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Du monde des images - Page 2

  • Fritz Lang et son double

     

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    Fritz Lang dans Le Mépris

    J'aime de moins en moins le cinéma. Peut-être que je n'y comprends rien, dans le fond, incertain, en même temps, qu'il y ait beaucoup à y comprendre... Beaucoup d'énergie, d'argent, de sueur et d'ego, pour un résultat assez pauvre, et cela ne va pas en s'arrangeant. Reste malgré tout que certains ilôts demeurent, où se mélangent encore l'étonnement, le plaisir et, vraisemblablement, des aventures liées au destin personnel qui font que certains films, comme des livres, peuvent demeurer. Ainsi Le Mépris de Godard.

    Il est d'abord rare, très rare qu'un film atteigne à la plénitude de l'ouvrage dont il est l'adaptation (Je ne connais, dans ma pauvre culture d'images, en équivalent, que La Mort à Venise de Visconti qui, en passant du bavardage démonstratif de Thomas Mann à la figure bouleversante et quasi muette de Dirk Bogarde, touche au sublime d'une (dé)composition de l'être visible, purement, dirai-je, visible, ce à quoi doit atteindre, s'il a une destinée, le cinéma. Ce qui n'est pas un mince exploit, en l'espèce, quand on considère les indigestes «pièces montées» dont nous a gratifiés, par ailleurs, le cinéaste italien.). Le Mépris, pour mémoire, est d'abord une nouvelle de Moravia qui ne casse pas quatre pattes à un canard, comme on dit. Godard en nettoie l'architecture de fond en combles et, outre la relation trouble du couple (Bardot/Piccoli) avec un tiers (Jack Palance, qui, paraît-il, ne comprenait pas trop de quoi il retournait), y ajoute une composante littéraro-cinématographique puisque nous nous trouvons bientôt engager dans les affres d'un tournage cahotique autour d'une adaptation de l'Odyssée, adaptation avec laquelle, pour ce que nous en verrons, Godard ridiculise le peplum des années 50 (mais tout aussi bien, comme une prémonition, le désastre dans quoi s'est fourvoyé plus encore le cinéma contemporain en la matière). J'imagine bien que si l'on vendait ainsi le film : «le tournage de L'Odyssée», le spectateur lambda de notre époque, qui confond si allègrement le sens des images et les avatars technologiques faisant des acteurs de vulgaires faire-valoir d'effets spéciaux sans cesse dépassés par la dernière trouvaille, ce spectateur crierait au scandale, demanderait le remboursement du billet et traîterait Godard de débile qui ne sait pas tenir une caméra (alors que c'est justement le point crucial : ce n'est pas de tenir l'objet qui est essentiel, de savoir s'en servir comme on l'affirme, mais d'avoir pensé à l'objectif qu'on lui assigne. Cela suppose, je crois, un minimum de culture, littéraire notamment, ce dont le dit Godard n'est pas dépourvu.).

    Qui dit «film à tourner», dit réalisateur et pour le compte, nous sommes servis puisque le réalisateur suisse se donne le rôle d'assistant, à peine visible, et qu'échoit à Fritz Lang la charge d'affronter Homère et, plus périlleux, bien plus périlleux, le producteur américain, inculte, tyrannique, vulgaire qu'incarne Jack Palance. Fritz Lang joue donc son propre rôle.

    La première fois que je vis ce film (et ce n'est pas d'hier), je le compris comme une mise en abyme d'une mort du cinéma lui-même, lequel s'abandonnait à la conjuration des imbéciles qui estiment l'œuvre à sa conversion comptable et au clinquant de sa mise en œuvre. Comptabilité : principe universel d'un monde où, quel que soit l'objet, il s'agit de rentrer dans ses fonds. Il n'aura échappé à personne, sur ce point, que l'on fait d'ailleurs monter sur scène désormais, pour la remise des Césars, non seulement le réalisateur mais le producteur, manière de confondre l'art et la finance, de donner à cette dernière ses lettres de noblesse (soyons honnête : le cinéma n'est pas le seul concerné et il y a bien longtemps que dans les arts, on ne fait plus rien pour la beauté du geste.). La lutte entre Lang et Palance est la mise au net d'une contradiction qui assujettit le désir de (dé)mont(r)er au principe de réalité. C'est en ce sens que le cinéma me semble un art réaliste sans équivalent. Il ne peut s'abstraire d'une passion monétaire qui rôde derrière chaque plan. C'est pourquoi il est si putassier. Godard, d'ailleurs, en fait la démonstration ironique dans la première séquence, ô combien célèbre, qui passe en revue le corps nu d'une Bardot débitant le dialogue le plus stupide qui soit.

