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télévision

  • Le (dé)goût du passé

     

    Il y a quelques semaines, je tombe sur le programme télévision. Des racines et des ailes. Sur Chambord et, accessoirement les châteaux en Ecosse... Est-ce un hasard, pour la commémoration de François 1er et de son 1515 potache ? Que nenni. Je suis la programmation, fait quelques recherches et ce qui pouvait passer pour une opportunité est en fait la règle.

    Alors, je me souviens de cette réflexion d'une mienne connaissance qui conchie avec une superbe faconde l'illusion révolutionnaire et républicaine : quelle étrangeté que cette passion patrimoniale, esthétique et architecturale pour le passé anté-révolutionnaire. L'éclat des châteaux, des églises, des beautés urbaines diverses, tout cela fait le miel télévisuel d'une histoire que l'on voudrait seulement architecturale, esthétique et évidemment touristique.

    L'entreprise n'est donc pas paradoxale : elle participe de cette dé-historicisation du monde (parce qu'annexer l'histoire au seul critère de l'exploit technique et de la beauté intemporelle, c'est effectivement piétiner l'histoire et le sens qu'avaient les édifices pour leurs bâtisseurs) qui sied au présentisme ambiant et à la rhétorique républicaine qui pratique la Terreur avec le même désir d'anéantir l'ennemi qu'en 93. Mais, plutôt que détruire, comme le font les hommes de Daesh, dont les Révolutionnaires sont une réactualisation sidérante, on neutralise en vernissant le monde par le filtre, le grand angle, la vue aérienne et quelques anecdotes. Que ce passé soit plus riche, plus fécond que l'atroce séquence post-révolutionnaire, que toutes les Républiques mises bout à bout, c'est là un problème qu'on élude autant que faire ce peut... Pour l'heure, l'exploitation touristique est plus lucrative que la destruction.

    C'est une affaire idéologique que ces émissions qui, à défaut de pouvoir rendre admirable un espace contemporain avili, utilitariste et décrépi à la minute où il se bâtit, vont piocher, comme un crève-la-faim, dans ce que le pouvoir qui les commande, combat.

    Et je me souviens aussi d'un passage célèbre du Troisième Homme, de Carol Reed, quand Martin (Joseph Cotten) cherche à faire la morale à Harry Lime (Orson Welles). Et celui-ci de répondre, avec sa voix cynique et jubilatoire : "L’Italie sous les Borgia a connu trente ans de terreur, de meurtres, de carnage... Mais ça a donné Michel-Ange, de Vinci et la Renaissance. La Suisse a connu la fraternité, cinq cents ans de démocratie et de paix. Et ça a donné quoi ?... Le coucou".

     

  • Froome et la Sky : un Tour de com'

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    La matière, entendons : l'objet, d'une manipulation est secondaire. Le plus intéressant reste le principe qui opère et la réussite systémique du "plan de com".

    Ainsi en a-t-il été ce week end dans la fameuse étape menant les coureurs du Tour à l'Alpe-d'Huez. Je n'ai trouvé nulle part l'embryon de l'analyse qui suit. il faut croire que la ficelle était tellement grosse qu'il n'était pas nécessaire de s'y apesantir. C'était pourtant édifiant.

    Le Tour 2015, malgré les exploits, les faits d'armes, les malheurs, les souffrances, a baigné dans un malaise constant autour des performances de son vainqueur, Chris Froome. Soupçon de dopage ou de manipulation technique, au choix. 

    Froome court l'équipe Sky. Sky est une chaîne tv. La com', elle connaît. Devant les attaques dont son coureur a fait l'objet, le staff a d'abord opté pour le mépris et la dénégation. C'était évidemment contre-productif en terme d'image. Premier échec. On est ensuite passé au sacro-saint jeu de la transparence. Un toubib a déboulé en salle de presse pour expliquer que tout était normal. Chiffres à l'appui : fréquences de pédalage, poids, rythme cardiaque et j'en passe. Cela n'a pas mieux fonctionné. Les chiffres, on leur fait dire ce qu'on veut, et quand on vient avec les siens, sans contradictions, c'est un peu facile. Les politiques le savent depuis longtemps. On détruit, une part de la logique de véridicité qui justifiait la démonstration. Comme quoi : plus c'est clair, plus c'est troublant. 

    Que fallait-il faire alors ?

    Réponse ce samedi, donc, dans l'ascension de l'Alpe-d'Huez. Quintana, le dauphin de Froome, attaque et l'Anglais ne répond pas. S'élabore aussitôt, par le biais de commentateurs idiots la possible déroute de l'invincible leader. Le mythe radical de la défaillance. Pendant une demi-heure, du storytelling live. De la broderie qui assure l'audimat, d'autant plus que le vainqueur de l'étape sera français. Que du bonheur ! L'exaltation franchouillarde (1) et la dramatisation à outrance sur une hypothétique chute du roi. On compte les secondes, on scrute le visage, on glose sur le coupe de pédale et les mètres perdus. Pas de doute : Froome est redevenu humain. Il a, dit-il, "souffert mille morts". Il en réchappe de justesse. Il n'est peut-être pas celui qu'on dénonce. 

    Bien joli tout cela, mais c'est du flan ! Sky a trouvé là le moyen de noyer le poisson. Froome gagne le Tour avec une petite marge et ses détracteurs en sont pour leurs frais. Il n'écrase personne. Il a même failli perdre. 

    Balivernes ! Il a laissé partir Quintana, a géré la différence, n'a subi aucune défaillance. La preuve ? Si l'on considère le temps de la montée sèche de l'Alpe-d'Huez, que découvre-t-on ? Que Quintana a été le plus rapide. Et ensuite ? Que le deuxième plus rapide s'appelle Froome (avec Valverde) et qu'il a, tout défaillant et au bord du précipice qu'il était, repris 45 secondes à un Pinot survolté qui franchit la ligne en vainqueur. Froome, le presque mort, met deux minutes à Contador et Nibali, entre autres. Appeler cela une défaillance et monter en épingles cette mise en scène relèvent de l'idiotie complète. On se reportera à ce que purent être les coups de moins bien d'un Merckx face à Ocana, en 1971 : huit minutes dans la vue. Idem pour Fignon dans un chrono sur le Ventoux, et le Hinault de 1984 prend près de quatre minutes dans les chaussettes sur ces mêmes pentes de l'Alpe. Pas de doute : Froome est un grand comédien et rien que pour cela, il n'a pas volé sa victoire...

    Dès lors, on comprend la stratégie millimétrée d'un faux suspens qui permet de faire taire, ou pour le moins d'amoindrir les critiques. La raison n'est pas le moteur de la com' mais l'émotion. On ne tire pas sur un homme qui peine et on oublie aussitôt l'étrangeté de sa performance. Au fond, c'est un peu comme en politique. Il suffit que Juppé ait appris à sourire pour que les Français l'apprécient et oublient et sa morgue, et sa médiocrité...

     

    (1)Que pas un couillon de gauche ne dénonce d'ailleurs. Le sport est le dernier lieu où le terrorisme anti-national met sur pause...

