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  • La Terreur social-libérale

    Le nouvel épisode grec est édifiant quant à l'anéantissement politique dans lequel nous a plongés l'aventure européenne. Les Grecs, on le sait, paient au prix fort une déroute économique en partie organisée par des banques d'affaires. La misère et l'absence de perspective ont atteint les limites du supportable. Le diktat des grandes organisations mondialisées qui méprisent les nations et les peuples, qui en veulent la disparition (sinon pour n'être plus que des structures de pur contrôle policier afin de mettre au pas les éventuels contestataires), a rendu exsangue le pays fondateur de la pensée européenne (1).

    Pour que tout aille au mieux des intérêts de ces organismes multinationaux (c'est-à-dire anti-nationaux), il fallait que le pouvoir politique soit à la botte. Il était donc prévu que le président grec soit un ancien commissaire européen, un de ses technocrates qui s'assoient sur la pensée du citoyen et qui obéit à l'idéologie du libéralisme le plus pur. Hélas, l'affaire a capoté et le pays se retrouve devant des élections législatives pour le début de l'année.

    Et l'on ne dira jamais assez combien il est dangereux de s'en remettre à l'électeur parce que celui-ci est par nature idiot, versatile, indocile. Il est le plus souvent le dindon de la farce mais il lui arrive aussi de ne pas faire comme il faut. Tel est le cas présent puisque le favori des sondages est un parti dit de gauche radicale, anti-austérité :  Syriza. Il n'y a rien dans les annonces de cette formation qui puisse l'assimiler à un quelconque groupe révolutionnaire. Le PS des années 70 est, en comparaison, terriblement marxiste-léniniste ! Il souhaite seulement que l'on ne saigne plus impunément les petites gens et que certaines banques arrêtent de se gaver. Mais c'est suffisant pour que le FMI coupe les vivres, que l'Allemand de service (je ne sais plus quel ministre...) dise que les élections ne changeront rien (2). Le nullissime Moscovici vient soutenir les partis responsables face à une dérive qui met en péril l'équilibre européen...

    On remarquera que le parti qui inquiète n'est pas d'extrême-droite. Il n'appartient pas à cette nébuleuse nationaliste qui monte en Europe et dont les socio-libéraux font la caricature, expliquant qu'avec eux le désordre, le chaos, la misère sont au bout du chemin. Ce ne sont pas des chemises brunes prêtes à marche au pas de l'oie. Nullement. Ce sont des gens de gauche, mais d'une gauche irresponsable et quasiment marxiste.

    Qu'est-ce à dire sinon que pour les socio-libéraux (en gros, en France : le PS, l'UMP et l'UDI), rien n'est digne, qui ne soit pas eux, nul n'est responsable qui ne soit pas de leur rang. Le péril brun, l'épouvantail lepéniste est un leurre et il ferait de même si Mélenchon était en passe de prendre le pouvoir. Ils méprisent tout ce qui n'est pas eux. Ils ont la morgue et l'outrance des fascistes. Certes, pas de parti fort, pas de culte du chef, mais un discrédit systématique sur ce qui ne leur convient pas, une chasse aux sorcières contre leurs opposants (pensons à Zemmour), un travail de sape pour anéantir l'expression démocratique. Ils ont retenu les leçons des excès mussoliniens. La force est contre-productive. Il faut agir autrement, par une intimidation larvée, par un contrôle des médias discret mais efficace, par une marginalisation des voix discordantes, par une dramatisation délirante des risques politiques.

    En France, le danger, c'est le FN ; en Grèce, c'est Syriza. Ils ont comme point commun de ne pas vouloir se plier à la doxa. Les premiers sont très à droite, les seconds très à gauche (3). Tout est là, comme dans la démocratie américaine, où l'opposition républicains/démocrates porte sur les modalités d'une doxa libérale que personne ne remet en cause, à commencer par le si attendu Obama (4). La largeur de la route est étroite et il est interdit de prendre des chemins de traverse.

    Ce que cette aventure signifie est simple : il ne faut pas avoir peur d'aller contre eux et ne pas se sentir coupable de lutter contre eux. Ils appellent cela du populisme. Soyons populistes, sans honte et sans peur...

