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islam

  • La croisée des chemins

    Hier un homme a été tué. Un vieil homme. Il a été martyrisé. Non pas parce qu'il était français, non parce qu'il était un citoyen, mais parce qu'il était catholique. Sa qualité de prêtre accroît pour certains l'indignation ; c'est néanmoins faire de l'habit un faux argument pour évacuer le sens profond de cette abomination. J'aimerais qu'on entende bien en le disant ce que signifie cette phrase : un homme est mort parce qu'il était catholique. Qu'on la dise avec la même intensité que lorsqu'on rappelle qu'un homme est parce qu'il était juif, par exemple. Ainsi articulée, avec la lenteur qu'elle requiert pour chacun des termes qui la composent, on mesure toute la portée de ce qui se trame. L'ennemi profond des islamistes, c'est le christianisme, et plus particulièrement le catholicisme. Il l'est depuis la nuit des temps théologiques. Si l'on ne veut pas entendre toute la portée de cette menace, nous disparaîtrons ou nous serons réduits à l'esclavage. L'Autre, si cher à Lévinas, mais d'abord au message évangélique, sera éradiqué, comme l'ont été les chrétiens d'Orient et du Maghreb (essayez d'être chrétien en Algérie...).

    Mais il ne suffisait pas que le crime se fasse à l'autel, il fallait que la victime soit salie post-mortem. La république maçonnique qui nous gouverne, dont la haine pour le prêtre, est une des pensées majeures, encourageant la déchristianisation de la France, la déshistoricisation de sa population, réduisant notre passé à deux siècles de marchandages, d'obscurantisme positiviste (1), celui-ci a osé, hier soir, par la voix de son maître, affirmer que ce crime, c'était "profaner la République". Profaner ? Comment cela se peut-il ? Qu'y a-t-il de sacré dans ce régime dont l'histoire est un tissu d'inepties, une collection d'ignominies et un tableau de racailles corrompues (2) ? Où y a-t-il une quelconque spiritualité dans le jeu des pouvoirs et d'un régime qu'un profiteur éhonté dont se réclame l'actuel thuriféraire en chef qualifia de coup d'état permanent ? Comment le mépris du peuple par des gens de peu pourrait-il être sacré ? Si, au moins, à défaut de miracles, on avait au sommet de l'état Marc-Aurèle ou Cincinnatus, nous aurions moins de dégoût. Mais ce n'est pas le cas.

    On sent bien la gêne et les tentatives pour déminer le terrain. Mais ce ne sont que de piètres dialecticiens et Valls fait un aveu indirect quand il dit craindre une guerre de religions. Comment est-ce possible dans une République laïque que, paraît-il, le monde entier nous envie sans que nul ne veuille en faire le fondement de sa pensée politique ? Il est vrai que la laïcité en question a d'abord été une arme pour détruire l'église catholique et si elle avait mis autant de zèle à mater ces trente dernières années les exigences politiques de l'islam qu'elle en a mis pour pétrifier la pourpre cardinalice, nous n'en serions sans doute pas là.

    Ceux qui pensent que le chapelet des valeurs républicaines impressionne des engagés qui placent Dieu hors de tout sont des idiots, des fous dangereux. On n'oppose pas à une revendication politique confondue avec des appuis spirituels (dont je ne discute pas ici la pertinence. Ce qui prime, c'est la logique combinatoire) des principes matérialistes et bassement juridiques par lesquels nous nous affaiblissons terriblement (3). Après le Bataclan, le leitmotiv était superbe : "nous retournerons au concert et nous siroterons à nouveau en terrasse." Voilà  de quoi durcir la démocratie, politiser les foules et rendre spirituels le troupeau d'abrutis festifs qui rythment leurs existences avec Facebook, Instagram, Pokemon-Go, les Nuits sonores, Harry Potter, les rails de coke, Adopteunmec et j'en passe, dont le rapport au monde n'excède pas le temps de leur propre mémoire, et qui disent ce qu'ils pensent avec d'autant plus de facilité qu'ils ne pensent rien.