     

    Photo : Philippe Nauher

  • Fin de séries

    La disparition de Patrick Macnee, à l'âge vénérable de 93 ans, ne nous rajeunit certes pas. Elle nous ramène à ce que fut notre enfance télévisuelle et à ce qui a survécu, soit : pas grand chose. Mais la série dont il était le héros en fait partie.

    Chapeau melon et bottes de cuir illustre ce que put être une scénarisation kitsch, avec des relents de guerre froide, et un tournage studio à deux francs six sous. Cela sent l'amateur, pour le délire technologique présent, avide d'effets visuels dévastateurs (il s'agit de bluffer le pékin...).

    Cette série a connu de multiples formules, et dans la dernière version, le duo était un trio : tout s'était aligné sur l'ennuyeux besoin d'action. Purdey (la fille) avait la sensualité d'une tanche, avec ses cheveux courts et sa franche bien british. Elle avait un côté masculin qui convenait à ses acrobaties de femme d'action. Elle était l'alter ego du sieur Gambit, substitut pâle d'un John Steed en demi-retraite. Cela sentait le réchauffé et le conformisme.

    On est bien loin du noir et blanc qui nous fit rêver, quand le sus-nommé Steed, toujours impeccable, distingué, voire guindé, s'amusait avec Emma Peel, puis Tara King (mais c'est déjà moins bien avec cette dernière.). Il y avait entre ces deux-là plus qu'une complicité : un implicite sulfureux avec lequel on pouvait fantasmer. Fantasme que le titre français avait assez bien identifié, à l'inverse de l'original anglais (The Avengers) : le cuir et la cuirasse, la bonne éducation et le transgressif. Et sur ce point, il n'y a pas à discuter. C'est Emma Peel qui demeure la seule compagne idéale de Steed, celle avec laquelle le désir inavouable, ou caché, est le plus ardent. Lorsque dans un épisode, Emma Peel est transformée en reine du péché, l'équivoque est quasiment levé. Mais le générique lui-même tendait à la révélation que, dans cette histoire, le défi n'était pas tant dans l'adversaire dont on déjouait  les plans que dans cette étrange alliance d'un mondain et d'une femme plutôt moderne. Il serait illusoire d'y voir une variation sur le désormais éculé principe des héros antagonistes (mais complémentaires), du type : le bon flic et le mauvais flic. Ce n'est pas la manière dont ils s'associaient qui intriguait mais celle par quoi on sentait un ailleurs jamais dit, un hors-champ redoutable.

    Dans le fond, cette série était, à sa façon, hitchcockienne : l'érotisme était enveloppé d'un chic capable de sublimer les attentes communes du spectateur. Le contemporain trouvera cette manière un peu surannée, trop "habillée", et pour tout dire : décevante, quand désormais on a le cul de n'importe quelle actrice sous toutes les coutures. Mais c'est justement cette étrangeté (comme de n'avoir jamais vu Liz Taylor ou Ava Gardner nues...) qui en faisait le prix.


     

  • La Politique en short...

    L'une des hypocrisies, pour ne pas dire mensonges, les plus remarquables du triomphe libéral réside en l'édification d'une croyance relayée par les sphères économique, politique et médiatique : l'accroissement du choix, l'embarras délicieux devant la multiplicité des offres. Ce n'est pas sans raison que les opérateurs télévisuels du cable proposent des bouquets de chaînes (1). La vie est donc, sous cet angle, un jardin magnifique d'opportunités (autre grand poncif de la doxa...).

    Et l'on pourrait faire le parallèle avec l'aussi fameuse loi marketing des déclinaisons. Un seul objet, une seule forme, mais une kyrielle de variations en surface, à commencer par la couleur. La déclinaison est une adaptationpauvre du design tel que le concevait un Raymond Loewy ; c'est l'effet choc au moindre coût et l'illusion vendue de ma singularité. L'esthétique est un prétexte, d'autant plus dérisoire que le mauvais goût est devenu une règle dans la mesure où les principes démocratiques du jugement atomisent toutes les hiérarchies. Sur ce point, le renoncement à la moindre réflexion sur la beauté, ses critères et ses ordres, renoncement indispensable pour que l'art contemporain puisse être rentable et rentabilisé (2), a permis aux idiots de parader et aux incultes de se croire intelligents et cultivés (3).

    La télévision, pour revenir sur ce point, s'est peuplée de planètes infinies, et l'on nous promet l'univers. Pourquoi ? Pour quoi faire ? Est-il nécessaire de croire que tout nous est accessible, tout à portée de mains. Il n'est pas nécessaire de revenir sur le diagnostic de l'abrutissement des masses et sur le débat ouvert par l'École de Francfort qui voyait déjà dans le cinéma un diable. Ne considérons pas la totalité pour essayer d'en saisir la fatuité. Il suffit sans doute de s'arrêter sur un exemple, double, pour mesurer que non seulement la multiplication des chaînes n'est pas celle des pains mais que l'abêtissement des masses n'est pas un leurre.

    Le CSA a refusé il y a peu l'accès au réseau TNT à la chaîne d'informations LCI, laquelle disparaîtra vraisemblablement, ce qui n'est pas très grave au demeurant. Les considérations économiques ont prévalu. Les bonnes places étaient déjà prises. Il ne fallait pas rompre l'équilibre. La France, cette si belle démocratie, a déjà deux chaînes info en continu. Restons dans la mesure. Les Français ont déjà la possibilité de s'informer, d'être en alerte à toute heure. Le progrès est déjà immense, paraît-il, si l'on veut penser à ce que fut l'horreur des générations précédentes qui ne connurent que l'hertzien, et plus loin dans le temps, les seules chaînes publiques, et encore plus loin : la terreur gaulliste de l'ORTF (4).

    La vigueur informative est donc mesurable à l'aune de ces Castor et Pollux télévisuels : BFM et i-Télé, et le pays a lieu d'être rassuré sur son état de santé intellectuelle. Il va mieux que bien, comme disait un célèbre humoristique du CAC 40. Quoique...

    En y regardant (et rapidement) de plus près, le doute s'installe. Il suffit de s'attacher au contenu de la si fameuse tranche horaire du 20 heures. D'un côté, sur BFM Ruth Elkrief et son orchestre, de l'autre, sur i-Télé, Pascal Praud et sa bande. De quoi est-il question, chez l'une et chez l'autre ?

    Avec Elkrief, c'est le 20 heures politique. On y entend une troupe d'agités, pseudo experts de la vie politique, déblatérer à qui mieux mieux sur les faits du jour, sur les insignifiances verbeuses de la classe politique. C'est de la discussion de comptoir. D'une phrase, d'un mot, faire toute une histoire. Non pas à la manière d'une exégèse biblique, ce qui suppose une solide culture et un sens maîtrisé du temps et des symboles. Ce ne sont pas d'éminents cardinaux qu'on entend autour d'Elkrief. Tout juste pourraient-il balayer l'église (et encore...). Les écouter une fois revient à expérimenter l'art de ne rien dire. Ils oscillent entre la fausse ironie et l'air confit de ceux qui, enfin, nous révèlent l'essence du discours politique. La vacuité se double d'un art même pas subtil de la broderie. Umberto Eco avait, il y a longtemps, mis en garde contre les dangers de la sur-interprétation. Ils feraient bien de le relire, ces braves gens, ces sémioticiens de pacotille. Certes, il faut leur reconnaître un mérite certain : trouver de la matière dans une phrase de Cécile Duflot, Christophe Cambadélis ou Luc Chatel, une matière qui, chaque soir, est montée (comme des blancs en neige) jusqu'à des sommets nous faisant croire alors que le sort du pays est en jeu, ce travail-là mérite le respect (5). On pourra évidemment se demander s'ils croient en ce qu'ils disent, et sont donc complètement idiots, ou s'ils jouent la comédie, et sont alors de simples cyniques. Autant ne pas s'aventurer sur ce terrain. Mais cette tablée joyeuse, pleine de connivences et de certitudes, débattant faussement sur le rien, telle est donc la quintessence de l'information définie par la « première chaîne d'informations de France ». Tout un programme.

