J'avais commencé mes intermèdes classiques avec Bach et Gould. Je finirai donc l'année avec Mozart et Gould. Version inacceptable m'avait dit, il y a longtemps, un ami... Il fredonne, il va à un train de sénateur... Et alors ?
usual suspects
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
J'avais commencé mes intermèdes classiques avec Bach et Gould. Je finirai donc l'année avec Mozart et Gould. Version inacceptable m'avait dit, il y a longtemps, un ami... Il fredonne, il va à un train de sénateur... Et alors ?
"À aveugle" est un ensemble de douze photographies de Georges a. Bertrand, que celui-ci m'a envoyées sans la moindre indication. Il s'agit d'écrire pour chacune un texte dans ces conditions d'ignorance. Une fois achevé ce premier travail il me donnera les informations que je désire, et j'écrirai pour chacun de ces clichés un second texte : ce sera la série "À la lumière de..."
Ouais non mais ce que je il n'est bien sûr que la hé Jérôme pas mal le concert de il n'est tu me diras non si à quelle heure Marine et Nico qui passent il n'est là alors je reprends le métro dans l'autre sens et ça sentait le chacal non moi le concert j'ai trouvé le batteur oh Bart et Melbourne il n'est là pour moi je connaissais le groupe mais dans l'ancienne formation avec un bordel dans le wagon c'est quand qu'on décolle j'ai soif bordel les mecs qui s'engueulent une odeur de chacal et une fille avec un maquillage d'enfer une bière il n'est là pour personne j'ai fait écouter à ma sœur tu sais Clara sa sœur j'ai envie d'une bière pas rester après une heure le métro il n'est là pour personne ça caille non tu trouves pas qu'on se pèle mais et quand tu penses De la Tour à la basse et Rethenberg à la batterie dommage on aurait moins la mort cette nana il me disait il n'est là pour personne tu le connais non tu le connais pas il est bourré ou il pleure sais pas moi j'aimerais bien qu'elle vienne Marine dis Mathieu tu le trouves pas bizarre le gars il n'est là pour personne tu veux aller voir vas-y et alors je peux pas finir mon histoire de métro si allô Samuel il a peut-être envie d'être seul je téléphone à Samuel il n'est là pour personne dix minutes que je le regarde bizarre il a juste tendu sa jambe on est déjà arrivés Sam non mais un mec a eu le nez cassé ils ont bloqué la rame et il n'est là pour personne il attend peut-être quelqu'un et puis moi ils me gavent grouille si jamais on loupe la séance Samuel nous rejoint là-bas justement si Franck avait pas envie de faire dans le social va le voir ton type et nous emmerde plus oui me gavent on se casse ou on accouche moi de toute manière c'est clair quand je sors je ne suis là pour personne
Je ne suis là pour personne, exactement comme toi et tes amis, et je suis bien heureux que vous vous en alliez, que l'autre ait cessé de se pencher pour essayer de scruter mon visage, comme si je ne pouvais pas voir ses hésitations. Sûr que je ne suis là pour personne... J'ai marché tout l'après-midi, j'ai traîné dans la ville. J'en ai pour trois jours. Exclu pour trois jours, et j'étais trop énervé pour rester... J'ai marché, les cafés sont chers et s'asseoir sur un banc, tout seul, ça fait paumé, cloche, et tu trouveras toujours quelqu'un pour venir te parler. Mais je ne suis pas un paumé, même si je ne suis là pour personne, parce c'est très simple de se retrouver seul et il faut beaucoup de force pour masquer que tu es seul. C'est plus fort que tout, je ne savais pas. Comment il disait l'autre ? Ah, oui... La puissance, rester debout au coin d'une rue et n'attendre personne. Alors, je dois être sur la voie, même le cul sur le trottoir, encore à faire. Le cul sur le trottoir, sans même un verre d'alcool, dans le nez. La misère. Portable éteint. Sans doute des messages en absence. Messages en absence pour ne pas dire absence aux messages. J'ai soif. Les messages, je verrai plus tard. Il y en avait une de jolie. S'il m'avait causé, peut-être que je me serais levé... Trop tard.
*
*
Non, sa tête ne me dit rien. Pourquoi ? Il a disparu ? J'ai fermé le kiosque à vingt heures. Peut-être le quart, disons. Il n'y avait plus grand monde sur la place. Rien de spécial.
*
Esplanade aux réverbères. Fragmentation de l'obscurité et du halo. Quand l'esprit s'enfonce-t-il dans la première, déjà absorbé par ce qui le devance, à son insu ? Il regarde le décor vide. Un peu de vent pour faire courir deux ou trois papiers. Il était là hier, quelqu'un dit l'avoir vu, mais c'est peut-être un mirage...
*
Un souvenir. Un pendentif de l'âme, à suivre, dans les rues et venelles. Artères, et cœur battant.
*
Barnett Newman, Achilles, 1952, National Gallery of Art, Washington D.C.
