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musique - Page 9

  • Comme un tourbillon, Mehldau

    Places est un des plus beaux opus de Mehldau accompagné de Jorge Rossy et Larry Grenadier. Peut-être est-ce le fait d'avoir construit cet album autour d'une thématique à la fois unificatrice -transposer sur la portée l'esprit des lieux- et ouverte, tant la diversité des endroits évoqués est grande... Car il s'agit bien d'un imaginaire aléatoire qui peut réunir des lieux aussi étrangers les uns des autres que le sont Los Angeles, Madrid, Perugia ou Schloss Elmau, en Bavière.

    Mais il y a chez ce pianiste une faculté à toucher ce qui lui est intime (d'une manière ou d'une autre, puisque tel ou tel endroit est choisi parmi les innombrables qu'il a pu connaître) tout en nous emportant dans une rêverie collective. Sur ce plan, la composition consacrée à Paris est saisissante. Le cheminement mélancolique, quasi début de siècle (le XXe, évidemment), est celui d'un matin silencieux, le lever du jour après une nuit blanche. Un hommage à Debussy, une traîne douce, et plus lointaine, de Chopin sans doute aussi. Il faut attendre que tout, dans le cœur, se remette en place. Les cafés un peu chic sont fermés ou presque. Reste une grande terrasse vide, où l'on sert un Armagnac qui vous servira de soleil, pendant que les nuages s'étirent. On s'amuse du va-et-vient qui papote crescendo. Un ami passe. Il surprend votre engourdissement, s'installe et vous raconte sa folle odyssée chez Marianne qui est complètement folle, mais si belle, si rousse, et elle vit, comme dans les romans, dans une chambre sous les toits, et même s'il a fallu déguerpir en quatrième vitesse, parce que son mec revient dans la matinée, et qu'elle redevenait sérieuse, il a ri, ri, en dévalant quatre à quatre les escaliers de la rue des Canettes, il en rit encore et vous riez avec lui...

     

     


     

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  • Paul, Brian et David

     

    C'est en découvrant l'irrésistible et plaisant engouement de Solko pour la reine d'Angleterre que l'idée de ce billet m'est venu. Ou pour être plus exact : la surprise de trouver sur son blog une séquence consacrée à Paul MacCartney chantant Let it be. Mon esprit, sans doute un peu étroit, ne l'imaginait guère se délectant des accords simples (mais non dénués de douceur) de celui que cette chère Elisabeth a annobli.

    Il fallait donc que ce cher Solko payât son tribut à l'une des deux figures majeures du groupe pop le plus fameux. Laissons de côté le débat pour savoir qui de Paul ou de John... pour un détour vers celui qui fut un temps l'adversaire de ces deux-là.

    Un an avant Sergent Pepper's, Les Beach Boys de Brian Wilson commettaient Pet Sounds, et croyaient avoir une fois pour toutes pris le pouvoir. Peine perdue et Brian Wilson en fit une dépression sévère dont il se remit difficilement (1). Est-ce alors, pour panser une plaie ainsi béante, que sir Paul déclara un jour que God only knows était la plus belle chanson jamais écrite ? La ligne mélodique, l'orchestration et le jeu des chœurs lui donnent raison. Simple et imparable.

     

     


     

    Peut-être n'y a-t-il pas plus belle preuve de cet état de fait que celle donnée par David Bowie en 1984, au milieu d'un album confondant de médiocrité intitulé Tonight. Tout est à jeter, sauf cette reprise, presque en crooner, avec des chœurs plus accentués encore dans le glamour. Autant le dire : un des meilleurs titres de sa carrière...

     


     

    (1)Le magazine anglais Rolling Stones dans son classement des meilleurs albums  de l'histoire de la pop les place respectivement premier et deuxième. MacCartney et Lennon ont gagné. Brian Wilson a-t-il pedu pour autant ?



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  • Intra muros

           Pour S.

    J'ai découvert cette vidéo par le biais d'une mienne connaissance, graffeur, writer (1), peintre, à laquelle j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer mes réserves sur cet art urbain qu'on appelle imprécisément le tag. Je ne suis pas un adepte de ce mode d'expression, mais la question n'est pas là, si l'on veut bien considérer le travail entrepris par ceux qui ont décidé de s'approprier un lieu désaffecté, comme sait en laisser une société obnubilée par la consommation et l'obsolescence de plus en plus rapide des choses...