    C'est pour cette raison que le curieux, le lendemain, s'en va voir si ailleurs l'herbe est plus verte, la substance plus généreuse. Et en parlant d'herbe, on est dans le vrai puisque chaque soir, sur I-Télé, il est question de pelouse, de gazon. La France à l'heure du jardinage ? Que nenni ! C'est 20 H Foot... Le maître de cérémonie s'appelle Pascal Praud, nous l'avons dit. Ses invités débattent de la pubalgie de Zlatan, des choix de van Gaal à MU, des incidences du départ de Diego Costa de l'Atletico, et du niveau de l'arbitrage hexagonal. Des questions sérieuses, épineuses, profondes, méritant moult tours de rhétorique, des querelles de Clochemerle, des choix quasi philosophiques, des rappels à l'ordre, des bannissements, et j'en passe... La fatuité des discussions et le sérieux, plein de componction, des intervenants comptent moins que le fait même qu'elles reviennent chaque soir, comme un pain quotidien. Sur I-Télé, la continuité nationale tient à l'exégèse du une-deux et du ciseau retourné. La débandade économique n'est rien ; le délitement social, rien ; les tensions internationales, rien encore. L'accession à l'ère de l'info en continu n'avait qu'une finalité : permettre au football de devenir l'alpha et l'oméga des préoccupations citoyennes. Ceux qui pensent encore que l'avènement de la démocratie télévisuelle et connectée ne consacre pas le triomphe de l'imbécillité et de l'abrutissement, la mise au pinacle du décervelage au carré, ceux-là vivent dans un déni de la réalité. Le football comme phare de la pensée. Misère de misère.

    On en est là : la logorrhée des prétendus experts politiques, chez les uns, les exclamations des philosophes footeux, chez les autres. Au moins le temps étroit (je sais, je sais) de l'ORTF nous épargnait ces tristes sires. Que dire de plus ? Si, une dernière chose, une toute petite chose, une ultime ironie du temps. Ça se dispute, l'émission vedette de I-Télé, là même où Zemmour s'est construit une étoffe de penseur incontournable, est justement animé par Pascal Praud. Comme quoi, il n'y a peut-être pas à s'étonner. Jeu politique et partie de foot, c'est l'équation des temps sinistres...

     

    (1)Ce qui ouvre à un jeu de mots qu'on aurait loisir d'exploiter ainsi : de la télévision en constellation comme le signe magique de l'aliénation.

    (2)Le second terme étant plus important que le premier : c'est là que se tient la plus-value, grasse et grosse comme jamais en temps de crise (mais il est vrai que la crise est permanente. Ce n'est donc plus une crise, plutôt un mode de fonctionnement).

    (3)C'est aussi par ce biais que l'instruction a perdu toute sa validité. Ce ne sont pas seulement les programmes que l'on a vidés de contenu, les redéfinitions pédagogiques qui ont déraciné des élèves. Le marché, en s'accaparant les symboles les plus faciles de la démocratie, a rendu le quidam fier de lui alors même que son esprit est creux. Mais il est vrai qu'il sait s'habiller en marques et qu'il croit être un élégant. N'est pas Brummel qui veut et le dandysme contemporain est à mourir de rire...

    (4)C'est bien connu : les gens de ma génération, et de celle qui nous a précédés, n'en parlent pas sans effroi, comme d'un temps stalinien, une période glacière, un autre monde. Au fond, de Gaulle et la RDA (ou les Khmers rouges, ou Mao, ou les divers libérateurs de l'Afrique post-coloniale : enfin tout ce que la gauche libertaire a défendu), c'est la même chose. Sauf que de Gaulle, c'était pire... Je me demande seulement comment il se fait que nul autour de moi n'ait été porté disparu... Je n'ai pas non plus souvenir d'un exode massif...

     

  • Le bon juif et le mauvais juif

    L'altercation médiatisée entre Léa Salamé et Éric Zemmour, naguère chien et chat sur I-tele, devrait n'être considérée que comme la énième mise en scène des pseudo oppositions qui sont le fond de commerce d'un système qui s'amusent des fausses singularisations. il faut, sur ce point, rappeler quelle perte de temps et quel cautionnement constitue le fait même de regarder le cirque animé par l'idiot satisfait de Ruquier. Mais le problème, cette fois, est ailleurs, et bien plus terrible.

    C'est bien le paradoxe de la bêtise qui fonctionne, dans ses formulations les plus hasardeuses en anti-matière d'où surgit une perle, la parfaite expression de ce qu'elle peut être, au delà de sa nature même : un concentré de haine et de mépris. Telle est l'essence de la saillie de Salamé (1). Elle s'indigne (peut-elle plus...) que dans Le Suicide français, Éric Zemmour prenne ses distances avec la lecture imposée depuis le livre de Robert Paxton sur la période de l'Occupation (2). Elle soupçonne son (ancien ?) camarade de sombrer dans le révisionnisme classique et d'avoir des complaisances pétainistes quand celui-ci expose que la réalité historique est infiniment plus complexe et que l'analyse paxtonienne est un des fondements de la nouvelle religion française de l'éternelle (désormais...) culpabilité dont la doxa gauchiste, politiquement correcte et moraliste fait son point de doctrine cardinal. Salamé est à l'instar de bien d'autres une terroriste du repentir, une passionaria gaucho-bobo du procès européen. Elle se veut une conscience morale, mais elle a un inconscient qui pue.

    En effet, faute de pouvoir argumenter sur le fond, ce qui requiert une culture historique dont elle est visiblement dépourvue (3), elle finit par attaquer Zemmour dans ce qu'elle pose de facto comme l'essence de son être (à lui). Le passage mérite d'être recopié sans erreur :

    "Moi je note parfois chez vous que vous aimez tellement la France, vous voulez tellement, vous le juif, faire plus goy que goy, plus Français que Français, [...]"

    L'attaque est franche, nette ; elle sonne comme une sentence. Le fond explose, les intestins se lâchent. C'est aussi nauséabond que le Durafour crématoire lepéniste. il y a d'ailleurs un petit malaise sur le plateau et Zemmour relève que s'il avait l'esprit procédurier, la Salamé pourrait se manger un procès (4)

    Que vient-elle de dire, en effet ? Deux choses. 

