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italie - Page 2

  • Profondeur de Simone Martini

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    Simone Martini, L'Annonciation et deux saints, 1333, Gallerie des Offices, Florence

     

    Il n'y a rien d'autre qu'un fond d'or. Le décor est sommaire. L'habillage viendra plus tard, les jeux de perspective aussi (on pense à Vinci). Pour l'heure, dans le panneau centrale de l'œuvre, simplement elle et lui.

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    Lui, beau, d'une beauté quasi androgyne, humble de sa fonction de messager et pourtant habité de la douceur de la Parole qu'il amène. Elle, le bras replié, une main près de son cou, l'autre sur un livre, le corps saisi, elle a déjà l'éclat de son devenir. Son étonnement n'est que passager. 

    Ils sont l'un à l'autre. Non pour eux-mêmes mais dans une histoire qui les dépasse.

    Martini peint la plus belle des Annonciations.


  • De Veronese à Klein, la confiscation...

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    Veronese, Le Mariage mystique de Sainte Catherine, 1547 Yale University Art Gallery, New Haven

    Véronèse est un peintre sublime dont certaines œuvres laissent le contemplateur sans voix. Le Repas chez Levi est d'une démesure magique. En plus de ses tableaux, l'artiste a laissé dans l'histoire de l'art une trace rare : une couleur. Le vert Véronèse, lequel vert se retrouve dans le vêtement supérieur de Sainte Catherine.

    Un autre peintre a ce privilège : Yves Klein.

     

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    Le bleu de Klein. L'IKB (International Klein Blue). Marque déposée. Propriété industrielle. 

    Le génitif n'a plus la même valeur. La possession est devenue de plein droit. C'est une arrogance sonnante et trébuchante. Un autre monde. L'expression, le sentiment et l'art n'ont plus cours. La touche est secondaire ; c'est la couche qui compte. Le badigeon uniforme contre la nuance de la couleur dans le dess(e)in. 

    D'un côté une forme d'éternité, de l'autre une assurance bancaire à 70 ans après la mort de l'inventeur...

  • Figure du pouvoir

     

    Figure vénérable que celle de Leonardo Loredan, doge de Venise au tournant du XVIe siècle et qui, plus qu'aucun autre dignitaire de la Sérénissime, voit sa personne traverser les âges et venir jusqu'à nous. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu'on a été immortalisé par deux peintres aussi magnifiques que Carpaccio et Giovanni Bellini (dit Giambello).

    Deux portraits. Deux fois, à un an de distance, la représentation du pouvoir. Deux variations, en apparence, mais bien plus pourtant. La question ne porte pas sur l'évaluation de l'art de l'un et de l'autre, sur les capacités des deux peintres (1) mais sur ce que projettent les deux portraits. À chaque fois le modèle est représenté dans son habit d'apparat, avec la coiffe qui désigne son autorité politique. Le caractère officiel des deux tableaux ne peut faire mystère. 

    C'est moins l'homme que la fonction qui est en jeu. Mise en scène du pouvoir, certes, mais avec une relative modestie des effets. On évite dans les deux cas les fastes, la grandiloquence. L'homme seul, le Doge, tel qu'en lui-même. Le pouvoir en son incarnation.

    Un an d'écart entre les deux peintures et pourtant deux explorations très distinctes de la puissance et de l'exercice de la force politique (et de sa transformation à venir).

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    Carpaccio, Portrait du doge Leonardo Loredan, 1500, Musée Carrara, Bergame

     

    Carpaccio peint Loredan de profil, selon un modèle ancien (si l'on veut penser par exemple au premier tableau d'un roi seul : le Jean II Le Bon, au milieu du XIVe siècle. On se tournera aussi vers l'œuvre anonyme représentant Louis XI). On pense à l'art des monnaies. Un tel choix marque les traits du personnage. La silhouette souligne la rudesse et la sécheresse du visage. Les deux lignes qui traversent la joue durcissent plus encore le portrait. L'unité chromatique (l'habit, la coiffe et le teint) accentue l'austérité de la représentation. Le pouvoir politique tire sa force et sa forme d'une sévérité sans laquelle on ne comprendrait pas sa légitimité. La fenêtre ouvre sur un paysage qui rappelle l'île San Michele, celle qui serte de cimetière  à la ville. Rien qui puisse vraiment adoucir le propos.