    Revenons à Fritz Lang. J'ai aimé, instantanément, sa tenue, son élégance un peu passée, le monocle hautain et fragile, la voix, l'inflexion allemande donnant une autre musique à notre langue (dans ce film aux multiples idiomes, sans sous-titrage, et aux traductions immédiates et parfois approximatives, pour mieux souligner que la compréhension de l'autre n'est pas une mince affaire), sa grâce intime à réciter du Hölderlin évoquant le lien des hommes aux dieux. Il est l'astre profond du film et rien, ni la nonchalance de Piccoli, ni la moue de Bardot, moins encore l'imbécillité sidérale de Palance, ne peut l'approcher. Il tient le cap, quoi qu'il en soit, et comme une dernière pirouette tragique, il annoncera que, malgré la mort du producteur (ou peut-être grâce à cette mort justement), il finira le film. Et c'est là que, d'une façon inattendue, l'odyssée de Godard rejoint notre monde. Nul ne sait encore que lorsque le réalisateur allemand, être alors de fiction, annonce sa décision d'achever le périple d'Ulysse, son double, bien réel, scelle son propre devenir. Nous sommes en 1963. Fritz Lang a encore treize ans à vivre, mais plus rien de ses projets n'aboutira, et lui, à qui on doit M le Maudit, le Docteur Mabuse, Metropolis ou Les Contrebandiers du Moonfleet, disparaît des écrans. Il est de ces grandes figures, comme Welles (à qui on fera payer toute sa vie l'incompréhension de l'immense Citizen Kane, qui ne remplit pas les caisses, en le laissant faire de chaque œuvre suivante un combat intense et parfois mutilé : pensons au massacre de La Splendeur des Amberson.), comme Laughton (réalisateur d'une unique comète, La Nuit du Chasseur) et plus près, Michael Cimino, que l'art qu'ils ont servi anéantit. Mais ne s'agit-il pas d'un problème plus prosaïque, plus mesquin ? Ainsi Le Mépris peut-il être regardé sous l'angle d'un enterrement du réalisateur, de l'œil décalé qui fixe le monde pour nous dire encore une fois l'impossibilité de se satisfaire du sensible immédiat. Fritz Lang, l'être fictif, nous fait croire que tout est encore imaginable, que l'esprit, la chair et la volonté peuvent vaincre l'asservissement à la rude loi du marché (quand, dit-il dans le film, les carnets de chèque ont remplacé les revolvers) mais il est, par l'ironie de la vie, réelle celle-là, pesante et circonscrite à des chiffres, rattrapé par le Fritz Lang, bien vivant (c'est-à-dire déjà mort), pour qui toute la vertu (pris aussi dans son sens latin) sera inopérante.

    La fameuse maison de Malaparte qui sert de décor à une partie du film, avec son escalier sacerdotal et sa terrasse sacrificielle, seuls Paul (Piccoli) et Camille (Bardot) s'y retrouvent. Cette demeure, Lang y reste cloîtré, d'une certaine manière. La grandiloquence architecturale, et tout extérieure, est, à l'intérieur, sépulcrale et l'horizon est fini, fini comme cette fenêtre vers laquelle se penche Prokosch (Palance), fenêtre qui fait écho, dérisoire, à l'œil initial, celui de la caméra de Raoul Coutard qui clôt le générique en même temps que Godard nous offre une citation (truquée) d'André Bazin : «le cinéma substitue à nos regards un monde qui s'accorde à nos désirs». Ironie, sans doute...

    Certes, on continue à faire des films, à les faire justement, plutôt qu'à les penser. Viendront bien quelques perles dans la boue, mais, soyons honnêtes, quand on fait le tour du propriétaire, il faut rendre les armes et se dire qu'en entravant Lang (le réel et le fictif), c'est, en emblème, la lutte contre l'intelligence et la pensée qui est décrétée dans le cinéma. Et cela, Godard le sait mieux que personne.

    P.S. : Tout classement n'a qu'un intérêt relatif mais lorsqu'on a, il y a peu, sollicité des réalisateurs et des critiques pour constituer une cinémathèque idéale, il est imparable que, parmi les quinze premiers, le plus récent soit justement l'opus de Godard. Ajoutons, pour faire bonne mesure (?), que dans les cent films de cette liste, publiée en 2008, cinq films étaient postérieurs à 1980. La magie n'aura pas duré longtemps.

    Pour information (comme on écrit dans les courriers administratifs...) :

    Citizen Kane, Orson Welles. La Nuit du chasseur, Charles Laughton ; La Règle du jeu, Jean Renoir. L'Aurore, Friedrich Wilhelm Murnau. L'Atalante, Jean Vigo. M le Maudit, Fritz Lang. Chantons sous la pluie, Stanley Donen et Gene Kelly. Vertigo, Alfred Hitchcock. Les Enfants du paradis, Marcel Carné. La Prisonnière du désert, John Ford. Les Rapaces, Eric von Stroheim. Rio Bravo, Howard Hawks. To be or not to be, Ernst Lubitsch. Voyages à Tokyo, Yasujiro Ozu. Le Mépris, Jean-Luc Godard.