    Nous ne pourrons éternellement nous aveugler, en réduisant la spiritualité à un choix consumériste et prétendument démocratique, où le religieux est soit une grossièreté, soit un paramètre de l'expression individuelle : aujourd'hui bouddhiste, parce que c'est tendance, comme le tatouage, demain animiste, après-demain macrobio ou je ne sais quoi, au gré de l'influence des gens qui comptent ou des progrès de la science qui anéantit l'homme par le biais de la bio-politique (4).

    Il y a un siècle et un peu plus, à des titres divers, Bloy, Barrès, Huysmans, Proust ou Péguy sentaient le gouffre d'un abandon pluri-séculaire. Mais sans doute est-ce déjà Chateaubriand, à la fin des Mémoires, qui sonnait avec ardeur le tocsin, ce cher Chateaubriand dans la prose duquel, pour l'heure, je me réfugie. Voici ce qu'il écrit, dans le quatrième tome de son œuvre majeure. Le chapitre s'intitule "L'idée chrétienne est l'avenir du monde".

     

     

    "En définitive, mes investigations m'amènent à conclure que l'ancienne société s'enfonce sous elle, qu'il est impossible à quiconque n'est pas chrétien de comprendre la société future poursuivant son cours et satisfaisant à la fois ou l'idée purement républicaine ou l'idée monarchique modifiée. Dans toutes les hypothèses, les améliorations que vous désirez, vous ne les pouvez tirer que de l'Evangile.

    Au fond des combinaisons des sectaires actuels, c'est toujours le plagiat, la parodie de l'Evangile, toujours le principe apostolique qu'on retrouve: ce principe est tellement ancré en nous, que nous en usons comme nous appartenant; nous nous le présumons naturel, quoiqu'il ne nous le soit pas; il nous est venu de notre ancienne foi, à prendre celle-ci à deux ou trois degrés d'ascendance au-dessus de nous. Tel esprit indépendant qui s'occupe du perfectionnement de ses semblables n'y aurait jamais pensé si le droit des peuples n'avait été posé par le Fils de l'homme. Tout acte de philanthropie auquel nous nous livrons, tout système que nous rêvons dans l'intérêt de l'humanité, n'est que l'idée chrétienne retournée, changée de nom et trop souvent défigurée: c'est toujours le Verbe qui se fait chair !

     Voulez-vous que l'idée chrétienne ne soit que l'idée humaine en progression ? J'y consens; mais ouvrez les diverses cosmogonies, vous apprendrez qu'un christianisme traditionnel a devancé sur la terre le christianisme révélé. Si le Messie n'était pas venu, et qu'il n'eût point parlé, comme il le dit de lui-même, l'idée n'aurait pas été dégagée, les vérités seraient restées confuses, telles qu'on les entrevoit dans les écrits des anciens. C'est donc, de quelque façon que vous l'interprétiez, du révélateur ou du Christ que vous tenez tout; c'est du Sauveur, Salvator, du Consolateur, paracletus, qu'il nous faut toujours partir; c'est de lui que vous avez reçu les germes de la civilisation et de la philosophie.

    Vous voyez donc que je ne trouve de solution à l'avenir que dans le christianisme et dans le christianisme catholique; la religion du Verbe est la manifestation de la vérité, comme la création est la visibilité de Dieu. Je ne prétends pas qu'une rénovation générale ait absolument lieu, car j'admets que des peuples entiers soient voués à la destruction; j'admets aussi que la foi se dessèche en certains pays: mais s'il en reste un seul grain, s'il tombe sur un peu de terre, ne fût-ce que dans les débris d'un vase, ce grain lèvera, et une seconde incarnation de l'esprit catholique ranimera la société.

    Le christianisme est l'appréciation la plus philosophique et la plus rationnelle de Dieu et de la création; il renferme les trois grandes lois de l'univers, la loi divine, la loi morale, la loi politique: la lois divine, unité de Dieu en trois essences; la loi morale, charité; la loi politique, c'est-à-dire la liberté, l'égalité, la fraternité.