    Dans la peinture de Carpaccio, il y a comme la fixation d'un temps ancien, quand la rigueur seule valait loi. Le pouvoir est chose sérieuse. Il n'y a qu'un visage à offrir. En ce sens, le profil détermine la thématique de l'unité. Loredan est froid, marmoréen. il ne présente aucune faille. Il délimite et définit le pouvoir comme une œuvre austère et en partie cachée. Le secret est posé : il est constitutif de la puissance. On le sait, on le voit. Le tableau est coupé en deux. À gauche, le paysage, le ciel et la lumière ; à droite, le noir absolu, l'impénétrabilité des choses, le silence. On le voit ; on voit qu'une part de l'être-au-pouvoir sera invisible, incernable. Au moins n'a-t-on pas l'aporie contemporaine de la transparence...

    Le Loredan de Carpaccio est, d'une certaine manière, très clair : très clair de son obscurité posée comme préalable à tout. Tout est peint, jusque dans ce qui ne peut se peindre, sinon au noir. Œuvre au noir d'une alchimie des puissances qui ne transigent pas...

     

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    Giovanni Bellini, Portrait du doge Loredan, 1501, National Gallery, Londres

     

    On reconnaît aisément Leonardo Loredan dans le tableau de Bellini. Il ressemble à celui de Carpaccio. Ce n'est, malgré tout, pas le même homme. Peint de trois quarts face, sur un fond bleu qui adoucit l'ensemble, le doge porte des habits clairs. L'ombre du visage est à peine soulignée, moins un signe à interpréter qu'un effet de vérité inclus dans le cadre perspectif.

    Cette fois, le spectateur contemple le visage dans sa totalité. Il regarde le pouvoir en face. Mais le pouvoir le regarde-t-il lui, en face ?

    La première impression qui se dégage du portrait de Bellini renvoie à l'humanisation du personnage. Les traits sont adoucis, moins anguleux ; le nez et le menton tranchent moins. Un instant, on pense à un homme ordinaire, presque banal, une image quasi parfaite de cet idéal vénitien incarné par le modèle républicain. Tout doge qu'il est, Loredan reste un homme. Impression fugitive cependant, parce que le portrait est moins beau qu'il n'est fascinant, c'est-à-dire dérangeant. Son unité physiologique n'est pas en cause. Il n'y a pas d'erreur ou de maladresse. La question est ailleurs, dans la faille symbolique que l'artiste a fixée dans ce visage. Faut-il d'ailleurs parler de faille, alors qu'il ne s'agit, dans le fond, que de détermination politique. 

    La profondeur de ce portrait scelle son secret en deux points. Le premier est le moins original : ce sont les yeux. Loredan ne fixe pas le spectateur potentiel. Son regard se porte au-delà. Tout présent qu'il soit, son être demeure insaisissable. Il n'est pas à qui il se donne à voir. Bellini, malgré tout, n'explore pas ce qui pourrait être de l'arrogance ou de la vanité. Il cerne plutôt l'inévitable retrait du monde par quoi, justement, est orienté le monde du point de vue du politique qui en a la charge. L'œil politique bellinien possède en même temps la vivacité (l'œil est petit, la vue perçante. Une sorte de rapace...) et le détachement. Il a l'air d'un sphinx.

    Cela suffirait-il pour en faire un chef d'œuvre ? Sans doute pas, s'il n'y avait la bouche. Peut-on voir plus remarquable ambiguïté qu'elle en peinture ? N'épiloguons pas... mais d'avoir vu, il y a longtemps, ce tableau à Londres, il m'en est resté un souvenir fulgurant, et presque désagréable. Loredan ne sourit pas. Sa bouche n'est pas très marquée, les lèvres sont fines. Il a le sérieux de la fonction. Il ne sourit pas. Quoique... La commissure gauche (face à nous) semble légèrement se soulever. On le regarde encore. La bouche est délicate et tranquille, presque indulgente. Pourtant à la commissure droite, la raideur. Tout est là, dans la rigueur indicible que j'ai devant moi. Telle est l'étrange modernité du tableau de Bellini, sa beauté terrible et sa grandeur révélatrice. Le pouvoir est-il réductible à l'écrasante distance et à la puissance implacable ? C'est la version de Carpaccio.

    Le pouvoir tient-il à l'incertitude dans laquelle on laisse celui qui le subit ? Dans la magnanimité de façade par quoi on se laisse prendre au piège ? Dans le jeu des rôles multiples que les puissants apprennent à maîtriser ?

    La bouche de Loredan fait converger tous ces temps divers du pouvoir qui n'est pas un, d'un bloc, sans quoi il ne survivra pas, mais protéiforme.

    Cette bouche par où sortent le pardon ou la sentence, la mansuétude et la terreur. Elle est le fonds/fondement du tableau. Bellini ne réduit pas le pouvoir à un état des choses, l'être, mais lui suppose une dynamique que seule peut modeler la parole. Le Loredan de Carpaccio est muet, celui de Bellini parle. Et il nous parle. Il est contemporain du pouvoir que l'on met désormais en scène.