     

     

     

     

     

     

  • Pas si simple...

     

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    "Il n’y a rien de plus silencieux qu’une photo, il n’y a aucun autre art qui puisse être aussi silencieux que cela. En voulant arrêter le temps, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, la photo émet du silence." 

    Ce sont les mots de Denis Roche dans une interview qu'il accorde à Pascale Mignon et Marina Stéphanoff.. L'affirmation, sous forme négative d'ailleurs, peut être discutable, et de fait discutée, mais j'y trouve un étrange point de jonction, quand je regarde cette prise (1).

    Je n'avais pas pensé à prendre ce graffiti. C'est une mienne connaissance qui me la signale en sortant de la voiture. J'ai mon appareil. Je ne cherchais rien mais les mots, certes, me plaisent. Et plus que la formule dans sa globalité, ce sont les articulations qui me séduisent : mais, car. Encore faut-il, pour s'en soucier, que l'on fasse un arrêt sur image, que, tout à coup, nous fassions la paix avec le temps. Le silence dont parle Denis Roche, je le vois comme cette suspension devenue si rare du mouvement qui, comme l'éponge mouillée sur le tableau, fait que nous passons à autre chose. La photographie saisit un instant : c'est un lieu commun, d'autant plus éculé qu'a fleuri la street photography, selon un schéma systématique et, disons-le, aporétique. Mais quel sens a cet instant quand il fige ce qui était déjà figé ? Le silence de Denis Roche, pour l'heure, n'est-il pas une autre formulation de l'attention aux choses qui se perd à force de croire que seule l'agitation est un signe de vie ?

     

    (1)Singulier balancement des mots, autour de la photo, pour laquelle on balance entre l'agressif arrachement au réel, un sursaut énergique : une prise, comme on parle d'une prise de guerre, et un repli plutôt mou sur la banalité : le cliché, comme on parle d'un poncif, et donc un déjà-vu. Si l'on opte pour cette deuxième lecture, toute photo, bien au-delà de la question du "ça a été" de Barthes, est une condensation de ce que l'on connaît et ne sert, peut-être, qu'à nous en rappeler l'existence.

     

    Photo : Philippe Nauher

  • Cartier-Bresson, la pulsion

     

    Ce nouveau billet poursuit l'exploration personnelle des œuvres photographiques devant lesquelles mon regard reste coi (1).

     

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    C'est par le plus grand des hasards que l'on connaît les circonstances de la "prise". Yves Bonnefoy, le poète, attend Cartier-Bresson à un arrêt de bus et tout d'un coup ce dernier sort son Leica devant son ami sidéré. Il a vu quelque chose. Il arme son appareil et Simiane entre dans l'histoire de la photographie. 

    On sait à quel point Cartier-Bresson était attaché à l'idée de l'instant décisif. La photographie avait comme dessein de saisir, et de fixer, un moment tiré de la longue chaîne du temps et de celle des actions afin d'en garder la teneur essentielle, qu'elle soit anecdotique ou exemplaire, même si, d'une certaine manière, l'anecdotique décisif avait vocation à tomber dans l'exemplaire. Entendons par l'exemplarité, non pas un motif générique ou une quelconque portée anagogique de l'événement, mais plus simplement sa valeur de césure dans l'écoulement, sa dimension suspensive, celle que symbolise une de ses œuvres les plus célèbres, de 1932, l'homme bondissant place de l'Europe, près de la gare Saint-Lazare.

    Qui y a-t-il de si décisif en ce lieu ? Mais peut-être devrait-on parler de théâtre, d'une certaine manière, tant le spectateur a l'impression de se retrouver devant une scène. Considérons alors les êtres réels comme des personnages, pris dans un ballet en apparence désordonné. Trois groupes de deux, quoique pour la figure à l'extrême droite, on ne distingue que la moitié de son corps. D'un point de vue structural, dans la disposition qui les intègre ils forment les trois points d'un triangle presque rectangle et cet équilibre rend la circulation du regard des uns aux autres assez faciles. On tourne sans mal d'un groupe à l'autre. On parcourt donc l'espace d'avant en arrière (et inversement), de droite à gauche (et inversement). La profondeur du lieu couvert n'est donc pas un obstacle à l'homogénéité du tableau. Car le motif du tableau, d'un dispositif quasi pictural, traverse assez vite l'esprit. Si on ne connaissait pas le caractère impromptu de la photographie, on imaginerait sans mal une composition pour une toile. Mais composition ne signifie nullement ordonnancement, comme si l'équilibre était le seul impératif de ce qui frappe, la seule façon de pouvoir accrocher le regard (2).

