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  • Sous X

    Il n'y a rien à dire, ou si peu. Parce qu'on pourrait en écrire sur ce désastre à n'en plus pouvoir. Ce ne sont pas les mots qui manquent, ni la place, ni le temps mais tout ce qui a déjà été écrit, ou dit, avec force circonlocutions, euphémismes et souci de dignité.

    Dans le fond, ils meurent une deuxième fois, presque dans l'insignifiance. Ce n'est pas ce que l'on croit, disent ici ou là des responsables qui veulent sauver peau et postes. Il faut se recueillir et être convaincu qu'ils n'auraient pas aimé qu'on récupère leur disparition, ajoutent-ils.

    Tout est propre et digne : l'effroi, le chagrin, le partage, les hommages, dans un ordonnancement qu'on a déjà connu, qui nous rappelle ceux morts pour rien, parce qu'on n'a pas entendu de quoi ils mourraient, pour quoi ils finissaient en poussières ou en cendres.

    C'est net et précis. Le passage à autre chose se fait insensiblement. La vie, dit-on, l'inexpugnable envie de vivre. Ou de se détourner. On a fait un mauvais rêve mais déjà le petit matin s'imprime sur la fenêtre.

    Rien à ajouter. Rien. Exactement le dernier mot qu'on répond à l'uniforme qui prend votre déposition au sujet de cette effraction durant votre absence...

  • Scarlatti, pour ne pas céder à la tristesse

    Le seul prestissimo des 555 sonates, par le très élégant Andràs Schiff


  • Florilège hebdomadaire

    Le roi de Macroncéphalie a expliqué aux Français qu'ils étaient en partie responsables des attentats qui ont atteint leur pays. "Le terreau sur lequel les terroristes ont réussi à nourrir la violence, à détourner quelques individus, c'est celui de la défiance". Voilà qui méritait d'être dit. Il est vrai que l'islamisme ne touche que le territoire hexagonal : Jemaah Islamiyah en Indonésie, Boko Haram au Nigéria, Les chebabs somaliens, les Talibans afghans, Al-Qaïda, Abou Sayyaf aux Philippines, et j'en passe, tout cela n'existe sans doute pas pour lui. À moins que les susdits Français ne soient eux-mêmes responsables de toutes les dérives de l'islam, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont pas su l'empêcher...

    Le roitelet de Bordeaux veut maintenant "écraser Daech". Il ne dirige rien, sinon sa mairie. Peu importe : il parle, il donne le cap, se place en sage et en responsable, oubliant seulement que tout ce qu'il dit depuis une semaine est à l'opposé de tout ce qu'il disait jusqu'alors. Il oublie seulement que pour sa redécouverte de Bachar Al-Assad, il a dû prendre des cours de géo-politique chez Marine Le Pen. Il ne chute pas de très haut, néanmoins, vu qu'il a toujours volé très bas (quand c'est Chirac qui fait de vous "le meilleur d'entre nous"...)

    François Baroin, le Harry Potter de la politique, qui n'a pas réussi à finir premier ministre et s'est dès lors replié sur la suffisance double : municipale et sénatoriale, comme un Prudhomme weight watcher, dirige l'association des maires de France et décrète que l'urgence est à l'interdiction des crèches municipales, pour cause de laïcité, laquelle laïcité n'est que le cache-misère d'un anti-catholicisme maçonnique. Mais quand on se rappelle qui était son père dans la hiérarchie de la règle et du compas, on ne s'étonne pas. Ce triste sire ouvrait moins sa gueule quand la mairie de Paris fêtait la fin du ramadan. Je ne doute pas qu'il demandera l'intervention policière contre les résistants.

    Le normal président, sérieux comme Forrest Gump, demande aux Français de hisser les couleurs nationales, ce vendredi, en hommage aux victimes. Rien de moins : le fossoyeur de la Nation, le collaborateur d'un coup d'Etat permanent, depuis le contournement du réferendum de 2005, vient donner aux citoyens des leçons d'humanité et de patriotisme. Ce drapeau qu'il a réussi à ridiculiser jusque dans la photo officielle qui trône dans les mairies (là où les crèches sont à proscrire...), il voudrait que les hommes et les femmes de ce pays s'en drapent pour qu'il puisse lui pavoiser sur la misère des victimes. Ce sera sans moi ; j'aime trop mon pays et comme disait de Gaulle : "je me suis toujours fait une certaine idée de la France".

