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off-shore - Page 58

  • Élémentaires...

     

    Au delà des goûts d'enfance, il y a des pratiques qui demeurent, une certaine façon de faire, de procéder, qu'on se gardera de montrer en public (le public étant alors la société qui nous veut adulte ou éduqué) mais qu'on retrouve en petit comité ou seul.

    Chacun a les siennes. Ce ne sont pas des reprises techniques ou des enfantillages, des manières (comme disait la grand-mère, quand on fait son intéressant ou le Jacques...), mais des restes de soi, d'un soi indétaché du temps perdu (qui ne l'est donc pas tout à fait, perdu), des quasi rituels qui conditionnent le goût à venir : commencer par la partie un peu amère du pain d'épices, croquer les quatre coins du petit Lu, ne pas mélanger son chocolat liégeois mais s'ingénier à une coupe longitudinale géologique, garder la peau du riz au lait pour la fin (faim), préserver la coque meringuée de l'omelette norvégienne, mettre à part le feuillage supérieur couvert de sucre glace de l'éclair pour après...

    Il y a des mets (le mot est bien pompeux) qu'on ne mange pas dans l'esprit où ils ont été conçus pour leur consommation. Nous contournons la règle de leur composition. Difficile de savoir ce qui, au profond, nous amène à de telles démarches. Est-ce un souvenir ? Une appréciation des textures et des saveurs qui renverrait à une architecture plus ample de notre goût ? Une nostalgie ? Une fronde malicieuse ? Dans tous les cas, l'enjeu est de séparer les éléments, ou, pour le moins, de ne pas (trop) les mélanger, d'en garder le plus longtemps possible la distinction. Comme s'il fallait, en des occasions bien précises, contrer l'autre temps puissant de l'enfance : celui du mélange tous azimuts, de la bouillie. La purée et la viande, la brouillade, la salade de riz, la salade en général.

    Terrible, d'ailleurs la salade, où la mère avait toujours ajouté un ingrédient indésirable, que l'on triait et mettait sur le bord de l'assiette. L'opération était fastidieuse et nous valait régulièrement des remarques sur le fait qu'on ne s'amuse pas à table, quand on était rarement aussi sérieux et méticuleux. La salade, c'est peut-être le goût le moins individuel, le plat de tous les restes, de tous les ajouts, le plat des fins de frigo ou des bouffes improvisées, le plat des temps où l'on ne mange pas : on ingurgite. On fait comme tout le monde, on est avec tout le monde.

    Avons-nous justement toujours envie de faire comme tout le monde ? Nous avons notre propre partition, aussi, quelque chose que nous ne sommes pas forcément les seuls à faire mais dont nous ne voudrions jamais vraiment nous séparer. Comme maintenant, face à la fenêtre grande ouverte, en plein soleil, poser dans l'assiette, sur le côté, le chou supérieur de la religieuse, petit et glacé de café, manger la couronne de crème au beurre, vaguement écœurante qui ornait le chou inférieur, plus gros, manger ensuite cette volumineuse partie, se lécher les doigts (foin de la barbare fourchette à dessert), attendre un peu, puis, en deux bouchées, deux coups de dents qui le sectionnent par le milieu, en venir au meilleur, au plus précieux, très, parfois trop, sucré, et se dire que la manière de l'avoir mangé, tout à soi, est une part de l'œuvre faite, aussi...

     

  • Surtout : fermer les yeux

    Notre œil fatigué, de voir l'effondrement français (et européen) s'accélérer, s'enflamme (au sens de l'inflammation, un quasi prurit) plus encore de l'étonnement politique qui voit les autorités gouvernementales crier à la mobilisation républicaine, au sursaut démocratique, à la bérézina pré-fasciste, aux loups, aux chacals, aux hyènes, aux barbares, pas encore casqués, bientôt enrégimentés, de les entendre crier tout et son contraire, quoique, dans le fond, la vérité soit bien celle-ci, qui les tourmente : comment anéantir ce qu'on a créé ? C'est l'angoisse, d'un XIXe fasciné de progrès, de la Bête échappant à son créateur, une sorte d'incarnation pseudo-démocratique du mythe cristallisé par Mary Shelley, Frankenstein.

    Ce qui menace effraie moins que la cécité des bavards ayant délaissé le monde pour l'ombre étirée du pouvoir. Plus le temps passe, moins ils nous sont d'un moindre secours. Leur naïveté est trop blessante, pour les plus honnêtes, laquelle naïveté cache mal l'infamie de leurs renoncements. Quant aux autres, les plus huppés, les mieux placés, les grasses vaches sacrées du pouvoir, ils ne sont pas naïfs. Simplement cyniques, arrogants et calculateurs. 

    Dans tous les cas, cela ne peut suffire. Ce qu'illustre, avec beaucoup de sévérité ces quelques lignes de Marc-Aurèle, tirées du livre VIII des Pensées pour moi-même.