    (1)Le symbole n'est pas rien. Le libéralisme mondialisé est la négation d'une pensée européenne nourrie de philosophie grecque (entre autres). Le FMI est, dans son fondement même, l'effacement de la littérature dont s'est inspiré pendant des siècles tout un continent. Il n'est pas étonnant que la culture soit devenue cette coquille vide et pourtant spectaculaire par quoi brillent des idiots à concept et des affairistes 

    (2)Il y a dans l'Allemand triomphant un éternel souvenir de Bismarck et des aspirations à vouloir tout ramener au modèle teuton. C'est bien là son point commun avec l'Américain : son étonnement à ce que tout le monde ne soit pas comme lui.

    (3)Encore faudrait-il discuter plus longuement de ce "très"...

    (4)Ce qui rend plus fourbe encore le discours médiatique qui nous vend pour un tournant social et politique ce qui n'est qu'une variation dans le casting. Il est toujours curieux d'expliquer à des jeunes Français qu'Obama, en France, serait très à droite (on y revient...).

  • L'Imposture du refoulé

    En 2015, nous fêterons le dixième anniversaire d'une victoire volée, celle du "non" à la Constitution, refus clair et net, 55% des voix (1), lequel refus fut balayé deux ans plus tard par un Congrès de collabos aux ordres de Bruxelles la libérale, un peu comme en 40, une assemblée majoritairement de gauche monta Pétain au pinacle. Il y a décidément un atavisme de la traîtrise dans ces rangs-là. Ils peuvent toujours nous expliquer le contraire et fustiger tout ce qui n'est pas eux : l'affaire ne peut aboutir qu'au prix d'un révisionnisme historique quasi stalinien (mais ils ne sont pas à cela près).

    2015 sera donc une manière de demander des comptes. Et non pas à l'échelle d'une présidentielle ou dans le cadre législatif, mais au plus proche, dans l'espace politique qui a permis à la gauche de se bâtir des fiefs, des prébendes, des soumissions, des accointances d'intérêt, d'irriguer par la voie associative leur clientèle électorale, de subventionner des projets bidons et de faire du social (puisqu'ils ne font plus de politique). Les défaites de 2015 seront graves car elles tariront les ressources ; l'arbre sera bouffé à la racine. Les vendus du coup d'État de 2007 seront les poches vides. On peut souhaiter que leur misère soit noire, la plus noire possible...

    Ils invoqueront la République (mais ils l'ont mise sur le trottoir...), la morale (mais jamais la Ve République n'a connu autant de ministres démissionnaires pour des questions d'argent et d'intérêt), le péril fasciste (mais Jospin l'a répété : le FN n'est pas un parti fasciste (2)), l'image de la France (mais quand on a fait entrer Courteline et Feydeau à l'Élysée, il n'y a plus rien à dire... (3)), le besoin de poursuivre les efforts (les pauvres apprécieront), le désir d'un mieux-d'Europe ou un truc approchant (les pauvres apprécieront), les risques de guerre civile (ils auront repiqué l'idée à Zemmour, et c'est très savoureux...),... On pourrait continuer ainsi jusqu'au soir.

    In fine, ils parleront, dans un freudisme mal digéré, appliquant des notions psychanalytiques à une situation que l'on peut traiter rationnellement, d'un refoulé nauséabond. L'hydre, l'horreur, et tutti quanti. Mais il n'y a pas de refoulé en politique. Les gens ne préméditent pas leurs angoisses ; ils ont mieux à faire. Ils ne fantasment pas leurs douleurs, ni leur pauvreté, ni la violence qu'ils subissent, ni le désarroi devant un monde qui  les méprise. Il n'y a pas de refoulé collectif, sur le mode : refaisons l'histoire. Les gens cherchent à vivre. Et plutôt que de cracher sur l'électorat du FN, ils auraient mieux fait de se demander comment celui-ci pouvait se gonfler à vue d'œil, comment le réductionnisme explicatif du fascisme à chaque coin de rue, comment Zemmour en théoricien du Reich, tout cela ne tient pas la route. 

    Il est possible que les gens subissent durement et longtemps, sans que rien ne bouge. Mais il arrive qu'un élément, parce qu'il est cernable, parce qu'on peut le circonscrire finisse par cristalliser la douleur et le rejet. La spoliation référendaire, j'en suis convaincu, en est un. Parce qu'il a fait passer le latent au patent, le masqué au repérable, le subjectif du jugement à l'objectif de la décision. On a défait ce qui avait été fait. Le crime eût été excusé si l'affaire avait garanti le bonheur des gens. Ce n'est pas le cas. 2015 sera le début du solde des comptes et il est illusoire d'opposer à la défiance vis-à-vis du pouvoir les errances (possibles) d'une contestation incertaine. Le désordre est à ce point que beaucoup sont prêts à l'aventure, ce qui ne signifie pas qu'ils votent en désespoir de cause. Là encore, les éminences roses (et juppéistes) se trompent. Contrairement à tout ce qu'elles imaginent, ces belles âmes, la haine n'a que peu à voir avec une telle démarche, de même que les votants du "non" en 2005 n'étaient pas des malades, des aigris, des xénophobes et des inconscients. Ils étaient lucides, et c'est bien cette lucidité qui aujourd'hui en effraie quelques-uns...

