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nouvelles - Page 5

  • Trois hommes

    Le marchand ambulant s'était placé sous le seul arbre au bord de la route. Il avait ajouté un parasol qui servirait quand le soleil aurait tourné. Pour l'heure, il était à la verticale. Il avait aussi disposé trois ou quatre tabourets, très bas. Un homme était déjà assis, qui mangeait sa tranche de pastèque, le regard un peu perdu. La sueur coulait sur ses joues, son tee-shirt University of Nebraska, avait de grandes auréoles d'humidité.

    Je demandai moi aussi une tranche de fruit. Le Pakistanais me sourit en me la tendant.

    -Hot, hot !

    -Yes, very hot !

    Et de me rappeler encore une fois cette réflexion toute romaine : à deux heures de l'après-midi, il n'y a que les Français et les chiens pour se promener.

    Je m'assis sans un mot à un mètre de l'étranger au tee-shirt, tourné comme lui vers le Circo Massimo sous le cagnard. Il y avait bien quelques voitures qui passaient, et des scooters mais le bruit de la ville n'était pas grand chose. C'était le silence imposé par la chaleur. L'homme se leva ; nos regards se croisèrent ; il fit une grimace et passa un revers de main sur son front pour signifier que l'heure était intenable, ou quelque chose dans le genre. Il balança la peau de la pastèque dans la poubelle à la manière d'un basketteur. Panier réussi. Je croyais qu'il s'en allait. Pas du tout. Il prit une deuxième tranche et revint à sa place. Il n'avait pas dit un mot au marchand, ne s'exprimant que par des gestes.

    J'avais presque fini ma part.

    -Crazy summer ! I don't believe it.

    Il était américain. L'accent ne trompait pas.

    -C'est souvent le cas à Rome.

    -Première fois que je viens.

    -Américain ?

    -Américain.

    -New York ? Los Angeles ?

    -Portland. Oregon. Mais je vis au Guatemala maintenant. Je bosse là-bas. Et vous ?

    -France.

    -France... Paris ?

    -Non, pas du tout. Saint-Flour.

    Il fronça un peu des yeux, comme pour chercher un souvenir impossible.

    -San Flower ?

    Je ris. Sainte-Fleur, c'eût été délicat.

    -Non. Flour, comme la farine.

    Il eut la mimique classique de celui qui reçoit une explication perdue d'avance, dont il ne pourrait même pas se resservir.

    -Vous connaissez bien Rome ?

    -Pas mal.

    -J'aurais voulu qu'il fasse moins chaud, pour changer. Mais au moins, il fait sec.

    -Pas au Guatemala ?

    -Chaud et humide. Moite.

    Je me levai pour jeter mon reste de pastèque et je demandai une petite bouteille d'eau gazeuse. Acqua frizzante.

    -Pas beaucoup de clients ?

    -Non, non, trop chaud. Mieux après cinq heures.

    Je repris ma place. Le Pakistanais s'était assis derrière son étal, apathique. L'Américain avait allumé une JPS.

    -Vous en voulez une ?

    -Trop chaud.

    -Feu à l'intérieur, feu à l'extérieur. Kif-kif...

    J'essayai de réfléchir à mon prochain point de chute. Retourner à Santa Maria in Cosmedin, ou plutôt, à San Giorgio in Velabro, dans la simplicité fraîche des murs épais et des ouvertures parcimonieuses. Oui, San Giorgio était l'endroit où reposer le corps et se remettre à penser, parce que dans le brasier on ne pense pas. L'esprit comate. Il m'arrivait fréquemment de trouver refuge contre le soleil ou la foule. Dans le centre, j'avais mes havres. Les jardins du palais Spada, le patio de San Clemente, les pins de Borghese.

    -Un sacré bout de terrain, non ?

    Je ne comprenais pas tout de suite, et d'un coup de menton il désigna le bassin pelé en partie et ses flancs herbeux.

    -C'est le Circo Massimo, quand même.

    -Je sais mais... Vu ce qu'il en reste.

    -Avec un peu d'imagination.

    -Ou revoir Ben Hur.

    -Bonne idée.

    Il s'est retourné vers le Pakistanais.

    -Circo Massimo.

    -Oui, oui.

    Il m'a fixé.

    -Il s'en fout, en fait.

    -Et nous aussi, non ?

    -Ce serait pas possible de construire ici.

    -Patrimoine de l'Unesco. Vous verriez du moderne, vous, entre le Palatin et l'Aventin ?

    -C'est plus qu'un trou. Alors, disons : on creuse pour faire une piscine. Vous imaginez, là, en ce moment, vous dire que vous êtes à quelques minutes d'une piscine. Un truc frais. Donc, une piscine...

    Il s'est retourné vers le Pakistanais en faisant en même temps de grands gestes vers l'étendue vide.

    -Piscina, piscina !