    Les deux premiers principes sont développés; le troisième, la loi politique, n'a point reçu ses compléments, parce qu'il ne pouvait fleurir tandis que la croyance intelligente de l'être infini et la morale universelle n'étaient pas solidement établies. Or, le christianisme eut d'abord à déblayer les absurdités et les abominations dont l'idolâtrie et l'esclavage avaient encombré le genre humain."

     

     

    (1)Je renvoie par exemple au clip de campagne de l'anaphorique présidence pour qui tout commence à la Révolution, à ce moment béni où l'on massacra justement des prêtres...

    (2)Le lecteur aura le loisir de se pencher sur ce que furent les scandales, les compromissions et les basses œuvres du pouvoir depuis 1870. L'exemplarité républicaine à l'aune des III et IVe versions, voilà bien une sinistre escroquerie.

    (3)C'est la ligne de conduite de l'insuffisance présidentielle : ne pas sortir des valeurs de liberté dont nous serions les porteurs universels. Dès lors, pourquoi un état d'urgence ? Pourquoi jouer sur les mots, quand l'état d'exception est, depuis longtemps, la règle, au profit exclusif d'intérêts privés et commerciaux ? Mais je doute fort que l'énarchie au pouvoir ait lu Carl Schmitt, et moins encore Giorgio Agamben.

    Quant à un exemple de faiblesse, sur le plan juridique : une preuve grandiose. La condamnation de la Norvège dans le procès que Breijvik a mené contre ce pays, pour traitement inhumain. Il est certain que c'est inadmissible de vouloir brusquer un individu qui pratique la tuerie collective et le salut hitlérien !

    (4)Dont Foucault (quel paradoxe !) esquissa l'horreur. Mais depuis, il y a mieux à lire : Giorgio Agamben ou Céline Lafontaine., par exemple.

  • La leçon turque

    Erdogan a failli se faire renverser par un coup d'état. Le putsch militaire a échoué. L'inspiration kémaliste des opposants, devant le projet islamiste du président derrière lequel se cache un dictateur classique tel que sait en produire à la pelle la politique qui n'a que le Coran comme finalité, a été balayée, à la fois dans le pays, et dans les jugements qui ont été portés par les puissances spectatrices.

    L'Amérique d'Obama s'est empressée d'apporter son soutien au menacé. Oui, Obama, celui qui devait changer le monde, celui dont l'élection fit pleurer des journalistes ignares et des citoyens imbéciles, celui dont le bilan est désastreux, si l'on considère la situation de violence et de pauvreté qui sévit dans les classes les plus populaires de ce pays, à commencer par celles qui vivent dans les ghettos, cet Obama-là, dont il ne fallait pas être grand clerc pour estimer qu'il ne ferait rien d'autre que suivre la ligne américaine définie ailleurs que dans le bureau ovale, a défendu Erdogan. L'Europe a emboîté le pas, et dans l'Europe, les islamo-gauchistes au pouvoir ont évidemment payer leur écot. L'insuffisance présidentielle a applaudi des deux mains à la sauvegarde de la démocratie turque. Et depuis que le sieur Erdogan fait régner la terreur sous prétexte d'une reprise en main, emprisonnant, mettant à pieds, limogeant à tour de bras, c'est le silence radio. La possible élection d'un candidat d'extrême-droite en Autriche les émouvait davantage.

    Nul doute que pour les temps à venir, ils nous resserviront, pour la politique intérieure, le péril brun, la menace lepéniste et leur litanie sur le fascisme qui ne doit pas passer. Sauf s'il est vert. Et puisqu'on parle des Verts, rappelons qu'un cadre de EELV, Jean-Sébastien Herpin, après la tuerie d'Orlando, revendiquée par l'EI : "la différence entre La Manif pour tous et #Orlando ? Le passage à l'acte". On appréciera à sa juste valeur intellectuelle le parallèle entre des manifestants pacifistes, dont tous n'étaient d'ailleurs des catholiques, mais qu'on réduisit souvent à des cathos fachos intégristes, et les terroristes de l'EI. Quand la haine des curés atteint ce degré, il n'y a plus rien à espérer. Mais cet épisode n'est pas, loin s'en faut, une gaffe individuelle. La police fut autrement zélée avec ces manifestants-là et les veilleurs qui leur étaient affiliés qu'avec les imams salafistes et les radicaux du Croissant. Leur couardise devant la montée de l'islamisme est leur fond de commerce.