    Le theatrum mundi est infiniment redoutable, quand on n'en connaît ni les règles (ou si peu...) ni les visages les plus élémentaires. On se prévient d'un Loredan de Carpaccio. On s'arme, tant bien que mal. On est démuni devant un Loredan de Bellini. L'extraordinaire puissance de cette œuvre vient de là, puissance de ce qui est dit, avec finesse, sans que jamais la beauté de l'art et la délicatesse de la main ne passent au second plan. Du génie, rien de moins...



     

    (1)Carpaccio est un peintre sublime. Le cycle de la Scuola di San Giorgio dei Schiavoni est un des plus beaux qu'on puisse jamais admirer à Venise.

    J'ai évoqué Bellini (et le vol d'une de ses œuvres vénitiennes) dans une nouvelle.

  • Femme en bleu (XII) : Piero della Francesca

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    Piero della Francesca, La Madonna del parto, Monterchi, ca 1460

    Que se passe-t-il ici qu'à la contempler on en reste muet et comme désemparé ? Il y a sans nul doute la charge symbolique du religieux et la singularité de l'événement  sur lesquels Hubert Damisch a si bien écrit (1)...

    Mais ce n'est pas seulement cette épaisseur du sens qui repousse sans cesse la question d'écrire sur elle, qu'elle soit la dernière femme en bleu. Plutôt : la rigueur, pour ne pas dire davantage, l'austérité, de Piero della Francesca... La barrière vient de plus loin. Ni sensuelle (cela pourra advenir chez d'autres peintres, plus tard) ni  doucement maternelle, elle semble habitée de sa fonction d'abord et la rondeur de son ventre est comme un accident de l'histoire, de son histoire, parce que la vérité est ailleurs.

    À la regarder, on se demande si elle fut jamais une mère, une mère telle que vous l'entendons. Et pour entendre, comprenons que la voix de qui parle est essentielle. Elle paraît d'un autre temps : le travail se déroule hors d'elle, déjà. Le rideau que tirent les anges, le pli de la robe qui s'écarte en une fente immanquable : tout est spectacle, ou démonstration, pour après. C'est l'annonce de la Vierge, en pendant de l'Annonciation qui lui a été faite, sans pathos, sans tremblement.

    La Madone de Piero n'est pas désincarnée ; elle est seulement dans le transitoire de sa maternité. L'œuvre s'accomplit et elle y tient sa place, au début, avant de revenir, à la fin, pour la mort. On la voudrait merveilleuse, picturale et irradiante. Piero la peint sévère et consciente.

    La beauté... La question esthétique est déplacée. Le devoir ne s'orne pas : il est une force.

    Cette peinture, une fresque : combat contre le temps, cherche cela : la force du corps qui abrite et dont le premier acte d'amour est de sauver/préserver l'encore absent. Tâche à la fois humble et redoutable, pour ce qui sera, en l'espèce, une divine apparition. 

    (1)Hubert Damisch, Un souvenir d'enfance par Piero della Francesca, 1997

  • Lucca

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    Il y a d'abord l'œil que tu ouvres, dans un endroit qui n'est pas ton quotidien, où la chaleur s'est infiltrée et le drap est à mi-corps ; tu te retournes, avec lenteur et délices. Et dans ce mouvement, toi en caméra monoculaire (ta pupille droite est atrophiée d'une mémorable cuite) à voir le bout du lit, la commode défraîchie qui fait la fierté de l'hôtelière, puis les projections striées des persiennes, claires et régulières. Dans ce semblant d'obscurité, elles dispensent une linéarité jaunie et multiple, une intromission sépia du monde dans ton cauchemar alcoolisé qui n'a ni fin de soirée ni escalier pour monter à l'étage ni déshabillage. Tu as gardé ton pantalon et personne à tes côtés. Le jour en lamelles est là et par la profondeur de la clarté dont il se signe, tu sais qu'il fait beau, chaud même et c'est parce qu'elles te donnent tous ces indices qu'aussitôt tu entends la cacophonie de la place, et tu sais qu'à la minute où, arrivé à la fenêtre, tu pousseras les volets qui n'ont pas été fixés, juste retenus, tu seras la proie du soleil, et heureux...


    Photo : X

  • Caravage, rencontre essentielle

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    Caravage, La Vocation de saint Matthieu, 1598, Saint-Louis-des-Français, Rome

     

     

    C'est plus que tout ailleurs, pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le désir, comme à sant'Agostino, le lieu suprême de la jouissance. Peu importe le jeu de l'ombre et de la lumière, l'éclairage venant de la droite, la fausse luminosité de la fenêtre et l'affairement de Matthieu qui compte ses pièces. Tout est dans le bras tendu, dans cette désignation sans pareille qui fracasse l'œil du contemplateur. Il faut imaginer que le Christ est entré et, sans coup férir, a désigné l'élu, celui qui, parmi les quidams, pouvaient être l'attendu.

