usual suspects

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

rêverie

  • Vespa Roma

    « Au sein de l'inventaire des moyens de déplacement qu'effectue le photographe [Bernard Plossu], la vespa occupe une place particulière. Objet cinématographique par excellence depuis les années cinquante jusqu'au Caro diario de Nanni Moretti, la vespa est le symbole de la fluidité dans un monde engorgé, mais aussi celui de la démocratie du transport, de la belle mécanique accessible à tous. Le deux-roues semble consubstantiel à la ville méditerranéenne : il sied au climat, à l'étroitesse des rues, aux formes pentes qui découragent le cycliste. Sa photogénie ne reçoit jamais de démenti. Le conducteur du scooter est assuré de séduire : il a pour lui la jeunesse et l'absence de prétention. La vespa incarne à merveille le design de l'Europe méridionale en tant qu'il produit beaucoup d'effets avec une apparente économie de moyens, et qu'il assigne d'emblée au déplacement une dimension ludique : elle offre, comme autant de sacoches légères, de petites primes de plaisir. »

    Cette brève et très claire évocation de la Vespa par Jean-Louis Fabiani t’a ramené plus de trente ans en arrière, alors que tu découvrais Rome pour la première fois, et plus particulièrement à une fin d’après-midi, non loin du cimetière protestant, où tu étais venu rendre hommage à John Keats. Il était cinq heures et le petit magasin, pour faire tes courses avant de repartir au lido d’Ostia, n’était pas encore ouvert. Il aurait dû l’être mais tu découvrais depuis une semaine la qualité élastique de la sieste transalpine. Il faisait chaud et sur la porte de l’enseigne : chiuso. Alors, pour échapper à la lassitude, et parce que l’agitation de la gare Ostiense te répugnait, tu t’assis à même le sol, contre un mur, à un carrefour, et bientôt commença un ballet dont tu avais déjà observé quelques épisodes, furtivement, et dont tu pus pendant plus d’une demi-heure, vérifier la spectaculaire permanence.

    A la croisée des quatre voies, chacun arrivait avec une désinvolture klaxonnante pour signifier qu’il allait passer. On freinait à peine ; on se frôlait ; on accélérait ; on râlait ; on esquivait. Et cette singulière anarchie sans conséquence grave (ni glissade, ni accrochage) n’était pas le seul fait des automobilistes, avec la carrosserie en bouclier. Loin de là. Les deux-roues y tenaient le rôle principal. Ils semblaient s’amuser de tout. Deux-roues ? Pour être plus précis : les Vespa. En solo, ou en duo, avec la belle derrière, en amazone. Sans casque. C’était encore le temps mémorable des cheveux au vent. Imagine-t-on, à l’instar de Moretti, Cary Grant et Audrey Hepburn avec un intégral ou un bol, dans Vacances romaines. Tout, dans ce trompe-la-mort, au carrefour, à peine une décélération, donnait à la Vespa et à ses périlleux pilotes, une dimension jubilatoire et, bien sûr, cinématographique, comme le rappelle Fabiani. L’abeille piquait ta curiosité et tu n’espérais pas qu’une catastrophe vînt ternir cette démonstration du hasard heureux. Les météores suivent leur trajectoire.

    Tu avais donc l’occasion de vérifier que l’Italien et la Vespa étaient inséparables, quasi consubstantiels. Partout sur les trottoirs, dans les cours, dans les ruelles ; partout le devoir de composer avec leur art de se faufiler ; et sur les grands axes, des nuées où se mélangeaient les banlieusards, les gandins, les cravatés et même, parfois, les soutanes. En ce début des années 80, ces équipées doucement sauvages te donnaient l’illusion de te plonger dans la Rome des années 50, de sentir l’insouciance trouble d’une vie exubérante essayant de s’accommoder des règles.

    La Vespa avait, jusque dans la ligne, l’élan gracile de sa désignation. Elle était moins un mode de transport qu’un idéal de fluidité et un modèle chevaleresque, quand un garçon invitait une fille pour faire un tour. Il y avait en elle une esthétique ronde, quasi féminine. En France, nous avions l’immonde mobylette, le 102 ou 103 Peugeot, qui n’était rien d’autre qu’un gros vélo motorisé. D’un côté, le charme ; de l’autre, la grossièreté. Quand on regardait la Vespa, tu voyais une frontière dans l’art de la séduction. La séduction par la conduction. Tout un programme.