    Ce terreau-là sert donc à défendre Erdogan et à vouer aux gémonies Marine Le Pen. C'est, en quelque sorte, un anti-fascisme  (ou prétendu tel) à géométrie variable. Cette leçon me suffit pour savoir ce que je dois faire et qui je dois craindre. Il y a peu, c'était en 2012, Valls nous servait la version du loup solitaire et Merah était un "enfant perdu de la République". Le même nous sort aujourd'hui des fiches S par milliers. Mais il ne faudrait surtout pas faire d'amalgame, c'est-à-dire ne pas placer le débat sur le plan politique, surtout pas. Sauf pour les cathos.

    Pour finir sur une note turque, revenons à ce que disait Erdogan en 1996 : « Les minarets seront nos baïonnettes, les coupoles nos casques, les mosquées seront nos casernes et les croyants seront nos soldats. » C'est le même que Hollande and co protègent. Dont acte.

  • L'Ignominie

    Aux idéologues et aux béats du "vivre ensemble", il faudrait demander qu'ils viennent, les yeux dans les yeux, s'expliquer devant ceux qui vont devoir "vivre avec", avec leurs morts, leurs blessés, leurs terrorisés, blessés et terrorisés eux-mêmes. Quand on a l'humanité en étendard et les bons sentiments perpétuellement à la bouche, cela ne devrait pas être difficile.

    En attendant, je suppose qu'ils se féliciteront de la visite présidentielle à la Grande Mosquée en ces temps de commémoration. Il est vrai que les musulmans ont beaucoup souffert en 2015. Douze morts dans les murs de Charlie-Hebdo, plus de cent trente dans les rues parisiennes. Ils méritaient bien d'être réconfortés. 

    Mais ce n'est pas ce qu'on attend. Pas du thé et des loukoums. Seulement une relecture sérieuse et sans appel du texte sur lequel d'autres musulmans s'appuient pour assassiner, torturer, asservir, violer, méprise. Parce qu'il faut le dire une fois pour toutes : nul ne peut, à commencer par les autorités religieuses, s'arroger le droit de contester leur foi, quand cette foi et ces actes se fondent, comme le fait l'État Islamique, sur des sourates dont ils ne modifient pas une ligne, pas un mot.

    Tant que cela n'aura pas été fait, la visite présidentielle est une insulte aux morts et à l'intelligence...

  • Petite frappe élyséenne

    Posons qu'il y a un inconscient politique, comme il y a l'inconscient collectif analysé par Maurice Halbwachs. Ce non-dit, cet implicite en colonne vertébrale de la pensée. Plus encore : son fonds, sa substance (à défaut d'être une substantifique moëlle...).

    J'écoute le discours présidentiel. Je m'impose ce pensum. Passons sur l'orateur pénible qui bute sur les mots, dont la voix ne sait pas dramatiser la parole, chez qui rien n'est profond. J'écoute et lorsqu'il en a fini j'entends terriblement ce que je n'ai pas, justement, entendu. Pas une seule fois le mot "islamique", et pour faire bonne mesure il parle de daesh pour ne pas dire "état islamique". Tout se réduit donc à une problématique de groupe armée dont les agissements relèvent du droit commun. Rien d'idéologique en somme. Cette redoutable omission n'en est pas une. C'est d'abord un aveu, une prise dans le sac de la sémantique, car si "islamique" apparaît, alors il faut bien comprendre que le nœud est là, le nœud gordien qu'il faut trancher. Mais comment faire quand l'islamo-gauchisme dont l'élyséen est l'émanation a inventé l'islamisme modéré, l'islamiste modéré, ou l'islamo-conservateur comme Erdogan en Turquie ? Comment s'y prendre pour ne pas alors avouer ce qu'on a été depuis longtemps ? Nous étions nombreux depuis longtemps à nous interroger sur cet étrange attelage, mais on nous faisait le procès en sorcellerie : nous faisions un amalgame, comme des punaises vicieuses, comme d'immondes xénophobes, islamophobes et j'en passe. Quel amalgame ? Alors même que nous faisions, nous, la distinction du musulman et de l'islamiste. Islamiste modéré... Peut-on dire "fasciste modéré" ? Et pour tomber dans l'abject "nazi modéré" ? On comprend, par l'absurde, un absurde cruel, l'abjection qui se cache.

