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manipulation - Page 3

  • L'habillage d'une escroquerie

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    Depuis le 27 juillet, c'est la fête du slip (de bain), du short, du plastron, de la culotte (de cheval), du kimono, à Londres, mais aussi all over the world. Nous sommes partis pour une quinzaine d'émotion, de moments historiques, de tension, d'incertitudes, de larmes, de sueur. Il ne manque que le sang, et on comprend dès lors que le sport est la guerre sous une autre forme. Non pas qu'il en soit seulement, selon un parallèle assez connu, la transfiguration pacifique, le détournement jouissif ; il est aussi associé, dans le vocabulaire, dans les prises de position politiques et journalistiques, à une radicalité où l'esprit sensé trouvera difficilement et la pureté et la beauté de l'objet qu'on nous vend comme une harmonie vers laquelle le monde entier devrait tendre.

    Sans doute voudrait-on considérer combien l'idée même de village olympique, avec ce brassage magnifique des nationalités, est une mise en abyme d'une mondialisation festive et heureuse, oubliant que ce village, ce n'est pas une œuvre en dur mais un montage aléatoire et transitoire de tentes pour quelques privilégiés. La douce entente des sportifs, leur estime réciproque, cette communauté des âmes musculeuses, tout cela ressemble étrangement à l'accord qu'on peut trouver entre les puissants de ce monde qui ne sont nullement regardant sur la couleur de leur peau et leur origine. Il faudrait que l'on cesse (mais peu de chances qu'il en soit ainsi) de nous vendre la fraternité sportive comme un modèle simple et accessible puisqu'elle fonctionne d'abord sur une sélection drastiques et une rivalité que l'on expose entre soi. Selon un parallèle qui pourra sembler déplacé, disons qu'il en va de cette caste comme des Thélémites : ils sont peuples choisis, et c'est ainsi qu'on nous les expose, que les nations les exploitent, que les politiques se glorifient de leurs victoires.

    La fête olympique est une escroquerie de plus dans un univers médiatisé. C'est une trêve dans la folie du monde : là encore, le message est simple et la volonté d'amnésie imparable. Et dans ce domaine, l'hypocrisie n'a pas de limites. Jacques Rogge, le président du C.I.O., réaffirme le soutien du mouvement sportif aux athlètes syriens. Pourquoi ? Pour leur dissidence, ou pour la capacité à courir dans un stade pendant que son pays est lancé dans une guerre civile spectaculaire (1) ? Et pourquoi seulement les Syriens, quand tant de pays dans le monde voient leurs populations brimées, exploités, asservies... Mais on comprend bien que Damas est pour l'heure le point noir qui empêche que la fête soit complète. Les faits y sont tellement graves que l'olympisme les voit comme des ombres gênantes. Alors une déclaration ne fait jamais de mal, et après on peut aller manger tranquille, distribuer des médailles et s'extasier des histoires qu'on vient de faire partager au public, la larme à l'œil et le cœur battant.

    Mais, nous répète-t-on, le sport est le moyen fort pour rapprocher les hommes, pour rompre les barrières et faire que les choses changent petit à petit. Discours convenu que des journalistes relaient à qui mieux mieux (et il est fort à parier qu'ils s'y croient, ce qui est, de loin, le pire...) : à la beauté et au mérite du sportif, s'ajoute sa puissance politique. Les intérêts multiples, les magouilles infinies, les expériences sur les athlètes, les arbitrages dirigés, démontrent évidemment le contraire. Peu importe : l'avenir du monde est dans l'olympisme (2). C'est par là, et non par le politique, le travail d'éducation, le développement raisonné, la mesure dans l'exploitation des richesses, le respect de l'être humain, que passe le sauvetage de l'humanité et l'évolution des mentalités.

    Et l'amoureux aveugle de l'épopée sportive saisit la balle au bond et nous donne un nouvel exemple. La judoka saoudienne Wodjan Ali Seraj Abdoulrahim Chaherkani devra se présenter sur les tatamis des Jeux olympiques de Londres « sans son hidjab » (foulard islamique), a annoncé jeudi 26 juillet le président de la Fédération internationale de judo. Pour la première fois, l'Arabie Saoudite présentait une athlète (3) et voilà qu'on entre d'emblée dans le vif du sujet. Les rois du tatami balancent toutes les convenances par dessus bord et contraignent les Saoudiens à plier. À première vue, le féministe devrait se réjouir. Tout cela de gagné. Mais est-ce si simple ? Faut-il y voir un bras de fer avec le wahabisme ou une simple nécessité sportive, quand dans le même temps la FIFA autorise ce même hidjab pour le football ? Faut-il croire qu'il en serait de même pour un sport dont les enjeux financiers sont autrement plus conséquents (et l'on pense aux investissements des pays du Golfe dans le football, justement) ? Et même : admettons que le choix de la Fédération internationale de judo soit motivé par une volonté idéologique en faveur des femmes. Il est alors fort consternant de voir une telle instance pouvoir imposer cette juste vue, quand des états entiers plient devant une morale aussi rétrograde. Et que nul ne vienne faire un procès à cette fédération, au nom d'un différentialisme bien compris, est, je crois, la meilleure preuve de l'illusion sportive. Si cette décision est une satisfaction pour ceux qui l'ont prise (et qui sont fort respectables), et si l'état saoudien n'a semble-t-il pas crié au scandale, c'est justement parce que sur le fond, dans le Golfe persique, rien ne change vraiment pour les femmes, les femmes du commun, pas celles que l'on fait sortir pour une Olympiade, que l'on exhibe comme le signe d'une belle santé politique. Sur ce point, seuls les soucieux de l'audimat, les vendeurs de pub, les décerveleurs audio-visuels et les politiques espérant qu'une médaille calmera les populations donnent le change, pour récupérer la mise, qui, elle, vaut bien plus qu'une breloque.