    Ici la composition s'impose dans le mouvement du regard qui va mener le spectateur d'un groupe à un autre. Et dans cette perspective, l'élément premier, ce qui constitue en quelque sorte la toile de fond du sujet, est déterminé par l'axe mettant en relation le photographe et les deux jeunes filles assises sur le muret. Elles sont deux mais, immédiatement, une se détache. Son corps, contre la colonne, est tout en raideur. Le buste ne colle pas à la pierre. L'angle est net. Les jambes sont tendus, les bras sont tendus. Contrairement à sa "jumelle", qui a tourné la tête vers l'objectif, elle semble indifférente à ce qui se déroule. Elle est toute à sa gymnastique dont on ne peut déterminer clairement le sens. Il y a quelque chose d'intriguant. Est-ce un jeu ou bien une gymnastique d'ailleurs ? Difficile à déterminer mais, de fait, les bras tendus (même si on n'en voit qu'un) deviennent des signes directionnels désignant le second groupe, dont le personnage principal est une sorte d'antithèse de la dite jeune fille. Il est face à l'objectif, en appui net contre le muret, les mains posées sur la pierre. Surtout : l'un de ses bras forme un arc, pendant que le second est tendu. Il y a une dissymétrie qui instille la vie : le personnage est en discussion. Peut-être est-ce lui qui parle ? Ce que saisit Cartier-Bresson est un moment de palabre ; il suspend le temps de l'échange tout en suggérant le flux qui anime celui-ci.

    Les bras de l'homme se détachent sur le fond blanc, alors même que le bas de son corps se fond dans la pierre. Comme les deux jeunes filles, il est inconnaissable. Ses traits sont un pur flou. Flou qui contraste avec la netteté du premier plan, celui des deux garçons. Ils sont le pendant des deux jeunes filles, à la fois leur correspondance numérique et symbolique, le masculin répondant au féminin. Mais ils en diffèrent aussi fondamentalement. La tension et la symétrie (chacune adossée à la colonne qui forme un axe) des premières s'opposent au caractère défait de leur pose. Bavardent-ils ? S'ennuient-Ils ? Leurs corps sont relâchés. L'un s'étend et l'autre est recroquevillé. Leur unité tient aux regards qui s'accordent, et rien de plus. Ils sont dans la photo ce qui paraît le plus spontané, ce qui semble le plus éloigné de l'intention photographique, de ce qui aurait pu être programmé. Le plus grand a un bras tendu, retenu en partie par la main de l'autre bras. Le plus jeune a un bras replié et un bras mollement étiré sur le sol. Il y a un désordre directionnel symbolique d'une torpeur sensible et remarquable.

    On comprend aisément que ces trois groupes se répondent à travers un élément qui les constitue : les bras. Le point commun est, d'une certaine façon, traité dans l'instant à travers la variation, comme s'il s'agissait d'un répertoire de gestes, une nomenclature kinésique. Ce saisissement-là, si on en restait à cette seule considération, serait déjà remarquable. Mais le caractère ineffable de ce cliché vient d'ailleurs, d'un détail qui donne un degré d'imaginaire supplémentaire à l'ensemble. Ce détail se trouve sur le pilier du mur à droite, sur l'affiche à moitié déchiré. "Donnez un peu de votre sang". Voilà ce qu'on peut y lire. Voilà ce qui ouvre à l'extraordinaire. Cet appel, une fois lu, réoriente la lecture de la photo. Tous ces bras se transforment en une illustration du texte. Cette vie disséminée en chacun des acteurs trouve son écho dans la nécessité solidaire du don ; ces bras si diversement disposés deviennent des appels. Les personnages de Simiane sont vivants, et bien vivants. Leur vitalité a un prix, comme celle de chacun. Elle ne va pas de soi et, pour certains, elle manque cruellement. L'affiche métamorphose cet instant décisif en un discours décisif, émouvant et humain. Sans elle, le regard de Cartier-Bresson se réduirait à un sens du spectacle, à un opportunisme quasi technique. Par elle, il se remplit d'une émotion rare.

    Sans doute certains douteront que l'artiste ait vu ce qui fait le sel de cette photo. Sur ce point, il faut rappeler que la perception procède aussi d'un degré variable d'aveuglement. Peu importe qu'il ait lu l'affiche. Le précieux est que, chance, hasard, ou génie, il nous confronte, avec une belle poésie, à la beauté et au tragique de l'existence.

    (1)Pour mémoire, j'ai déjà commenté des clichés de Boubat, de Baltz et de Dakowicz.

    (2)Sans revenir au si classique punctum barthésien, il est facile d'admettre que parfois (souvent ? difficle à dire), c'est justement par l'imperfection, le dérangement,  par ce qui "cloche" que notre attention se concentre et qu'elle se focalise sur une partie d'un ensemble.