    "Souviens-toi que, de la même manière qu'il est honteux d'être surpris qu'un figuier porte de figues, il l'est, de même, de s'étonner que le monde porte tels ou tels fruits qu'il est dans sa nature de produire. De même aussi, pour un médecin et un pilote, il est honteux d'être surpris qu'un malade ait la fièvre, ou que souffle un vent contraire."

  • Dominique Paravel, Uniques

     

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    On sait ce que peut donner le choix littéraire des gens de peu. C'est la sublimation de la misère par le style. C'est le mode Michon des Vies minuscules, où l'articulation de la phrase, celle des relances et des symboles tendraient à sortir du néant un monde reculé, froidement ignoré, quasi banni. L'écriture troisième République pour le retour mythique à une glorieuse célébration. On ne peut pas dire : c'est beau, assez impressionnant même, mais passablement vernissé.

    Dominique Paravel n'a pas, elle, cette prétention, et, en l'espèce, ce choix, nous lui en serons redevables, elle qui, dans Uniques, choisit l'unité de lieu et de temps, la rue Pareille un jour d'épiphanie pour que se croisent les misères du monde. Misères secrètes, économiques, sociales, affectives, professionnelles.

    Unité de lieu et de temps, mais pas d'action, tant la trajectoire de chacun des personnages, saisis qu'ils sont, en ce jour emblématique, dans le quotidien sans fard de leurs écorchures récurrentes ou secrètes, ces trajectoires, donc, fait cogner toute la souffrance du monde dans des gestes et des questions inattendus. Ici, l'écolière se demande pourquoi elle est pauvre ; là, le chauffeur de bus s'épuise de respecter le temps de trajet, parce que dans le fond la loi et les codes finiront toujours par vous avoir ; ailleurs, le RH, devant des œuvres contemporaines, finit par sentir qu'il n'est qu'engrenage réel et décisionnaire fictif ; et l'artiste qui ne sait que faire d'être imparablement prise au piège.

    Roman court, elliptique et essentiel, soit : touchant le profond. Tel est Uniques. Histoire des passants et des vivants-là, dans cette rue Pareille, héritiers malgré eux d'un temps obscur et qu'on dirait infécond ou dégradant. La photo est impitoyable, sans pour autant qu'à un seul moment on ait envie de s'apitoyer. Ce que l'auteur réussit est assez rare : elle ne traîne pas en route. La vivacité de sa plume nous en rappelle une autre : celle que nous mettons à oublier ce qui nous dérange, et c'est peut-être sous cet angle que le roman frappe le plus fort.

  • Baudruches

     

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    L'automne est la saison des prix. Les prix sont les fruits d'un labeur acharné sans doute. C'est l'heure de récolter.

    Cette semaine, c'était les prix Nobel, l'égrenage journalier des prestiges scientifiques et au milieu de toutes les équations, des formules polynomiales et des espaces infinis, il y a eu le moment glorieux de la littérature, et celui plus particulier d'Alice Munro.

    Il y en aura bien eu, en entendant ce nom, à vouloir l'écrire selon une orthographe blonde, galbée et hollywoodienne, mais cela n'avait rien à voir. L'écrivain canadien n'a rien de très glamour.

    Pendant quelques minutes, il fut donc nationalement question de littérature. Le prix Nobel, c'est le Goncourt, mais en plus grand, en somme, le prestige tarifé, éditorial et vaguement symbolique à l'échelle mondiale.

    Ce n'est pas plus reluisant que les divagations sournoises des vieilles croûtes du Fémina, du Goncourt ou du Médicis. Les mêmes magouilles y apparaissent, les mêmes enjeux de pouvoir y fleurissent et les bookmakers se délectent de faire des paris sur les favoris. Depuis plusieurs années, des noms tournent : Murakami, Philip Roth, Amos Oz, Peter Nadas ou Claudio Magris. On dirait le tiercé ou les Jeux Olympiques. À moins qu'il ne faille y voir la perpétuation infantile des récompenses scolaires, soumettant la littérature à la moulinette de la bonne tenue, et ce serait possible tant la liste des récompensés brille par la propreté des lauréats. Pas de risques qu'ils aillent chercher Artaud, Burroughs ou Michaux...

    Je ne sais si les intéressés en rêvent, ou s'ils y sont indifférents. La première hypothèse est plus vraisemblable. Ils devraient pourtant se rassurer. Le Nobel aura réussi l'exploit de passer outre James Joyce, Virginia Woolf, Vladimir Nabokov, Paul Claudel, Albert Cohen et Jorge Luis Borges (1). Ce n'est donc pas très grave de ne pas en être. Mais cette agitation, ce clapotis autour d'un nom et d'un futur discours à Stockholm traduisent une fois de plus la dérive mercantile et spectaculaire de l'entreprise littéraire, de sa récupération dans le giron des formes commerciales (2).