    (1)Il y aurait beaucoup à dire sur l'épisode syrien, sur les dérives médiatiques et la litanie des morts journalières, comme si une guerre se faisait avec des pistolets à eau...

    (2)Olympisme conçu par Coubertin dans des temps de bellicisme larvé, au demeurant...

    (3)En fait, il y a en deux.


    Photo : stade de Molène, Jacques Bon.




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  • La falsification en douce

    Dans son édition du 9 février 2011, Libération publiait un article sur les déboires de Michèle Alliot-Marie en Tunisie. Le papier n'avait en soi rien de très neuf. Il ne faisait qu'illustrer la bêtise ministérielle, son inconséquence, ou, ce qui est le plus vraisemblable, le mépris pour la chose publique. MAM est au quai d'Orsay et l'on se demande bien pourquoi si elle est ainsi ignorante des agitations du monde. Il est vrai qu'elle n'est peut-être là que pour achever un parcours politique exemplaire où elle aura été de toutes les fonctions régaliennes (un peu comme un footballeur qui aurait fait le tour des grands clubs).

    Mais la question de ce billet ne porte pas sur les reproches que l'on peut adresser à cette médiocre diplomate. Elle concerne le journal lui-même, que je ne lis plus depuis longtemps (ou si peu), rachitique et creux qu'il est désormais devenu. Il y avait fort longtemps que je ne m'étais commis à lire sa prose. Au moins ne m'y suis-je pas attardé pour rien... Pour accompagner cet article, une photographie, dans un format qui prend à peu près le tiers de la double page. C'est un portrait assez serré de MAM. Au cas, sans doute, où le lecteur idiot n'aurait pas compris ce qu'il lisait. Je m'y arrête un peu, sur ce cliché tant il est remarquable. On y voit une ministre impeccablement peignée, avec des lunettes noires, col ouvert avec un foulard discret : un petit air Catherine Deneuve qui n'aura jamais réussi à être aussi belle que l'actrice (il faut faire avec ce qu'on a). Elle esquisse un léger sourire, rictus si rare chez celle dont la rigidité, dans le physique et le phrasé, est remarquable. Elle n'a rien, bien sûr, de la vacancière en goguette, de madame Michu sortant de l'hôtel ou du camping. Mais on s'en doutait. Dans le contexte où cette photo apparaît le lecteur se dit que la mère MAM se moque du monde, qu'à l'heure où des peuples sont soi-disant à se battre pour conquérir leur liberté (je croyais moi qu'ils l'avaient obtenue à l'indépendance. Je suis bien naïf...) elle est tranquille à trimballer l'élégance française au soleil doux d'un hiver tunisien évidemment plus clément que le nôtre (pensez : il y en a à ce moment-là  (nous sommes en décembre quand elle fait son escapade coupable) qui sont en train de se morfondre dans des aéroports puisqu'il neige...). Oui, ce photo est une incitation à demander sa démission, à crier à l'irresponsabilité étatique. Dehors MAM, vais-je mettre sur une banderole, remerciant Libération d'avoir avec beaucoup de pertinence démasqué celle qui fait passer mon pays pour un ami des puissants et des violents (alors qu'on nous rebat les oreilles sur la France et les droits de l'homme et phare du monde)... Il est évident que cette photo est une pièce à verser au dossier. Elle concrétise et synthétise le discours moral de ce journal anti-gouvernemental et joue sur l'immédiateté d'une visibilité à laquelle on délègue en quelque sorte la totalité du sens.

    D'ailleurs, la colère monte en moi (enfin presque) quand je commence à lire la légende qui, en blanc sur le fond de la dite photo, est écrite en petits caractères. Michèle Alliot-Marie en Tunisie... Oui, vraiment, à vous dégoûter de tout... Sauf que... en Tunisie en avril 2006. Oui, je lis bien : en avril 2006. Quand tout le monde s'accommodait très bien du régime de Ben Ali... Quel est le contexte de ce portrait souriant et guindé ? Des vacances ? Un voyage officiel ? Rien en tout cas qui puisse être objectivement et honnêtement rattaché à la situation présente, sinon que Libération nous informe (?) que MAM a déjà mis les pieds sur le sol tunisien.