  • Alexandre Mouchet, Exposition photographique

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    Alexandre Mouchet exposera un choix de ses photographies du 11 au 25 novembre, au Bomp ( 1, place Croix-Paquet, 69001 Lyon) (1). Le vernissage se déroulera le vendredi 11 à partir de 19 heures.

    Belle occasion de découvrir un jeune artiste, à la fois photographe et vidéaste. Une maîtrise technique au service d'un regard vif tourné vers l'exploration de l'environnement urbain et l'étonnement des espaces plus infinis.

    Pour lire une intéressante interview de l'intéressé, c'est ici.

    (1) On le retrouvera ensuite en janvier à l'Espace Berthelot, dans le 7ème arrondissement.

  • Se bercer d'illusions

    Il y a quelques semaines, on trouvait l'affiche ci-dessous dans les rues de Lyon.

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    Catherine Deneuve était à l'honneur du dernier festival Lumière. On lui remettait un prix. Sans doute n'y aurait-il rien à en dire si on ne se souvenait que l'an dernier on honorait Martin Scorsese. Dans les deux cas, un portrait. Très classique pour le réalisateur américain, conforme à ce qu'il est désormais, avec ses grosses lunettes et ses sourcils broussailleux. Ceux qui sont venus le voir en chair et en os ont retrouvé ce qu'on leur avait vendu sur l'affiche.

    En revanche, il n'en est pas de même pour la grande Catherine. Point de respect du temps présent et de soumission à la rigueur de la réalité. Sans doute l'actrice veille-t-elle à ce que son image soit conforme à l'idée qu'elle s'en fait et aux représentations fantasmatiques auxquelles elle veut être associée. On ne lui en fait pas le reproche. Elle n'est pas la seule. C'est dans l'air du temps. Le souci de soi et les attentes narcissiques exacerbées par la société contemporaine permettent toutes les audaces, même les plus ridicules, celles qui se démasquent dans l'instant. Les assiégés du Moi, pour reprendre Christopher Lasch, se multiplient

    Il serait bon de leur dire, à toutes ces audacieuses (et aux audacieux aussi) que leur combat non seulement est vain mais qu'il enlaidit la grâce de leur passé. Elles ne sauvent rien, et surtout pas leur réputation. Leur beauté ne serait pas perdue si elles ne prenaient pas outrage d'être ainsi communes. Ava Gardner, la plus belle de toutes, l'avait, elle, très bien compris et dès la quarantaine atteinte, elle savait se faire respecter du temps en refusant de feindre qu'elle pût s'y soustraire. 

  • Métonymie

    La partie pour le tout, le fétichisme de la basse lumière et du chuchotement. La parole, sans quoi rien ne serait, sinon une mécanique du vivant, à laquelle nous essayons d'échapper.

    La métonymie plutôt que la métaphore. Le fixe et l'éternel plutôt que la viralité de l'imaginaire.

     

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    Photo : Philippe Nauher

  • Les armoiries de la rêveuse

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    Elle a tout de suite balancé qu’elle ne gardait rien, qu’on pouvait tout jeter : les meubles, les souvenirs, les lettres, les vieilles fringues, et les neuves. La vaisselle aussi, sans parler des photos.

    Elle prenait seulement une valise, vide. Vide ? Evidemment, puisque le but de toute cette aventure n’était pas de se surcharger mais de remplir les jours, les mois et les années à venir. Il fallait donc une valise, sans rien à l’intérieur.

    En plus, ce serait utile, en arrivant là où elle passerait, une manière d’avoir une main libre et l’autre occupée à faire croire qu’elle avait déjà vécu, qu’elle venait de quelque part, qu’elle était sûre d’elle-même.

     

    *

     

    Elle pensait aux premiers temps, aux premières nuits inconnues dans des endroits improbables ; et d’ouvrir la valise pour n’y rien trouver et ne rien y mettre. Et elle imaginait que, peut-être, un matin, en faisant la chambre, un hôtelier indélicat voulant fouiller pour en savoir davantage découvrirait le secret de cette si discrète occupante de la chambre 15.

    Il aurait peur, ensuite, en la voyant au petit-déjeuner, peur de ses manières simples, de son calme. Il suffit de peu pour les gens (se) racontent des histoires.

    Il lâcherait même, le matin de son départ, un « vous n’êtes pas encombrée, dites », auquel elle répondrait, avec un large sourire, qu’elle a tout sur elle et que le monde est inépuisable.