     

    (1)Pour les crétins mégoteurs, rappelons que le pitre kafkaïen s'est enorgueilli d'une élection à 51,5% face à un Sarkozy pour qui aucun des candidats du premier tour n'avait appelé à voter...

    (2)Peut-être est-ce une idiotie de Jospin ? Peut-être Jospin est-il un idiot ? Mais, dans ce cas, il ne fallait pas lui proposer d'entrer au Conseil Constitutionnel...

    (3)La comparaison à Courteline et Feydeau est évidemment de pure forme, parce que ces deux dramaturges sont infiniment plus drôles. Le vaudeville a ses lettres de noblesse, que le pitre kafkaÏen ne maîtrise même pas. Il lit peu, paraît-il...

  • L'insuffisance de gauche

    L'affaire Zemmour est singulière, parce qu'elle place un homme, un homme seul, par le seul fait de son accession médiatique à un statut inouï, mais contraire aux intérêts mondialistes et libéraux, comme le pivot de la pensée politique française. 

    Inouï donc mais inacceptable, puisque depuis quelques semaines la pourriture gauchiste, dont une partie vit aux crochets de la République par le biais des associations, dont une autre partie, dirigeante (à commencer par Désir ou Cambadélis), a un casier judiciaire, a choisi de se faire Zemmour, de le traiter non pas comme un pestiféré mais comme la peste même. Ils ne vont pas jusqu'au bout de leur logique délirante parce qu'il est juif et que cela les empêche de le traiter de néo-nazi ou quasi (1)

    Laissons de côté la question de l'éviction de I-télé et les demandes préalables de certaines officines cancéreuses, qui servent de relais aux socialistes, pour qu'il en fût ainsi. Tenons-nous en seulement à l'incroyable ; et l'incroyable est surtout que Zemmour soit l'alpha et l'oméga de la pensée socialo-libérale, son obsession, son point de Godwin, sa force fédératrice en incarnation absolue du mal. Que l'on puisse comparer Le Suicide français à Mein Kampf en dit plus long sur l'effondrement de la pensée de gauche que sur l'ouvrage de Zemmour lui-même. 

    Et c'est sur ce plan que la situation agit comme un révélateur. Que Zemmour soit un opportuniste (j'en doute : il y a une constance idéologique chez lui, et notamment le fait qu'il ait depuis toujours combattu le projet européen), pourquoi pas ? Mais l'argument n'a aucune valeur. La question n'est pas que le polémiste soit de mauvaise foi ou qu'il pense tout ce qu'il dit, puisque de toute manière sa prise de parole est considérée en tant qu'elle pose sur la place publique un discours jugé abject, nauséabond, raciste, islamophobe, machiste, réactionnaire, régressif, voire délirant.

    Si Zemmour est tout cela (et acceptons-en la réalité) il est fort surprenant que nul n'ait réussi à le contrer, que ses détracteurs aient eu recours à des détours terrifiants de bêtise, à la manière de Léa Salamé, qui lui reproche d'être trop français, trop goy, ou d'Anne-Elisabeth Lemoine qui se demande ce que doit être la vie de madame Zemmour. Si Zemmour est si aberrant, comment se fait-il que la raison pure de l'orthodoxie libérale ne lui ait pas clouée le bec, que les grands prêtres du social-libertaire ne l'aient pas crucifié par une dialectique imparable ! Or, rien de tout cela. Ce que nous avons pu observer depuis des semaines, des mois, et d'aucuns diront des années, c'est l'échec, sur le plan idéologique, à contrer Zemmour. Et pourquoi ?