    L'autre a fait oui de la tête et m'a regardé d'un air dubitatif.

    -Une piscine et par dessus une couverture végétalisée, comme un jardin ombragé. C'est très à la mode, les aménagements végétalisés. Il faut vivre avec son temps. Et comme ça, tout serait masqué.

    -Vous trouvez qu'il y a trop de ruines ?

    -Vous trouvez que c'est une ruine, ça ? Moi, je ne vois rien, vous comprenez ? Rien. Un terrain vague. C'est moche, en fait. Très moche. Je suis sûr que tout le monde trouve ce truc moche, tout le monde, mais personne ne le dira. Seulement, quand il fait chaud, qu'on crève de chaud et qu'on regarde ça, même si vous n'avez pas l'impression qu'il y a un rapport entre les deux : suer à mort et regarder une chose sans intérêt, vous avez tort. La fatigue du corps rejoint l'épuisement de l'esprit. Un sentiment d'inutilité, vous comprenez ? Vous, peut-être que cela vous émeut, ou que vous vous dites qu'il faut absolument être ému, ou admiratif, ou habité par le passé, mais là, l'herbe grillé, la poussière, une affaire à garer des bagnoles, tout juste, là, c'est trop. Lui (et il désigna discrètement le Pakistanais), il a compris, d'une certaine façon. il ne voit pas le passé, il s'en fiche, mais il voit un espace infiniment à découvert et le soleil. Alors, il a ses pastèques, ses melons, ses canettes, ses bouteilles, son parasol. Il sait que personne, parmi ceux qui viendront, ne pensera autrement que lui : bon dieu ! un peu d'eau et de l'ombre. Et tous ceux qui en parleront ne diront rien du Circo Massimo, mais parleront du cagnard et du Pakistanais comme une oasis, une vraie bénédiction des Dieux.

    À l'autre bout de l'interminable place, une famille venait de surgir. Un père, une mère avec une ombrelle, à la manière des Japonaises, mais ils étaient blonds et grands comme des Suédois ou des Néerlandais, et deux adolescents à casquette, dont le plus vieux, treize quatorze ans, nous désigna du doigt. Il devait crever de soif. Le père avait un guide ouvert et même si nous ne pouvions l'entendre, il justifiait sûrement le pèlerinage, les risques d'insolation et la déshydratation des âmes.

    Les deux gamins pressaient le pas. Le Pakistanais était leur sauveur mais avant d'avoir atteint le tiers de la piste une voix sénatoriale les coupa dans leur élan. Le paternel barbu leur fit signe de rebrousser chemin;

    -Notre ami vient de perdre de l'argent.

    Il y eut dix bonnes minutes de silence où chacun ne voyait plus l'à peine trace du passé mais la chaleur brute mangeant notre envie de mémoire. Tous les trois, nous étions morts comme on dit, mais c'était une métaphore qui gagnait à chaque seconde en réalité. Le Circo Massimo, l'horizon ondulant, le silence (sinon un filet lointain de ronronnements), la paupière à moitié tirée, l'heure de la sieste, è chiuso, dormir, s'allonger, sentir l'effet du ventilo, les jeux il y a longtemps, Ben Hur, l'Antiquité, plus rien maintenant, et nous trois en sueur, muets, liquéfiés, en enfer, plus rien, jusqu'à ce que l'Américain nous fasse sursauter, le Pakistanais et moi.

    -Allez les gars, un coca pour tout le monde, c'est ma tournée !

  • 21 juin

    Le ciel depuis une semaine avait une âme de feu. Elle s'était endormie quand s'éclaircissait la nuit et des bruits métalliques : tubes tombant lourdement au sol puis des coups de marteau, la réveillèrent. Ils commençaient à installer la scène. Il faisait chaud et tout le jour ils s'agitèrent autour de leur Babel cacophonique. La place s'engoulerait de monde, sentirait la friture, longtemps ; les voix désaccordées et les larsens feraient boucle jusqu'à tard. Elle pensa à cette chorale, sage et montéverdienne, sous les arcades de la place des Vosges. C'était loin, lui semblait-il. Dix ans à peine. Elle n'avait plus le temps de chanter, de toute manière.

    Elle avait la tête lourde et ennuyée. Il aurait fallu sortir mais la fin d'après-midi grouillait déjà de spectateurs, sur les pelouses, piaillant et quelques-uns déjà, avec des tablas. Ailleurs, partout ailleurs, ce serait la même chose. La place se noircissait, comme le ciel soudain versatile. L'air donnait des rafales froides. Elle était à sa fenêtre et les autres aussi, en bas, commençaient à scruter l'avenir. Bientôt il n'y eut plus de soleil mais un précipité de tonnerre et d'éclairs. Et la pluie enventée fit son œuvre. Elle les vit courir, s'égailler. Restèrent les formes vides de leur braillage : des détritus et de l'herbe piétinée. Les bâches de la scène faisaient des voilures et l'un craqua. Elle ne ferma pas la porte-fenêtre de la grande pièce. Le bruit de l'orage s'estompait bien que l'eau tombât drue. Elle laissa entrer le chant de la pluie, le chant de la pluie qui les faisait taire, enfin taire, pour une fois.