    On aura compris : si la violence et la terreur augmentent, la bêtise n'est pas en reste. Il va falloir que la résistance s'organise, et d'une manière autrement plus musclée dans les têtes. Si la France doit s'en sortir, c'est d'abord par une reprise en main de sa destinée, de son histoire, de son passé, de sa religion, de sa culture. Pour parodier Poutine, cela suppose qu'on poursuive la connerie jusque dans les chiottes. Peu ragoûtant mais nécessaire.

     

  • En travaux

     

     

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    Certains sont restés ; beaucoup sont partis. C'est la loi du genre. Une sorte de peinture écaillée ou la rouille qui prend ses quartiers. Pas de tristesse à avoir. Il y a des passages fulgurants et des coulées de boue. La vie. Une cartographie de primes abords sans lendemain, la spéléologie des chagrins, et le soleil en pleine face. Pendant longtemps, tu as trouvé que cette histoire sentait la poussière. Un mélange de confessionnal et de médicament. Beaucoup d'alcool, souvent, et de longues marches. Mais ce n'était pas si simple, et pour être clair, pas si grave.

    Tu ne peux pas dire que tu sois d'un lieu mais tu connais pourtant la distance qui te sépare de ce lieu. De même, tu n'es à personne mais tu as, dans ton vestiaire de mémoire, l'habit complet du deuil et en ces jours-là tu n'as pas besoin de glace pour savoir, machinalement, faire ton nœud de cravate ; et tu vois, dans l'angle le plus haut de la fenêtre, la toile branlante de l'araignée.

     

    photo : Philippe Nauher

  • Petite frappe élyséenne

    Posons qu'il y a un inconscient politique, comme il y a l'inconscient collectif analysé par Maurice Halbwachs. Ce non-dit, cet implicite en colonne vertébrale de la pensée. Plus encore : son fonds, sa substance (à défaut d'être une substantifique moëlle...).

    J'écoute le discours présidentiel. Je m'impose ce pensum. Passons sur l'orateur pénible qui bute sur les mots, dont la voix ne sait pas dramatiser la parole, chez qui rien n'est profond. J'écoute et lorsqu'il en a fini j'entends terriblement ce que je n'ai pas, justement, entendu. Pas une seule fois le mot "islamique", et pour faire bonne mesure il parle de daesh pour ne pas dire "état islamique". Tout se réduit donc à une problématique de groupe armée dont les agissements relèvent du droit commun. Rien d'idéologique en somme. Cette redoutable omission n'en est pas une. C'est d'abord un aveu, une prise dans le sac de la sémantique, car si "islamique" apparaît, alors il faut bien comprendre que le nœud est là, le nœud gordien qu'il faut trancher. Mais comment faire quand l'islamo-gauchisme dont l'élyséen est l'émanation a inventé l'islamisme modéré, l'islamiste modéré, ou l'islamo-conservateur comme Erdogan en Turquie ? Comment s'y prendre pour ne pas alors avouer ce qu'on a été depuis longtemps ? Nous étions nombreux depuis longtemps à nous interroger sur cet étrange attelage, mais on nous faisait le procès en sorcellerie : nous faisions un amalgame, comme des punaises vicieuses, comme d'immondes xénophobes, islamophobes et j'en passe. Quel amalgame ? Alors même que nous faisions, nous, la distinction du musulman et de l'islamiste. Islamiste modéré... Peut-on dire "fasciste modéré" ? Et pour tomber dans l'abject "nazi modéré" ? On comprend, par l'absurde, un absurde cruel, l'abjection qui se cache.

    J'ai écouté et retenu qu'il n'y as pas de guerre de civilisation (ce que le matignonnesque Catalan avançait pourtant la veille). Exit les "croisés" et les sourates cités dans la revendication de l'État islamique. Un simple habillage rhétorique sans doute. 

    Ne pas nommer l'ennemi renvoient à trois raisons possibles. Ne pas le connaître. En avoir peur. Avoir des complaisances.

    Je laisse à chacun le choix. Les lecteurs de ce blog savent ce que j'en pense. C'est très secondaire, parce que je sens, j'entends ici et là que le jeu sur les mots ne prend plus, que la tromperie a atteint ses limites et j'en veux pour preuve ce sidérant texte de Magyd Cherfi, le chanteur de Zebda, paru dans ce torchon qu'est Libération. J'en extrais un paragraphe :

    "Des jours comme ça où on mesure l’état de droit, la liberté, le combat pour la laïcité qu’elle que soit sa maladresse. D’assumer les débats foireux de l’identité nationale, de dire oui à la France quelle qu’elle soit, de tout assumer, Pétain et Jean Moulin, le lâche et le héros, l’orfèvre et le bourrin, l’étroit comme l’iconoclaste ? Des jours où Finkielkraut est un enfant de cœur, où le front national n’est qu’un adversaire de jeu."