    Parce que le mensonge et la traîtrise érigés en règle d'or de la gouvernance (2) sont des modes politiques dont peuvent s'accommoder les gens en période de prospérité et dans un cadre sécurisant. Il en va tout autrement quand les gens, le commun, le pecus vivent de plus en plus difficilement une situation où se mêlent appauvrissement économique, désarroi social et dévalorisation culturelle. Dit ainsi, l'affaire sonne misérabiliste, et presque caricaturale. C'est bien de cette manière que le pouvoir social-libéral l'entend d'ailleurs, puisque, selon ses vues, le salut futur tient à la libération des énergies, à la stimulation des envies, et autres macroneries dont on décrypte aisément les sens cachés : libéralisation, dérégulation, privatisation. En somme : américanisation à tout va, pour des collabos de l'ordre mondialisé défini par la Trilatérale. Ce qui signifie aussi : communautarisme, différentialisme indexé sur le potentiel du ciblage consumériste, droit de l'individu extensible ad nauseam, parce que cela nourrit fort bien la judiciarisation de l'existence et qu'il y a alors du fric à faire.

    L'écueil de Zemmour, pour le pouvoir, n'est pas, contrairement à ce qu'il prétend, sa critique de l'islam et de l'immigration incontrôlée (laquelle est nécessairement incontrôlée pour faciliter le dumping social et le démantèlement de tous les systèmes de protection), mais le fait que le polémiste en revient au social quand les laquais socialistes masquent leur conversion à l'ordre ultra-libéral derrière l'alibi du sociétal. Ce n'est pas seulement une variation sémantique mais l'affaire relève d'une transformation des objectifs politiques, et cela au détriment des plus fragiles (sauf à leur distribuer des miettes, de manière locale, pour s'assurer une réserve électorale (4).

    De fait, les pauvres l'ont bien cherché, et le peuple français, enraciné dans une histoire qui croise essentiellement un passé chrétien, plus particulièrement. Mais, dans cette perspective, on comprend aussi que le discours sous-jacent (quoique très repérable) de Zemmour se structure autour d'une lutte sans merci avec l'ordre imposé depuis l'après-guerre par les missionnaires libéraux d'une Europe servile. L'enjeu est de taille et le basculement d'une partie de plus en plus grande de l'opinion vers l'euro-scepticisme n'est pas pour rien dans la chasse au Zemmour. Lequel est ainsi bien plus dangereux que Marine Le Pen, puisqu'il ne cherche pas à gagner des voix, à bâtir un parti, à fédérer la contestation.

    Il est de facto une contestation sans retenue. Le communautarisme musulman, la montée de l'islamisme, le lobby gay chic, le libertarisme gauchiste, la haine de la nation, la marchandisation des corps (avec la PMA et la GPA), la haine délirante du catholicisme, la délinquance folle des banlieues : il peut tout dire. Il n'a rien à cacher. Il n'a rien à gagner (3)

    Or, sur tous ces points, les réfutations sont pauvres. Elles se cantonnent à l'invective moraliste, à la pensée offusquée, au rappel à l'ordre des bons sentiments. Encore n'est-ce plus le cas. Cela ne suffisait pas. L'ennemi a donc chevauché l'attelage de la terreur, s'est dévoilé dans une pratique que Carl Schmitt n'aurait pas désavouée de la violence symbolique et le naturel est revenu au galop. On ne dira jamais assez combien les chantres gauchistes savent pour imposer leur califat libertaire user des armes politiques forgées par des théoriciens que l'on classe habituellement très à droite.

    Le procès en sorcellerie fait à Zemmour n'est pas un hasard. Il n'est pas lié aux circonstances. Il résulte d'une des constantes de la gauche depuis qu'elle s'est arrogé le droit de la morale comme arme destructrice. Les apprentis staliniens, les maoistes, les ultras de la gauche radicale reconvertis au libéralisme pur sucre n'ont pas oublié les moyens de discriminer, de vilipender, d'insulter, de terroriser. Cette engeance n'a pas oublié les leçons d'un temps où Sartre faisait la pluie et le beau temps. 

    Mais ils sont tellement idiots qu'ils n'ont pas vu que les temps ont changé et qu'une partie de ceux qu'ils méprisent, plutôt que laisser passer l'orage, ou d'intégrer un sentiment d'infériorité historique, a décidé d'en découdre. Puisque l'idéologie est aussi vieux que l'inconscient, comme le disait Althusser, ils ont choisi d'aller sur ce terrain. Ce que Zemmour représente, d'une manière encore très indécise et flottante, mais il n'est pas le seul, c'est l'émergence d'une véritable pensée alternative à l'ordre social-libéral. En voulant l'exécuter en place publique, les imbéciles de gauche n'ont pas seulement donné au polémiste une position avantageuse (mais de cela, on s'en fiche. Zemmour, en tant que personne, n'a aucune importance) ; ils ont légitimé le reproche qu'il faisait d'une terreur politico-culturelle dont il dit lui-même d'ailleurs qu'elle œuvre au suicide français.