    Ce fut le grand silence, sinon la pissée des gouttières, et le frais, le grand frais des pelouses gorgées et du pavé luisant. Il n'était pas loin de minuit ; un homme traversait la place en fredonnant vin ordinaire.


  • De...

    Cela avait commencé à son entrée dans le primaire. Pas en cours préparatoire, parce que l'institutrice était nouvelle dans l'établissement, mais dans la classe suivante, quand il avait eu monsieur Béquart (il n'avait jamais oublié son nom) et que celui-ci, à l'appel, avait marqué un temps d'arrêt après avoir levé les yeux pour identifier le nouveau qu'il était (un nouveau parmi tous les autres, puisqu'il n'y avait pas un seul redoublant), et qu'après ce temps d'arrêt il lui avait dit, à lui, et à lui seul (les autres n'auraient pas ce traitement de faveur).

    -Vous êtes le frère de Nicolas ?

    Il avait répondu timidement oui. Avec le recul, trente ans plus tard, il avait d'autres mots que ce monosyllabe. D'autres mots lui venaient, un peu agressifs.

    -Ben oui, mon grand ! Parce que des Lebray-Chassin-Galay, peut pas y en avoir des tonnes !

    Fabrice Lebray (le nom du père) Chassin-Galay (le nom de la mère). Ce qui fit de lui une bizarrerie identitaire toute sa scolarité, et au delà. Il était né à Oviedo et les Espagnols n'avaient rien trouvé à redire. Personne pour souligner à ses ascendants que la progéniture pouvait se passer de ce genre de fantaisie.

    Il devint donc, pendant les quatre ans qui suivirent, n'ayant pas la chance de tomber sur d'autres énergumènes éducatifs que ceux de son frangin, le frère de. Il fut frère de. Et le malheur voulait que le Nicolas qui ne serait jamais frère de brillât plus que lui. Ce qui lui valut, comme une deuxième couche, d'éternels parallèles dont il sortait forcément perdant. Il n'était plus alors frère de mais au regard de, en comparaison de. En comparaison de la réussite, des résultats, de l'intelligence, du brillant...

    Il crut, au collège, que l'affaire était plus jouable, le nombre d'enseignants étant singulièrement plus élevé. C'était histoire de probabilités. Sur six profs de maths et huit de français, sept d'anglais (il pensa un temps choisir l'allemand pour avoir la paix mais renonça), le sort pouvait se montrer généreux et lui donner sa chance. Évidemment, il n'en fut rien. La sixième fut un calvaire. La cinquième itou. Une accalmie en quatrième (sinon la mère Gendrot qui déplora son manque d'esprit scientifique, en comparaison de. Comme si disséquer trois grenouilles exsangues était le sommet de la scientificité !). En troisième, l'affaire recommença. L'apothéose avant la délivrance.

    Il s'orienta à l'inverse du frère bien-aimé. Pire que l'inverse : pas les lettres contre les maths, pas les langues contre le bec Bensen. Il vira de bord, fit un apprentissage en ferronnerie, au grand dam de la parentèle qui aurait bien vu un artiste, un écrivaillon dans la famille, puisqu'il tenait dans le saint Nicolas du lieu leur Pasteur fin de siècle.

    Il apprit à tordre le métal, à dompter le feu et le fer. Cela lui plut. Il rencontra Rosaline (Il l'aimait tout en trouvant qu'elle avait un prénom de cheval. Elle lui expliqua qu'en fait elle aurait dû s'appeler Rosalinde mais l'officier d'état civil s'y était opposé et pris de court le père se rabattit sur cette forme abâtardie). Elle avait, elle aussi, eu envie de marteler la matière. Elle était douée. Quelques années passèrent et un jour, à pas même vingt-cinq ans, elle eut une révélation en visitant une exposition consacrée à cet idiot de Tinguély, oui, idiot, disait-il, tant l'affaire lui semblait une fumisterie même pas belle. Ce fut un point de discorde si fort qu'il faillit réduire leur amour en capilotade.

    Nicolas entrait au CNRS.

    Il travaillait, lui, chez Paul Montero, faisait des grilles, des rambardes de balcons, des ballustrades, des aménagements d'intérieur.

    Rosaline passait la moitié de son temps à des projets sculptés délirants qui le faisaient marrer.

    Marrer jusqu'à ce qu'un Belgo-Slovène qui tenait une galerie à Bruxelles tombe sur quelques photos exposées dans un café qui la jouait underground. Il voulut qu'elle lui fournisse des œuvres. Elle s'exécuta.