     

    *

     

    Elle a gardé un certain temps la valise, sans jamais rien y conserver. Ce n’était pas nécessaire. Elle pouvait faire sans. Elle l’a abandonnée sur un chemin qui descendait vers la mer, et longtemps après, très longtemps, dans l’intérieur de la doublure qui venait de se déchirer, le fils de l’acquéreur inopiné a trouvé la photo couleur d’une jeune femme châtain clair, sur un quai de gare, sans la moindre indication, ni recto, ni verso. Il a beau chercher en elle les traces d’un sentiment particulier et précis, il reste désemparé, comme si, dans l’éclat des couleurs étonnamment conservées, d’une époque indéfinie, elle arrivait à se soustraire à son regard. Cette photo, il l’a punaisée sur le panneau de liège, au-dessus de son bureau, dans un coin à part, et il se promet un jour de retrouver ce quai et d’en percer le mystère…

     

    Photo : Alexandre Mouchet (avec l'aimable autorisation de Newyorka)

                  

  • La manquante et l'ajouté

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    À cinquante mètres de distance, découverts le même jour : une lettre manque ici quand on a écrit un chiffre en plus là. La beauté du kairos fait courir l'imagination, puisque, dans une certaine mesure, l'esprit peut être trompé par ce qui est ajouté ou retranché.

    Dans un roman policier, il arriverait ainsi qu'un personnage ait été gravement touché dans la rue de Crimée mais que, retrouvé ailleurs, inconscient, il ne garde, dans les dernières lueurs de lucidité que le souvenir du crime, la rue du crime, ce qui, en considération de son état, laisserait les enquêteurs perplexes. Il y a si loin de la Crimée au crime, dans ces circonstances, que tout le monde resterait longtemps aveugle. De même, dans un autre roman, un agonisant évoquerait le 33 et la police passerait au crible toutes les adresses de la ville répondant à ce critère. En vain.

    Il faut ainsi imaginer, dans les deux cas, un autre indice pour que l'énigme soit résolue, moins un indice d'ailleurs qu'une illumination, une pas même intuition, plutôt : un mélange de réminiscence et de conviction. Par exemple, dans l'affaire de la lettre, le héros, revenant d'une conférence sur Lacan (il est l'amant d'une psychanalyste...), relirait le fameux texte de la Lettre volée, que son esprit détournerait évidemment pour trouver celle qui manquedans l'affaire du chiffre -devenu nombre- l'esprit aventureux d'un inspecteur, revoyant L'Assassin habite au 21, de Clouzot, ferait une addition 2+1=3, penserait au docteur Linz. Dites 33. Son supérieur trouverait cela tiré par les cheveux, comme on dit. Mais l'invraisemblable serait, selon les amoureux de l'algorithme, la règle.

    Le monde est plein de signes, sur lesquels nous nous méprenons. Nous le savons. Qu'à cela ne tienne : nous aimons l'erreur, l'illusion, l'approximation. Elles nous blessent autant qu'elles nous nourrissent. La manquante et l'ajouté nous servent à garder à l'esprit le bonheur trouvé dans l'exacte mesure de l'existence... 

     

    Photos : Philippe Nauher

  • Lee Friedlander, fractures drolatiques

      

     La vitre, le miroir, le rétroviseur, la flaque, le verre. Le reflet. La réfraction et la diffraction. Ce sont des lieux communs de la photographie. Et l'immense Lee Friedlander en a usé avec une belle maestria. On pourrait faire une exposition conséquente de ses clichés qui jouent ainsi de l'éclatement du réel, de sa démultiplication, quand, parfois, tout se confond, et quand, d'autres fois, il s'agit de tout éparpiller. On saisit le balancement du procédé : condenser, comme dans un rêve, décomposer, comme dans une analyse. Ainsi envisagée, dans une rhétorique qui doit à l'univers freudien, la photographie s'oriente vers l'espace de la fracture, laquelle fracture vaut autant pour ce qu'elle montre d'inédit (1), que par ce qu'elle rappelle d'évidence. Elle vient en quelque sorte sur le terrain de notre commun, le tord pour nous le rendre incertain. Je vois bien que tout est là, à sa place et pourtant dans le désordre.

    Lieux communs qui ne le sont plus vraiment. Topiques du passage et du transitoire. Tout ce pourquoi la photographie est toujours en deçà et au-delà. En fait, c'est bien , parfois, ce qui nous indispose, quand elle met tout sur la table et qu'il faut nous débrouiller.

     

     

     

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     Cette photo de Lee Friedlander est sublime. Il n'est pas question d'en discuter la grandeur technique (netteté, équilibre des noirs, gris et blancs, grain, bruit...) : de tout cela, on se moque (2). L'important réside dans la structuration, dans cette manière tranchée et tranchante de découper le réel dans un sens qui redouble et détourne le fondement même de la photographie. Celle-ci procède en effet d'un cadre (produit d'un cadrage) par quoi le pris se définit en fonction d'un hors-champ. un cliché est bien une fenêtre et ses bords marquent l'entaille faite. Et même si nous ne semblons pas y faire attention, cette réalité des bords oriente, parmi d'autres paramètres, l'appréhension de ce qui nous est donné à voir. C'est aussi par ce qui est coupé, amputé, exclu que l'œil formalise, compose une lecture de la photo.