    J'ai écouté et retenu qu'il n'y as pas de guerre de civilisation (ce que le matignonnesque Catalan avançait pourtant la veille). Exit les "croisés" et les sourates cités dans la revendication de l'État islamique. Un simple habillage rhétorique sans doute. 

    Ne pas nommer l'ennemi renvoient à trois raisons possibles. Ne pas le connaître. En avoir peur. Avoir des complaisances.

    Je laisse à chacun le choix. Les lecteurs de ce blog savent ce que j'en pense. C'est très secondaire, parce que je sens, j'entends ici et là que le jeu sur les mots ne prend plus, que la tromperie a atteint ses limites et j'en veux pour preuve ce sidérant texte de Magyd Cherfi, le chanteur de Zebda, paru dans ce torchon qu'est Libération. J'en extrais un paragraphe :

    "Des jours comme ça où on mesure l’état de droit, la liberté, le combat pour la laïcité qu’elle que soit sa maladresse. D’assumer les débats foireux de l’identité nationale, de dire oui à la France quelle qu’elle soit, de tout assumer, Pétain et Jean Moulin, le lâche et le héros, l’orfèvre et le bourrin, l’étroit comme l’iconoclaste ? Des jours où Finkielkraut est un enfant de cœur, où le front national n’est qu’un adversaire de jeu."

    Je ne commente pas le lyrisme. Je constate seulement qu'on laisse paraître. 

    En attendant, on peut jouer avec nos mirages dans le désert. La métaphore est trop parlante pour qu'il soit nécessaire de la commenter...

  • Orientation d'un inculte

    La semaine passée, sur I-télé, le hasard (s'il existe) m'offre l'occasion d'écouter un débat "d'éditorialistes". Une sorte d'affrontement gauche-droite, aussi factice dans le milieu des journaleux qu'il l'est dans le milieu politique (1). Et le hasard se combinait avec la chance puisque l'un des deux artistes était Laurent Joffrin. Celui-ci sévit dans le paysage médiatique français depuis trente ans. Il en est un des représentants les plus superfétatoires. Baudruche gauchiste dans le sociétal et libéral éclairé au niveau économique. Rien que du classique.

    Comme tous les gauchos patentés, sa signature, à défaut de l'intelligence, est l'indignation. Signature qui, au passage, est une exclusive : un homme de droite, ou pire : d'extrême-droite, en est sui generis privé. L'indignation est le point de Godwin de ces gens-là, leur structuration mentale par quoi tout passe, en bouillie ou en purée. Pour le coup, Joffrin était indigné. La question portait sur l'appel de Denis Tillinac concernant la préservation des églises françaises, appel paru dans Valeurs actuelles. Pour les lecteurs de ce blog qui ne seraient pas au courant, voici l'affaire.

    Il y a quelques semaines, le président du CFCM, le si modéré (?) Dalil Boubakeur, accessoirement recteur de la mosquée de Paris, proposait de récupérer les églises abandonnées pour combler le déficit de mosquées. En clair, ce qu'on appellera non une transformation mais une conversion du lieu. Celui-ci, devant un certain nombre d'indignations, a rectifié le tir en disant qu'il s'était mal exprimé. On ne glosera pas plus avant sur cet essai malicieux pour tâter le terrain d'une possible islamisation du territoire à travers ses lieux symboliques, lesquels ont donné à la France une identité architecturale, intellectuelle et morale que les islamo-gauchistes et les francs-maçons s'ingénient à nier, selon une démarche révisionniste ahurissante.