    Et c'est ainsi que Rosalinde Corcy prit son envol, qu'il fallut faire des expos, des vernissages, passer des soirées où des gens beaucoup plus riches que lui se demandaient ce qu'il faisait là, l'air un peu perdu, jusqu'à ce qu'il la montre du doigt discrètement et qu'un crétin, ou une idiote, ne puisse s'empêcher de conclure :

    -Ah, oui ! Vous êtes le compagnon de...

    Et la phrase était étrangement suspendue, comme s'il n'avait pas fallu écorcher le nom de l'autre, comme s'il était impensable, au fond, de les associer...

  • Tonalité


     

    Claudine-Laine---L-art-de-la-pluie.jpg

    C'était une intime désolation, que de comprendre qu'elle attendait les quelques minutes de ton appel, tous les deux ou trois jours, pour t'entretenir du futur repas du soir, de la promenade de l'après-midi (à venir, ou faite, selon l'heure) et de la météo, la tremblante iconographie des nuages que toi, si loin, tu imaginais, sur laquelle tu brodais, pour entendre finalement les anfractuosités de son ennui, celui des instants agglomérés en longues heures faites des profils des passants derrière la fenêtre, de la fragilité des frondaisons au vent, et du silence de l'appartement, de ce silence insoluble.

    Tu ne précisais jamais le moment de ta venue, pour qu'elle ne fût ni inquiète ni déçue. Tu essayais de la surprendre, en douceur, comme si tu avais pu déposer, sur les divers meubles, des petits bouts de papier qu'elle aurait découverts, et lus, d'un sourire touché.

    Mais, par tout ce rite aléatoire, tu sentais progressivement, dans sa voix, dans la répétition des histoires et le refus même d'insister -sa façon d'être presque toujours celle qui raccrochait en premier-, la frayeur muette de ce que tu ne voyais pas, de ce que tu ne pouvais voir, et qu'elle vivait, désormais, -ce veuvage de mots-, dont ton appel, toujours trop court, la tirait pour mieux l'y faire retourner.

    Et de cette affreuse souffrance, basse continue du temps, tu en mesuras l'étendue la semaine où, aphone complète, tu ne pus partager vos banalités, et qu'elle crut que tu lui en voulais, d'un mot mal compris, d'une phrase maladroite, comme si elle avait encore la force de vouloir te blesser.

    Quoique oui, ces banalités te blessaient d'une manière que tu ne pouvais pas expliquer, à personne, parce qu'on t'aurait dit que tu coupais les cheveux en quatre, qu'il te fallait d'abord penser à sa voix émue qui t'accueillait, que c'était l'aimer, d'abord, l'aimer, que de tenir ce fil, ténu, jusqu'à ce qu'il ne puisse en être qu'autrement...


    Photo : Claudine Laine

  • Si d'aventure

    J'aimerais bien que l'on se dise des choses, murmure-t-il, des choses... Des choses sans importance, comme des bouts de ficelle qui serviraient à lacer nos chaussures. Pas vraiment pour qu'on aille plus loin, ou plus vite : on peut s'en tenir là, rester sur place et convenir que, par le seul fait de la voix sussurée, on fasse défiler les paysages. Mais pour ce faire, il faut des choses dans la bouche, une nourriture qu'on ne suspectera pas d'être intentionnelle, et de ne jamais tirer les ficelles de ce que tu me diras, de ce que je te dirai, des choses que nous avons vues, toi et moi, ou pas vues, ou cru voir, ou espéré de ne pas avoir vu, des choses, dans un tiroir qui referme mal : les tiroirs de nous-mêmes, les macchabées à tiroirs que nous sommes en passe d'être. Mais pour ce faire, il faut de la matière, où qu'on la prenne, dans le feuillage qui suinte au-dessus de nos têtes, dans l'arrivage du vent qui soulève la poussière, dans l'effacement des signes de la stèle ornant la place, ou bien dans ces choses que je ne saurai jamais autrement que parce que tu me les auras dites, et que je te croirai sur paroles, parce qu'il n'y a aucune raison pour que tu ne m'aies pas menti, je dis bien ce que je dis : parce que je parie plus sur ton mensonge que sur ta sincérité de mauvaise maille, forcément mauvaise puisque tu l'invoques à la moindre incartade dans ce que tu espères que les autres penseront de toi. Donc se dire des choses, avec tout le mensonge qui sied, sans quoi, tout cela ne vaudra pas tripette, pas plus qu'un pavé mal damé, tu m'entends. Ce sont les choses sans importance, les tiennes, les miennes, combinées dans leur effilochage (tu prends deux morceaux de tissus et c'est un texte nouveau...), qui me serviront de viatique.

     

  • Vide amateur

    Sans doute n'a-t-il pas compris immédiatement, mais je n'en saurai rien... Ce fut soudain un bruit, immense, un grondement qui décrochait du haut des montagnes, une effervescence blanche et massive, pas une vague, les bouillonnantes sur la platitude de l'océan : un lit à pic, ou presque, de terreur.