    L'année 2015 sera désastreuse pour le pouvoir. Non seulement il est nul, mais il est dangereux pour le pays et son identité. Il voudrait qu'on ne le voie pas, qu'on n'en sache rien, quand chaque jour qui passe nous montre le contraire. Pitre kafkaïen, le Président reçoit des Français pour être en phase, comme le faisait il y a quarante ans un grand échalas qui croyait descendre de Louis XV. Zemmour parle de décadence et on lui dit que cette antienne est vieille comme le monde. Sans doute. Mais l'appréciation reprend de la valeur quand la dite décadence est à ce point incarnée au sommet de l'État et dans ses relais politiques, médiatiques et culturels, au point que le torchon de Libération commence déjà son travail putassier pour inciter à voter Juppé au cas où.

     

     

    (1)sauf Attali, qui ose tout, mais on sait depuis Audiard qu'ils osent tout, "c'est même à ça qu'on les reconnaît".

    (2)Il faut absolument lire l'ouvrage de Deneault, Gouvernance : le management totalitaire, Lux, 2013

    (3)Sauf les droits d'auteur de son livre, diront les grincheux. Au moins l'a-t-il écrit, et en trois ans. Il ne risque pas comme Attali de se faire attaquer pour plagiat. 

    (4)Mais la ficelle est devenue trop grosse et la mafia rose en paie aujourd'hui le prix. La montée du FN dans le Nord-Pas-de-Calais s'explique d'abord par cette réaction devant l'accumulation des prébendes et l'incurie de ceux qui se croyaient tout permis.

  • Fellinien, Schnittke

    Certains pensent que les compositeurs contemporains (disons après 1945...) sont ennuyeux, outrageusement cérébraux et prétentieux. Sans doute, pour beaucoup... On en parle plus qu'on ne les écoute (le meilleur de Boulez, c'est quand même quand il dirige Mahler ou Debussy).

    Ennuyeux, disions-nous. Pas Schnittke qui, malgré les vicissitudes de l'existence et une santé qui en eût abattu plus d'un, savait être d'une drôlerie magique, d'un élan rappelant parfois les poétiques errances de la caméra fellinienne. Ainsi cette morceau s'intitulant Clowns und kinder. Des clowns et des enfants.

    Ce que nous ne serons jamais et ce que nous ne sommes plus...

     

     

     

  • Après

    Tu comprends, dit-elle, je ne peux demeurer ici plus longtemps. L'idée que nous nous croisions, même une fois, et cela ne manquera pas d'arriver puisqu'il habite le quartier, quelques rues nous séparent, l'idée qu'il me voie maintenant dans mon quotidien apaisé, avec quelqu'un, un jour, alors qu'il sait tout ce qu'il sait, qu'il puisse se dire, tu imagines, telle ou telle chose, en fonction de ce qu'il connaît de mes névroses, de mes restes œdipiens ou de mes fantasmes, imagine que je le croise aux fruits et légumes, lui tomates, moi, courgettes et céleri, à se faire des politesses, sans rien se dire de plus, puisque la règle, c'est désormais le silence, mais en ne disant rien, je serai déjà démasquée, parce qu'il est d'une intelligence si terrible, si terrible, que parfois je m'asseyais à peine face à lui, pas eu le temps d'enlever mon manteau, dans son cabinet, au début d'une séance, alors toutes ces séances, cette accumulation, je sais qu'il en reste quelque chose, de ces séances où il commençait par une phrase juste qui tapait fort, comme s'il avait vu à travers moi, et le revoir, lui, le recroiser, impossible, impossible, je préférerais me retrouver nez à nez avec Alexis.

  • T...

    Tout récit regarde ce qui n'existerait pas sans lui : il est une vérité habilitant le mensonge comme une nécessité.

     