    Non, ce n'est pas très grave, que de ne pas être nobélisé, que de ne pas entrer dans le club fermé d'une litanie médiocre, souvent, d'auteurs ayant bénéficié d'une reconnaissance qui n'avait parfois rien à voir avec leur talent littéraire.

    Il faut dire que l'affaire avait mal commencé. En couronnant en 1901 Sully Prudhomme, le Nobel avait en quelque sorte signé son arrêt de mort. Outre le nom si bourgeoisement verlainien du récipiendaire (qu'y pouvait-il le pauvre ?), on sentait déjà la pompe, le grotesque et le falsifié. Aller chercher un parnassien pour inaugurer le siècle, c'était peu cohérent. Que le lecteur courageux aille se recueillir sur les vers  prudhommesque et il comprendra sa douleur. Ce ne fut pas le seul impair de l'académie suédoise. Churchill en eut les honneurs, pour des mémoires stylistiquement creux. Le Nobel, c'est de la navigation à vue et un certain art d'accommoder les restes.

    À ce jeu, la France aura eu son heure de gloire. Elle reste la nation-phare. quatorze grands hommes au Panthéon mondial, imaginez. De quoi faire bisquer les nationalistes de tous poils. Dans le détail, l'affaire est moins reluisante. La baudruche se dégonfle. Le torse bombé de l'écriture française, c'est la première moitié du XXe siècle, jusqu'en 1960 : la gloriole de l'entre-deux guerres et la vanité intellectuelle de l'après seconde guerre mondiale. On y trouve des auteurs mineurs ou médiocres (entre Mistral et Mauriac) et des figures : l'ennuyeux trio Gide, Camus et Sartre. En clair, le Nobel traduit malgré lui ce que fut l'outrecuidance française à vouloir donner la leçon, le comble de cette prétention étant atteint par le sus-nommé Sartre qui refusa le prix parce qu'il ne voulait pas être une institution (alors même qu'il était dans l'univers des Lettres françaises d'après-guerre le commandant en chef de la Terreur).

    Depuis, il faut croire que l'image hexagonale a pâli, avec seulement trois récipiendaires : Claude Simon en 1986, comme la queue de comète d'une écriture en boucle lassante, fatiguée et mécanique ; Gao Xingjiang, dont l'œuvre est en partie écrite en chinois, ce qui doit inciter à un peu de modestie ; Le Clézio, enfin, dont la célébration sonne comme une gifle pour la moindre âme sensible à la littérature. Le Clézio en Nobel, c'est la récusation de toute pensée sur le style. C'est le mainstream littéraire des bons sentiments et de la prose facile. À ce point, la gloriole des Lettres nationales est tombée si bas qu'on n'espère pas avant longtemps que le plat repasse.

    Mais, de toute manière, l'hexagone a son propre jeu. Dans un mois, le début du cirque littéraire. Et de repenser qu'il y a un mois, c'était justement la rentrée, pas celle des mômes mais de la littérature. Rentrée, prix... Ne manque plus que le tour de manège...


    (1)Je m'en tiens ici à des auteurs ayant vécu suffisamment vieux pour que la négligence frise la bêtise. Il faut en revanche être de mauvaise foi pour invoquer les oublis de Proust ou Perec, morts jeunes, de Kafka ou Pessoa dont l'œuvre est essentiellement posthume.

    (2)Même si, pour le prix Nobel, certaines attributions regardaient une littérature confidentielle, comme la poésie de Brodsky ou de Derek Walcott, et que les perspectives éditoriales ne pouvaient pas être phénoménales. Le choix relevait ici de la beauté du geste...


    Photo : X

  • Hors de sens

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    Le droit comme un principe d'égalité coûte que coûte, jusqu'à la limite de l'impensable et de l'insensé...

    L'Iowa vient d'accorder aux aveugles le droit de port d'armes, parce qu'il n'y a pas de raison que ceux-ci souffrent d'une discrimination en raison de leur handicap (mais devrais-je dire : leur différence).

    Pourrait-on ainsi envisager que pour des élections (présidentielles ou autres), un homme mourant dans la semaine précédant le scrutin, et ayant clairement/publiquement exprimé son choix, ait le droit de voter post-mortem ? Pourrait-on sérieusement agir pour que la mort inopinée ne soit pas un obstacle à l'expression politique, puisqu'on autorise bien des mariages post-mortem ?

    Il y a sans doute de multiples, pour ne pas écrire : d'innombrables, situations absurdes sur lesquelles l'esprit tordu de l'époque aurait loisir de légiférer. À chacun de se creuser les méninges.