    Je ne commente pas le lyrisme. Je constate seulement qu'on laisse paraître. 

    En attendant, on peut jouer avec nos mirages dans le désert. La métaphore est trop parlante pour qu'il soit nécessaire de la commenter...

  • À lire chez Solko

    J'invite les lecteurs d'Off-shore à lire ce dernier billet de Solko

  • Pour ne jamais en finir...

    Ce matin, je me suis installé en terrasse avec une amie et son bébé. Nous avons discuté, entre autres, de ce qui était arrivé dans la nuit, et je regardais les clients autour de nous, certains sérieux, d'autres à rire. Je me demandais dans quelle partie de leur mémoire ils avaient placé ces morts qui leur ressemblent terriblement. Mais, peut-être se posaient-ils la même question à mon encontre. Les discussions étaient discrètes. C'était étrange. Je ne sentais pas la même consternation appliquée et facile de l'"après Charlie". Et cette amie de me dire : y a-t-il des manifs en perspective ? Les gens iront-ils encore, maintenant qu'ils savent qu'il ne suffit pas d'être dessinateur ou journaliste pour prendre de sang-froid une balle dans la tête ?

    C'est là que commence le courage, le vrai. Pas celui qui consiste à faire sa b-a, en se voulant citoyen du monde, caricaturiste du dimanche et amnésique politique. Or, il semble bien que l'État qui ne sait pas, ou ne veut pas, nous protéger et poser les questions qui sont au cœur de ces événements terribles, il semble bien que cet État ait voulu couper court à toute réflexion sur le sujet puisque les rassemblements en lieu public sont interdits. Voilà qui a le mérite d'être clair.

    Il ne nous reste pour l'heure qu'à revenir encore une fois sur le fond, sur ces hypocrisies mortifères qu'ici, comme sur d'autres canaux, d'autres blogs, nous avons dénoncées. Ces terroristes sont-ils, pour reprendre la phraséologie de ces dernières années, des "loups solitaires" ? Ou, pour citer ce grand penseur qui se croit premier ministre, des "enfants perdus de la République" ? Et du côté du CFCM, va-t-on, pour se dédouaner et faire ses ablutions en toute tranquillité, nous resservir la soupe classique qui commence par : "ceux qui ont fait cela ne sont pas des musulmans. Cela n'a rien à voir avec l'islam" (1) ? Aura-t-on droit à l'expert es-Lybie BHL (maintenant que Glucksmann n'est plus de ce monde) pour venir nous dire la voie à suivre ?

    Plutôt que de bavasser comme ils savent si bien le faire, plutôt que d'être, pour beaucoup, et notamment à gauche, les complices de l'islamisme rampant (mais qui rampe de moins en moins tant on lui permet de se tenir droit), les politiques devraient savoir que des âmes fortes sont mortes pour avoir, elles, affrontées la réalité. Mais l'affaire n'est pas gagné ; et de repenser à l'attribution du Goncourt à Enard qui nous fait de l'orientalisme conciliant quand Boualem Sansal fixe l'hydre en face. Ce n'était pas la peine, Pivot, d'aller à Tunis annoncer la liste sélectionnée et de nous faire croire à un symbole quand on se couche ainsi pour, je suppose, ne pas déplaire à la gérontocratie algérienne. Bel exemple de décomposition qu'il faut combattre autant que les grenades et les explosifs, car c'est ici et maintenant que nous saurons savoir être vivants.

    Je regardais la terrasse, les tasses de café et les apéritifs ; j'entendais les murmures et je me souvenais de Tahar Djaout, assassiné par les islamistes en 1993 : "avec ces gens-là/Si tu parles, Tu meurs/Si tu te tais, Tu meurs/Alors parle et meurs"...

     

    (1) à peine ai-je publié ce billet que je tombe sur la déclaration d'Anouar Kbibech, président du Conseil Français du Culte Musulman, lequel conclut son propos ainsi : les auteurs des attentats qui ont frappé Paris «ne peuvent se réclamer d'aucune religion ni d'aucune cause». Cela s'appelle la démonstration par l'exemple...

  • Glucksmann : la parole pourrie...