    Caravage respecte évidemment ce qui fonde le lien biblique, le contentement apostolique. Il est, à la lettre, dans les traces du texte. Mais, comme il est définitivement de coutume chez lui, il détourne son art vers une autre profondeur. La lettre ne vaut que si, selon les catégorisations aristotéliciennes, elle est subvertie. Ainsi en est-il de cette désignation de Matthieu... Lui, insensible à l'attente qui vient de survenir compte encore, avec assiduité, ce qui compte. Pièces sonnantes et trébuchantes, ce qui veut dire : monnayables à l'aune des valeurs humaines (tant il est vrai que, déjà, Caravage mesure que tout est transposable dans l'ordre de la matérialité....). Matthieu n'est pas occupé aux comptes ; c'est un leurre. Il est la concentration de ce qui veut s'inscrire dans le temps. Son matérialisme est l'effroi de l'instant à venir : il a la tête prise dans les calculs. Et Lui, magnifique, beau, serein, a le bras tendu. Il ne désigne pas, simplement. Il vient à la rencontre de celui qui ne l'attend pas. Il est tout ce que le monde contemporain ne peut comprendre : le bras tendu vers l'imprévisible, l'en deçà du calcul. Le Christ caravagien a la beauté incandescente de l'humanité qui ne veut pas ignorer l'humanité. On pense, en le voyant, au Dieu impavide et brutal de la Sixtine de Michel-Ange, à la fois proche et lointain. Il en est la négation outrageuse. Proche parce que le lointain est le devenir cruel de celui qu'on abandonne. Ici, rien de tel : le Fils tend le bras, la main, définit nonchalamment le lien, cette inéluctable relation qui fait la fraternité, après laquelle toutes les républiques post révolutionnaires construisent leurs illusions libérales.

    Caravage peint le message, la lettre et la désignation. Pas la peine de revenir là-dessus. C'est même ce qui peut le sauver de toutes les restrictions inquisitoriales. Mais il va au delà, toujours au delà : le Fils ne parle pas. Son geste ne requiert pas l'ordre mais la prochaine reconnaissance. Il sait ce qu'il va pouvoir demander sans même le demander. Toute la provocation du peintre (et il y en a eu avant ; il y en aura plus encore après) n'est pas là où on l'imagine. Elle ne provient pas du prosaïsme de la scène mais de l'évidence de la rencontre. C'est au sens second une passion. Matthieu est à Lui, non pas en serviteur, pas même en apôtre mais en compagnon de route. Le bras si remarquable, et la main, et le doigt, sont la requête du puissant au modeste, le retournement du pouvoir vers celui à qui il se destine. Le Christ est beau et visible, quand le visage de Matthieu est une énigme. Normal : le mystère n'est pas dans Celui qui est déjà engagé dans le combat mais dans celui qui, inconnu de tous, inconnu de lui-même, va partager ce combat.

    Caravage peint les expressions avec une rigueur, un réalisme disent certains, sans égal. Pourtant celui dont on nous présente la vocation reste sans traits. Ce n'est d'ailleurs pas tant la vocation que le peintre évoque que ce temps qui le précède. Il ne peint ni l'émerveillement, ni la contemplation mais l'écart qui sépare Matthieu de lui-même. En clair, l'avant de la Révélation, étymologiquement une Apocalypse. Caravage peint cet avant de la frontière après quoi rien ne sera plus comme avant. On attend, en contemplant ce tableau, que le futur apôtre lève la tête et que tout se fasse. Au fond, si l'on osait une comparaison, ce serait représenter la Vierge seule, avant qu'elle soit la Vierge, avant que n'arrive l'Ange. Ce n'est pas l'étonnement qu'il met en scène mais cet état bientôt impensable de l'homme occupé par la matière, et bientôt libéré d'elle.

    Devant une telle imminence, on n'abandonne tout. On fixe l'instant. On est habité...

