberté (je croyais moi qu'ils l'avaient obtenue à l'indépendance. Je suis bien naïf...) elle est tranquille à trimballer l'élégance française au soleil doux d'un hiver tunisien évidemment plus clément que le nôtre (pensez : il y en a à ce moment-là  (nous sommes en décembre quand elle fait son escapade coupable) qui sont en train de se morfondre dans des aéroports puisqu'il neige...). Oui, ce photo est une incitation à demander sa démission, à crier à l'irresponsabilité étatique. Dehors MAM, vais-je mettre sur une banderole, remerciant Libération d'avoir avec beaucoup de pertinence démasqué celle qui fait passer mon pays pour un ami des puissants et des violents (alors qu'on nous rebat les oreilles sur la France et les droits de l'homme et phare du monde)... Il est évident que cette photo est une pièce à verser au dossier. Elle concrétise et synthétise le discours moral de ce journal anti-gouvernemental et joue sur l'immédiateté d'une visibilité à laquelle on délègue en quelque sorte la totalité du sens.

    D'ailleurs, la colère monte en moi (enfin presque) quand je commence à lire la légende qui, en blanc sur le fond de la dite photo, est écrite en petits caractères. Michèle Alliot-Marie en Tunisie... Oui, vraiment, à vous dégoûter de tout... Sauf que... en Tunisie en avril 2006. Oui, je lis bien : en avril 2006. Quand tout le monde s'accommodait très bien du régime de Ben Ali... Quel est le contexte de ce portrait souriant et guindé ? Des vacances ? Un voyage officiel ? Rien en tout cas qui puisse être objectivement et honnêtement rattaché à la situation présente, sinon que Libération nous informe (?) que MAM a déjà mis les pieds sur le sol tunisien.

    Alors ? Il s'agit de produire un effet, de cingler immédiatement l'esprit du lecteur d'un surcroît de mépris. L'information est nulle ; elle est même détournée. Le cliché est ici un exercice de falsification et le fait de légender la photo ne change rien. Il ne suffit pas aux diverses compagnies commerciales d'écrire en bas de page, dans des dimensions quasi illisibles, toutes les tables de leur loi, et de les invoquer ensuite, quand on veut presser le citron que vous êtes devenu, il ne suffit pas d'être en règle avec la loi pour ne pas être malhonnête. De même que le légal n'est pas le légitime... En procédant de la sorte et Libération n'est qu'un exemple, le journalisme fait la preuve de sa déchéance. En donnant de plus en plus de place à l'image, c'est-à-dire à ce qui se passe de commentaires, selon la bonne parole commune, parole creuse s'il en est, les journaux n'éclairent en rien les arcanes de la démocratie ; ils s'effacent un  peu plus chaque jour de l'ambition qu'ils affichent : informer, aider, libérer, pour n'être plus que les promoteurs de leur propre nécessité. Les quotidiens de la presse écrite française sont devenus aussi pauvres qu'est légère leur pagination.  Le texte n'est plus leur unique préoccupation. Pour qui les lit de loin en loin, on se dit qu'on n'y perd rien...

  • Gratuits (substantif pluriel)

    Je me souviens d'une époque où j'achetais quotidiennement Libération et lisais fort régulièrement Le Monde. Cela demandait une certaine énergie, et un temps tout aussi certain. Il y avait matière, comme on dit. L'amaigrissement de l'un et de l'autre, en regard de leur appauvrissement sur le fond, a-t-il un lien avec l'affaiblissement de leur lectorat ? De toute manière, ce qu'on appelle habituellement la presse se porte mal, et ce depuis assez longtemps. Heureusement, bouée de sauvetage devant l'ignorance qui nous guetterait, ces dernières années ont vu émerger les gratuits. Distribués dans la rue, devant les bouches de métro, à des endroits dits stratégiques, nous avons désormais l'embarras du choix. Une vraie délectation par laquelle nous pouvons joyeusement nous retrouver dans le bus avec une double, voire une triple, ouverture sur le monde... Les gratuits, c'est, mutatis mutandis, sa boîte aux lettres remplis de publicité, mais dès le lever du jour, au moment où l'on part au travail. Bonheur, dis-je...