     

    J'avais l'âme à vouloir tailler Glucksmann en pièces (je sais : on doit le respect aux morts, mais il y a des limites...). Bertrand Redonnet m'a précédé et il le fait avec tant de justesse et de dureté (et la dureté juste est une grande qualité) que j'incite tous les passagers de ce blog à le lire. C'est ici

  • La Tentation de Saint-Malo

    Il n'y a pas que l'air pur et le ciel bleu. Il aime, lui, s'engouffrer dans les gorges de la brume. Rien de distinct au devant de lui, et lorsqu'il se retourne, le sillon de son existence s'est déjà refermé.

    Il aime l'ennui claquant sur le pavé humide, en traversant l'intra-muros, pour monter aux remparts, sans chercher à voir quelque chose. Non : plutôt l'inverse, de trouver son bonheur, ou qui sait ? la quiétude, devant ce pan de nuit blanche dans laquelle tout s'est retiré : la grève, les rochers, la piscine d'eau de mer, la digue, ou le Grand Bé. Il en devine la place, il en connaît l'orientation : c'est avec eux une amitié qui se passe de preuves formelles. Ils sont là et ce souvenir poignant lui sied.

    La mer s'immisce dans l'oreille, le sel et la fraîcheur agacent la paupière.

    Personne.

    La corne d'un bateau qui s'acharne.

    Demain, on annonce le retour du beau temps, hélas...

  • Le fonds du pays

    Durant l'été 94, à Espalion, devant une charcuterie dont on t'avait vanté la réputation, tu entendis deux hommes, la bonne cinquantaine, conclure leur palabre d'un "adieu" rocailleux et franc. Un adieu, là où toi-même tu aurais choisi un "au revoir" ou un "à bientôt".

    C'est l'usage de la région, appris-tu, un usage ancestral qui ne peut se comprendre si l'on ne récrit pas comme il se doit ce que l'on vient d'entendre : "à Dieu" et non "adieu", ainsi que Montaigne conclut son avis au lecteur qui inaugure ses si éblouissants Essais : "A Dieu donq. De Montaigne, ce premier de mars, mille cinq cens quattre vins." (1)

    L'archaïsme peut surprendre, mais ce n'est pas cette distance dans le temps qui a conservé en toi vivace ce si anodin souvenir. C'est la persistance propre d'une existence placée sous la figure de Dieu. Une telle puissance de la parole, ce marquage de la langue en dit long sur cet enracinement d'une histoire humaine, et proprement européenne, dans la lumière divine. La croyance, dans l'à Dieu, n'est pas seulement la nomenclature d'un ordre transcendant ; elle est la confiance en l'avenir et la douceur de s'en remettre à plus que soi. Se dire à Dieu, c'est alors espérer plus que de raison qu'on se retrouvera parce que la bienveillance et la miséricorde sont présentes.

    Si, pour la langue, on pense à un archaïsme, sur le plan de l'expérience humaine, il en va tout autrement. C'est la persistance, dans un espace rural, d'une longue tradition. Et, d'un coup, l'origine est prise pour une étrangeté, voire une faute, et la falsification pour la norme.

    Cette "remontée des âges", cette ferveur dont la langue porte la trace, la République maçonnique qui nous gouverne voudrait la réduire en cendres. Elle rêve que nous ne soyons de nulle part (belle singularité dans les termes), et que notre vie, déracinée et mondiale, puisse ne plus entendre cet "à Dieu" sinon dans son évidement lexical, comme le allô, symbole de la fonction phatique définie par Jakobson. Il est une gêne dans le révisionnisme historique en cours, qui veut nous imposer un passé s'arrêtant aux grandeurs de la Révolution (2).

    Cet "à Dieu" dont tu sais, dont tu sens, qu'il n'est pas une simple formule conclusive, une manière fortuite de se quitter, il n'a jamais quitté ta mémoire. Longtemps, tu ne lui prêtas qu'une dimension intellectuelle. C'était oublier l'essentiel. Un essentiel qui déjà t'émouvait en parcourant les travées de Vézelay, la simplicité de Santa Maria in Cosmedin, en contemplant les Scrovegni peints par Giotto, une madone du Corrège, en écoutant la moindre cantate de Bach...

    Il ne faut pas se leurrer, et même si la mélancolie est la plus constante de tes amitiés, l'heure des choix est venue, l'heure sans doute de se dire "à Dieu"...

     

    (1)On s'en doute : les éditions dites "modernisées" passent outre et font la faute... Mais le lecteur de ce blog sait ce que je pense de la "modernité" orthographique infligée à Montaigne (et à d'autres)...

    (2)Il suffit de revoir le clip de campagne de François Hollande, sur ce point très édifiant.