    Au fil des années et de tes retours à Rome, tu as déploré que la Vespa soit lentement mise au rebut, au profit du scooter. De l’italien à l’anglais, il y a un monde. L’anglicisation de la planète est un signe éminemment mortifère. Seuls les imbéciles de la communication universelle peuvent béatement s’y retrouver. Le problème, c’est qu’ils sont de plus en plus nombreux. Le scooter, on le comprend aisément, n’est pas la Vespa, mais une imitation customisée pour territoires sécuritaires/sécurisés et pour les adeptes de la gadgétisation à outrance. Le scooter glisse lentement vers la moto de ville pour actifs CSP+ ou pour petits frimeurs de banlieue. Ce ne sont plus les formes douces de la version italienne mais la modélisation mastoc, bourgeoise et empesée d’un univers qui étale son désir insatiable de confort. La frime tendre et juvénile a laissé la place à la bouffissure satisfaite. De fait, le scooter est un des objets les plus hideux de notre époque. Il pue l’assise et l’ambition. La Vespa n’est plus qu’un vestige. Comme beaucoup de signes par quoi nous marquions des différences spatiales et culturelles.

    Le déclin de la petite abeille suit la disparition des frontières et de la monnaie. Les douaniers sont des spectres ; tu paies en euros ; les rues romaines sont scooterisées. Il ne faut pas croire au hasard, en la matière, et la désolation qui t’habite est un paysage où les éléments les plus étrangers en apparence se disposent de manière très efficace. Tu n’es pas de ceux que la practicité du monde (ne pas s’arrêter à la douane ; ne pas montrer ses papiers) et la rationalité économique (plus de changes ; plus de dévaluation) fascinent. Au contraire. Parce qu’un monde unique n’en est plus un. La Vespa est italienne et toutes les années où tu as pu retourner dans ce pays, du temps de la frontière et de la lire, tu en as eu le cœur net. Sa relégation, au-delà de quelques ajustements pour faire moderne est un sujet qui t’attriste. Cela n’a rien à voir avec la nostalgie, moins encore avec ce goût frelaté du patrimoine. Ton regret compte moins que ce sentiment diffus d’une muséologie des différences, les vraies, celles qui donnent du sens et de l’histoire à la vie, pour permettre le triomphe de l’uniformité libérale.

     

    (1)Jean-Louis Fabiani, préface à Bernard Plossu, L'Europe du sud contemporaine, Images en manœuvres Editions, 2000

  • L'encombrement du virtuel

    Dernièrement, une mienne connaissance s'alarme. Son portable a rendu l'âme (en fait, il n'en sera rien. Il ressuscite le lendemain (1)) : elle n'avait pas sauvegardé des photos. Elle ne les avait pas exportées sur son cloud. Tel est l'indispensable de la communication actuelle : avoir son nuage (à défaut d'être sur un nuage, ou dans les nuages), où tout le précieux informatif de l'existence sera préservé. 

    Ainsi sommes-nous environnés sans le savoir d'une nébuleuse atmosphérique codée en je ne sais quel langage, une sorte de banque de données invisibles où je puis aller chercher ce que je ne veux pas perdre...

    Un nuage, donc. Un cloud. La métaphore ne manque pas de sel, si l'on veut représenter l'impalpable, mais c'est justement dans la facilité de la comparaison que naît la mélancolie. Triste nuage contemporain, en effet, que celui-ci, par quoi je deviens banquier d'une mémoire, la mienne, sans épaisseur, sans matière. Sinistre représentation que d'imaginer l'individu suivi comme son ombre par son nuage fourre-tout, dont il peut saisir à chaque instant une donnée, un élément, une information.