    *

    Ce qui fait le prix de l'art caravagien se cache (ou se révèle) aussi dans la possible transgression de la lettre. Il est le sens littéral et cet autre par quoi nous pouvons trouver cette continuité de l'être qui nous habite. Dans ce tableau, ce n'est évidemment pas du Christ dont nous pouvons être le plus proche. Pas même de Matthieu, d'une autre façon, parce que nous ne sertons jamais des élus, des choisis, des êtres hors du temps offerts à une destinée qui les dépassent. Nous savons que nous ne sommes pas tragiques et que nous ne passerons pas le temps qui nous est imparti. Alors ? pourquoi Matthieu concentre-t-il notre attention à ce point ? Pourquoi est-il si proche de nous, par delà le message biblique, quasi littéral dont il est le porteur ? Il est nous en ce que nous perdons à chaque fois que la vie nous y a confronté le moment du basculement. Tout émerveillement est projection de l'attente et aussi effacement, abstraction, mieux : amnésie du moment d'avant, de ce qui nous étions et qui s'efface. Matthieu est notre frère par l'opacité du temps qu'il incarne. Replié sur soi, il exprime comme personne l'instant d'avant, et l'impossible souvenir qui précède les inévitables fracas dont nous parsemons nos vies. Le Matthieu du Caravage est nous pour autant que nous savons reconnaître que rien n'est écrit. Pas sur le mode assez grossier du le meilleur est à venir, mais en ce que l'à-venir est inconnaissable, qui a les moyens d'effacer une part de nous-mêmes. Caravage peint de Matthieu l'instant dont il ne peut se souvenir. Cela n'a rien à voir avec le moralisme augustinien du retour dans le droit chemin, d'un rigorisme éthique amenant à une rédemption. L'œuvre du peintre est à la fois plus universelle et plus prosaïque : peux-tu savoir ce qui t'attend ? Es-tu capable de savoir ce qui te bouleverse ? Tu es engagé dans ta quotidienneté et soudain un être apparaît : un dieu, un homme, une femme, qu'importe... Tu étais concentré sur toi-même et brusquement l'Autre te tire vers un ailleurs, vers lui, vers le monde, vers ta part inconnue (maudite, qui sait ?). Tu ne peux te suffire à toi-même. Tu n'es pas ta seule finitude.

    Si Matthieu est replié encore, c'est pour mieux se déployer ensuite. Si le Christ est là, c'est en fait qu'il a parcouru un long chemin. C'est une rencontre, la certitude d'une rencontre, l'indéfectible d'une rencontre. De celle que tu emportes dans la tombe, sans tristesse, sans regrets, sans honte. Son histoire, au delà de la Bible, devient aussi la nôtre, et celle de ceux qui nous accompagnent. Imparable...

  • già via Porta Ticinese

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    Dans le centre de Milan, la via Porta Ticinese a un petit côté rebelle. Certes, comme on le sait désormais, la rébellion est plus un jeu qu'autre chose. Elle est une posture possible, sous contrôle et sans réel avenir. C'est une manière de se raconter des histoires et de faire durer le plaisir de la marginalité et de l'adolescence. La via Porta Ticinese a donc ses graffitis, ses tags, ses panneaux revendicatifs, ses murs barbouillés, où quelques récalcitrants, peut-être inspirés pour certains par Basquiat, vitupèrent et font du social.

    Il n'y aurait rien de très mémorable si tout au long de cette rue, sous les plaques municipales qui en rappellent l'identité, un inconnu (ou un groupe) ne l'avait rebaptisée avec un à propos qui dépasse les coups de balais habituels. Ainsi lit-on : via dell'ironia. Non è una conseguenza ma una necessità. Rue de l'ironie. Ce n'est pas une conséquence mais une nécessité.

    On a tant d'appellations en forme d'hommage (Jaurès, de Gaulle, Jeanne d'Arc,...) ou déterminés par l'environnement (l'église, le marché, le pont,...) qu'on remarque cet écart par le choix même du mot : l'ironie. Imaginons que nous introduisions ainsi une réalité moins monumentale, topographique ou historique. Rue de la métaphore, boulevard du mensonge, avenue de la gourmandise, impasse du péché (forcément...), place de la fatigue, allée du courage, square de la soif...

    Pour l'heure, c'est l'intrigant décalage que le commentaire qui fait le sel de l'affaire, puisqu'il oriente l'ironie dans un sens facétieux. Pas une conséquence mais une nécessité. Qu'est-ce à dire ? Qu'il ne faut pas découvrir l'ironie ou en user quand les nuages s'accumulent, que l'inquiétude gagne et que le découragement s'intalle. Si être ironique devient un choix en désespoir de cause, il y a fort à parier que toute parole sera amère. L'ironie sera atrabilaire au pire, mélancolique au mieux. Elle aura à sa façon reconnu, pour qui y recourt, la défaite consommée. Ironique, à ce titre, pointe la paralysie. Elle est un trait d'esprit, quand la matière politique a pris barre sur l'esprit.