    Alors ? Il s'agit de produire un effet, de cingler immédiatement l'esprit du lecteur d'un surcroît de mépris. L'information est nulle ; elle est même détournée. Le cliché est ici un exercice de falsification et le fait de légender la photo ne change rien. Il ne suffit pas aux diverses compagnies commerciales d'écrire en bas de page, dans des dimensions quasi illisibles, toutes les tables de leur loi, et de les invoquer ensuite, quand on veut presser le citron que vous êtes devenu, il ne suffit pas d'être en règle avec la loi pour ne pas être malhonnête. De même que le légal n'est pas le légitime... En procédant de la sorte et Libération n'est qu'un exemple, le journalisme fait la preuve de sa déchéance. En donnant de plus en plus de place à l'image, c'est-à-dire à ce qui se passe de commentaires, selon la bonne parole commune, parole creuse s'il en est, les journaux n'éclairent en rien les arcanes de la démocratie ; ils s'effacent un  peu plus chaque jour de l'ambition qu'ils affichent : informer, aider, libérer, pour n'être plus que les promoteurs de leur propre nécessité. Les quotidiens de la presse écrite française sont devenus aussi pauvres qu'est légère leur pagination.  Le texte n'est plus leur unique préoccupation. Pour qui les lit de loin en loin, on se dit qu'on n'y perd rien...

  • Plus on est de fous....

     

    Dix mille personnes réunies à Nantes via Facebook pour un apéro géant ! (1) La question qui vient tout de suite à l'esprit est de savoir à quoi peut répondre une telle manifestation, à quel impératif se soumet le participant et ce que vient combler ce transfert d'un acte habituellement privé vers l'espace public. L'éclairage n'est guère aisé mais il faut d'abord constater qu'il y a là sous couvert d'une action désirant mimer la spontanéité et une certaine forme d'autonomie sociale l'établissement d'un ordonnancement du désir qui ne laisse pas d'inquiéter. L'invitation n'est qu'une mise en demeure masquée par le credo du bonheur partagé. Mais partagé par qui ? avec qui ? Faut-il voir dans cette entreprise une sorte de résurgence d'un happening contestataire, une sorte de Fluxus grand format avec une quelconque finalité politique ? Pour en arriver à ce point d'explication, c'est plus que de l'optimisme qu'on nous demande : une forme d'aveuglement et de naïveté frôlant le ridicule. Flatter ainsi l'instinct grégaire, et aussi facilement, sur l'absence même d'événement ne serait-il pas le symptôme d'une incapacité à prendre en charge sa vie, lorsque celle-ci n'est plus dévolue au travail et aux contraintes du quotidien ? Au moins Woodstock avait-il Hendrix et Ten Years After. Au moins l'euphorie d'une finale de Mondial a-t-elle l'enjeu de la victoire... Dès lors le ressort de l'opération (comme on parle d'opération publicitaire) est-il une loi du nombre, un défi participatif où il s'agit de se compter (2) ?

    On se retranchera derrière l'argument de la gratuité, comme si le geste échappait au conditionnement de la société marchande, comme si les réseaux sociaux du type Facebook étaient les moyens les plus appropriés de se soustraire aux impératifs de l'ordre libéral. On dira aussi que des gens qui se réunissent sans mot d'ordre, voilà bien une preuve de liberté. Pas exactement pourtant. La manipulation des foules sous couvert de réjouissances a fait ses preuves. Panem et circenses, déjà. On sait à quel point la réflexion au début du XXe siècle sur ce phénomène de groupes a servi des desseins funestes. Qu'on relise La Psychologie de foules de Gustave Le Bon. Car, mot d'ordre il y avait, quoique déguisé ; et la convivialité sans dessein (c'est-à-dire sans véritable reconnaissance sociale de l'autre) n'est pas la marque de l'affranchissement mais le signe ultime d'une aliénation d'autant plus redoutable qu'elle semble indolore et qu'elle est présentée à votre profit. Paul Watzlawick  a montré depuis longtemps combien sont incongrues, absurdes même, des propositions du type : "soyez spontané". On peut en dire autant d'un "soyez conviviaux", "soyez heureux" que recèle la proposition anonyme du réseau Facebook. Peut-être est-ce d'un pessimisme désolant  que de voir dans ce genre de pratique une expérience sur la réactivité paradoxalement passive de toutes ces unités dispersées que sont les individus. Alors soyons pessimistes, mais cela n'empêche nullement, n'en déplaise à ce que voudrait la doxa du fun à tout prix, d'être gais et heureux... Cela a-t-il besoin de preuve autre qu'à ceux qui nous sont proches, avec qui nous élaborons une vraie (re)connaissance ?