    En attendant, et pour redevenir vers un peu sérieux, soulignons que l'extension du droit en dehors de toute réalité tangible, comme une abstraction propre à satisfaire les désirs individuels, a quelque chose de sinistre, qui va bien au-delà de ces délires américains (on les trouve ailleurs, aussi, qu'on ne s'y trompe pas...). Le bon plaisir du roi n'existe plus, et il n'y a pas lieu de s'en plaindre, mais est-il judicieux de le remplacer par le bon plaisir de chacun ? Fallait-il, pour nous faire croire que tout irait mieux, multiplier les royautés factices et faire que, pour citer ce cher Montaigne, chacun se prélate jusque dans sa garde-robe ? Doit-on accepter tout et n'importe quoi sous prétexte qu'il ne faille léser ou blesser personne ? Devrais-je intenter un procès à la ligue professionnelle de basket-ball parce qu'il n'est quasiment pas possible d'y réussir si on ne mesure pas 1 m 80 et qu'il faudrait instaurer des quotas pour que tout le monde puisse avoir sa part du gâteau, jouir de ses droits, les géants, les grands, les moyens et les nains ?

    Je ne sais si un aveugle de l'Iowa sortira dans la rue et tirera (faut-il écrire : à vue). Cette loi n'aura peut-être jamais d'effets pratiques. Et d'aucuns diront que les voyants font suffisamment de carnages pour qu'on ne s'offusque pas de cette adaptation légale. Certes. Mais c'est l'esprit qui la motive qui pose problème. Cette revendication nous aurait fait rire si Raymond Devos en avait tiré le fil (et rien que le fil...) pour l'un de ses sketchs doucement kafkaïens. Pour une histoire sans queue ni tête, soit ; pas pour une réalité sens dessus dessous...


    Photo : Thomas Barbey

  • Sur un ultime rendez-vous...

    Je remets à la date de ce jour un billet publié le 5 avril 2011. Le titre est le même qu'alors. Pas une ligne de plus ou de moins. Les hommages ont toujours quelque chose de pompeux, d'artificiel ; cela ressemble à une convention. Mais les huit premières minutes du film de Patrice Chéreau, mort aujourd'hui, sont, dans le sens de l'esquisse qui les féconde, parmi les plus profondes qu'il m'ait été donné de contempler au cinéma...



    Si nous recherchons l'essence de ce qui nous habite sans même vraiment le savoir, il n'est pas étonnant que certaines œuvres finissent par se réduire, non comme peau de chagrin, mais en une puissance condensée avec laquelle nous ferons chemin, aussi loin que nous puissions faire chemin. Ainsi Ceux qui m'aiment prendront le train s'est-il au fil du temps condensé aux huit premières minutes d'une odyssée à la fois banale et grandiose.






     Ces huit minutes sont celles qui précèdent le moment où le train s'ébranle, le train qui descendra à Limoges, chef-lieu de la Haute-Vienne, plus grand cimetière d'Europe, demeure ultime de Jean-Baptiste Emmerich. Et ceux qui prennent ce train forment la famille parisienne de ce petit-maître de la peinture française, avec lequel chacun, on le comprendra plus tard, porte une histoire.

    Ces huit minutes-là sortent de l'ombre, d'un écran presque noir d'abord, avant que ne se dévoile le visage brut, la mâchoire raidie de Pascal Greggory (François), retranché dans un compartiment, orchestrateur magique par l'intermédiaire d'un magnéto portable d'une double ligne mélodique avec laquelle le réalisateur, Patrice Chéreau, va jongler.

    Deux voix donc. Quoique pas exactement : une voix et d'autres voix. Une voix parmi toutes : celle du magnéto. La voix grave, un peu hésitante dans ses premiers mots, puis elle prend toute sa force désespérée. La voix de Jean-Louis Trintignant, dans sa profondeur absolue. Une voix qui ne s'écoute pas mais se reçoit comme un privilège. On ne le verra pas, lui, sinon par l'intermédiaire furtif d'une photographie. Il est mort. C'est un enregistrement récent. Il est trop tard et quand il parle de lui, s'y reprenant de différentes façons (variations ironiques sur ce qui n'est rien moins q'une nécrologie), nous entendons une voix d'outre-tombe, celle d'un homme fatigué annonçant qu'il va fermer boutique. C'est une basse continue, le leitmotiv qui fait sa révolution et se rappelle au souvenir de François qui l'écoute, jusqu'à ce qu'il propose d'en finir, et justement celui-ci coupe l'enregistrement. Si Jean-Baptiste Emmerich parle de mourir, il faut conjurer comme on peut le fait même de sa disparition. La parole, d'une certaine manière, ne doit pas redoubler la réalité. Elle a quelque chose à voir avec l'éternité.