    Mais le poète de la via Porta Ticinese voit les choses autrement. L'ironie est une nécessité. Elle est là avant que tout se joue, comme un étai majeur à l'avancée dans la vie. Elle n'est pas une saillie brillante et drôle mais une tournure profonde de l'âme pour neutraliser l'ordre et se faire un chemin dans le labyrinthe de la vie. L'inconnu qui a placardé une telle revendication donne une magnifique leçon d'optimisme.

     

     

    Photo : SAEMEC

  • Au passage...

     

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    André Dubuffet, Mur aux inscriptions, 1945

    Nous n'avons plus qu'un lointain rapport avec le monde des morts (sinon télévisuels et/ou cinématographiques), avec cette mortalité qui nous habite et dont nous voudrions nier la réalité : l'existence du passager et la vie du putrescible...

    Nous désirons qu'en ce domaine triomphe l'abstrait...

    Or, dans la plein été lucquois, alors que le promeneur quitte l'intra-muros, au détour d'une rue, on a placardé des avis de décès. Des avvisi. Rectangles larges cadrés de noir où se détache, au milieu, un nom.

    Il y en a trois, ce jour, sans photo (il arrive que...) : un homme, deux femmes, -une qui n'avait pas vingt-cinq ans. Leur nom restera au carnet. Le promeneur a pris soin de les noter. Pour soi. Rien de morbide. Certaines rencontres sont d'un ordre qui dépasse l'entendement. Il faut parfois noter, inscrire et garder, parce que ces moyens sont les seuls à notre disposition.

    Cela n'a rien à voir avec le memento mori, comme un miroir que serait l'affiche. En revanche sont poignantes cette discrète (oui, discrète) publicité de la mort douloureuse, l'annonce au monde et la force du partage que représente cet acte. Les avvisi sont tout le contraire du spectaculaire et du désir construit de commissération. Ils sont une survivance de la vraie localisation des individus. Les avvisi sont l'histoire concentrée des noms habités dont on n'a pas envie qu'ils s'effacent. Les murs de la ville portent tout à coup le deuil d'un des siens. Un des  siens qui ne demande rien, ni empathie, ni célébration particulière, que d'être reconnu comme du lieu. Il n'y a rien de triste, rien d'obscur. Au contraire : il est rassurant de ne pas faire semblant. C'est moins notre commune condition que les avvisi nous jettent sous les yeux que l'étrange économie de la disparition dans laquelle s'est précipité le monde contemporain. Ce qui est là doit être su, parce que la mort fait partie de la vie et que le silence n'est rempart de rien, et qu'il est ridicule de feindre. Ce sont plus que des papiers collés sur un mur promis à un arrachage prochain (ne serait-ce que pour le mort qui suit, afin que d'autres prennent la place) : ce sont des monuments, des monuments modestes, transitoires, humains...

  • Vapeurs journalistiques

     

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    Je ne connais pas Philippe Ridet. Je n'ai rien contre lui. Je pourrais éventuellement envier le fait qu'il vive à Rome, c'est tout. Il est le correspondant du Monde dans la Ville éternelle.

    Ce n'est pas l'homme qui m'intéresse mais la fonction, et dans la fonction la posture implicite qui se dévoile, et qui me paraît refléter l'hypocrisie majeure de l'univers médiatico-journalistique.

    À la suite des résultats électoraux de la fin février, dont les faits les plus remarquables (ceci écrit sans jugement de valeur) sont l'insubmersibilité de Berlusconi, l'émergence du mouvement protestaire de Beppe Grillo, la défiance envers la social-démocratie et le rejet de la politique « technique » de Monti, à la suite de ce grand chambardement, le sieur Ridet s'est fendu d'une lettre à ses amis italiens : « Chers amis italiens, cette fois, vous avez fait fort », en date du 4 mars, consultable sur le site du Monde.fr...

    On sait quelle forme prend l'amitié, le plus souvent, dans ce genre de circonstances. C'est moins une déclaration d'amour que l'expression d'un dépit. L'auteur se place délibérément dans le registre de l'affect, ce qui ne laisse d'étonner quand on fait du journalisme. Les humeurs ont-elles leur place à cet endroit ? Oui, si un espace y est clairement dévolu. J'ai plus de doute, quand le geste procède des circonstances. Les sentiments de Philippe Ridet, ou d'un autre journaliste, m'importent peu. Ils sont même la dernière chose que j'attends de lui (1).

    Il n'est pas question de faire une analyse exhaustive de l'objet. Je renvoie à sa lecture  complète toujours possible. Je m'en tiendrai à deux pièces symptomatiques.