    Relisons Rabelais, Le Quart Livre, chapitre VIII : «Malfaisant, pipeur, buveur !». Tout un programme. Et puisqu'il n'est pas nécessaire que l'on nous intime l'ordre d'être heureux et conviviaux , nous nous en tiendrons à notre désir imprévisible, à celui de nos ami(e)s et au hasard de la discussion qui dure et donne soif : ce sera alors champagne pour tout le monde (et caviar pour les autres...).

    (1)Dix milles personnes et un mort, dont on nous rebat les oreilles. Désolé de ne pas compatir : je suis ce qui se passe  dans les manifestations de Bangkok (25 morts, 200 blessés à l'heure de ce billet). Au moins se rassemblent-ils, eux, pour quelque chose qui a un sens.

    (2)On y pense d'autant plus aisément que c'est très clairement l'usage pervers et consternant de Facebook. Compter/se compter. Compter ses amis, ce qui n'est pas la même chose que compter sur ses amis. Une préposition en moins et nous voici nous glissons dans le performatif. Mais il y a bien pire, dans toute cette affaire : l'affligeante égalisation de tous et toutes (quoiqu'en cette période d'égalitarisme forcené, on comprend qu'il ne faille froisser personne) et la course vers l'abîme d'un je kaléidoscopique. Le paradoxe : un Narcisse survitaminé au bord de son propre gouffre.




     

  • se (dé)penser avec Nike

    Just do it. Nike.

    On aime à raconter que ce slogan est le fruit d'un glissement de l'entreprise dans la publicité humoristique (?) pour contrer son concurrent Reebok alors en pleine ascension. Just do it. Slogan planétaire qui peut même se rappeler à notre souvenir en un seul signe, une griffe, le logo. Quand l'icône englobe, enveloppe, absorbe le langage. Just do it, et le logo (une virgule ? un sourcil ?) peut apparaître.

    Just do it. Commençons par y repérer que l'invite, économique et percutante, pourrait, pourquoi pas ?, se réduire plus encore. Deux mots : do it. Mais cette simplification mènerait le message vers le propos comminatoire, vers la proposition injonctive par laquelle je suspens ma liberté dans le défi imposé par la firme. Le just n'est donc pas là par hasard. Il est une sorte d'inflexion, initiale qui plus est, du discours dans une perspective propre à freiner mes réticences. Il est l'élément qui adoucit le contact (1). Premier degré du pouvoir des mots, en particulier de ceux que l'habitude place au second plan (adverbes, prépositions,...) au profit de ceux marqués d'une plus forte valeur lexicale (noms et verbes). Le just marque l'exposition de la simplicité de l'acte, parce qu'on me le propose dans une modalisation adverbiale qui en désarmorce l'échec éventuel (2). Il s'agit de ne pas me heurter. Ce que je vais faire se convertit en un effet immanquable. Just résonne comme un «il suffit de...» propre à neutraliser mon angoisse.

    L'adverbe initial opère ainsi comme une satisfaction qui tend la main. C'est la suppression apparente de l'ordre pour promouvoir le plaisir. Une sorte de «rien que du bonheur» dont le succès audio-visuel et radiophonique n'est plus à démontrer. Ce à quoi je me voue (ou suis susceptible de me vouer) n'est pas un rêve inaccessible, une chimère (3). On pourrait même dire que sa concrétisation m'attendait. Le just laisse flotter dans l'air l'inévitable épiphanie de mon désir que je tenais tu. Le slogan est l'avènement de mon désir inconscient, de ce que je n'osais envisager. Il me légitime.

    Il est d'ailleurs la compression d'une temporalité évidemment sans passé mais également sans futur dans la mesure où celui-ci ne peut que se confondre avec un présent qui l'absorbe à travers le geste même de cette réalisation, presqu'à la mesure d'un énoncé performatif tel que l'ont analysé Austin ou Searle (4). Plus important, nous semble-t-il : cette pulvérisation d'un avenir dans la minute même d'un présent jouissif entre en résonance avec l'un des caractéristiques du postmodernisme, quand celui-ci tend à tout réduire dans une platitude historique qui nous amène à vivre hic et nunc, faute d'en savoir plus sur la réalité du monde.

    Or, il n'est pas indifférent que cette soudaine accessibilité à un espace désirable se déploie dans l'univers du sport, tant celui-ci est édifié comme un des pôles majeurs de ce qu'on définit désormais comme des pratiques culturelles. Cette élévation de l'activité physique, de l'énergétique corporelle induit une double perspective contradictoire que masquent, en partie, le slogan lui-même, et dont nous rencontrons à ce stade le premier terme : le divertissement. Le just est bien là pour insuffler dans le décor une touche de légèreté, afin que le second terme : la compétition, ne prenne pas toute la place. L'adverbe, c'est le fun qui doit présider à chacun de mes actes, une sorte de gratuité factice par laquelle je pourrais faire sans faire, grâce à quoi je suspens l'esprit de sérieux qui rend la vie si pesante, les gens si ennuyeux. C'est la conversion du principe de violence, de sélection, de concurrence développé dans le sport en une sorte de prestige chevaleresque, ultime clin d'oeil à un esprit olympique qui n'a jamais été sans doute qu'une illusion (5).