    La gare est remplie de monde, d'agitations aléatoires (du moins les perçoit-on ainsi) et Jean-Baptiste revient régulièrement au milieu d'autres voix. On le croirait parti, perdu ; il réapparaît. Il est, au cœur de l'image, l'invisible. Il passe en revue sa vie à la moulinette, si j'ose dire, et il semble que rien ou presque ne puisse échapper à sa lassitude : origines, parents, métier,.. Les autres voix sont celles des amis qui, lentement, se rejoignent, se précipitent, pas encore dans la profonde douleur (mais cela viendra). Elles sont bien vivantes, mais encore futiles et anecdotiques, et ne pèsent encore rien devant ce qui a pourtant disparu.Ils n'ont pas d'identité (mais cela viendra) : ils ne sont déterminés que par le manquant, cette part qui, parfois, dans le deuil (ou l'amour parfois), occupe toute la place, à commencer par la nôtre. Cette voix ultime est la raison pour laquelle tous ces corps, pris dans le flot d'un lieu aussi impersonnel, se touchent, se regardent, s'attendent, et font encore semblant (si ce n'est François... J'ai horreur de cavaler, dit-il, comme si d'être le premier arrivé, et seul, un temps, pouvait sauver quoi que ce soit ; qu'être en avance annulait le fait d'être pour toujours en retard. Il est venu écouter la voix, l'interview pendant laquelle il rit et cabotine un peu, et son visage douloureux laisse présager qu'il aurait voulu qu'il en fût autrement de ce dernier rendez-vous, qu'il osât, qui sait, lui dire Je t'aime, d'une manière ou d'une autre, puisque dans le fond, c'est de cela qu'il s'agit : de ne pas s'être dit l'essentiel, ou alors si mal...)

    Cette voix définitive n'est pas celle qui informe mais celle par laquelle ces amis sont informés dans et par la disparition, c'est-à-dire que chacun d'eux désormais est autre, imparablement autre. Cette voix qu'entend le spectateur, ces êtres-là l'ont déjà tous en tête. Ils ont en eux son registre, les paroles échangées du passé révolu à jamais. Il parle de lui ; ils n'en parlent pas. Pas encore. Ils sont dans l'urgence mais cette urgence n'a de sens que parce qu'il y a cette voix à retrouver sans elle. Jean-Baptiste peut démolir en partie son existence de son propre chef, ils n'en ont cure. La voix que nous entendons est la voix intériorisée de leur propre existence avec ou contre lui, avec et sans lui.

    La gare est le lieu de l'onde synthétisée qui annonce les voies, les horaires, les destinations, les retards. Mais ici la voie (la ligne) n'est qu'un détail, la destination sans mystère, l'horaire celui de l'irréparable.

    Aussi destructrice soit cette voix, elle est la plus pénétrante de toutes ; elle creuse son chemin entre eux tous. La gravité de Jean-Baptiste tient à la fois au timbre de Trintignant, qui lui est propre, et de la présence indicible qu'il impose. Cette gravité est la chair que chacun voudrait garder en lui, et dont ils savent pourtant qu'elle s'en est allée. Ils y pensent, leurs yeux y pensent, même quand ils essaient de s'échapper. Chéreau filme merveilleusement ce qu'il y a de déplacé à vouloir masquer, contourner la puissance d'un événement qui nous dépasse. Chacun y va de ses petites affaires, mais la voix est là, toujours...

    Les images défilent ; le montage de Chéreau étourdit. Des  allées et venues, des cercles, giration des hommes et de la caméra, comme s'il y avait le choix de ne pas le prendre, ce train, ce qui reviendrait à suspendre la disparition de Jean-Baptiste, comme s'il y avait moyen de ne pas se séparer de l'être à qui on tient. Il faut que la vie continue, ou que l'on détourne l'absence. Mais tous ces faits et gestes ne sont que des mesures dilatoires, parce que l'essentiel est dans cette voix que François coupe, symboliquement. La douleur, ce n'est pas d'y aller mais de sortir du train, de fumer une cigarette, de chercher un objet à sa colère (Bruno Todeschini ou Olivier Gourmet) et d'admettre que tout cela ne sera pas suffisant. Ce serait un acte manqué, le plus terrible de tous...

  • Droit d'humour

    Imaginons quelques secondes que dans la presse sorte la petite anecdote suivante : Marion Le Pen surnomme en privé Manuel Valls Pépé. Elle emprunte ce sobriquet au célèbre Astérix. Il s'agit du fils de Soupalognon y Crouton. Imaginons donc que Libération ou Marianne, voire Le Canard Enchaîné, dénichent cette brève. Nul doute que certains s'offusqueraient que derrière cette plaisanterie se cache un relent xénophobe et qu'il s'agit de rappeler que Manuel Valls ne fut pas toujours français. Jusqu'en 1982, il fut espagnol. On y verrait une manière de déclasser un homme à qui on reprocherait d'être un demi-citoyen. On ferait un parallèle avec les commentaires grotesques d'un Barrès fustigeant l'ascendance italienne de Zola, et l'on aurait raison.

    Nous avons évité l'incident pourtant. Non que la comparaison de Valls à l'énervé personnage ibérique n'existe pas, nous l'avons appris cette semaine, mais elle est le fait de la si gracieuse Cécile Duflot. Personne n'y trouve à redire. C'est de l'humour de gauche, vraisemblablement. Un peu crapoteux quand même, non ?