*
Trouver les négatifs. L'impression du corps rematérialisé. Trouver le corps, ce qu'il en reste, argentique, numérique, et vite
J'ai déjà signalé le label ECM et le travail profond mené par le producteur Manfred Eicher (C'est l'homme du Köln Concert...). Un récent et remarquable texte de Frasby m'a rappelé incidemment combien, parmi tous ceux que j'ai écoutés de cette maison d'édition musicale, m'était cher John Surman. La Cornouaille est indissociable de son album Road to Saint Ives. Il y a dans sa musique une épaisseur lancinante où se rejoignent joie et méditation. Une neige légère parfois, un crachin persistant une autre fois, le soleil bataillant les nuages une autre fois encore. Premier opus de Upon Reflection (1979), Edges of illusion est une promenade bien plus réjouissante que ne le laisse supposer le titre.
Cela date de 1926. Le souffle (technique) dans l'enregistrement est fort mais l'on s'en moque parce que justement l'autre souffle, celui que Mengelberg fait circuler dans cet adagietto de Mahler est sublime. Il dirige sur un tempo qui nous épargne tous les excès d'un lamento grotesque et dont nombre d'enregistrements depuis trente ans nous gratifient (si l'on peut dire). Là où Mengelberg dirige en 7'03, certains dépasseront les dix minutes (souvenir d'un Haitink interminable...). Comme si la rigueur viennoise de Mahler avait été dévorée par l'artificiel de La Mort à Venise de Visconti, tourné en 1972 (qui ne peut guère survivre désormais que par l'interprétation fascinante de Dirk Bogarde. Quant au maniérisme de mise en scène...) et sur lequel beaucoup de chefs se seraient, consciemment ou non, alignés. Il ne faut pas que la musique devienne un accompagnement de cinéma ou d'images. Elle existe en soi. Et c'est bien de cette essence que Mengelberg nous "parle" dans cette version. Le bonheur de trouver cette interprétation va bien au-delà du document qu'il représente, au-delà d'une possible discussion sur la nature historique des choix que fit tel ou tel chef. Mengelberg réconcilie la rapidité et la profondeur, la vitesse et l'intériorité. Un miracle de mélancolie énergique...
Arvo Pärt compose cet hommage un an après la mort de Benjamin Britten, survenue en 1976, compositeur qu'il ne connaissait pas mais dont il venait de découvrir la musique. C'est peut-être cette distance personnelle qui rend sa musique si poignante. Rien ne nécessite une déprise de l'existence disparue. Pas de chagrin, surtout pas. Reste (mais ce n'est pas un reste, une sublimation plutôt) la prise à soi d'un héritage, d'une oreille, d'une mélodie (parce qu'on pense alors au War Requiem de Britten justement). Ce n'est pas copier, ou plagier, mais prolonger. L'hommage est là : dans la poursuite d'une phrase qui viendrait de loin et n'aurait pas de fin. Il n'est pas un reliquat concédé par la mort mais la pleine possession du vivant.
(la vidéo qui accompagne ce Cantus in memoriam of Benjamin Britten est consternante mais on y trouve la version gravée sur l'album Tabula Rasa. Il suffit de fermer les yeux)
Francis Bacon, Self , Musée de Dublin
Écrire toujours la même chose, écouter toujours les mêmes musiques, peindre toujours les mêmes choses, toujours les mêmes musiques, écrire sur la même chose, les mêmes, choses et musiques, au fond ne chercher dans les tableaux que le même visage, les mêmes visages, envisager les mêmes mots, écrire les mêmes mots, et si la musique est écriture chercher les mêmes leitmotive, et dans la peinture les mêmes motifs, leitmotive qui sont eux-mêmes les mêmes phrases, les mêmes notes, et les notes que l'on prend pour écrire, toujours les mêmes choses, notes sur n'importe quoi, n'importe quel support, n'importe quel sujet, écrire, noter, dénoter, connoter, et toujours les mêmes musiques qui reviennent, les mêmes, strictement, notées, annotées, et faire des dessins en marge, du même visage, des mêmes visages, dévisager et sans notes, mais avec le leitmotiv de sa propre musique, intérieure, chercher à écrire, écrire comme faire le tableau de ces à même de écrits, vus dans des tableaux, entendus dans une phrase, musicale, la phrase, mais au fond similaire, l'air, à ces phrases écrites, raturées, suturées, couturées de ce qu'on a cherché dans les écrits des autres, les tableaux accrochés à notre mémoire, mémoire plus dure que le mur où étaient accrochés ces tableaux, écrits parfois, écrire toujours, les mêmes choses, écouter les mêmes musiques, à distance, pour le souvenir, contempler les mêmes toiles, les mêmes filets, les mêmes rets, mêmes arrêts du regard sur les tableaux, du cœur sur la musique, la partition des mêmes musiques écrites pour composer les tableaux d'un exposition dont nous ferions les textes, pendant qu'un orchestre inconnu, invisible, joue la même musique, toujours la même musique, celle qu'on n'a pas trouvée, comme on n'a pas trouvé la toile qu'il nous faudrait, ni le texte, ni écrit le texte dont nous aurions besoin, dont nous aurons toujours besoin, comme d'un visage perdu