    Il s'agit donc d'un parking de grande surface, d'une grande surface qui a rendu l'âme (et c'est évidemment une manière ironique de parler tant ces lieux se déterminent d'abord par leur impersonnalité). Abandonnée, avant que d'être détruite et qu'on y refasse les mêmes horreurs, sans doute, cette friche commerciale a été prise d'assaut par l'imagination colorée et brutale de ces mystérieux combattants des murs blancs, sales, sans propriété. Et plutôt que de laisser la misère du temps gagner la partie, ils ont enfreint la loi, pour la beauté du geste, car il est certain qu'à moins  qu'un coup de dés magnifique ne convertisse ce parking anonyme en territoire de l'Unesco ce qu'ils ont entrepris finira en gravats (ou pire : qu'un repreneur vienne et, devant cette avalanche de couleurs et de formes, s'empresse de tout remettre en ordre : du blanc, du blanc, du blanc...).

    Ainsi jouent-ils des turpitudes d'un monde-ogre... On pourra disserter longuement sur le discours artistique de ces writers, la beauté esthétique de ces géométries, en pourfendre la laideur et les facilités. Peut-être. Mais ces six minutes à toute vitesse, entre les piliers d'un des pires endroits que notre civilisation ait créé en nous faisant croire que là était le sésame d'un bonheur à crédit, ces six minutes en accéléré, on peut aussi les regarder comme une tentative désespérée, non pas de refaire le monde, mais de suspendre sa laideur poussièreuse. Ce n'est pas un acte social mais une question politique ; pas un jeu d'enfant, mais des arabesques sérieuses d'adultes. Lorsqu'on retourne à l'air libre sur le toit de ce délabrement caché, le writer dessine des croix, comme si, effectivement, il fallait bien faire une croix dessus, sur le rêve, sur la liberté de dire non, sur le lendemain, et la caméra saisit à la volée la misère visible des tours immenses, dans une banlieue quelconque, une parmi d'autres...

    La musique est de Phil Glass. Les concepteurs de ce film l'ont rencontré. Il a cédé les droits de ce Opening, extrait du très beau Glassworks, pour cent euros. Trois fois rien Le projet lui plaisait... Un Opening d'une douceur mélancolique idéale pour une odyssée dans un univers dérangeant : celui de notre déchéance à venir...

     

     

    (1)ainsi que se définissent ceux qui ne taguent pas, mais dessinent sur les murs, parce que le tag est une signature. Je n'ai pas envie de commenter ici le choix discutable du mot writer...

     


     






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  • Fischer-Dieskau, respectueusement

    Après l'écrivain Carlos Fuentes, mardi, le chanteur lyrique Dietrich Fischer-Dieskau ce jour...Triste semaine.

    Demeurent sa voix, son œuvre dévouée à l'art lyrique, à la beauté de la langue allemande, Les Lieder de Schubert, entre autres. Il y eut aussi les rôles d'opéra.

    Certes, il ne chantait plus depuis longtemps et ce n'est évidemment pas le sujet. Au contraire, la tristesse devant cette disparition qui arrive bien après l'arrêt d'une carrière longue et belle souligne plus encore ce qui peut nous attacher à l'art, aux œuvres, à leurs défenseurs intransigeants. Une proximité sans identification, une présence sans idolâtrie, un bonheur sans hystérie.

    Voyageons encore une fois avec lui. Il chante Schlegel mis en musique par Schubert. Sviatoslav Richter est au piano.








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  • Richard Strauss, fragiles pulsations


     

    Richard Strauss a contre lui d'avoir un nom qui rappelle d'abord les pièces montées viennoises que l'Orchestre symphonique de la capitale autrichienne offre au monde le jour de l'An, d'avoir eu, et c'est un euphémisme, une grande complaisance pour Hitler et son régime, d'être réduit, pour beaucoup, à la bande-son de 2001 l'Odyssée de l'espace, avec son ouverture grandiloquente d'Ainsi parlait Zarathoustra. Les amoureux de l'art lyrique savent eux qu'il est un des plus grands compositeurs d'opéra (peut-être même le plus magistral après Mozart et Verdi). C'est aussi un maître dans l'art de l'orchestration. La Symphonie alpestre ébranle l'auditeur par sa douceur et ses emportements contenus. Certes, on entend un héritage wagnérien, mais comme transfiguré (1) par l'abandon conscient d'une rhétorique qui se vouait nécessairement au mythe. Ici, rien de tout cela : une musique crépusculaire (il s'agit de la fin du poème symphonique (2)), un imperceptible dans le paysage qui s'en va doucement, une présence secrète de la vie en retour vers nous à peine audible parfois. Strauss fait la démonstration (l'expression est fort maladroite...) que l'ampleur du monde et la vision intérieure que cette sensation éveille ne nécessitent pas des moyens orchestraux employés dans toute leur capacité. C'est l'immensité sans ostentation. Une pure merveille...