    Il était peut-être arrêté à reprendre son souffle, à moins qu'il n'ait senti dans son dos la cavalcade. Elle était là, face à lui, très lointaine et pourtant si proche. Il a planté ses bâtons, sorti son portable et filmé.

    Tout était blanc d'abord, et c'est demeuré ainsi plusieurs secondes. Blanc et presque inoffensif. Puis le blanc a commencé à manger le soleil, il a viré à la grisaille, une grisaille de plus en plus intense, avant que tout ne cède au noir.

    Quand les sauveteurs l'ont retrouvé, il avait, malgré la force de l'avalanche, contre son ventre sa main tenant son portable. Et tu te demandais un temps s'il fallait voir dans son geste du courage, de la lucidité ou du désespoir. Futile débat de morale... Plus tard, tu as pensé à autre chose : à ce désir quasi morbide de filmer sa mort, d'être là, encore et toujours, de s'arracher, même pour rien, à la vaine existence, de se prolonger, coûte que coûte, de préférer fixer l'écran, pour te faire pleurer, peut-être, plutôt que de chercher à fuir. Plus tard, encore, tu t'es dit qu'il avait dû croire en l'objet qu'il tenait, y croire, c'était cela, comme en un dieu quelconque, avec un œil inquisiteur qui finirait sur une plateforme vidéo. Plus tard, encore plus tard, tu as balayé ces images, absurdes et vindicatives, de ta mémoire, ta mémoire, la seule à laquelle tu tiennes, sans retouches ni pixels, et tu as continué de vivre...

  • En pointillés

    Puis un jour elle lui dit, Ok, on y va, on fait comme ça, et elle traverse la rue avec ses deux valises, ses bouquins, quelques bricoles qui lui tiennent à cœur. Il n'a fallu qu'une demi-matinée pour que tout se fasse et ce qui n'a plus sa place ou est en double (et ce sont souvent les éléments cruciaux : le lit, j'y avais mes habitudes, j'y trouvais mon réconfort, j'y dormais seule, souvent ; l'armoire, tout mon fatras et mon intimité ; le meuble de la salle de bain, mes crèmes hydratantes, mon maquillage, tout cela qu'on bazarde à la déchetterie, qu'on revend, le sommier est tout neuf, ou qu'on refile aux copains et copines, Sarah et Jérôme vont coucher dans mon plumard) a disparu. 

    Elle a changé de numéro de rue, de trottoir, du pair à l'impair. Elle a passé la frontière, puisque la commune chevauche deux pays.

    La langue officielle n'est plus la même, les enseignes lui sont plus étrangères et quand elle s'enfonce dans cette autre ville où elle n'allait jamais, c'est lui qui venait, elle ressent un singulier dépaysement, une indicible atmosphère. Les murs n'ont pas l'air de semblables couleurs ; le pain n'a pas la même saveur ; le prix de la bière est infiniment moindre ; le déroulement des files d'attente plus ordonné.

    Il lui arrive, de la fenêtre principale de son nouveau logis, de contempler la rue, fixant la ligne blanche discontinue qui marque la frontière, sans jamais vraiment comprendre comment, dans une telle contiguïté il peut se faire qu'elle se sente si éloignée. Elle n'imaginait pas que le monde fût ainsi fait, de différences si longtemps ignorées, ou tues, et qui, d'un coup, la traversent de leur dérangement anecdotique, sans qu'elle y puisse, lui semble-t-il, plus rien. 

    Ce n'est pas la question d'être chez soi, ou ailleurs, d'être d'ici ou de là, minoritaire ou majoritaire. Elle ne dirait pas que cette histoire l'obsède. Quoique... 

    Elle s'amuse d'aller travailler de l'autre côté mais ne parle jamais de cet amusement. Il la trouve un peu triste parfois, elle répond que tout va bien. La tentation de faire le chemin inverse revient régulièrement, sans qu'il y ait urgence. C'est une possibilité. Elle n'y gagnerait rien. Cela ne changerait rien. Un coup d'épée dans l'eau, sinon que cela signifierait qu'elle l'a quitté. C'est la seule chose qui puisse vraiment exister en elle, ce repli sur elle.

    Au fond, se dit-elle, chercher à être soi serait plus simple aux antipodes, et un matin, sans rien dire à personne, elle prend une toute petite valise et un billet, pour s'en aller, au cœur d'un pays immense, un des plus grands qu'elle ait pu trouver parmi ceux qu'elle désirait, au cœur, en plein cœur d'une histoire dont elle ne connaît même pas la langue, libre de toute frontière à l'horizon, curieuse d'avoir peur.