    Il faut croire que non. En matière de mauvais goût, nous ne sommes pas égaux. Je veux dire : en matière de droit au mauvais goût, nous ne sommes pas égaux. La gauche est infiniment plus respectable. Elle fixe les codes et les droits, les académies et les sanctions. C'est pourquoi Cécile Duflot, trônant dans le camp des contempteurs et des satisfaits (1) peut passer pour ce qu'elle n'est pas : une femme subtile et moralement irréprochable, quand on aurait envie de penser à une mouette rieuse (2).


    (1)Avec pour modèle son compagnon Xavier Cantat, dont on aimerait qu'il eût pour les femmes battues et la violence domestique de son frère chanteur la même verve twitteuse que lorsqu'il s'enorgueillit de sa chaise vide au défilé du 14 juillet... Il aurait pu, par exemple, appeler au boycott du disque qui va sortir...

    (2)Quoique la comparaison soit encore flatteuse, si l'on veut se rappeler l'univers loufoque et poétique de Gaston Lagaffe...

  • 42,195 Km

     

    Un matin, au cœur de l'été, tu découvres qu'il y a un mois à peine, un ami, un ami du passé, perdu depuis quinze ans, sans la moindre discussion ni égratignure, mais par le simple fait du temps, des voies qui ne sont pas plus les mêmes, des destins qui ne se croisent plus toujours à intervalles réguliers, tu découvres qu'il est mort, mort à un âge où la probabilité te laisse le choix entre l'attaque, l'accident de voiture et le cancer, plus probablement le cancer vu ce qu'il fumait, et ce mort auquel tu ne peux être indifférent, cette disparition devenue l'irréversible d'une réalité que tu ne croyais pourtant jamais récupérée, d'une manière ou d'une autre, toute cette fatale irrésolution de ton être dans l'immédiat et l'oubli de ce que tu fus, tu dois en faire ta nourriture, en plein été, dans la chaleur collante qui t'abat, mais déjà moins depuis que tu te remémores les dates et que, par le plus grand des hasards, tu sais exactement où tu étais et ce que tu faisais quand il est mort, et que cette étrange précision, entre deux lieux et deux vies en totale disjonction, l'une qui souffre, l'autre qui vadrouille, cette précision réveille non pas les souvenirs banals de ce que vous avez partagé, si bien sûr, un peu, des images vagues et fuyantes mais plus encore : des matins de brume à courir, lui et toi, en papotant comme des filles, la sueur au front, la bave aux lèvres parfois, et le silence aussi, le silence dans les montées, les raidillons, les côtes, l'un près de l'autre, avec juste un regard pour savoir si tout va bien, tant de matins de brume, et de soleil aussi, enfouis au fond de toi, et de lui aussi, sans doute, et tous ces kilomètres dont les autres ne comprenaient pas ce que nous y trouvions.

    Nous n'y trouvions rien, bien sûr, rien, sinon de n'avoir rien à en dire, aux autres, justement...

  • Le beau souci de soi

    L'habit n'est pas que paraître, ce paraître dont il est nécessaire (et facile aussi) de fustiger les excès. Il est aussi, parfois, le recours à une hygiène cruciale, vitale pour le dire autrement, par quoi celui qui veille à son apparence cherche moins à se faire valoir qu'à répondre à la peur intérieure et souvent tue de déchoir.

    Il est ainsi toujours émouvant (ceci écrit sans sensiblerie aucune) de croiser le matin, en allant travailler ou sur le chemin du marché, des vieux, des très vieux, en retraite depuis des lustres, arpenter le boulevard en veste, chemise et cravate. On les imagine levés dès potron-minet, mi-insomnie, mi-réflexe de toute une vie travailleuse, devant la glace, à faire le nœud qui couronne le temps de se faire beau. Ils ne sont pas au bureau ; ils ne vont pas à une cérémonie. Il ne s'agit que d'aller faire une course ou de boire un café en terrasse. Les mises révèlent parfois la modestie de la condition sociale. Ils furent ouvriers, petits employés, ou travaillaient dans les services. Ils sont maintenant libres de faire ce que bon leur semble.  Alors, pourquoi se compliquer la vie ?

    Sans doute par souci de vérifier que le geste reste sûr ; par désir de tenue : la raideur de l'accessoire accompagne le port du corps entier et la cravate est une colonne vertébrale symbolique, la négation du dos voûté ; par coquetterie sociale, et la mise au rencart professionnel est balayée en une aisance à porter beau.

    Ces vieux à la cravate paraîtront surannés et guindés à une époque qui veut se la jouer cool. Ils ne connaissent pas le friday free. Pour eux, chaque jour est un dimanche où l'on se doit à soi-même, pour ne pas céder au découragement, à la fatigue ou à la maladie.

    Ils ne bataillent contre personne mais leur silhouette, souvent sèche (simple donnée empirique : ce sont plutôt des triques que des replets), s'échine à ne pas renoncer. Pour la beauté du style.

    Ils sont magnifiques.