    Or, en jouant, de manière aussi centrale (même s'il n'est pas centré), avec le rétroviseur, Lee Friedlander rompt cet équilibre du dedans et du hors-de. L'exact découpage sur toute la hauteur de la photo induit que cet autre élément de vision prend une place très particulière dans cette histoire-là. On trouve, y compris chez cet artiste, nombre de clichés où le rétroviseur ouvre un petit espace dans l'ensemble, pour dévier le regard, comme s'il avait une fonction de clin d'œil. C'est d'ailleurs pour cette raison que son utilisation récurrente perd de son efficacité et tourne au gimmick, à la manière technique. Il arrive qu'on s'étonne ou qu'on s'amuse, mais le soufflé retombe vite. Lee Friedlander dépasse largement cette problématique puisqu'il ne fait pas de la vue rétrovisée une anecdote. Cela signifie qu'il met une équivalence entre les deux réalités saisies ; non qu'elle soient semblables (équivalentes) mais parce qu'aucun des deux ne prime sur l'autre. Tel est le premier enseignement à en tirer. Il n'est pas possible de hiérarchiser ce que le photographe nous montre. Il n'y a pas de premier plan, ni de second plan, même métaphoriques, mais deux réalités consubstantielles qui se tiennent bord à bord, dans des espaces différents. En conséquence, le défilé n'encadre pas l'arbre, et l'arbre n'est un dérivatif du défilé puisqu'il n'en rompt pas la continuité : il ne fait qu'en suspendre la linéarité graphique.

    Si l'on s'intéresse à la composition, de facto les deux univers mis en relation (3), se chevauchant, sont pour le moins antithétiques, et ce à plusieurs niveaux. Sans essayer de tourner l'affaire à une accumulation d'éléments binaires, qu'on pourrait rendre sous la forme d'un tableau, repérons le principal. La scène du rétroviseur est centrée sur la nature. L'arbre en est l'élément structurant : il s'étale, par son feuillage, et la pelouse qui le précède ne sert qu'à donner l'idée d'un espace inoccupé, très vaguement sauvage, quoiqu'on l'associe sans mal à une maison dont il serait l'avant-scène. Cette irruption naturelle tranche avec ce qui l'environne, puisque, de chaque côté, nous repérons les détails d'un défilé militaire. Suivant une diagonale ascendante allant de droite à gauche (pour le spectateur), des hommes en uniforme traverse l'objectif. Ils marchent, dans une rue bordée de maisons et de voitures garées. Le drapeau national donne à cet événement un caractère solennel, sérieux. Hommage ? Commémoration ? Fête nationale ? Il n'y a pourtant pas foule pour applaudir le spectacle. Cette absence surprend : la photographie américaine est habituée à capturer la liesse populaire. Pas ici. Pour ajouter à l'étrangeté, les hommes sont pris de dos. Ils s'éloignent. Les plus proches sont-ils les derniers de la file ? Peut-être. Il leur manque, en tout cas, une rigueur dans l'allure qu'exploite l'angle de vue. Tout cela manque d'unité.

    Les hommes d'un côté (ou plutôt des deux côtés), la nature de l'autre. Pour les premiers, la mobilité socialement organisée ; pour la seconde, l'implantation, la fixité éternelle. Telle est la deuxième opposition. L'apparente dialectique du passage et de la permanence, du mouvement et de la fixité. Pourquoi ? Sinon parce que, dans cette situation particulière, les seconds termes résultent des premiers. La marche militaire assure symboliquement la tranquillité, la quiétude de la petite ville ou de la banlieue que traversent les uniformes. L'arbre, la pelouse, le chien, la niche du chien ont un prix et si Dieu bénit l'Amérique, cela ne suffit pas. Il faut bien que certains s'engagent à ce qu'il en soit ainsi. Des hommes. Pendant que les civils regardent : c'est le rôle des deux personnages assis, sur la gauche de l'image, et de l'autre, unique, à sur la droite. La construction de la photo n'est donc pas seulement fracturée dans l'espace ; elle l'est aussi dans le temps symbolique qu'elle suggère, quand elle unit la violence potentielle (et légitime, pour reprendre l'expression de Max Weber), celle de l'Etat, et le gain qu'en retire la population : un certain confort nimbé de reconnaissance. Il faut un public, pour que cette histoire ait un sens. Le sens que donne à la marche l'histoire elle-même.