  • Dans le fond

    Il a un jour refusé un verre, sans plus d'explication. Certains ont souri en constatant que deux semaines plus tard il s'en tenait à la même sobriété et à ceux qui ont voulu savoir il a opposé un sourire (un peu) narquois. Il n' a rien invoqué : la peur de l'accident, l'odeur récurrente du vomi, les gamma GT, la fatigue, la cirrhose, l'âge, le dégoût, l'ennui, l'entrée dans une vie plus sérieuse, maintenant qu'il était père, la crête de la trentaine, les mauvais exemples...

    Il avait beaucoup bu ces dix dernières années, essayé l'éventail des alcools, connu des périodes, des envies, des folies, des obsessions. Il avait dormi dehors, sur des bancs, sur le palier (incapable qu'il était de glisser sa clé dans la serrure), dans ses voitures successives, dans celles de ses amis, dans une ou deux cellules de dégrisement.

    Il avait connu le whisky mordoré, le goudron des stouts et la traitresse belliqueuse de la transparence : vodka, tequila, rhum blanc, mescal, aquavit..., le sucré-alcoolisé aussi : les cocktails.

    ll avait parlé pour ne rien dire, pour relancer le comptoir, pour déblatérer, pour séduire (et n'être, parfois, plus qu'un homme ne tenant pas ses promesses), pour refaire le monde. Il avait renié sa vie et ses amours ; il avait trempé ses amitiés dans la bière, les avait pleurées de même. Il ne disait pas qu'il avait tout connu ; il ne disait pas qu'il avait tout fait pour mettre fin à cette histoire, à cette mondanité ruineuse à plus d'un titre.

    Il aurait parié qu'un jour son corps le lâcherait. Il attendait une faiblesse hépatique, un manque (une angine asséchante, une fièvre pour le réduire à des tremblements en attente des degrés habituels de son sang, comme il arriva à Cyrille, et le delirium traemens.). Il n'était pas sûr qu'il n'eût couru vers ce fracas, parfois, mais en vain.

    Il avait connu les réveils laborieux, le dégoût temporaire et la honte des témoignages quand il était là sans y être. Les choses sales des discours et des bagarres, les amours sans mémoire, tout abîmées dans l'œil, vitreux souvent, de l'autre, des autres. Ce qu'il avait partagé sans y donner de soi. Ce n'était pas un temps déraisonnable mais une vie parallèle, comme s'il y avait eu en lui une réversibilité du temps et de l'espace.

    Puis, un jour, sans qu'il sût ce qui avait été la goutte de trop, il sortit d'une nuit avinée alourdi d'un chagrin inconnu, dépossédé de cette vitalité qui lui avait permis de braver le creux de la vague, le taedium du corps demandant une trève. Ce n'était pas l'incertitude de l'œil, le vertige passé de l'oreille interne aux terminaux du corps entier. Pas dans le corps, non, tout en étant bien là, dans le corps, dans son corps. Pas le corps seul, non, mais bien plus que lui. Il avait dormi chez Pierre et lorsqu'ils se retrouvèrent devant un café, sur la terrasse, en plein soleil, son ami lui expliqua, quoique ce ne fût pas le mot qui convînt, qu'il avait eu le vin triste, abyssal. Il ne répondit pas et Pierre ne fit pas plus de commentaires.

    Il fit comme si le récit amical ne s'était pas superposé à ce malaise du réveil initial et il continua ainsi son chemin, essayant de ne pas se retourner sur cet épisode. Il ne s'effraya pas d'accumuler, par occasions, les verres, croyant que l'affaire était conclue et qu'il s'agissait d'un anecdote.

    Mais il n'en était rien et une nuit, chez Vincent, cette fois, le cirque du chagrin recommença. Il s'était écroulé sur le plancher, sans perdre connaissance, capable de répondre et exigeant qu'on le laissât tranquille. Il sentait que cela allait venir. Il n'aurait pas pu en donner les symptômes précis : il en avait simplement la certitude. Et cela vint, comme il aurait pu le dire d'une envie de vomir ou d'une éjaculation. It comes...

    C'était tout le contraire de ce qu'on a l'habitude de projeter quand on parle d'un sentiment désespérant. Il n'y trouvait pas la submersion, brusque et dévastatrice, par laquelle vous étouffez, et que l'expression avoir la tête sous l'eau résume en quelque sorte, cette asphyxie acqueuse où vous sentez au-dessus de votre corps une épaisseur insaisissable, mobile et froide. Pas cela : l'image océanique de son ensevelissement, dans le mariage improbable de l'eau et de la terre. Et pas tout à fait improbable si l'on admet alors que ce serait une boue liquide, très liquide qui vous recouvrirait. Liquide liquidateur. Cette sensation, il l'avait connue : elle avait à voir avec les cauchemars, les courses pour fuir une figure inquiétante, sans que l'on puisse vraiment mettre ses jambes en action ; et de sentir le rythme cardiaque monter alors même que l'effort fourni est vain. Il s'était déjà réveillé dans la continuité de ces histoires écrasantes, haletant comme un idiot. En pleurs, dilué.