    Le just inaugural, on aimerait qu'il soit un viatique pour une médiocrité (6) vivante et capable de quelques risques, sans que l'enjeu ne dépasse l'effervescence d'un moment. Mais il faut alors avoir une simplicité d'esprit (ou une bonté d'âme) pour ne pas sentir le revers de cette double ardeur, celle de mon engagement à agir, celle de l'encouragement que l'on me prodigue. L'invite de Nike sonne un peu comme le fantasme d'Amélie Poulain à vouloir le bonheur universel. Méfions-nous de trop de tendresse (7).

    En effet, il ne s'agit pas d'être contemplatif, d'en venir à soi seul pour avancer, après mûres réflexions. Do it n'est pas feel it. Il ne faut pas s'attendre à ce que l'expérience soit une introspection ou une recherche proprement dite. On peut même dire que c'est l'inverse. Il n'y a rien à chercher puisque tout est déjà trouvé, tout est dit : plus qu'à faire. Tout a déjà été tracé. Pas besoin que je me décide, que je me fasse ma propre conviction, mais que je me fasse une raison. C'est l'implacable du faire auquel, d'ailleurs, le spot concourt, dans sa forme hyperbolique (l'esthétique du muscle et de la lutte) ou métonymique (l'esthétique de la virilité) (8). Dans ces conditions, les règles ne viennent pas d'une délibération personnelle qui me retrouverait in fine en seul destinataire. Elles contournent l'écueil d'une affirmation narcissique trop visible mais pour me lancer dans une expérience où je me construis et je me découvre.

    Revenons alors au just encore une fois. Sa vertu simplificatrice accolée à l'injonction déguisée du passage à l'acte peut aussi se lire comme le prix d'une culpabilisation rampante. Dans un de ses déploiements possibles, l'adverbe pose une question : comment peut-on ne pas le faire, puisque c'est là ? Si ce n'est déjà fait, je ne peux que me retrancher derrière ma paresse ou ma pusillanimité. Dans les deux cas, c'est un aveu de faiblesse, et l'une des pires, puisqu'elle n'a pas d'excuse. Elle est le signe de ma mauvaise volonté, sinon de ma mauvaise foi. Il y a quelque chose de religieux dans la formule, dans cette propension à vous prendre en faute, comme si refuser ce qu'on vous donne était bien la preuve que vous méritez ce qui vous arrive. Ne réussir à rien, au bout d'un moment, est bien la preuve que le sujet n'est pas à la hauteur. Dans une lecture plus radicale encore, il est peut-être inadapté.

    On peut aussi l'envisager selon une autre perspective : celle de l'échec. Mais elle est effectivement récusée. Just do it. Simple, efficace, précis. A l'aune de la formule-choc, la réussite est magistrale et sans appel. Imparable. Il ne peut pas y avoir de limite du sujet. S'il échoue, la faute en incombe à sa propre médiocrité, ici considérée dans son acception moderne. Le slogan ne suppose même pas l'essai, mais la réussite. La tentative, la reprise, la marge d'erreur, tout cela est balayé d'un revers de main. Nous sommes dans la sphère sportive. Nous pensions en avoir oublié les règles et les contraintes ; celles-ci reviennent en pleine figure. Or, le sport, pour parodier Clausewitz, est une autre façon de continuer la guerre (9). Les valeurs idéologiques associées à la lutte, à l'affrontement, sont plus signifiantes que d'autres. Elles sont d'ailleurs à mettre en regard des principes organisant (certains diront désorganisant) la logique économique et la mentalité de libre entreprise qui la sous-tend. Le destin de chacun est entre ses mains. Qu'il en fasse bon usage. C'est d'ailleurs au titre d'une extension radicale de la philosophie économique libérale à tous les domaines de notre existence que le sport, comme la culture, est devenu un enjeu (10)