  • La gauche libérale (IV) : le vote

    La gauche libérale se préoccupe beaucoup depuis son retour aux affaires des questions électorales, et pour être plus précis, du corps électoral, de sa constitution, de son évolution, et pour être clair : de sa transformation pour qu'il puisse au moins pour un temps lui être favorable.

    Elle a d'abord envisagé d'accorder aux étrangers extra-communautaires le droit de vote aux élections locales. Mais, elle y a renoncé, sentant que l'affaire n'était pas jouée et que l'opinion n'était pas prête (comme on dit, pour ne pas traiter la dite opinion d'idiote). Puis, cette semaine, une inutile gouvernementale a lancé l'idée du droit de vote à 16 ans.

    Il y a évidemment un rapport étroit entre ces deux méthodes d'élargissement, même si on essaie de les dissimuler. Dans le premier cas, il s'agissait de s'assurer le vote des immigrés dans l'espace communal, notamment dans la périphérie des grandes villes, là d'où, comme le rappelle Christophe Guilluy le souligne, les classes moyennes ont fui pour que ces territoires deviennent des espaces communautaires (1). L'objectif était d'entériner ce que d'aucuns ont souligné depuis longtemps : l'abandon de la classe ouvrière par la gauche, le calcul d'un moindre intérêt des classes populaires d'origine européenne au profit d'une montée démographique des populations immigrés africaines. Mais ce n'était que l'effet le plus immédiatement visible d'un électoralisme nauséabond qui cachait une idée bien plus fallacieuse. En découplant le principe du vote avec celui de la nationalité (2), le but est aussi d'invalider le principe de la nation et de lui substituer une logique du local dont on sait qu'elle est, sous couvert de générosité, de responsabilité et de participation, une des nouvelles formes administratives des nouveaux principes managériaux analysés par Boltanski et Chiappello (3). Or, la nation, et l'inscription des individus dans le territoire, commence par cette problématique du local, de l'espace restreint. En autorisant des personnes à voter ici, tout en étant d'ailleurs, on vide le contenu de l'ici pour en faire un ailleurs perpétuel, c'est-à-dire un espace déterritorialisé. Cette déterritorialisation est un des fondements du libéralisme dans sa forme ultime : soit rendre les individus orphelins du lieu auquel ils étaient attachés (et c'est la forme : faites cinq cents kilomètres ou plus pour trouver du boulot, délocalisez-vous...), soit rendre les individus schizophrènes d'une double appartenance politique qui finira par les destituer de toute légitimité où qu'ils soient.

    C'est par ce biais que l'on voit la gauche libérale œuvrée sournoisement pour que nul ne s'y retrouve et soit livré en pâture au diktat du marché qui souhaite ardemment que les gens soient et mobiles, et coupés de toute structure cohérente. Car il est faux de penser qu'une telle décision faciliterait les ententes entre les personnes venues d'horizons différents. La question de la légitimité des uns et des autres serait posée et ne pourrait que renforcer les raideurs communautaires, voire les ghettos. Mais les ghettos sont-ils un problème pour l'épanouissement du libéralisme intégral ? Les exemples anglais ou américains montrent que non. On peut s'accommoder d'un tel délitement national. Il y a même à parier que la ghettoïsation se combine très bien avec une démarche commerciale multipliant les cibles et les niches. On rétorquera qu'il est fort curieux que la droite s'offusque d'un tel projet, y compris les plus libéraux. Foutaise électorale pour se donner bonne conscience car il est certain qu'un tel projet voté ne serait plus remis en question.

    L'incertitude nationale (4) est une nécessité pour la donne mondialisée. Il faut donc que les individus puissent ne plus se sentir chez eux, ou qu'ils ne puissent pas se sentir tout à fait chez eux, même quand ils sont dans un endroit depuis longtemps. Le droit de vote aux étrangers, c'est une incitation à ne pas se poser la question pour ceux qui en bénéficieront du devenir français. C'est couper tout chemin vers l'interrogation sur soi et le désir d'appartenance. On ne s'étonnera donc pas que parmi les plus réticents, on trouve des étrangers eux-mêmes (5). En fait, il ne faut pas que chacun s'interroge sur sa place et sur la volonté de s'inscrire dans le lieu : il faut lui donner l'illusion du droit, qui masque et neutralise la volonté, comme acte individuel. De ce point de vue, l'individualisme libéral ne repose absolument pas sur une émancipation de la personne mais sur l'incitation à sa participation au jeu du marché, le marché étant compris comme l'espace unique de l'existence. Faire que nous puissions, selon le gré de nos pérégrinations, voter ici ou là, c'est-à-dire ne s'attacher nulle part ferait le bonheur ultime du rêveur libéral.