    Non, ce désarroi insondable ressemblait plutôt au retrait de la mer, à son éloignement vaste et imparable, jusqu'à ce qu'il n'eût plus en lui qu'une baïne où, dans la clarté de l'eau restée prisonnière, flotteraient des objets minuscules, sans identité, comme les résidus calcinés d'une combustion menée à son terme, comme ces infimes particules qui demeurent lors d'une évaporation aboutie (et que l'on eût alors récupéré ces restes pour les remettre dans un liquide et qu'elles flotassent, en autant de corpuscules peut-être vivants mais plus sûrement morts). Il n'y avait rien à voir, il n'avait rien à saisir. Seulement sentir cette étrange et lent tourbillon qui devait lui appartenir sans qu'il sût mettre des mots dessus. Ce n'était pas un débordement, ou une gangrène à extirper : tout au plus une danse de poussières....

    Il crut qu'il s'agissait de sa madeleine à lui, macabre et accessible aux seuls instants où il s'en remettait à un ordre qui lui retirait tout pouvoir réel. Il voulut savoir et chercha ainsi à ce que l'expérience se répétant, cette part inconnue mais toujours apparaissant quand il sortait de l'ivresse la plus profonde, une chose qui n'était donc pas fortuite mais une constante de lui-même : un axiome de son existence, cette part, il en lui donna un sens. Il vit donc de loin en loin ce pays à moitié découvert par l'alcool, mais sans jamais sembler s'en approcher le moins du monde. N'était-ce pas là ce qu'il tenait de plus intime : ce moins du monde avec lequel il luttait à chaque instant, quand, à jeun, il jetait un œil fébrile sur le temps qui passait, les jours qui s'écoulaient et la dérision de l'existence.

    Il avait donc quelque chose à gagner sur ces terres souterraines, ce point d'ancrage sans localisation autre qu'une perdition incontrôlée à force de whisky ou de tequila, sésames pulvérisés dans l'ensemble de ses boyaux. Il essaya et cette putride soumission au mystère de la baïne le rendit insensible au quotidien. Peut-être était-ce là l'alcoolisme auquel ses amis, avec discrétion, faisaient allusion, comme d'un univers qui ne concernait personne en particulier (ils ne visaient personne...) mais inquiétait. Les inquiétait. Il comprenait bien qu'il s'agissait de lui.

    Ils s'éloignèrent. Il s'épuisa, comme d'écoper une cale de bateau à la cuillère. Il y avait ce point, cette intermittence, non du cœur, mais de sa raison d'être, qui fulminait dans la tempête. Il aurait juré ses grands dieux que la rive était proche. Vaine...

    Et on l'intuba, un soir, une nuit, il ne savait plus trop. Il fut celui vers lequel on revient pour lui dire qu'il a manqué à chacun, qu'on y pensait, qu'il faisait peur et pleurer. Tout le monde y passa, comme si son lit d'hôpital était leur confessionnal. Ils avaient sans doute des choses à se reprocher, à moins qu'ils ne fissent pour certains une première prise devant la mort, essayant de comprendre comment se comporter dans un moment aussi pénible.

    Il partit en convalescence, dans une maison face à la mer. C'était, lui avait-on dit, le meilleur moyen de se refaire une santé. Une infirmière venait matin et soir pour des piqûres et elle vérifiait aussi s'il prenait correctement son traitement. Elle était blonde, comme dans les films et cela l'agaçait. Il pensait que Sarah ne viendrait pas, et c'était mieux pour l'enfant. Il ne voulait voir personne mais ce n'était pas une vraie décision, tout au plus un pis-aller.

    Il faisait de longues marches sur la plage, à pas lents, comme un vieux dont on compte les heures. Le matin, la brume venant du large. Chaque jour, ainsi, à voir la marée, cette répétition en décalage incessant du flux et du reflux, où rien ne se gagne ni ne se perd. Il savait que la sobriété était une facilité, la suspension de l'essentiel auquel il n'aurait pas donné de nom. Boire de l'eau désormais avait des airs d'amputation. Il se retirait du jeu dont il était le seul acteur et sans doute était-ce là la vraie douleur, que de ne pouvoir en parler à personne.

    Il démissionna de l'amitié, divorça de Sarah, partit de la ville pour un pays où l'alcool est prohibé ; et toujours dans sa poche la seule audace qui semblait lui rester : les poésies sur l'amour et le vin d'Omar Khayyam, dont il enviait la gaieté et la force. Médiocre ascète à ses propres yeux, il hésita plusieurs fois devant la marche à suivre. Il eut la tentation de revenir et même il n'était pas loin de prendre un billet d'avion pour l'odeur des troquets qu'il avait gardée dans sa mémoire, pour le bonheur d'un comptoir, et voir clair en lui, croyant que cette longue thrène qu'il portait en lui, il en comprendrait désormais la langue ; mais sa trace se perd un soir d'orage, dans le désert, alors qu'il est dans le lit d'une rivière soudaine qui n'existe qu'aux heures où le ciel se déchaîne, et l'on retrouve un corps, deux semaines plus tard, raboté, déchiqueté, coincé par un agglomérat rocheux, le corps d'un européen, sur lequel on n'a pas le temps d'enquêter et qu'on enterre, vite, dans la chaleur d'une décomposition purulente.