    L'étranger de Baudelaire, dans Les Petits Poèmes en prose, tirait sa singularité et son mystère de ce qu'il parcourait le monde en regardant les nuages, les vrais, avec leurs formes changeantes et rêveuses. Ce n'était pas un bagage que ces métamorphoses perpétuelles qui le faisaient lever les yeux mais une destination (pour ne pas dire : un destin). Ils étaient dans le monde et leur existence transitoire n'était pas vaine mais une manière de pénétrer dans ce monde. On y mélangeait l'improbable des correspondances et le libre vagabondage des coïncidences. Les nuages n'étaient pas rien : ils furent une des raisons d'être de la peinture, des Flamands tourmentés aux impressionnistes évanescents. Le nuage court devant les yeux ravis, comme un des rares plaisirs enfantins qui ait pu survivre à notre rigueur d'adulte. Il suffit de ne rien faire, d'être là, les bras croisés ou derrière la tête, à la proue d'un navire ou sur la grève, et de passer des heures à contempler la solitude d'une ouate dans un ciel très bleu, ou le vertige d'un ciel qui se noircit. Ce n'est pas rien faire que d'engranger une beauté furtive, parfois légère, parfois soucieuse. Ce sont les nuages qui articulent mieux que tout notre ébriété amoureuse et notre soif d'aventure. Le nuage est beau de la perte qu'il préfigure et de la liberté qu'il nous laisse. 

    Le cloud informatique et contemporain est la négation de tout cela. Il est une prothèse de notre assujettissement à l'immédiat. C'est une décharge, une poubelle. Une poubelle pour têtes cumulatives. C'est le capital du vide.

     

    (1)Il faut être moderne et mélanger les références et, en l'espèce, le portable est une transcendance du contemporain. 

  • Avec vue...

     

    Kertesz.jpg

     

    Parfois, vous arrivez en fin d'après-midi en un territoire que vous connaissez à peine (mais il est aussi possible que l'histoire vaille pour ceux où vous êtes déjà venu, et souvent même). Il vous faudra trouver un havre. Mot magnifique. La voie étymologique rappelle que le havre, c'est le port. Est-il nécessaire pourtant qu'il y ait l'océan pour penser que, vers les six heures, il s'agit bien de jeter l'ancre ? Pourquoi pas une anse accueillante en plein cœur des Pyrénées, de l'Ombrie ou du Jura ?

    Bientôt le soir viendra. Vous n'en avez cure. Pour l'heure, à l'hôtelière, derrière son comptoir, vous demandez une chambre. Avec vue.

    Cela suppose-t-il qu'il puisse y avoir des chambres aveugles ? Vous n'en avez jamais connu mais un ami, à Foix, et un autre, dans un taudis vénitien...

    La chambre avec vue, en hauteur, face au lac (ou la mer, la montagne, le val boisé,...), sera plus chère. Vous signez tout de suite. Que ne feriez-vous pour jouir du paysage... C'est d'abord ce que vous vous dites : que votre regard puisse s'offrir une envolée et que vous prolongiez le voyage, là, immobile, le corps penché, les avant-bras en appui, à la fenêtre, que l'inconnu et le lointain entrent jusque dans ce lieu qui ne sera jamais vôtre. Ce n'est pas une question de luminosité. La chambre, cette fois, est orientée au nord, mais il y a autre chose, comme un impératif d'oubli.

    Oublier que toutes les chambres d'hôtel se ressemblent. Le mobilier impersonnel, la tapisserie neutre, les médiocrités impressionnistes (certes, vous vous souvenez de cette exception romaine et une autre, à Varsovie). Elles ont toutes un parfum de cellule.

    Oublier aussi la déception de la journée : la cathédrale en réfection et le javellisé de la vieille ville.

    Et vous vous attardez sur les détails du paysage. Vous vous faites topographe et rêveur ; parfois, l'horizon est plus qu'une promesse, une véritable réorientation du voyage. Vous irez là-bas, demain, vers l'inconnu du pli rocheux ou à la pointe presqu'insulaire que prend la brume. 

    La chambre avec vue vous soulage. Le soir arrive. Bientôt, il n'y a plus rien que l'obscurité, l'obscurité la plus absolue : de ce côté-ci, pas de réverbères. L'aventure a duré une heure, à peine...


    Photo : André Kertész

  • Musique intime

    Dans quel lieu entrons-nous en écoutant cette composition d'Anouar Brahem intitulée La Chambre ? Les notes donnent-elles la solution du lieu ? Difficile à dire. Imaginons alors qu le fil du oud, celui de l'accordéon et celui du piano se croisent pour que nous soyons dans une pièce solitaire. Peut-être est-ce une saison intermédiaire ou une heure de l'entre-deux... On ne croit pas à une mélodie du sommeil (à venir ou dont l'esprit s'extirpe). Plutôt la chambre hors de son usage le plus convenu mais tout aussi essentiel, à s'asseoir par terre, le dos au mur,  à n'attendre rien et voir que dans le coin, là-haut, à peine s'agitant, une petite toile d'araignée.