    1-Le plus évident tient dans l'opposition entre juif et français, entre le Juif et le Français, puisque Zemmour ne serait que dans l'imitation superlative du second. Elle reproche à son confrère de singer le Français, d'être, au fond, comme ces born-again ou ces convertis radicaux (5). Zemmour oublie d'où il vient et c'est une faute majeure. Salamé essentialise l'être non dans son devenir (il n'y a pas de chemin possible, de construction crédible de soi) mais dans son origine. Elle reprend le vocabulaire (le mot "goy" en atteste) d'une altérité discriminante et sélective. Son argumentaire se nourrit d'une conception figée, normative et pure de l'être qui ne pourrait, pire : ne devrait, échapper à une naturalité sans faille, sans défaut, quasi génétique. Être français, c'est abandonner le profond. Cette manière de répondre à Zemmour, en le retranchant d'une communauté politique au profit d'une identité ethnicisée sidère. il faillit d'oublier son antériorité qui rendrait factice ou ridicule son "être-français". Tout son engagement français est une trahison, une implantation grotesque. À croire que Zemmour, dans son amour hexagonal, est traître au père. Il a bien raison de répondre que Salamé fait de la psycho-analyse de bazar. Il aurait dû ajouter qu'elle fait aussi de la politique de comptoir.

    Cette manière d'invectiver l'autre en lui demandant de se ressaisir définit assez bien le mépris de la bien-pensance pour la nation et le primat à peine déguisé du religieux en tant qu'essence sur le politique. La ferveur nationale de Zemmour est une aberration, de ce point de vue, une quasi pathologie. Pour parodier Montesquieu : "comment peut-on être Français ?".

    Derrière tout cela, il y la réactivation d'une opposition radicale entre la nation, assimilée à une prison spatiale et intellectuelle, et un idéal cosmopolite dont la doxa se prévaut à travers, entre autres, les divers nominations où le mot "monde" sert à tout : citoyen du monde, alter-mondialisme, littérature-monde. Cette aphasie lexicale est à la mesure du désastre conceptuel qu'elle symbolise en partie. En clair, Zemmour n'est pas assez ouvert. Il ne peut pas l'être puisque Français et fier de l'être. Il n'est pas assez juif...

    2-Ce dernier constat ouvre sur une seconde lecture, plus honteuse pour Salamé que la première. Le juif Zemmour est un traître à l'esprit, à l'esprit juif. Mais à quel esprit ? Sur ce point, il ne faut pas se leurrer. Même si le sujet visible porte sur la question de l'Occupation, de Pétain, de la collaboration, des rafles, le regret de Salamé renvoie à une problématique bien plus sournoise. 

    Rappelons au préalable la nature contradictoire du procès classique fait aux juifs. Ils sont, d'un côté, une sorte de secte, toujours entre eux, avec un pouvoir immense. C'est le fantasme de l'Internationale juive, dont se nourrissent les discours de l'extrême-droite et de l'extrême-gauche (6). D'un autre côté, beaucoup leur reprochent de se fondre dans l'espace qui les accueille. Le juif est un être magique : à la fois trop lui-même, trop différent, et trop semblable. De là, les discours contradictoires, qui trouvent leur écho dans les considérations physiques : un juif se reconnaît à l'œil... surtout quand il porte une étoile jaune.

    Cette dialectique de l'identification peut, en fait, se rabattre sur une appréciation où il faut intégrer une dimension sociale, économique et politique. Pour ce faire, il faut poser que le juif n'existe pas, sinon dans une acception généralisante dont se sert un certain nombre de juifs à qui la parole est donnée et qui la confisque à dessein (7). Si le juif est une fiction construite, les juifs, eux, sont une réalité et bien loin d'une communauté une ils sont des hommes et des femmes aux trajectoires uniques et hétérogènes. Au juif riche et cosmopolite répond aussi le juif modeste et "sédentaire".

    C'est sur ce point que Salamé attaque insidieusement Zemmour. il est un mauvais juif parce qu'il ne défend pas la représentation mondialisé dont l'idéal s'inscrit dans les aéroports, les hôtels de luxe, l'investissement, la financiarisation, les mouvements de capitaux,... Il n'est pas le juif devenu paragon de l'ère ultra-libérale. Cette version golden boy, d'une errance cette fois dorée, qui réunit les élites mondialisées. Son mépris pour Zemmour est en fait celui du moderne (forcément moderne) vis-à-vis de l'ancien, du grand pour le petit. Salamé est fille de ministre libanais. Elle est le pur produit de classe d'un pouvoir qui peut/veut s'adapter à toutes les situations. Elle appartient à cette classe que les guerres touchent moins, comme furent moins touchés, entre 39 et 45, les juifs riches que le petit juif. 

    Le mépris de Salamé n'est pas au propre antisémite, parce que dans son réflexe pseudo-dialectique, sa vision du juif n'est pas une mais conditionnée par une appréciation socio-économique nourrie de tout ce qui fait aujourd'hui le lit de l'ultra-libéralisme : la haine de la nation, de l'enracinement, de la tradition, de l'héritage, de la frontière...

    En traitant Zemmour de "goy", Salamé n'insulte pas seulement un petit juif ; elle fait le procès du pays qui est le mien, le nôtre, dont l'histoire fut parfois peu glorieuse, certes, mais qui nous construit. Elle trace une ligne qui dépasse effectivement les identités classiques. Elle dit le bon et le mauvais, le bon Français, qui doit s'oublier, le mauvais Français qui ne veut pas abandonner son passé (8). Elle doit regarder avec hauteur les gens de peu qui aiment la France, sa culture, ses paysages, sa langue, son histoire. Des gens de peu, bien sûr, dont l'attachement national vient d'ailleurs, pour partie, du fait qu'ils sont nés pauvres, qu'ils doivent à ce pays de vivre mieux, de vivre libres. Des médiocres (au sens du XVIIe siècle) qui ne connaissent rien des couloirs ministériels, des médiocres pour qui les frontières sont des protections, les lois sociales des garanties, la culture historique un moyen d'émancipation. Tout ce que le discours de Salamé, à travers Zemmour, essaie d'avilir.

    En vain...

    (1)Idiote qui fit un jour "péter le décolleté", selon ses propres mots. Tout commentaire passerait pour sexiste. La loi a vertu, parfois, de protéger n'importe qui...

    (2)Robert Paxton, La France de Vichy, 1973

    (3)L'intelligence n'est pas une promesse. C'est un fait qui se doit de répondre à la charge de la preuve. Mais il est vrai que l'époque contemporaine a le goût des grands esprits cachés, des brillants inconnus ou des surdoués décalés. Le corps enseignant gauchiste voit du potentiel dans n'importe quel crétin. C'est une des formes les plus aiguës du pédagogiques à la Meirieu qui a dévasté l'école nationale.

    (4)Mais Zemmour n'est pas comme Taubira et consort. Il a conscience de sa position médiatique, de son statut privilégié qui l'expose. il a la décence de passer outre, ce qui est infiniment plus intelligent. il a eu suffisamment l'occasion de dénoncer les postures victimaires.

    (5)On attend évidemment de la part de Salamé la même agressivité devant un salafiste ou Tariq Ramadan...