    Devant cette inquiétante tentative de radicalisation (2), l'écrivain Denis Tillinac a donc lancé son appel. Et Joffrin évidemment de crier à l'intox, au faux débat, au détournement. Tout cela .organisé par des hommes (et des femmes) d'extrême-droite : il suffit de nommer l'écrivain Jean Raspail pour que le tour soit joué. Ce ramassis de réac fachos n'ont rien compris et ils épousent, peu ou prou, la ligne incarnée par une lepénisation des esprits. Denis Tillinac, dont j'avais déjà défendu la position sur ce blog, est encore une fois cloué au pilori. La parole de Boubakeur n'est pas à prendre au premier degré ; celle de Tillinac si. Le propos de Joffrin n'aurait rien de particulier et ne mériterait pas qu'on s'y arrête si cet idiot, ivre de sa bêtise, ne se donnait pas le droit d'être spirituel. Il explique alors que beaucoup des églises sont dans un axe est-ouest, tournées vers l'Orient, vers Jérusalem. Dès lors, Jérusalem ou La Mecque, c'est un peu la même chose. Sublime, forcément sublime, pour plagier la bonne Marguerite Duras...

    Ces considérations sont du même tonneau que celles de Boubakeur, pour qui l'islam et le christianisme sont des cultes voisins ! Balancées avec la présomption de l'inculte (nul sur le plateau ne rectifie), elles procèdent par amalgame (mot à la mode) et sont le fruit d'une ignorance crasse. Si le petit Joffrin avait un tant soit peu de culture, il saurait

    -que l'orientation (qui vient effectivement du mot orient) est-ouest est un classique architecturale ; que sa pratique se retrouve dans d'innombrables civilisations. Cela établit le rapport très ancien de l'homme à la nature, et notamment au soleil. Le porche du Temple de Salomon était déjà tourné vers l'est, ainsi que le précise Ezéchiel. La question de Jérusalem, qui n'est d'ailleurs pas l'est universel, selon la latitude où nous nous trouvons, est ridicule. Elle ne fonde pas l'édification des églises occidentales.

    -que la thématique de la lumière organise effectivement l'orientation des édifices chrétiens répond aussi à une symbolique déterminée par la figure même du Christ, "soleil de justice". Il est "la lumière du monde", ainsi que l'écrit Jean. L'architecture est donc le relais d'un discours spirituel et théologique spécifique à la chrétienté.

    De cela, Joffrin, en bon renégat de la culture millénaire qui a bâti l'Europe, fait des raccourcis à seule fin de nier une réalité historique et intellectuelle à laquelle ses accointances islamo-gauchistes voue une haine sans bornes.

    Peut-être n'aurais-je pas signé l'appel de Denis Tillinac (la pétition n'est pas mon fort), mais la bêtise mortifère de Joffrin ajoutée aux souvenirs littéraires des inquiétudes, il y a un siècle, de Proust et de Barrès, devant la ruine des églises, m'ont incité à le faire...

    (1)Si l'on veut comprendre rapidement cette identité sous la fausse garde des débats dits contradictoires, il suffit de regarder quelquefois les deux chaînes d'infos en  continu : BFM et I-télé. La première est vaguement de droite, l'autre vaguement de gauche. Mais dans les limites très étroites d'une doxa européenne et libérale qui les fait se ressembler comme des sœurs jumelles. Ceux qui y voient des différences imaginent donc que Ruth Elkrief et Laurence Ferrari pensent. Fichtre !

    (2)Radicalisation, en effet, parce que le sieur Boubakeur est fort silencieux quand il s'agit de défendre les chrétiens d'orient, et plus encore les chrétiens d'Algérie, lesquels sont persécutés au milieu d'un silence condamnable.

    (3)Il dirige Libération. Que dire de plus ?

     

     

     

  • Dimanche...

