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De la mélancolie - Page 14

  • Le Sablier

     

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    Tu prends tes affaires à tâtons ; tu tournes doucement le verrou ; et sur le pallier tu te penches au dessus de la rambarde de l'escalier, que tu descends, six cercles, la main droite glissant sur le bois usé et la tête toujours un peu penchée vers le vide, tu inspectes le puits de ton échappée. Arrivé tout en bas, avant d'ouvrir la lourde porte qui donne sur la rue, tu lèves les yeux vers là d'où tu viens, mais tout est incertain et bien plus déroutant que la tentation du vertige d'il y a peu. Tu dois alors compter les étages pour être sûr de toi, même si cette exactitude n'a, dans le fond, qu'apparence d'anecdote. Pourtant tu éprouves le besoin de la sentir là, cette exactitude, comme une encoche que tu ferais, de ton passage et de tes restes...


    Photo : Tonin

     

  • Mielleux

    -Mais, cela t'arrive d'aimer quelque chose en sachant que c'est ou creux, ou mielleux ?

    -Bien sûr. Le mielleux, j'aime. Encore que ce ne soit pas vraiment l'affaire, d'aimer. Plutôt une chose qui s'impose à toi. C'est parfois atroce. Pour les autres, je veux dire. Pour les autres, et pour toi, aussi, l'histoire n'est pas toujours facile. Mais le mielleux, ça nous regarde, tu sais, ça nous regarde, ça nous parle et tu n'y peux rien. Tu crois que c'est de l'affect ou de la faiblesse. Tout faux, c'est bien plus. Pas un truc qui colle, au contraire : un truc qui t'arrache quelque chose de toi-même. C'est sérieux, le mielleux.

    -Tu théorises, un peu facile !

    -Écoute du mielleux, de mon mielleux et réfléchis à ce qui est mielleux en toi. Ça te fera grandir. Écoute ça.


  • Marquage au sol

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    Ainsi vue, la place où j'aurais pu vivre (car je ne faisais qu'y passer, furtif et pourtant apesanti sur son architecture) eût été, de la fenêtre provisoire d'où je la contemplais, un cadran de marbre sale, des satellites immobiles, lumineux, opalescents, quand plus personne ne s'arrête, la nuit, et des torsions métalliques grâce auxquelles on voudrait voir survivre une harmonie passée (un charme presque XIXe bien dérisoire, pourtant), si l'esprit toutetois se refuse à considérer dans le début de l'éclairage au gaz, comme dans la légèreté de Crystal Palace, l'évanouissement d'un certain mystère.


    Photo : Florentine Wüest

  • Avec si peu...

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    Je regardais ses jambes. Pas les siennes, celles du vin dans le verre, le vin, un miracle, un Côte rôtie 97, magnifique, mais je mens un peu, en disant que mes yeux ne s'égaraient pas au delà de son pied si élégamment chaussé, vers sa cheville, son genou et le bas de ses cuisses, puis c'était le tailleur, imparable. Mais je retournais au verre, à la lumière qui se concentrait comme un soleil sur la table basse.

    Je regardais ses larmes, les siennes, pas celles du vin, qu'elle versait, malgré tout, après m'avoir avoué qu'elle ne m'aimait plus.

     

     

    Photo : Florentine Wüest



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  • À découvert

     

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    « Mes pensées, dit le voyageur à son ombre, doivent m’indiquer où je me trouve : mais elles ne doivent pas me révéler où je vais. » (Nietzsche, Le Gai Savoir, 287)


    Photo : Ludovic Maillard.


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  • Jungle gardenia (II)

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    Le trouble de la recollection est la recollection même. Conserver, c'est déjà avoir perdu, parce qu'il en est ainsi ; grave erreur que de croire semblables la perte et l'abandon. Le temps fait des auréoles et des halos. Il y a simplement l'accession à la liberté atmosphérique de ce que nous pensions être nôtre

    Les tiroirs sont là pour l'anecdotique et tes poches doivent suffire pour les clés du lieu où tu habites

    Ils (ou elles) sont toujours là où tu ne les attends pas, puisque tu ne les attends plus

     

     

     

    Photo : Michael Kenna


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  • Quand le pourpre vire au noir