    Après avoir rappelé combien il aimait l'Italie, ses singularités, sa culture, ses mœurs, l'espace et les gens, Ridet finit par écrire que devant les résultats de février, il est «en colère». Monsieur Ridet est en colère ! Fâché tout rouge, il est ! Il avait jusqu'alors supporté beaucoup de l'inconséquence transalpine mais cette fois, ils sont allés trop loin ! Ils lui ont déplu ! Ils n'ont pas fait ce que lui, le sieur Ridet, attendait d'eux. On peut difficilement faire plus fort dans le registre de l'outrecuidance. Il aurait donc fallu, du moins peut-on le supposer, qu'avant d'aller aux urnes, les citoyens italiens consultassent la lumière Ridet afin de rester dans les clous. Le journaliste se fait donneur de leçon. Au-dessus de la mêlée, il est la voix de la sagesse devant le désordre ambiant. Cela rappellera au lecteur, je pense, les cris d'orfraie de la caste journaleuse au moment du vote, en 2005, pour (et plutôt contre) la Constitution européenne. La petite phrase de Ridet n'est pas une erreur, une faute de style, pas un excès de langage : elle est la trace de ce droit que s'est arrogé le monde journalistique face aux événements. Ils sont progressivement devenus des « généraux sans armée qui voudraient s'assujettir le monde » (Musil).

    Dans le cas d'un vote, on s'étonne. À moins de considérer que Ridet, comme d'autres de son espèce, ait une conception assez étroite de l'expression démocratique... Celle-ci ne serait plus un droit au choix mais un devoir à voter comme il faut ! Magnifique perspective ! Concernant le vote d'un pays étranger, on frise le délire d'ingérence. Depuis quand puis-je être en colère pour un vote où je ne suis pas moi-même pas impliqué (2) ? Quand la Russie vote Poutine, l'Espagne Rajoy, le Royaume-Uni Cameron, les États-Unis Obama, je dois être en mesure, si je suis journaliste, d'en analyser les motivations, les conditions et les effets, nullement de traiter le choix des autres en termes épidermiques. Mais la caste journalistique, dans la bulle médiatique hypertrophiée où elle opère, s'est persuadé qu'elle savait mieux que tout le monde. En regard de cet effet, elle a substitué à la pensée le sentiment et la croyance. Elle s'est forgé une légitimité dont elle assure elle-même la promotion. Philippe Ridet peut exprimer sa colère, sa colère être publiée comme une information, comme un sens face aux contre-sens démocratique, et nul n'y voit un excès de pouvoir, la prétention d'un ballon de baudruche.

    Cet artifice égocentrique ne serait rien s'il ne célait un problème bien plus grave, une terreur intellectuelle plus funeste.

    Le sieur Ridet est en colère devant les dérives populistes du vote italien. Et par populisme, il désigne deux directions contradictoires : le refuge berlusconien et ses alliés de la Ligue du Nord ; le vote protestataire du M5S de Beppe Grillo. Un populisme de droite et un populisme de gauche. Il y aurait lieu, déjà, de contester ces démarcations et l'usage qui s'est répandu de voir du populisme partout, avec en toile de fond la préfiguration du fascisme.

    Comme souvent, c'est dans ce qui est dénié mais écrit que la vérité indicible affleure. Ainsi le journaliste fait-il le tour du malaise de l'élection transalpine :

    «Voici les politologues et les sociologues (ainsi qu'une armée de journalistes) au chevet de l'Italie. Tous ont cerné une partie du problème : la crise (- 2,4 % de croissance selon le dernier chiffre), la baisse du pouvoir d'achat (- 4,3 % de consommation), le chômage (11,2 % de la population active), l'austérité imposée par Bruxelles et Francfort (300 milliards d'euros d'économie et de taxes nouvelles jusqu'en 2014). Ces experts ont écouté vos plaintes sur la corruption, sur la "caste des élus" et ses privilèges. J'ai aussi parlé avec des jeunes diplômés qui n'en peuvent plus de cette gérontocratie qui s'accapare les postes. Avec des retraités qui, chaque premier du mois, font la queue à la poste pour une pension de moins de 1 000 euros.» 

    Devant ce constat d'un délabrement profond tant politique, économique, social que culturel, il tire la conséquence logique pour lui que la raison démocratique doit trouver sa voix dans une confiance nécessaire en la social-démocratie. Devant le tableau de la démocratie transalpine déliquescente, il est plus qu'urgent et censé de s'en remettre à ceux qui ont été les fossoyeurs de la démocratie :

    «Partout ailleurs, le résultat aurait été couru d'avance. Mais vous, vous avez bien failli élire le premier pour une quatrième fois (il s'en est fallu de 150 000 voix à la Chambre), vous avez éliminé l'économiste qui, il est vrai, vous avait assommés d'impôts, et vous avez probablement empêché le social-démocrate de devenir un jour président du conseil.»