    Mais, répétons-le, cette option semble pour l'heure au placard. Pas assez sûre... Est donc venu à l'esprit embrumé de Madame Bertinotti, ministre de la Famille (?), l'idée du droit de vote à 16 ans. On pourrait là encore, selon des logiques démographiques implacables s'appliquant dans certaines banlieues, montrer qu'il s'agit de récupérer des voix. À défaut d'avoir celles des pères, ils auront celles des fils et des mairies seront sauvées. Cette analyse se fonde de toute évidence sur l'idée qu'une partie de l'électorat, en fonction des origines géographiques et confessionnelles par exemple, représente un vivier de voix non négligeable. L'enquête d'OpinionWay, à la suite des présidentielles, montrant le vote massif des musulmans en faveur de Hollande n'est pas sans conséquence. L'objectif est donc bien de pérenniser un avantage, certain ou supposé, et d'envisager de facto une partie de la population comme un électorat captif dont la gauche libérale au pouvoir serait la grande bénéficiaire. On appréciera ce qu'un tel calcul porte en lui de mépris pour ceux que des propositions prétendument modernes cherchent à flatter...

    Ce ne sont pas tant ces arguties électoralistes qui désolent que l'aveu du marchandage citoyen derrière tout cela. L'indigence politique de la jeunesse française, son ignorance crasse des réalités intellectuelles structurant la réflexion politique sont les premières bornes qui rendent un tel projet absurde, quasiment kafkaïen. Alors même que l'on ne cesse de materner une jeunesse inquiète, qu'on ne cesse d'infantiliser des lycéens et des étudiants dans la perspective d'une adulescence qui n'en finit pas, on vient nous chanter l'air de la responsabilité électorale, du droit à l'expression et à la décision. Je n'ai pas souvenir d'une démagogie aussi faramineuse. À ce titre, madame Bertinotti mérite le respect : elle a placé la barre très haut. Au delà de sa petite personne, il y a la révélation d'une transformation même du vote. Vidé en partie de son contenu depuis l'affaire du référendum de 2005, le droit de vote devient une variable marchande d'un deal où le jeune se métamorphose en prescripteur impénitent. Il l'était déjà sur le plan commercial. Il devient l'acteur de son devenir pas encore advenu. Il a le droit et le droit fait tout. Le droit de vote à 16 ans, c'est une dilution supplémentaire du pouvoir électoral. C'est le triomphe de ceux qui n'ont pas (encore) à rendre compte pour le profit de ceux, élus, qui ne rendent que fort peu de compte.

    L'inutilité de l'apparat démocratique s'affiche par cette dernière plaisanterie funeste. Il s'agit de liquider la démocratie, en ne lui accordant qu'un vil prix. Le vote à 16 ans, c'est le plat de lentilles d'un pouvoir social-libéral qui joue les liquidateurs. Ce n'est pas un gadget mais une œuvre de longue haleine tendant à nous rendre étrangers à nous-mêmes, à nous rendre tous, quelle que soit notre nationalité, étrangers aux droits qu'on nous laisse en les ayant vidés de leur effectivité.

    Tout cela révèle un mépris profond de ce pouvoir pour ceux qu'ils sont censés gouverner. Mépris pour les citoyens de plein droit dont on estime, évalue la rentabilité électorale ; mépris pour les étrangers qui ne sont là que comme variable d'ajustement des réélections futures, d'un jeu de chaises musicales qui cachent de plus en plus mal la réalité d'un espace politique sans consistance, sans pouvoir, quand la classe politique vit bien, et même très bien...

    (1)Prenons pour preuve l'exemple de Pantin, ville de plus de 50 000 habitants où il n'est plus possible aujourd'hui de trouver la moindre boucherie qui ne soit pas halal. Les petits vieux n'ont qu'à prendre le bus et se bouger pour acheter leur côte de porc. Une mienne connaissance, un peu cynique et libérale, commente elle de la manière suivante le problème : c'est la loi de l'offre et de la demande. Voilà qui a le mérite d'être clair : le communautarisme est un marché...

    (2)Pour ne laisser la moindre ambiguïté sur le sujet, précisons de suite que je suis contre le droit de vote des européens communautaires. La question ne porte nullement sur l'origine des individus mais sur la reconnaissance du lien national avec le droit à l'expression politique. Et pour faire bonne mesure, c'est selon le même principe que je n'ai jamais compris le sens de la double nationalité, qui permet à certains de pouvoir à la fois dedans et dehors. La nation est inclusive, et dans une certaine mesure, exclusive. Je conçois que l'on ne soit absolument pas d'accord avec cette position intransigeante. Mais, en ce cas, il serait bon que ceux qui ne veulent plus des nations le disent, et clairement, ce qui n'est jamais le cas (sinon les comiques de l'extrême-gauche...)

    (3)Christiant Boltanski et Ève Chiappello, Le Nouvel Esprit du capitalisme.

    (4)Lequel national n'a absolument rien à voir avec le nationalisme étroit de l'extrême-droite, à moins que l'adjectif national soit une tache, comme l'est devenu le mot populiste.

    (5)Comme on trouvait des homosexuels attérés devant le spectacle du mariage pour tous.