    (6)Il est utile au passage de souligner que l'extrême-droite n'a pas l'exclusive de l'antisémitisme. L'extrême-gauche, au nom d'une haine du capitalisme, est forte en la matière. Elle se retrouve ainsi des accointances profondes avec l'antisémitisme arabo-musulman. C'est toujours un délice de voir se côtoyer dans les couloirs universitaires les gauchos et les voilés, en parade contre la puissance capitalo-judaïque. Le pouvoir en place s'en accommode visiblement assez bien. Il est vrai que le PS recrute beaucoup de ses jeunes cadres chez les anciens Rouges...

    (7)Le modèle français est, on s'en doute, BHL ou Attali.

    (8)Et cette dichotomie du bon et du mauvais Français n'est que la figure inversée du discours lepéniste. Dans les deux cas, il n'est pas de place pour la nuance et l'entre-deux. Dans le premier cas, on fustige la pureté parce qu'il faut n'être de nulle part ; dans le second, on vilipende le métissage parce qu'on veut ignorer l'effort produit à vouloir échapper à sa détermination conceptuelle (qui est toujours une détermination que l'autre vous inflige...)

     

  • Polymorphe...

    Daniela Roman.jpg

     

    Étrange univers de violence symbolique, me dis-je, il y a quelques semaines, en voyant par hasard deux minutes d'une énième émission de divertissement où il s'agit de voter pour tel ou tel, d'éliminer, selon le bon plaisir de la démocratie téléspectatrice, un candidat ou un autre. Étrange passion de plus en plus répandue que de voir la sanction par sms (facturé 0,34 centimes l'appel) devenir la norme et de dégager les énergumènes (originellement parlant : les possédés... ou la télévision en diablerie exorciste. Mais de quoi ? De la bêtise ? Et qui sont les possédés, d'ailleurs ?) dont la trombine ne vous revient pas. Il doit y avoir une jouissance singulière à vouloir ainsi sanctionner, encore et encore, bien au chaud dans son canapé. Jouissance consternante et inquiétante que de regarder choir ceux que l'on a désignés, d'être quelque part (mais (in)justement invisible) vainqueur.

    Ce phénomène est récent, sa pratique croissante, et on sait qu'il touche essentiellement ceux qui se sont le plus rapidement soumis aux nouvelles logiques de l'entertainment médiatique : les moins de trente ans, pour qui ont fait les émissions de ce genre...

    Les moins de trente ans...

    Ceux-là même qui n'ont cessé de réclamer à ce qu'on ne les discrimine pas en classe, ceux-là même qui n'ont cessé de contester l'ordre et la note, ceux-là même qui ont crié contre l'évaluation et la sanction.

    Enkystée d'un moi débordant, infantilisée (et s'infantilisant) jusqu'à plus soif, cette nouvelle génération (x ou y, peu importe la dénomination) ne se prive pas de jouer à tous les coups les censeurs satisfaits. À la fois fière de soi et impitoyable. Il faut d'ailleurs voir ce à quoi on aboutit dans le désordre terroriste des mises en scène de soi et celle des autres sur Internet. Et le phénomène n'en est qu'à ses débuts.

    Il n'y a pas de contradiction dans les termes. C'est même le fondement d'une nouvelle logique de représentation dont nous parlerons bientôt, ce mélange arrogant et cruel de décontraction et de fureur qu'incarnent les nouveaux symboles patronaux (à commencer par Zuckerberg en parangon...).

    Souhaitons-leur d'avoir un jour à se mordre les doigts de s'être ainsi grisés d'un pouvoir de télécommande...

     

     

     

    Photo :  Daniela Roman

  • Écran de fumée

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    L'émotion que peut immédiatement provoquer l'arrêt tout aussi immédiat de la télévision publique grecque est une preuve (pas un signe, une preuve : un aveu tangible) du dérèglement contemporain. Cela ne s'était jamais vu dans une démocratie. Fichtre ! J'apprends donc que la démocratie, ou pour être plus précis : le degré d'atteinte à la démocratie, se juge à l'aune de la télévision d'État. L'affaire est savoureuse quand les trémolos viennent des voix de ceux qui veulent en purs libéraux (de tous bords : de droite comme des socialistes. C'est une affaire de déguisement) détricoter le tissu étatique, justement, et national.

    Cette réaction peut doublement s'interpréter, et à chaque fois il s'agit d'une vulgaire duperie. La télévision serait donc la démocratie et le troupeau régnant se veut l'ardent défenseur des valeurs associées à cette ambition politique. Il s'agit d'être dans l'esbrouffe d'une revendication que tous les autres actes, bien plus déterminants et nocifs, contredisent. Faire payer les Grecs jusqu'à plus soif, mettre le pays sous tutelle, épargner la racaille bancaire étrangère qui fut complice de cette déliquescence. La télévision n'est pas synonyme de démocratie. Cette dernière conception s'est élaborée historiquement bien avant que ne puisse être envisagée la moindre technique de diffusion hertzienne (ou par câbles...). Et il y a une certaine ironie à considérer que l'appareil médiatique d'état ait servi par principes la diffusion de la pluralité qui garantirait, logiquement, le devenir politique des nations qui prétendent à la démocratie. Ce serait même l'inverse. Mais il faut bien, à coup de contorsions ridicules, trouver dans l'acte symbolique du gouvernement grec une atteinte à l'information, à l'éducation, à l'acculturation du citoyen. On croit rêver. C'est mutatis mutandis pleurer la disparition médiatique de Pujadas, Drucker et Calvi. Il faut une bonne dose de naïveté pour voir une telle situation affoler celui qui réfléchit un peu.

    Deuxième point : ces lamentations posent que l'information (mais là encore, une blague : l' État redevient le pourvoyeur de la vérité et de la liberté) est l'essentiel du processus démocratique. Lecture habermasienne du monde un peu simpliste, il faut bien le reconnaître mais qui sied fort bien à l'air du temps qui nous vend la communication sous toutes ses formes comme le stade ultime de l'affranchissement des masses quand celles-ci sont de plus en plus victimes d'un processus d'abrutissement. Abrutissement qui ne tient plus, comme au temps du stalinisme bon teint, par le contrôle des canaux de diffusion mais par le mouvement inverse : multiplier les sources, les canaux, les producteurs, les pourvoyeurs (comme on parle pour les drogues) et noyer le poisson, ce qui revient à noyer le citoyen réduit en lambeaux. Sur ce point, à l'heure du numérique, de l'optique et des connections en tous genres, la disparition de la télévision publique d'État est une anecdote.

    Pour qu'il n'en fût pas ainsi, il aurait fallu que celle-ci n'eût pas cédé aux sirènes pourries de la production commerciale, qu'elle ne se fût pas auto-détruite dans la course à l'audimat et à la part de marché.

    La télévision grecque d'État est morte. Un verre à sa santé. Et que crève, dans un même mouvement, le service public français.

    Parce que cette agitation me fait rire, quand m'affligent la misère du peuple grec, sa soumission à la finance internationale et aux instances politiques qui en sont le bras armé. Et je dis bien : bras armé, car en l'espèce la violence est autrement plus destructrice que de ne plus voir des couillonnades. Mais la décomposition héllène n'occupe personne. Elle est entrée dans le paysage. Les Grecs crèvent et l'on passe son chemin ; les Grecs vivent dans la terreur d'une mort lente et l'on détourne la tête. En revanche que s'éteigne l'écran et tous les crétins s'affolent.