     

     



  • Le Cercle rêvé de l'excellent en selle et bel E. Merckx

     

    01/07 1ère Et. : Vendes (14) – Vendel (35). 166 km

    02/07 2ème Et. : Vendel (35) – Venevelles (72). 177 km

    03/07 3ème Et. : Venevelles (72) – Le Verger (49). 155 km

    04/07 4ème Et. : Le Verger (49) – Vendrennes (85). 189 km

    05/07 5ème Et. : Vendrennes (85) – Vellèches (86). 197 km

    06/07 6ème Et. : Vellèches (86) – Vellèches (86). 40 km (c.l.m.)

    07/07 7ème Et. : Vergt (24) -Vers (46). 179 km

    08/07 Détente

    09/07 8ème Et. : Vers (46) – Vèbre (09). 250 km

    10/07 9ème Et. : Vèbre (09) – Vendres (34). 212 km

    11/07 10ème Et. : Vendres (34) – Venelles (13). 245 km

    12/07 11ème Et. : Venelles (13) – Vence (06). 205 km

    13/07 12ème Et. : Vence (06) – Le Vernet (04). 186 km

    14/07 13ème Et. : Le Vernet (04) – Vesc (26). 184 km

    15/07 14ème Et. : Vesc (26) – Le Vernet (43). 183 km

    16/07 Détente

    17/07 15ème Et. : Vers (71) – Verges (39). 138 km

    18/07 16ème Et. : Verges (39) – Vezet (70). 151 km

    19/07 17ème Et. : Vezet (70) – Venère (70). 32 km (c.l.m.)

    20/07 18ème Et. : Velet (70) – Vervezelle (88). 197 km

    21/07 19ème Et. : Vervezelle (88) – Véel (55). 193 km

    22/07 20ème Et. : Véel (55) – Vendresse (08). 192 km

    23/07 21ème Et. : Vendrest (77) – Bd Delessert (75). 145 km

     

    Le Belge, en cet été, se démène ferme ; B. Thévenet, zélé rebelle, serre des dents, cède des mètres lentement. Le Belge se presse en tête, se dresse lestement, se tend excellemment vers les crêtes, hèle l'éther, telles les légendes hellènes (de l'excès, de l'excès, de l'excès...), descend les pentes, ne cesse d'emperler les éphémères décernées des belles.

    Bd Delessert (près des stèles G. Perec et R. Merle), Merckx revêt le vert tee-... Vert ? Je remets mes verres, en reste bé. Vert ? Je me reprends : l'effet des reflets de scène. C'est sévère, certes, répète l'hébété Thévenet. C'est réglé. Les Belges le fêtent : Gent le vénère, Leper le révère, Bergen se délecte. Le frère de Bébert* décrète : le règne de Merckx est éternel. Le Belge l'entend, s'en défend, se verse le verre de Xérès léger, le descend prestement, se lèche les lèvres et rêve. Bel événement !

     

    *Le frère de B., en règne entre 1951 et 1993.

     

     

     

  • D'un rien une catastrophe

    plage et ronflement.png

     

    Ils étaient partis d'Avranches sous un soleil ardent, bien surprenant remarqueront les tragiques qui voient en toute surprise mauvais présage, et ils passèrent au loin de la silhouette du Mont-Saint-Michel qu'ils saluèrent comme il se doit. Ils virent la grève, belle, immense et dans l'extase d'un jour de vacances ils s'installèrent, plantant sacs et bâtons dos à la mer.

    Ils mangèrent et le repos vint. Faire merienne comme aimait à le dire Georges. Le Georges de la photo, prise de fort loin, avec un zoom, par un quidam n'y pouvant mais de voir la marée remonter à la vitesse d'un cheval au galop (telle est l'image que l'on retient dans la baie), et de les voir, eux, endormis, et bientôt submergés.

    Quand on demanda à la famille comment ces trois âmes n'avaient pu en réchapper, sourds aux roulements de la marée déchaînée, l'oncle Édouard se lamenta que Georges, bruyant ronchopathe, au point que sa femme faisait ou chambre à part ou dormait avec des boules Quiès, n'ait jamais pris au sérieux sa maladie. Échappement libre dès qu'il touchait le sommeil, bombardier diurne de la sieste, il disparaissait bien jeune, emportant avec lui femme et belle-sœur...



    Photo : X