    Il est bon ne pas demeurer dans l'enfance. Plus encore est-il important de ne pas rester un éternel adolescent. Cela n'empêche nullement que certaines annonces ramènent à une part de vous-même disparue (pas oubliée) sans qu'alors vous ayez la moindre peine, le moindre regret. Le temps est révolu, et justement parce qu'il est révolu, vous pouvez regarder le passé débarrassé de ses scories larmoyantes. Certes, vous sentez bien que vous avez vieilli mais, dans l'histoire, ce fait est très secondaire. Vous vous dites qu'il y a autre chose à garder. Ces annonces ne vous attristent  pas mais vous murmurent que vous trimballez avec vous une constellation de souvenirs, de sensations, de détails, qui, s'ils ne font pas votre quotidien, s'ils sont même à mille lieues de vos goûts présents, n'en sont pas moins des bornes de votre chemin.

    Par exemple, d'avoir découvert, à treize ans, que l'on pouvait faire du rock, fallait-il dire du hard, avec un clavier, qui jouait de l'orgue, formant avec le guitariste un duo magnifique. De ce guitariste, Ritchie Blackmore, vous n'en êtes jamais vraiment revenu, et pas seulement pour l'introduction de Smoke on the water. Il y a bien meilleur que lui, vous le savez, dans la pop, mais c'est comme Rory Gallagher, une affaire de style, un indicible étonnement dont vous avez en mémoire le frisson. L'organiste de Deep Purple, lui, s'appelait Jon Lord. Il est mort ce 16 juillet, et l'on pense alors que comme dans Pink Floyd, avec la disparition de Rick Wright, c'est le piano qui s'est tu en premier. Made in Japan reste un des sommets dans les albums live, enregistré en août 72 ; il aura quarante ans dans moins d'un mois et Lazy une démonstration de blues inattendue...  





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  • Prendre date


     

    proust,littérature,du côté de chez swann


    "Le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant" (Proust, Du côté de chez Swann)


                          Photo : Vincent Coutard



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  • (presque) un anniversaire

     

    10 mai 1981,mitterrand,hollande,mélancolie,politique

    Ainsi dura le souvenir précieux de l'élection de Mitterrand, en 1981, dont le profil informatique, apparaissant à l'écran fut, pour moi,  pendant longtemps, l'émotion télévisée la plus forte, la plus bouleversante, même au tamis de la désillusion et de la trahison, émotion d'un 10 mai se perpétuant toutes ces annés, puis s'effondrant, par je ne sais quel enchantement, pour laisser la place à ce matin du lendemain, alors qu'il pleuvait fort, et que sous le préau, les lycéens que nous étions, silencieux et ravis d'une victoire qui ne nous appartenait pas vraiment mais que nous faisions nôtre, essayaient de comprendre ce qui changeait vraiment, sceptiques ou incrédules, je ne puis le dire, heureux encore d'être de gauche, y voyant une signification qui allait progressivement se perdre, ce matin du 11 mai, toujours intacte cependant, 11 mai resté dès lors l'anniversaire d'un événement quittant son éclat institutionnel et nationalement collectif pour n'être plus qu'un souvenir personnel autour de personnes laissées depuis sur le bord de la route, sans regrets, sans larmes, sans amertume, parce que c'est la vie, parce qu'il existe des choses impossibles, parce que certaines sensations, certains sentiments se (re)vivent seul, de toute manière, se poursuivent dans l'intervalle du quotidien, comme l'inégalité du pavé vénitien, et qu'il n'est peut-être pas plus grande valeur pour certains moments que de ne pouvoir plus jamais en parler...

     

  • La première phrase

    "Un jour, j'ai fait les courses pour quelqu'un qui n'avait même pas faim".

    Cette phrase est l'initiale qu'une mienne connaissance envisageait pour une nouvelle (un roman ?) qu'elle n'a pour l'heure jamais écrite. Quand elle l'avait évoquée, je l'avais trouvée fulgurante, et hier, elle (la phrase) m'a traversé l'esprit, sans que je sache ce qu'elle venait faire là, ce qu'elle venait bousculer, en plein après-midi, bien loin des heures de la digestion. Je ne sais pourquoi elle me plaît, pourquoi je n'essaie pas de m'en servir désormais. 

    En fait, il y a bien des choses, des rencontres, des disparitions, des absences et des retours, des silences et de longs monologues, des lambeaux et des boîtes enrubannées, dont nous ne savons que faire, sans jamais vouloir nous en débarrasser...