    En ces temps de bêtise condensée, il est difficile de ne pas céder à la misanthropie absolue et pire : de ne pas tomber dans un nihilisme qui, en soi, est une dérision et une absurdité de plus. Mais il ne m'est pas indifférent de voir le pays de Platon, d'Hérodote et Çavafy (si chère à Marguerite Yourcenar) filer dans le royaume des ombres, de le voir promise à la disparition, à n'être plus qu'un point, puis rien.

    Les manes de la Grèce sont notre tombeau et devant ce désastre, ce n'est pas un écran de plus ou de moins qui peut changer la vision du monde. Sonner la charge de l'indignation quand on coupe l'antenne, c'est être pourri jusqu'à la moëlle. C'est avouer que sa culture, on l'a faite en regardant Intervilles, Champs-Élysées, Maguy et Les Enfants du Rock... De quoi pleurer, en effet...


    Photo : Justin Arnaud

     

  • Expert (substantif masculin)

     

    La France peut se prévaloir d'avoir créé la figure de l'intellectuel et Michel Winock en a fait un historique fort passionnant (1), par quoi il remit, au passage, Zola à la place mineure qu'il se doit, en la matière, d'occuper. Mais cette représentation est aujourd'hui fort lointaine. Si l'on en croit cet auteur, il semblerait que le décès de Sartre marque la fin d'une époque. On pourra ne pas s'en plaindre, si l'on veut bien admettre que le règne du ni-ni-ni existentialiste (ni philosophe, ni romancier, ni dramaturge) ne brilla pas par sa liberté de penser. Plus d'intellectuels donc, sauf BHL qui s'y croit, un peu comme un gamin autiste...

    Comme l'univers a horreur du vide, il était de bonne guerre qu'une nouvelle espèce vienne en lieu et place de l'espèce anciennement dominante. Et face à la complexité du monde, à l'inextricable des échanges, des flux, des forces et des affrontements (intra et hors frontières), il était indispensable que l'ersatz d'honnête homme qui sommeillait encore dans l'intellectuel cédât devant le péremptoire aux chiffres, le zébulon des courbes, le nain jaune des arcanes politiques. Accompagnant l'expansion du monde médiatique, naquit l'expert. Les experts... Tout un programme... Toute une programmation, aussi : faite essentiellement dans un petit cénacle de Science-Po. Ces braves viennent régulièrement nous expliquer le présent, nous préparer l'avenir, pour nous, piétaille inculte et mal dégrossie. On les connaît : ils traînent sur tous les plateaux de télévision, bavassent sur les radios et scribouillent en long et en large dans des feuilles de chou qui ont encore la prétention de s'appeler la presse (2). Ils s'appellent Dominique Reynié, Roland Cayrol, Alain Duhamel, Pascal Boniface, Christophe Barbier, Denis Olivennes,... Ils discourent. Ils ne sont pas aussi ridicules que les très suffisants et insuffisants Jacques Attali et Alain Minc qui ont percé dans les hautes sphères du pouvoir, mais ils atteignent malgré tout un degré de vacuité tout à fait honorable. Ils ne sont jamais pris en faute et l'on oublie leurs erreurs. L'expert a pour lui le flot de l'image, l'écoulement de l'information comme une chasse d'eau, le babillage sans signification que l'on peut zapper. Ils ne font rien ou presque. Néanmoins, ce presque pose problème, parce qu'au fond il signale à quel point, à défaut de dire quelque chose, ils occupent la place, ils neutralisent la pensée, ils verrouillent la critique. Ne rendant de compte à personne, garanti d'être par la seule force de sa désignation, l'expert a une fonction primordiale dans une économie de l'information structurée pour faire du bruit (au sens de Jakobson) quand l'esprit vraiment démocratique, lui, désirerait du sens.

    Mais l'expert n'est pas une figure du désir, moins encore l'agent du savoir. D'ailleurs, on se demande parfois sur quoi repose son savoir. Démonstration...

    L'homme en question est polytechnicien (école dans laquelle il enseigne désormais), diplômé de l'ENSAE. Il a fait Science-Po aussi. Il écrit à peu près partout où l'on peut discourir sur l'économie (3). On peut même l'entendre sur France-Culture. Il est le directeur de la Recherche et des Études chez Natixis. Bref un homme qui compte, élu en 1996 meilleur économiste de l'année (4). Un homme qui malgré tout expliquait en 2007 qu'annoncer une crise boursière était balivernes. Plus près de nous, je lis ceci, dans Alternatives économiques n°301, d'avril 2011 :

    « La Banque centrale européenne (BCE) va très probablement remonter son taux directeur en avril. Il pourrait passer de 1 % à 1,75 % à la fin de 2011 et à 2,5 % à la fin de 2012. Cette annonce a surpris, compte tenu des incertitudes économiques et d'une inflation dans la zone euro (2,4 %) ne provenant actuellement que des prix des matières premières. Faut-il de ce fait approuver ou critiquer l'initiative de la BCE ?

    Dans une perspective de moyen terme, la décision de la BCE se comprend. La croissance nominale à long terme de la zone euro étant au moins de 3 % par an (1,5 % en volume et 1,5 % d'inflation), il n'est pas possible de conserver un taux d'intérêt de 1 %. »

    Nous disons donc 2,5% ! Pas de chance pour Patrick Artus (il s'appelle Patrick Artus), la BCE a abaissé son taux et aujourd'hui il est à son niveau historiquement le plus bas : 0,75% ! Qu'à cela ne tienne, il n'est pas question de remettre en cause l'expertise du sieur Artus. Il sait, lui, et nous, nous avons mal lu, nous chicanons pour des virgules. Nous avons tort, parce qu'il en est ainsi !

    En une question annexe, mais qui ne manque pas d'intérêt (rions un peu), on se demandera ce qu'il y a de scientifique dans ce qu'on appelle les sciences économiques, de quelle nature profonde est l'escroquerie d'une telle dénomination... Une curiosité de candide, bien sûr, à laquelle un expert ne prendra pas le temps de répondre. Il a mieux à faire. On l'attend chez Yves Calvi...

     

    (1)Michel Winock, Le Siècle des intellectuels.

    (2)Tout individu de plus de quarante ans se rappellera ce que demandait, il fut un temps..., la lecture du Monde, du Figaro ou de Libération. Pas la peine de développer.

    (3)Alternatives économiques, Challenges, les Echos...

    (4)Les anciens se souviennent que VGE vendit Raymond Barre comme le meilleur économiste de France. On sait ce qu'il arriva...

  • Le goût secret de la féodalité

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    Le Tour de France s'est achevé. Il fut ennuyeux et les commentateurs se sont désolés mais, comme le remarque François Bégaudeau, dans Le Monde du 21 juillet, on peut s'étonner du succès médiatique d'une « manifestation aussi suivie qu'indigente ». Il s'en va chercher la solution dans la seule temporalité de l'événement : « la clé, c'est l'été. C'est les congés payés. C'est la disponibilité estivale. » Et d'ajouter que le spectacle télévisuel devient un quasi parent de notre quotidien : « Ce compagnon, cet animal domestique, ce poisson rouge, entre dans la pièce par la petite lucarne qu'il suffit d'allumer. Le voici parmi nous, c'est le Tour de France ». Sans doute y a-t-il de cela mais l'affaire me semble un peu courte en analyse.