    La médiocrité, et le mot est faible, de cette offrande informative est telle qu'elle ne mérite même pas qu'on s'y arrête : collage de coupures d'agence, publicités à tour de pages, accent mis sur le divertissement (programmes télé, mots croisés de force -3, sudoku et horoscope...). En revanche, il est très remarquable que l'appellation de «presse gratuite» ait tendanciellement reculé au profit (si j'ose ce modeste clin d'œil) de la plus elliptique désignation de gratuits. L'économie de cette désignation indique clairement que le contenu, anecdotique, n'est pas l'élément le plus attrayant, dans l'histoire. L'essentiel est ce lien démonétisé de l'information et du «lecteur». Le gratuit doit d'abord son succès au fait qu'il ne coûte rien. Lapallissade ? Pas exactement. Car cette situation a une conséquence double. Elle place le sus-dit lecteur dans une situation de passivité, elle-même double. D'abord, l'effort de l'achat, le choix, même restreint, que suppose une telle démarche n'existe plus. Il ne s'oriente plus (au sens où l'on parle habituellement d'une orientation politique par exemple). Il ne se décide plus à agir. Il tend le bras, saisit cette nourriture édulcorée et continue son chemin. Il se retrouve ainsi, dans son transport en commun (qui n'a de fait jamais aussi bien mérité son nom), réduit à ressembler à son voisin, à sa voisine. C'est là une bizarre vision de la démocratie française matinale : lisant la même presse, elle annule par le fait même d'une lecture homogénéisée toute différence (ces différences dont on nous rebat pourtant les oreilles...). Il y a quelque chose de soviétique dans un tel spectacle : non plus la Pravda, mais 20 Minutes ou Métro, tous ensemble, tous ensemble... Cela dure le temps du trajet. Ensuite, on jette, on laisse sur le siège du bus ou du métro, c'est selon. Belle reconnaissance de la vacuité de ces quelques feuilles et renvoi de l'information, du monde et du souci de savoir à la poubelle d'une existence soumise à la vitesse et à la consommation. L'empire de l'éphémère informatif accomplit l'ère du rien, et le lecteur régulier du gratuit (et ils sont fort nombreux si j'en juge par le nombre de ceux qui agissent ainsi) avoue inconsciemment que du monde et de ses angoisses il ne faut pas trop lui en parler. D'ailleurs, il en a assez lu pour aujourd'hui. On ne s'étonnera pas s'étonner de la pauvreté des références : apprendre à de jeunes gens de vingt ans qu'il existe, quoi qu'on puisse penser d'eux, des journaux autres n'est plus une expérience traumatisante (le cynisme et la mélancolie sont de bons remparts) mais une réalité froide et objective avec laquelle il faut composer.

    Reste, évidemment, une question en suspens. Dans un monde qui, loi du marché oblige, répète de manière lancinante que tout a un coût, tout a un prix, comment peut-il se faire que surgisse ainsi un ilôt de gratuité ? Au-delà d'une explication rationnelle intégrant les moindres frais de rédaction, un encrage médiocre et le déplacement des gains vers la seule publicité, on peut s'interroger sur la finalité exacte d'une telle entreprise. Il faudrait être d'une naïveté redoutable pour croire qu'ainsi les groupes médiatiques et commerciaux aient décidé d'œuvrer pour l'éducation et l'information des masses. Depuis quand les démocraties mises en place depuis le XIXe siècle ont-elles eu pour vocation d'en appeler à l'intelligence du peuple ? Le don d'une information gratuite induit un guerredon implicite de la part de celui qui reçoit. Quel peut-il être sinon que celui qui se plie à sa loi renonce à une partie de sa liberté, celle d'aller voir ailleurs, de s'interroger autrement ? Les gratuits sont une des escroqueries morales et intellectuelles les plus réussies de ce début de siècle : efficacité-rapidité ; captation-neutralisation. Le complément idéal de la lobotomie télévisuelle. Un coup de maître qui dévoile encore une fois les stratégiques fines d'une logique libérale pour se saisir en douceur de la pensée. Plutôt que l'affrontement radical, des stratagèmes indolores dans lesquels tombera la masse. Le but n'est pas de promouvoir la liberté de penser mais de faire croire que l'on pense librement... Le résultat est magistral...