    Mais cet individu, ce quidam que l'on incite à agir, dont on semble flatter l'ego, il a ses limites propres. Il ne peut pas automatiquement s'incarner dans la proposition qui lui est faite. Il n'est que lui-même. Qu'importe : il ne s'agit pas d'élaborer un protocole pour x ou y. Le propre de la formule est de s'abstraire des paramètres conjoncturels dont le sujet est le premier élément. Ce n'est pas à la reconnaissance des individualités que participe l'incitation, selon une possible formulation : chacun selon ses moyens. En ce cas, en effet, agir, faire, pourrait se comprendre comme un processus dans lequel ce même sujet cherche à se construire et à exister d'abord par rapport à lui-même. Seulement nous n'en sommes plus là. Le slogan, dans sa vertu spectaculaire, l'expose à autrui. Il n'a plus la possibilité de rendre compte de soi à soi-même, de se battre contre soi-même. Son acte ne peut se concrétiser à la lumière de la beauté du sport. D'ailleurs, il n'y a plus de beauté du sport. Sa gratuité effective est une blague body-buildée ; tout est en représentation : l'effort et l'inertie, le mouvement et la pause, la souffrance et l'extase... Il s'agit avant tout d'un exercice de monstration. Just do it, ce n'est pas : Do it yourself. Dans cette seconde formule, c'est la clôture sur soi qui marque le cheminement. La réflexivité exclut nettement la moindre fraction de l'être agissant. Il y a pour la première une scène où instruire mon entreprise, mon acte. Je dois me donner en spectacle et payer pour cela. Il n'est pas question que ce soit just, simplement, comme par enchantement. On comprend que le just est la part de l'envoûtement qui est nécessaire pour faire du sujet un client, un consommateur de slogan, un partenaire généreux de l'objet/marchandise qui vient supporter ce que l'on doit faire et qui coûtera in fine.

    De quel prix faut-il ici parler ? On dira d'abord qu'il s'agit du prix même de l'objet qu'on achète et qui est censé vous donner des ailes, vous métamorphoser en champion. Sans parler de l'incroyable plus-value que dégage le nom seul, le prestige de la marque (qui fait que l'on est d'un clan ou d'un autre, d'une tribu ou d'une autre : Nike, Reebok ou Adidas... et c'est ainsi que l'on se fait un nom.), on pourrait déjà penser à la somme exhorbitante que l'on demande au client. Il faut payer pour en être. Alors que l'on voudrait prendre le slogan comme une incitation à l'extériorisation, à l'émancipation du corps, la première lecture que l'on fera de l'achat, c'est d'avoir entériné un processus d'inclusion. Et cette inclusion suffit d'ailleurs à me dispenser de l'acte auquel je destinais l'objet de mon désir : être sportif. On considérera cela comme un détail ; il n'en est rien pourtant : quelle ironie devons-nous avoir devant toutes ces baskets si chères qu'on ne lasse pas, dont on abandonne l'usage pour ne garder que l'éclat (in)signe... Les thuriféraires de la culture jeune s'empresseront d'expliquer qu'il s'agit encore d'une de ces actes de détournement dont la jeunesse a le secret, parce qu'elle sait très bien se soustraire au diktat consumériste auquel le bourgeois moyen obéit béatement. Mais il faut aussitôt objecter que le modèle économique dans son évolution actuelle tend à réactualiser en permanence ses propres créations. Dans sa forme la plus symbolique, et l'on pourrait dire la plus aboutie : la mode, il reprend dans la minute les initiatives individuelles pour en faire un vecteur commercial porteur. Cette créativité, sous forme de recyclage permanent, certains y voient un moyen d'échapper aux strictes lois de la marchandisation du monde ; il faut dans ce cas faire preuve d'un optimisme sidérant.

    La marque et les articles qu'elle vend... Ils sont normalement au cœur du projet économique et il ne s'agit pas de minimiser la finalité du message publicitaire. Mais depuis le début nous n'avons guère fait le lien entre les mots et les objets proposés. Nous avons essentiellement considéré un texte à la fois comme signature (c'est-à-dire immédiatement associé à Nike) et dépassement de cette logique binaire les mots/la chose. Nous nous somme essayé à décomposer une parole subliminale qui met à distance l'impératif économique visible au profit d'une détermination comportementale avec une portée plus large, dont le sens doit être en partie occultée. En effet, Just do it est moins un slogan publicitaire q'une parole, avec une volonté de toucher à l'universel, ce qui dit tout. Or, cet impératif déguisé rappelle la transformation néo-libérale telle que la définit Foucault dans Naissance de la biopolitique (11). Qu'explique-t-il dans ces pages éclairantes ? A ses yeux, le passage moderne du libéralisme à sa forme néo consiste moins en une évolution du modèle économique qu'en une éducation afin que les individus adoptent des règles comportementales propices au fonctionnement d'une société totalement structurée par des desseins individuels, et où chacun a appris et sait choisir les codes de profit les plus satisfaisants pour lui. C'est d'ailleurs ce que rappelle Laurent Jeanpierre en préfaçant deux articles d'une continuatrice de Foucault :

    Les politiques néolibérales poussent explicitement les individus à se comporter en être calculateur (...) Il s'agit de faire accroire que l'individu est seul responsable de tous les produits de sa vie, comme si les divers héritages, les milieux culturels ou sociaux d'origine ou d'installation, les nombreux accident de la vie, l'accès différencié à l'information, n'avaient aucun effet sur les histoires personnelles et les trajectoires sociales. (12)