    En fait, il faut bien comprendre que la médiatisation de l'événement en a changé la nature. Ce qui, pendant longtemps, fut une réalité radiophonique, puis télévisuelle (mais à petites doses, on ne diffusait guère que les trente derniers kilomètres dans mon enfance), est devenu une machinerie qui couvre une bonne partie de l'après-midi, voire plus. Il est donc possible de suivre l'histoire dans sa quasi totalité. Le caractère narratif s'en est donc considérablement accru. Le téléspectateur n'arrive plus sur la course comme un invité de dernière minute. Il remonte loin dans le déroulement de l'épisode et parfois, même, pour les grandes étapes de montagne, il voit les premiers coups de pédales. L'intégralité est pour lui, et la multiplication des caméras, hélicoptères et motos, lui donne le sentiment qu'il ne rate rien. Il s'est donc produit pour le Tour ce que fut le bouleversement imposé par Canal+ en matière de retransmission footballistique. Le confort suffit-il néanmoins à expliquer l'engouement ? Il y a les à-côté pseudo culturels et le caractère « paysage naturel », cette étrange beauté de la France vue du ciel, ce caractère Yann-Arthus Bertrand du récit, qui nous réconcilient avec le territoire d'une façon qui rappelle que le Tour de France, créé en 1903, est indissociable d'un arrière-plan politique qui exaltait, dans le cadre français d'une reconquête des territoires perdus en 1870, l'envie de définir, de souligner les frontières. C'est d'ailleurs pour cette raison que nombre de fervents de la Grande Boucle s'insurgent contre les départs de l'étranger et les étapes en Angleterre, en Belgique, en Italie ou ailleurs...

    Mais il était question de l'ennui. Épreuve devenue terriblement mécanique (si j'ose dire) depuis plus de vingt ans, à l'aube du règne de Miguel Indurain, le Tour de France s'est plié comme jamais à des impératifs économiques qui, sous couvert de stratégies déterminant les moments forts du parcours, les conduites à adopter, ont en quelque sorte réduit chaque étape à deux portions, évidemment congrues : la première heure de course et les trente derniers kilomètres. Entre, plus rien. Et c'est au moment où l'on file les heures télévisuelles à l'infini qu'il n'y a plus rien à voir, plus rien à vivre. L'important n'est donc pas l'imprévisible de la course mais le verrouillage du scénario. Et sur ce point, la frilosité des directeurs sportifs, leur stupidité dans leurs analyses, la servilité des coureurs expliquent en grande partie le désastre.

    Il faut dire que jadis les courses elles-mêmes constitutaient le plat essentiel du menu d'un cycliste. Il s'entraînait en participant aux épreuves qu'il était susceptible de gagner. Cela explique pour beaucoup le palmarès hallucinant de Merckx, lequel palmarès ne sera jamais plus égalé, ni même approché. De nos jours, les cyclistes ne courent plus, ils s'entraînent. Ils ne s'alignent plus au départ d'une classique, ils font des stages (en altitude, au bord de mer). Les mauvaises langues diront que c'est le seul moyen tenable pour appliquer les protocoles de dopage très élaborés (on est loin de l'antique pot belge quand on touche à l'EPO et aux auto-transfusions). Ils font ainsi des apparitions épisodiques pour lesquelles il ne faut absolument pas qu'ils se ratent. Indurain et Armstrong ont montré qu'on pouvait ne jamais se rater et ne faire qu'une épreuve par an, la plus célèbre, la plus porteuse, en termes médiatiques. C'est bien tout cela, mais l'ennui est au bout de la route.

    Alors pourquoi regarder encore ? Il y a sans aucun doute le caractère héroïque de certains exploits, le dépassement fou de soi devant la difficulté. Plus qu'aucun autre sport, le cyclisme exalte l'au-delà, le risque et la solitude. Et à cela, nul n'échappe un jour ou l'autre. Ocana chutant dans le col de Menté en 1971 ; Merckx dépassé par Thévenet en 1975, dans la montée de Pra-Loup ; Hinault à la ramasse derrière Fignon en 1984 ; Indurain défaillant en 1996, les images demeurent. Pour célébrer ces moments d'audace et de désarroi, de grandeur fracassée, il faut relire Blondin, plus que tout. Dans un autre registre, et même Barthes en parlait dans ses Mythologies, la morale ambiguë de ce sport, entre le désir personnel et le poids de l'équipe à laquelle on se soumet, n'est pas sans intérêt. « C'est une morale qui ne sait ou ne veut pas choisir entre la louange du dévouement et les nécessités de l'empirisme », écrit-il. C'est en effet une étrange construction que l'on trouve dans ce sport, dont on rappelle sans cesse qu'il est un sport d'équipe, mais une équipe au service d'un seul (lequel peut changer selon que l'on soit dans une course à étapes ou une classique).

    Tel est le point que je voudrais alors aborder. Cet ennui qu'a imposé la transformation économico-technologique du sport avait déjà sa source dans le caractère féodal de la hiérarchisation des coureurs : le leader, les équipiers. Et ceux-ci ont d'autres noms bien plus révélateurs, selon les cas : les poissons-pilotes, les gregarios, les porteurs d'eau, la garde rapprochée... Ils sont le menu peuple et rien ne peut se faire sans qu'un de ses membres ait un bon de sortie. Une anecdote en dira plus que tout long discours. En 1963, au championnat du monde, Benoni Beheyt gagne devant son leader Rik Van Looy. Il est mis au ban et arrête sa carrière, pourtant prometteuse, à 26 ans. La soumission de Froome à Wiggins, durant ce Tour 2012, alors même qu'il lui était supérieur, n'est donc pas une nouveauté. La révélation de cette puissance dans les deux accélérations que se sera permis le premier, à la Toussuire et à Peyragudes, parce qu'elle a été télévisée, ne fera qu'amoindrir le succès du second. C'était là que se tenait l'intérêt de l'épreuve, et je crois, l'attente non dite des téléspectateurs : le désir impalpable de voir la féodalité tomber, de voir, dans la même équipe, le lieutenant prendre la place du chef, qui tenait lieu de chef, sans l'être vraiment, comme un usurpateur. Les affrontements fraticides sont les plus beaux, ici comme ailleurs, ceux dont se délecte le public avec le plus d'avidité. Il n'est pas tant question de luttes entre leaders que de voir secoué le joug des ordres, et la félonie est un délice.

    La question de l'oreillette est une énième version d'un débat plus profond. Faut-il obéir ? Faut-il désobéir ?, et donc : comment désobéir ? Froome a obéi, a montré ostensiblement qu'il avait obéi, et dégoûté tout le monde : suiveurs, commentateurs, spectateurs, téléspectateurs. Il est en effet tout à fait curieux que le sport populaire par excellence, aussi bien par ses pratiquants que par l'origine des gens qui s'y intéressent, soit aussi celui qui, d'une manière radicale, reproduit le déséquilibre des rapports symboliques d'une société dévalorisant les petits, les obligeant à rappeler en toute occasion leur infériorité. Dans nul autre sport, le mot règne, pour définir la puissance d'un champion, n'est aussi approprié. On lui doit tout, on lui prépare tout, on lui sacrifie tout.