  • De la magie qu'on a en soi...

    reuters1-702.jpg

     

    Qu'une part de ce qui est au devant de nous, comme une succession  infinie de tableaux, le monde en une série de plans qui mènent au loin, très loin, que cela puisse se suspendre en nous, flotter ; que notre histoire soit, hors la continuité du temps s'écoulant, des ilôts parcimonieux de réalité, parce qu'il faut exister autrement, ailleurs, aussi... quelle étrangeté...

    Et nous les emmenons dans notre course, comme autant de territoires  off-shore où nous nous réfugions, parfois sciemment, parfois au détour d'un indice qui vient frapper ou le cœur ou l'esprit.

    Il n'y a que puzzle en nous, pièces rapportées des heures vécues, des journées qui nous ont semblé informelles, alors qu'elles faisaient empreintes. Mais un puzzle qui n'a pas de consistance, dont les morceaux ne sont jamais que des objets incertains et mobiles, les restes d'un temps plus ou moins ancien qu'on aurait posés sur notre mer intérieure, ou dans les cieux (ou ce qui en fait office), restes qu'on ne reconnaît pas toujours et pour lesquels, de même que devant une photo qui ne nous dit rien, nous donnons une légende aléatoire. Et cet aléatoire, un jour nous trouble, parce que nous sommes habités du sentiment profond qu'il est insatisfaisant, un autre jour nous contente, parce que nous savons que l'imaginaire que nous y mettons est plus précieux que l'objet même.


                                        Photo : Steve Crisp/Reuters





    Les commentaires sont fermés

  • Koechlin, langueur littorale

    Au combat délicieux contre les vagues se substitue parfois (il fait trop froid ce jour, ou la pluie a écourté l'heur de la plage) l'effleurement de la marche sur le chemin côtier. Tu regardes la mer et tu penses à une musique. Ce n'est pas celle de Debussy qui a ta préférence : elle est trop ample, trop infinie. Il y a, dans La Mer, comme un sentiment de dispersion qui fait que tu ne voies plus le rivage. Il te faut un signe du sol. Tu préfères le pas lent, le temps égrené de Koechlin. Tu penses au chemin des douaniers, à des pauses : la Guimorais, tôt le matin, la crique du Val, Porsmeurs, un coin reculé de Bréhat, et les heures inoubliables sur un muret, face au bleu quasi austral qui berce Molène.

     


  • Sonner matines

    poésie,langage,mallarmé,rêverie

    Cloître de l'abbaye Saint-Pierre de Moissac

    Un commentaire de Sophie K. sur un texte récent m'a ramené, par un effet de ricochets amusant, à une réflexion sur le rapport singulier (et la beauté -ou la laideur- tout aussi singulière) du mot. Elle utilisait la belle expression « sonnant matines ». Belle expression, en effet, parce qu'elle activait un découpage du jour désormais archaïque (1) et que l'absence de l'article défini accroissait encore la distance où pouvait se réfugier l'évocation, ce que ne nous offre pas la ritournelle Frère Jacques, quand on demande au religieux de « sonne(r) les matines ». Ce presque-rien manquant, ce signe médiéval de la langue était délicieux.

    L'ironie du hasard a fait que le lendemain je me suis retrouvé au rayon frais d'une moyenne surface, devant des œufs et, notamment, des œufs bio, marque Matines. J'ai tout de suite pensé que pour certains, alors, ce mot si doux à mon oreille, ancré dans un imaginaire de cellules monastiques, de cloître silencieux, aux sculptures apocalyptiques (comme à Moissac), dans la froidure d'un novembre forestier, alors que des pas glissent sur la pierre divine, ce mot pouvait n'être que l'assurance d'un produit de qualité, une idée soudaine de gâteau ou de tortilla.

    Si j'essaie de comprendre pourquoi le mot matines à une coloration si différente, alors qu'il est le même, en apparences, j'avancerai que dans l'expression médiévale le /t/ acquiert du mot qui le précède l'éclat tintinnabulant d'une cloche, pourtant discrète (à l'inverse de la dérisoire sonnette moderne) comme un paysage flamand de Huysmans, ou ésotérique, à la manière d'une esquisse de Bertrand. Dans sa récupération commerciale, il est plombé de la rondeur indigeste du /œ/ mis en boîte par six ou par douze. Au premier horizon, une poésie de l'instant furtif, de la musique intérieure d'une conscience qui s'incarne dans le lointain ; au second, la lourdeur prévisible de l'estomac.