    Ce n'est même pas la reprise de la formule du comte Salinas (« Il faut que tout change pour que rien ne change »). Ridet pose comme acte raisonnable : « il faut que rien ne change pour rien ne change ». Peut-il envisager, soit : faire entrer dans le périmètre intellectuel de son analyse, hors des beaux quartiers romains, du Montecitorio, du Quirinale et du Palazzo Madama, que c'est le cadre désolant lui-même dans lequel évolue le peuple italien qui le pousse à récuser la social-démocratie. Les voix de Beppe Grillo sont le fruit des compromissions, du népotisme, des concussions, des ententes mafieuses, etc. Demander à ce que ces voix se taisent, c'est non seulement absoudre les fautifs mais aussi culpabiliser les électeurs sans autre forme de procès.

    Le vote, à tort ou à raison, est pour certains le dernier moyen de s'y retrouver, de ne pas sombrer. Exiger qu'ils fassent comme si de rien n'était, telle est l'escroquerie morale et intellectuelle qui couvre l'indignation du sieur Ridet. Moraliste saumâtre qui demande aux pauvres, en plus de leur misère, d'être irréprochables. Robespierre dénonçait déjà ce travers  bourgeois vis-à-vis de la populace : la misère et en plus la vertu.

    Le vote dit protestataire n'est pas le fait d'une tension épidermique mais l'endroit d'une faillite qu'on ne veut pas reconnaître comme faillite. Et si l'on veut, pour un temps, revenir en France, c'est sur le même mode que l'on considère le soutien au Front national ou à Mélenchon. Un geste de mauvaise humeur, des relents fascistes, xénophobes, poujadistes, etc., alors qu'on ne veut pas voir que les partis de gouvernement se caractérisent par leur pourrissement (3). Or, de ce pourrissement-là, il n'est jamais question. C'est une abstraction ! Les belles âmes ne veulent pas croire qu'il puisse bouleverser l'électorat et l'engager hors des sentiers de la social-démocratie libérale, version eurocrates bruxellois !

    On peut toujours comme le sieur Ridet se draper de toutes les vertus. C'est facile ! Comme il est facile, et c'est mon cas, de se réfugier dans l'abstention, quand son statut de petit bourgeois, vivant bien, en milieu protégé, ne sait rien, ou si peu, de ce que sont les existences douloureuses des relégués du travail, du droit, et de la reconnaissance. Ceux-là même qui sont les rejetés de l'agora, et dont on voudrait, comme le réclame Ridet and co qu'ils votent juste. Voter juste, c'est-à-dire qu'ils votent bien, comme il faut, et qu'ils se contentent de cela, et qu'ensuite ils ferment leur gueule !

    Que devant cette réalité, celle d'un vote désespéré (plus qu'il n'est désespérant : ce serait trop simple), un journaliste du Monde détourne le regard et joue les délicates du XVIIIe qui s'offusquent. Il est pitoyable, mais le pire est évidemment qu'il n'est pas un phénomène isolé. Il est en quelque sorte le modèle qu'on nous impose...

     

    (1)On se souviendra de l'emportement ridicule de Mazerolles sur BFM au moment de l'élection du président de l'UMP.

    (2)Je laisse de côté le débat ici secondaire du droit de vote accordé aux citoyens européens dans le cadre de l'EU.

    (3)C'est Fillon qui parle, au sein de son parti, de pratiques mafieuses, pas moi. C'est le PS dont les fédérations les plus importantes, Nord-Pas-de-Calais et Bouches-du-Rhônes, sont empêtrées dans des affaires désastreuses.


    Photo : Gaëlle Josse.

  • La littérature dans le siècle (II) : terrasse

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    Qu'il est triste, vénérable Fernando, d'ainsi vous rencontrer, au détour d'une rue piétonne, sous un soleil un peu frais de Lisbonne (il ne pleuvait  pas comme sur ce cliché), dans une posture aussi grotesque (1), le genou replié, comme le ferait n'importe quel quidam affalé ; qu'il est triste de voir autant de gens passer devant vous, bruyants, indifférents, ignorants, peu importe, mais tous, et moi compris, comme de mauvais plaisantins, transformant l'intranquillité dont vous parlez si bien en une cacophonie de marchandage ; qu'il est triste de vous voir ainsi en terrasse, comme si vous étiez employé à haranguer le chaland, pour qu'il boive un verre dans ce café qui croit pouvoir, sans outrecuidance, se prévaloir des heures que vous y passâtes...


    (1)Pour vous consoler, mais cela peut-il se faire, sachez que des barbares, italiens ceux-là, ont agi de la même façon à Lucques, avec Puccini, et c'est d'ailleurs en le revoyant, lui, cet été que j'ai pensé à vous avec autant d'amertume...