    Et c'est à ce niveau qu'on sent poindre une ironie cruelle. Trois témoins de la grandeur nationale, voilà qui fait peu, surtout quand on les examine d'un peu plus près. Sur la droite, les bras un peu ballants, dans une posture qui permet d'envisager le mouvement, comme s'il allait monter dans sa voiture, le personnage semble peu concerné. Sur la gauche, l'enfant regarde vers l'arrière. Sans doute vers ce qui vient, mais qui n'apparaît dans le cliché que comme une ombre. Il rompt, par son orientation, l'unité du spectacle, à la différence de la jeune femme (sa mère ?), qui suit le mouvement, mais avec un relâchement du haut du corps qu'on assimile à une mollesse ou à une lassitude. On voudrait dire : ne parlons pas du chien, mais justement si. Près de sa niche, il semble lui sur le qui-vive. Il est, aussi ridicule soit-il, en proportionnalité, il est le seul dont la posture soit à la hauteur de l'événement. Il n'est pas l'acteur principal de la scène, mais il a la position centrale. On ne le remarque au début mais, ensuite, comme ces détails qui nous agacent dans la vie courante, on ne voit plus que lui. Il n'est pas certain qu'il faille lui donner plus d'importance mais, de facto, il en prend une dont on ne peut se défaire.

    Dans cette perspective, et si l'on veut bien considérer la manière même dont cette photographie de Friedlander nous apparaît, c'est-à-dire comment les différents éléments qui la composent s'inscrivent dans le regard du spectateur, il se trouve que le glissement du plus visible : un défilé militaire, une parade, dans une petite ville américaine, vers le moins visible : dans le rétroviseur, un arbre, certes, mais aussi une niche et un chien, lequel cabot cristallise toute l'attention, tourne la prétention historique de l'homme à la déconfiture. La niche, c'est, à bien y regarder, une maison en plus petit. En arrêt près de sa demeure l'animal voit le défilé sans qu'on ait, a priori, l'impression qu'il le voie. Illusion d'optique, retournement des positions propres à l'enjeu photographique puisque les sens s'y inversent. Mais ici, paradoxalement, ils se rétablissement et ce qu'il voit le met en arrêt. Bien loin de le rassurer, cette parade l'inquiète. Dans un monde où rien ne peut plus, ne doit plus étonner, où tout passe, le chien de cette photo est le seul qui n'acquiesce pas à la naturalité de cette violence montée en spectacle...

     

     

     

     

    (1)Mais le mot est malheureux. L'inédit est étymologiquement le monde de la parole, comme l'inouï celui de l'écoute. Pour la photographie, où est la justesse ? L'"invisible" ne convient pas puisqu'il n'est pas forcément question de faire apparaître ce qu'on ne pouvait pas voir. Il ne s'agit pas toujours de révéler ; il est aussi question de mettre sous les yeux le déjà-là, le visible devant quoi notre esprit ne réagit pas. Cette insuffisance rhétorique a sans doute des raisons historiques, parce que la photographie n'a pas deux siècles. Mais pas seulement : elle induit aussi l'étrangeté qui nous habite face à ce qui n'est pas si éloigné de nous, sans être réductible à ce que nous en sav(i)ons. C'est l'unheimlich de la prise photographique.

    (2)Une fois pour toutes : la belle photo, techniquement bluffante, mathématiquement parfaite, esthétiquement travaillée, n'a aucun intérêt. Elle ne passe pas l'épreuve du sens, le plus souvent. Elle n'a pas d'âme.

    (3)La relation n'est pas qu'une affaire de liens ; c'est aussi un récit possible, puisqu'on relate une histoire.

  • Marc Riboud, la justesse

     

    Il y a quelques mois, une exposition rendait hommage à Marc Riboud. Elle était merveilleuse. Que dire ? sinon que la justesse du regard, au-delà de la précision technique, ramenait le moindre photographe à son humilité. Il y avait dans l'art de celui qui vient de nous quitter une netteté de la vision (qui n'est pas la netteté de la prise) qui fascinait. Où qu'il ait été, où qu'il se soit rendu, comme un Walker Evans ou un Bernard Plossu, Marc Riboud s'abstenait de faire corps avec le sujet. Moins miroir que fenêtre, pour reprendre la distinction de John Szarkowski. Il y avait en lui une sombre manière de cerner le décor et les êtres. La dramatisation chez lui ne relevait pas du pathos aujourd'hui en vigueur (comme celle nauséause d'un Sebastiao Salgado) mais d'une identification précise, concrète des rapports de force dans le cadre même dont il n'était que le témoin. Sans angélisme et sans aveuglement. Scruter des photos de Marc Riboud, c'est mélanger l'inconditionnel de l'humain et la singularité de l'être. 

    Sa mort est de peu pour un univers qui n'est même plus capable de se nourrir de ses prétendues idoles. Il était un passant magnifique dans un monde de vitesse qui ne sait plus regarder. Paix à son âme.