    Il n'y a rien de mal à sentir cette différence : elle ne condamne pas le prosaïsme de la marque mais de cette étrangeté cocasse (du moins pour moi) j'ai vu resurgir un souvenir estudiantin. Le très spirituel Jean Rohou, qui nous éclairait avec délice sur la littérature classique et ses enjeux esthétiques et politiques, se gaussa un jour (à quelle occasion ? Mystère) des extases mallarméennes, et notamment du dernier vers de L'Azur :

                                 Je suis hanté ! L'azur ! L'azur ! L'azur !

    Ce que d'aucuns envisageaient, à travers la répétition, comme le signe de l'indicible, à travers le sémantisme, comme un infini où se perdre jusqu'à l'aphasie, lui le ramenait, sourire malicieux aux lèvres, au premier azur de sa jeunesse, soit une marque (là aussi...) d'essence et des bidons de carburant. L'image n'avait bien sûr rien qui puisse éveiller la rêverie. Il reprit son cours, convaincu que nous n'en penserions pas moins, vu que nous suivions par ailleurs les cours de Jean-Luc Steinmetz, grand mallarméen devant l'Éternel.

    Les mots ont ainsi un sens commun qui déploie un univers circonscrit, lequel nous utilisons selon l'usage. Ils ont aussi un territoire poétique que nous pouvons pourtant, au-delà de tout, récuser. Car il nous arrive de les habiter autrement (pas tous mais certains, et selon des configurations hétérogènes et aléatoires -pour l'esprit- ), de les habiller d'apparat ou de dégoût. La raison en est parfois claire, parfois obscure. Peut-être n'est-ce pas le cas pour tout le monde... Ils sont là, en nous, comme des quasi objets qui agrègent autour d'eux une part de notre vie. Ils ont une histoire, et leur histoire croise la nôtre. Ils sont sans doute un trémail de notre passé, au même titre que les souvenirs physiques dont le corps n'a pas voulu se débarrasser.

    Ils ne sont pas loin, parfois, de ces êtres que nous aimons ou détestons, sans pouvoir mettre sur ces sentiments des mots, des mots justement...

    (1)Tout emploi du temps obéit aujourd'hui à l'ordre strict et directif du minutage. C'est un horaire insensible, à la mathématique implacable. C'est un engrenage de montres et de pointeuses.


                                                                                        Photo : X

  • L'Impulsion des fantômes

    Pub_06 copie1.jpg

    Et, soudain, nos fantômes s'animent, engageant leurs pas dans nos pas, dans des murmures en boucles, qui bouleversent le bel ordonnancement, de la trace, jusqu'à l'obscurité ;

     

    Pub_06 copie2.jpg

     et voici qu'apparaît le point élucidé (ainsi intime) de nos paupières closes et méditatives : le négatif (presque) d'une seule de nos minutes...


                                                         Photo : X (retouchée par Hozan Kebo)


  • Vestiaire d'âme

    http://www.hotels-paris-rive-gauche.com/galerie/Photographes/2010/sabrina-biancuzzi/pop/capture-de-reves009.jpg


    Souviens-toi ce qu'il y avait d'ivresse, sur la balançoire, à soulever le monde (ainsi s'en détacher, poids mort...),  et d'avoir le ventre retourné d'une presque nausée  dans l'instant où tu redescendais vers le sol... Bonheur de printemps, ou d'été... Mais beaux ennuis, aussi, quand tu t'asseyais  sur la planche, des heures entières, à ne savoir où donner de ton cœur, pas encore adulte, et dont tu voudrais retrouver, parfois (jamais très longtemps, tu sais que c'est vain), la source, maintenant que tu vois les deux cordes attachées à la structure métallique, dans le jardin un peu  éteint de la maison natale que tu viens de vendre...


    Photo : Sabrina Biancuzzi, Captures de rêves 9

     

  • Schumann, nocturne et lumineux

    La première pièce des Fantasiestücke de Schumann, Des Abends, est une demeure silencieuse, dans une rue de Bruges où nul ne passe, la nuit tombée, et dont l'éclairage modeste vient s'apaiser aux vitres épaisses de verres colorés et ronds, comme des culs de bouteilles, sertis dans un treillage de plomb disposé en losanges.