  • À la vie à la mort

    Alors, se dit-il, le père n'est pas seulement qui a en lui l'héritage et le passé de lui-même et des autres, plus anciens, évanouis, morts ; il est aussi celui qui témoigne pour qui de ces temps premiers de sa propre existence n'aura nul souvenir. Le père est le réceptable et la mémoire intérieure de l'être démuni qui est le fils. Il est la parole future d'une rencontre, d'une intimité où l'un ne parle pas encore mais s'accroche à la main, à l'odeur, au regard. Il est le coffre de la véracité qu'il y eut un temps où l'enfant était sans conscience d'être. Il est le grimoire des petits faits qui n'intéresseront que l'un et l'autre. Et l'héritage commence là, aussi, dans ce qui sera rendu, par bribes, au détour d'une discussion, au passage d'un chemin, par hasard et pourtant si précieux. Ce n'est pas avoir le privilège de la parole et de la pensée que d'être dans la position du père mais un devoir insigne qu'il rend à celui qui vient d'arriver. Il n'est pas le maître mais le dépositaire délicat, avisé et attendri d'un monde qui commence par le fait même que l'enfant est là. Il note dans son corps, dans sa mémoire et dans ses larmes l'indéfectible, le chant sans égal de sa propre marche vers le fils. Il ne dirige rien et sa parole n'est pas facile. Il n'a d'ailleurs lui-même pas de mots, parfois. Démuni de ce langage qui se dérobe. Tout est dit parce que rien n'est dicible. Alors, se réjouit-il, vient de commencer une longue et belle phrase dont j'initie le thème, comme en musique, et dont nous tisserons lui et moi les variations. J'entame la relation, à la vie à la mort.

  • Couture, grand hôtel

    Charlélie Couture, deux albums terriblement réussis, Pochette surprise  et Poèmes rock, sortis l'un et l'autre en 1981. Un phrasé lorrain parfois à peine compréhensible, un sens de la narration et de la formule souvent, comme dans le titre qui suit, Les Pianistes d'ambiance, tiré du premier opus, avec un petit air Tom Waits




  • Notule 22

    Il ne s'agit pas de raconter les livres, d'en dévoiler la matière, les tenants et les aboutissants mais de les faire connaître, sans chercher un classement cohérent, sans vouloir se justifier. Simplement de partager ce «vice impuni» qu'est la lecture.

    La littérature et la musique. La musique, ou les musiciens, comme matière. Le texte comme partition, d'une certaine manière.

    1-Thomas Mann, Le Docteur Faustus, 1954 (1947 en allemand)

     

    2-Alejo Carpentier, Concert baroque, 1976 (1974 en espagnol)

     

    3-Alessandro Baricco, Novecento : pianiste, 1997 (1994 en italien)

     

    4-Catherine Lépront, Le café Zimmermann, 2001

     

    5-Christian Gailly, Un soir au club, 2001

     

     

     

     

     

  • La Localisation

     

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    Il y a quelques jours, j'envoie un texto à une mienne connaissance pour un rendez-vous dans un bar : nous partageons un certain goût pour les bières. Il est matin et l'affaire est prévue à 17 heures. Rien ne presse. N'empêche : pas de réponse. La rencontre tombe à l'eau (si j'ose dire...). 

    Le lendemain, je le rencontre et il m'explique qu'il n'a reçu mon message qu'à 18 heures 07 (une exactitude ferroviaire...). Nous mangeons ensemble, avec une tierce personne à qui nous racontons l'anecdote, certes fort commune et sans grand intérêt.

    Et celle-ci, connaissant les cinq cents mètres qui nous séparent, s'amuse : huit heures pour une telle distance ! Le progrès peut battre, en ses pires moments, plus que des records de lenteur, atteindre des degrés inouïs d'absurdité... Mais elle redevient sérieuse, pour se demander où se nichait le message, pendant tout ce temps.

    Certes, quelque cerveau informatique nous expliquerait ceci ou cela, donnerait à l'incertitude une formalisation logique qui bouclerait l'anecdote en un simple incident, une retenue, un blocage, une fausse route, une erreur de circuit. Toute raison est bonne, sans doute.

    Mais pour l'esprit vagabond et passablement obtus devant la science du binaire et des flux, il reste le mystère de mots qui flottent dans le temps et l'espace, qui se promèneraient seuls, qui en rencontreraient d'autres, fileraient à droite, ou à gauche, insaisissables, presque rebelles. Des mots batifoleurs, des insoumis de l'ordre. Pourquoi pas ?

    Plus sérieusement (c'est-à-dire : plus poétiquement) : des mots détachés de soi et qui, loin de se perdre définitivement, prennent le chemin buissonnier et errent, comme nous errons nous-mêmes, parfois, à ne pas vouloir finir ce qu'on attend de nous. Il y a toujours une mélancolie à imaginer une phrase à la dérive, une magie transitoire et éphémère.

    Oui, éphémère, car huit heures, c'est bien peu, dans le fil d'une vie, et d'autres bières nous attendent, et puisqu'il est question de temps, je n'oublie que l'une des préférées de cette mienne connaissance est L'Angélus...

     

    Photo : Ralph Gibson