    La formule de Nike est emblématique de cette métamorphose de l'agent économique en pourvoyeur d'éthique. Entendons par là que, cette fois-ci, la formule n'émane pas d'une instance intellectuelle avérée (philosophe, théoricien économique, sociologue,...) mais d'un émetteur dont l'intérêt est directement en jeu. Cette manière d'agir est symptomatique de cette entreprise lentement élaborée pour conformer l'individu à des actes marqués d'une valeur morale. C'est un je qui parle à un tu. La démarche n'est pas nouvelle et l'on trouve dans ce domaine nombre de publicités qui jouent sur une relation dialogique fictive. C'est même assez courant dans le domaine de l'assurance ou des garanties (le mode : pensez-y) ou celui des retraites et des obsèques (le mode : préparez-vous). Dans ces cas-là, la relation est précise, l'objet clairement déterminé et l'instance se pose comme pourvoyeuse de service, sans aller au-delà de son rôle. On mesurera au contraire ce que la formule de Nike a de spécifique : elle s'en tient à une généralité trouble, elle a une élasticité morale qui n'est pas sans rappeler, en inversant l'interdiction, le cadre du Décalogue (13). Le paradoxe d'une telle phrase est que, dans le fond, on pourrait l'appliquer à bien des produits ou des services (il faut donc se méfier d'une forme qui ne maintient pas la stricte signification de son message à l'objet qu'elle désigne), que l'on pourrait même la définir comme une pragmatique (sans oser aller jusqu'à une philosophie...). C'est en regard de cet excès, alors même que la publicité se caractérise par le principe de la cible, que l'analyse du slogan s'impose pour le remettre en perspective avec la place qu'occupe aujourd'hui l'individu. En fait, la marque est un sésame et Nike n'est au fond, avec sa formule planétaire, que le symbole d'un processus plus vaste par lequel tout ce que je puis (être) positivement s'accomplit dans une installation auto-normée, par ces paroles réduites à rien, sinon le nom propre de la marque elle-même avec laquelle j'échange mon identité. Si le possible est l'horizon démocratique dans ce qui serait en quelque sorte une utopie du sujet, il est ici ramené à une simple effectuation, à ce qui est à portée (puisqu'il ne fallait pas désespérer Billancourt, il fut un temps, il faut lui donner à espérer du consommable désormais) ; et ce possible-là liquide la pensée en rabattant la vérité à un droit matérialisé par la marque.

    Et la marque se paie. Je paie donc pour (en) être. Et pour être quoi, au juste ? Une copie, une pâle silhouette de joueur anonyme... Il ne suffit pas qu'on me dise ce que je puis être pour l'être. Quand, alors, le jouir se réduit à un apparat factice de la réussite, il n'y a pas loin que l'on se trouve alors devant une des formes les plus impitoyables du rappel du pouvoir (en l'espèce, économique et transnational) devant la petitesse de chacun. C'est alors que par un sinistre retournement, la formule publicitaire me voue à l'incessante répétition de mon absorbement à la parole qui excite mon orgueil et me vide inexorablement de la conscience de ce que je suis. Just do it est la forme achevée d'un glissement culturel vers l'extérieur, la représentation, cette volubile expansion de mon être vers la performance qui n'aura jamais de fin, parce que, dans ce long processus qui amène l'individu à s'abîmer dans la facilité du défi perpétuel, il n'y a guère de doute qu'il ne trouve, pour reprendre la belle formule de A. Erhenberg, la fatigue d'être soi. Loin de pourvoir à l'épanouissement du sujet, cette course vers soi à travers des attributs, des signes extérieurs qui me mettent en concurrence avec le reste du monde ne peut que générer de la frustration. Le slogan m'incite à faireJust do it : c'est tout ce qu'on te demande de faire. On m'indique ma place de participant et pour être plus précis : de figurant. Il y a le murmure indistinct d'une limite, d'une place assignée, jamais clairement identifiée parce que la voix qui m'informe est elle-même anonyme, voix qui s'inscrit sur les murs, partout et nulle part. Mais la machine invisible qui le produit m'est infiniment supérieure. C'est d'ailleurs aussi l'un des avatars de la formule.

    Voilà pourquoi, le slogan de Nike est avant tout un message à la jeunesse, à ceux qu'il faut conditionner le plus rapidement. Il est d'autant plus efficace qu'il est ancré dans la plus indolore des illusions démocratiques, celle qui donne à chacun la certitude que tout déterminisme social ou culturel est vaincu, neutralisé : le sport. Il s'intègre parfaitement dans la rhétorique anti-intellectuelle, différentialiste, a-politique de l'époque. C'est l'heure du décervelage quotidien d'une jeunesse dont les intellectuels sont des sportifs, des amuseurs publics, du people.