    Alors, le téléspectateur guette la catastrophe mais dans une relation ambiguë de fascination : que les meilleurs livrent bataille (et les ascensions sont faites pour cela), et pour ce faire, que les équipiers s'épuisent pour finir comme ils peuvent, dans l'anonymat d'une arrivée dans le brouillard, pendant que les meilleurs qu'ils ont protégé sont sous le feu des projecteurs ; mais aussi : que le second couteau brise ses chaînes et mettent au pas ceux qui ont moins été exposés. La question est de savoir lequel de ces deux désirs prime sur l'autre. L'amoureux du Tour de France espère-t-il le bouleversement ou l'ordre établi ? Dans le premier cas, il va vers la désolation tant le corsetage de la course, entre codes anciens et frilosité moderne, est promis à un bel avenir ; dans le second cas, il faudrait considérer le Tour de France comme une entreprise d'aliénation exemplaire. Mais, sur ce point, nous ne sommes plus dans du sport...

    Et si nous ne sommes plus dans le sport, c'est peut-être parce qu'au-delà de la théorie du reflet depuis longtemps soumise à la critique, il faut sentir dans l'attrait pour l'épopée estivale de la petite Reine comme la trace de ce qui fonde la puissance même du pouvoir établi : sa reconnaissance effective, quand on croit qu'il est fait pour être comme il est, et le fantasme d'une altérité contestataire se rencontrent mais dans un rapport inégalitaire, parce que la durée de l'épreuve, ces trois semaines où à chaque jour suffit sa peine, donne au fur et à mesure de son déroulement de moins en moins de place pour le fantasme. Mais le téléspectateur, dans le saisissement de chaque fait de course qu'on monte en épingle, se laisse prendre au piège, ou veut se laisser prendre au piège. Ce n'est pas de la facilité, plutôt une histoire qui ressemble à l'impossible du joueur de casino qui croit que la prochaine fois sera la bonne. Un rien de désillusion qu'on ne veut pas s'avouer.

    La place énorme prise aujourd'hui par le sport tient sans doute, parmi d'autres raisons, à ce goût troublant pour ce qui ramène le commun à sa commune condition et à l'acceptation à peine consciente de cette situation. Nous l'évoquons pour le cyclisme mais l'histoire est aussi vraie pour le football, dans un autre contexte : non plus le "chacun à sa place, malgré tout", du vélo, mais le "tout est possible, y compris pour les pauvres" du ballon rond. Espoir dérisoire dans une période qui se développe comme un processus de régression sans précédent depuis deux siècles...


    Photo : X


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  • Le Prince consort

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    D'abord il y eut le Père, son apparition iconique au centre de l'écran, au bout du tapis rouge. Le Père venait à nous dans son épiphanie de common man transformé en gardien élyséen de la République. Il n'était encore qu'une image, muette. Il ne s'exprima que plus tard, lorsque rancœurs, passions et exaltations se furent assagis. Il fut longtemps invisible, dans sa modestie corrézienne.

    Sur le plateau de France 2, il y avait la Mère, dans sa raideur froide de vainqueur (a)battu. Elle devait reconnaître le triomphe du Père sur celui qui l'avait, cinq ans auparavant, défaite sèchement. Journalistes, et (télé)spectateurs sans doute, guettaient la faille, à travers laquelle apparaîtrait (décidément que d'apparition...) le sentiment profond d'une injustice personnelle. On en sentit poindre l'expression quand elle rappela que la victoire du Père procédait de ce qu'elle avait entrepris avant, que son Désir d'Avenir avait préparé l'avènement du common man. C'était drôle : on sentait que le journaliste avait envie de lui demander ce qu'il avait lui, le Père, qu'elle n'avait pas, ou pas eu, elle, la Mère. Il s'abstint, politesse et décence mêlées, parce qu'il n'était pas question de s'engager dans ce genre de débat, trop délicat, trop guerre des sexes, à l'heure de la parité et du politiquement correct. C'était en filigrane...

    Mais tout cela avait déjà une moindre importance, car avant qu'on lui demandât son avis, à elle, était apparu (oui, vraiment, soirée de tous les sortilèges) le Fils, dans la pleine folie d'une soirée électorale qui ressemblait étrangement à une fête de fin d'examens pour étudiants perpétuels. Le Fils, Thomas Hollande, eut droit au prime time, 20 heures à peine passé, comme s'il revenait au prince héritier d'être le premier commentateur de l'accès au trône de son Père. Il était ému, l'œil un peu humide et la voix tremblante. Il avait cinq ans auparavant échoué avec la Mère ; il gagnait ce soir-là avec le Père. Il était super content, animé d'un frisson jeune et modeste. Il était le Fils digne du Père, tout en n'ayant pas trahi la Mère. Cela ne pouvait qu'attendrir le quidam vainqueur par procuration à qui on avait répété que l'élection était historique, que c'était un choix de société, un tournant, etc, etc, etc et à qui on offrait avant toute autre considération sérieuse une réaction juvénile rappelant les banalités d'un entraîneur de football dans la minute qui suit la victoire : on a tout fait pour, beau challenge, très touché, un grand moment d'émotion, etc, etc, etc.

    Ainsi France 2, toute honte bue de son allégeance sarkozyste cinq ans durant, passait à la minute dans le camp opposé et imposait, en bonne chaîne publique aussi pourrie que ses consœurs commerciales, l'étrange image d'Épinal d'une famille recomposée, dont chaque membre était à un endroit différent mais que la magie médiatique réunissait pour l'occasion. Pendant les deux ou trois premières minutes de cette bascule démocratique, nous n'étions plus que les témoins sidérés d'un moment de télé-réalité auquel se prêtaient (volontairement ? malgré eux?) les trois membres éminents d'une famille politique (entendons ici politicienne). On privatisait pour quelques instants un fait collectif. On en faisait une histoire personnelle, un storytelling digne d'une scène de cinéma. C'était, me semble-t-il, la première fois que l'on voyait ainsi la filiation prendre le pouvoir symbolique, faisant attendre le bon peuple (j'entends : ceux qui sont censés le représenter, soit : les hommes politiques) dans l'antichambre. Non seulement l'opposition était réduite à quia mais les caciques socialistes, les éléphants, étaient relégués au second plan. Le drame familial (lequel est le fondement de tout, c'est vrai, ainsi que l'écrivait déjà Aristote...) prenait toute la place. Et le quidam de se demander si l'on n'était pas en train de nous vendre le président 2022 ou 2027, selon le principe d'un héritage particulier dont Bourdieu a fort bien montré la perversité sociale. Car c'était bien au bénéfice du titre Fils de... que ce bon Thomas s'exprimait ...

    Ce fut le moment glamour de la soirée, la seule nouveauté, comme la petite pointe d'originalité que l'on trouve dans un film qui aligne tous les clichés d'un genre très codifié. Après ce grand moment de télévision, le reste fut fade, ennuyeux, prévisible. Et, en creux, se confirmait que désormais rien, absolument rien, ne pourrait être traité, en information, qui ne se réduise pas à du pathos scénarisé, que la réalité n'était qu'un élément, une ressource, parmi d'autres, de la fiction généralisée dans laquelle le pouvoir et les médias veulent que nous évoluions...