     

    (1)Autre bonheur dont nous lui sommes redevables : Mort et transfiguration

    (2)Il est clair cependant que cette notion de poème n'est pas innocente, inséparable du nationaliste du XIXe et que ce culte du poème se retrouve, comme par hasard, chez Heiddeger...

  • XTC, pour Pâques...

    XTC est un groupe de pop assez méconnu. À cela une raison majeure. Dans un monde où il faut absolument être visible, et dans celui de la musique en particulier, ils sont invisibles : ils ne sont pas remontés sur scène depuis trente ans. Andy Partridge, le leader, ne supporte pas la foule. Dès lors, XTC est resté un quatuor de studio, ce qui n'est pas sans conséquences tant leurs compositions (notamment leur collaboration avec Todd Rundgren pour Skylarking) sont étudiées. À les écouter, on pense à Mac Cartney, à ce sens de la mélodie qu'avait le bassiste des Beatles. Un Mac Cartney qui ne serait pas fourvoyé, depuis que Lennon n'est plus là pour le provoquer.

    Pour la légèreté des œufs, des lapins et autres poules de Pâques, Easter Theatre, extrait de l'album Apple Venus (1999)



    Pour le droit à la mécréance, Dear God, du sus-intitulé Skylarking de 1986.




  • Koechlin, langueur littorale

    Au combat délicieux contre les vagues se substitue parfois (il fait trop froid ce jour, ou la pluie a écourté l'heur de la plage) l'effleurement de la marche sur le chemin côtier. Tu regardes la mer et tu penses à une musique. Ce n'est pas celle de Debussy qui a ta préférence : elle est trop ample, trop infinie. Il y a, dans La Mer, comme un sentiment de dispersion qui fait que tu ne voies plus le rivage. Il te faut un signe du sol. Tu préfères le pas lent, le temps égrené de Koechlin. Tu penses au chemin des douaniers, à des pauses : la Guimorais, tôt le matin, la crique du Val, Porsmeurs, un coin reculé de Bréhat, et les heures inoubliables sur un muret, face au bleu quasi austral qui berce Molène.

     


  • De mains de maître

    Dans ce pays lointain, épris d'euphémisme et de conformisme minoritaire, on s'avisa un jour que les virtuoses étaient un affront aux infortunés du hasard et de la naissance. Ainsi de beaux esprits décrétèrent qu'il fallait en finir avec les arabesques de Liszt ou de Brahms, et les grandiloquences de Gould et d'Argerich. Il fut dès lors décidé qu'on ne jouerait plus que le Concerto pour la main gauche de Ravel, parce que dédié à Paul Wittgenstein, manchot d'une guerre cruelle et moderne.

     

     

    Fragment de la partition de 4'33'' joué en 1952 par David Tudo

     

    Mieux encore : le 4'33'' de silence imaginé par John Cage, samplé jusqu'à durer plus de trois heures, qu'on rebaptisa Symphonie égalitaire, devint l'hymne de ce beau territoire, qui finit un jour par oublier l'existence même de la musique...

  • En fermant les yeux, Bruckner

    C'est peut-être là qu'est l'injustice faite à Bruckner, de n'être pas Wagner, et d'en être imprégné, de n'être pas encore Mahler, qui épuise, à sa manière le genre symphonique. Il paraît que le maître de Saint-Florian était un curieux mélange : entre le génie et le crétin, si l'on en croit certains témoignages. il serait, dans son genre, une exemple admirable de ce que l'art réserve de surprises qui défient l'entendement.

    Le souci symphonique de Bruckner semble de peindre une sentiment. Ce sont de grandes coulées chromatiques, des surgissements toujours contenus, des apaisements qui n'atteignent jamais le silence. On a envie de fermer les yeux. Non pas comme ces adeptes new age d'une musique passive, relaxante, laxative, décérébrée. Bruckner est sans mièvrerie, sans tendresse ridicule. Il libère une énergie condensée dans un continuum dont il est difficile de sortir, parce qu'on y trouve un bonheur presque sans faille. Un moment d'apesanteur gracieuse. C'est bien ainsi que l'immense Furtwangler le donne à entendre, dans ce début d'adagio, pour la 7ème symphonie.



  • Intérieurement

     

    Dix minutes avec Bach, les Variations Goldberg et Glenn Gould. Rien au dessus (certain), rien après (ou presque)...