    Encore faudrait-il que ceux qui en sont les premières victimes en aient conscience, soient sensibles à la duperie de cette invite équivoque et perverse. Mais comme souvent en pareil cas, il y a un angle mort : celui que fabrique le désaisissement de la langue et de ses subtilités. Plus on tend vers la simplification de la langue, plus sa puissance augmente dans les mains de ceux qui savent ce que pouvoir parler signifie. Finissons alors par une ironie graffitée sur un Abribus au printemps 2007 : Nike la police. On pourra toujours y voir une licence orthographique ; certains même y liront la liberté débridée d'un autre monde que le pouvoir ignore. Soyons plus pessimiste : appelons cela la voix de son maître.


    (1)Rien à avoir, par exemple, avec cette affiche de la propagande américaine dans les années 40, d'une femme montrant son biceps pour accompagner une formule directe : we can do it. Dans ce cas précis, la guerre est ouverte.

    (2)Ce que la traduction du slogan en français négligerait par un abrupt fais-le. Sans doute parce qu'un t'as qu'à le faire aurait une ambiguïté contre-productive où le client serait d'une certaine manière laissé à lui-même.

    (3)L'acte publicitaire par essence force à masquer la monstruosité de son discours et se lance dans un déport délirant qui a, dans sa conception hyperbolique même, la capacité de faire tout avaler au sujet. On ne vend pas de beaux cheveux (pas sûr qu'ils seront un jour aussi soyeux que le modèle) mais la séduction qui en procédera. On fait comme si la singularité du sujet qui désire n'avait pas de limites. On saute allègrement une étape. Au premier possible hypothétique, on en substitue un second, plus hypothétique encore, et l'effet grossissant du procédé permet de galvaniser l'envie.

    (4)J. Austin, Quand dire, c'est faire, Seuil, 1970 et J. Searle, Les Actes de langage, Hermann, 1972. Là encore, la traduction fait souffrir le sens puisque l'ouvrage d'Austin s'intitule How to do things with words ?

    (5)C'est bizarrement la rencontre de deux conceptions sociologiques du sport. Celle de J.M. Brohm qui voit en cette pratique une sorte d'opium du peuple moderne, une façon de relier (religere, religion) chacun à la communauté, et de l'engager à la ferveur. Celle, inverse, de Ch. Piocello ou J. Defrance qui y repèrent une forme modernisée de lutte des classes, de rivalités claniques. L'une n'exclut pas l'autre.

    (6)Comprenons ce substantif dans son étymologie, medius : qui est dans la moyenne.

    (7)Souvenons-nous du psychanalyste dans Enfin pris de Pierre Carles. Il rappelle avec beaucoup d'à propos que le corbeau a l'habitude de signer : un ami qui vous veut du bien.

    (8)La publicité est plus métonymique que métaphorique. Elle ne tend pas vers l'abstrait mais vers la concrétisation, l'effectivité du désir. Elle ne peut pas être dans le poétique et l'extensible mais du côté du fétiche et de la partition.

    (9)Nous poussons à peine d'ailleurs, si l'on veut se souvenir de l'époque de la Guerre Froide et de l'énergie infinie dépensée par les états pour donner aux compétitions toute leur portée symbolique (en particulier dans un pays comme la R.D.A.). Aujourd'hui, c'est la Chine. Mais il faut aussi signaler la propension des athlètes à se draper des couleurs nationales une fois l'épreuve achevée. Bel exemple d'universalité...

    (10)C'est pourquoi, par exemple, le slogan de Nike nous semble plus essentiel dans la définition des valeurs contemporaines que celui pourtant si narcissique de l'Oréal : Parce que je le vaux bien. La beauté ne peut pas être autre chose qu'un enjeu économique. Contrairement à ce qu'on prétend, elle n'est pas aussi normative. Elle est et c'est tout. Nulle raison de croire que l'on ressemble à Claudia Schiffer ou Andy Mac Dowell. On peut alors s'étonner que dans Nouvelles Mythologies, G. Vigarello choisisse cette formule comme emblématique, et en retourne d'ailleurs la grammaire sans autre forme de procès : «... le destinataire lui-même est visé nommément dans le message. Un « vous » ou un « nou » qui s'adressent à tous : « Parce que vous le valez bien », « Parce que vous aussi, vous le valez bien », « Parce que nous aussi, nous le valons bien » ». La déduction n'est pas aberrante mais elle passe outre le choix grammatical fait par le concepteur.

    (11)M. Foucault, Naissance de la biopolitique, Cours du Collège de France 1978-1979, Seuil-Gallimard, Paris, 2004

    (12)W. Brown, Les Habits neufs de la politique mondiale. Néolibéralisme et néo-conservatisme. Les prairies ordinaires, Paris, 2007. Préface Laurent Jeanpierre. p.16.

    (13)On pourrait considérer qu'une telle formule, dans son ambivalence éthico-économique, est une porte d'entrée pour expliquer l'étrange jonction entre la prédominance du marché comme philosophie alliée et un mouvement réactionnaire et moraliste. Ce que certains voient comme incompatibles : le néolibéralisme et le néo-conservatisme.