     

    Ce dimanche, j'irai à la paroisse de mon quartier, à la messe. Il ne peut en être autrement. Nonobstant la question de ma catholicité, j'irai en ce lieu pour la raison diamétralement opposée à ce qui m'a fait rester chez moi quand le pékin se rachetait une (bonne) conscience en bêlant avec Hollande et la clique : je suis Charlie. Parce que ce n'est pas un acte spectaculaire, parce que ce n'est pas la promenade du dimanche, parce qu'il n'y a pas de selfie à la clé, parce que j'y serai à la fois seul et en communion.

    Il est philistin de vouloir déconnecter (pour parler dans le vent) la tentative avortée contre deux églises de Villejuif et la croisade lancée par Daesh contre les chrétiens d'Orient. C'est le même souci d'extermination : on appelle cela la guerre. Et plutôt que de ne rien faire et de se lamenter, entrer dans une église ne sera rien d'autre que de reprendre la filiation d'une culture chrétienne qui a fait, n'en déplaise aux islamo-gauchistes (1), le paysage et l'âme de l'Europe occidentale. Ce sera condenser en un acte politique et de civilisation la profondeur intime que j'ai trouvé depuis toujours dans la grandeur inachevée de Beauvais ou de Sienne, dans la modestie de Valcabrère ou de Planès, dans la sévérité douce de Conques ou de Vézelay, dans l'émerveillement des Scrovegni ou de la chapelle Contarelli. Encore faudrait-il parler de la peinture (de Giotto au Caravage...) ou de la littérature (Chateaubriand, Bloy, Claudel, évidemment...)...

    Un certain cynisme politique effleure l'esprit, se disant que l'attentat mené à son terme, des morts dans un lieu de prière, tout cela eût permis de se compter et de laisser tomber les masques. Mais il y a déjà une morte et cela suffit. La barbarie qui veut s'installer parmi nous n'a pas besoin de démonstration superflue. C'est la conscience de ce qui se trame qui doit prévaloir.

    J'irai à l'église dimanche, en pensant à Proust et à Barrès, s'alarmant l'un et l'autre du délabrement de l'héritage. Mais cette complainte est bien lointaine car aujourd'hui la question n'est plus de sauver les pierres mais de sauver ce qui fait notre sel, notre pensée, notre liberté et notre âme. Et c'est bien de cette grandeur-là que veulent éradiquer les islamistes qui posent des bombes, tirent dans une salle de rédaction ici, massacrent, égorgent, exterminent là-bas...

     

    (1)Lesquels se trouvent aussi à droite, si on lorgne vers Juppé, pour qui le bon peuple de gauche, républicain et servile, votera dans deux ans, au second tour de la présidentielle...

  • Les collabos

     

    La misère terrible que représente le massacre de Charlie Hebdo : douleur humaine, désarroi émotionnel, effroi moral et colère politique, tout cela ne doit pas empêcher de regarder certaines réalités en face. Le chagrin n'est pas, ne peut pas être une façon d'être ou de penser.

    La disparition des dessinateurs du journal satirique n'est malheureusement qu'un élément de plus dans le désordre qui s'installe, et surtout : ces morts n'auront pas été sauvés par les politiques qui prétendent leur rendre hommage. Mais, au moins, cela a le mérite de clarifier certaines ambiguïtés.

    Je n'ai pas participé à la minute de silence demandée par le tartuffe élyséen. Non que je n'aie pas eu une pensée pour les disparus, mais je n'obéis pas aux injonctions des collabos, et la gauche française, à commencer par son leader charismatique, est une belle bande de collabos.

    Il est en effet abject de ne pas avoir entendu à une seule reprise, dans son intervention prétendument solennelle, le pitre kafkaïen parler de l'islamisme, de ne pas l'avoir à un seul moment, poser l'équation de la culture occidentale face à l'obscurantisme venu d'Orient. Pire, il venait de recevoir les représentants des cultes, et parmi eux le misérable Dalil Boubakeur, président du CFCM, et recteur de la Mosquée de Paris.

    Ce Dalil Boubakeur qui, avec l'UOIF, avait porté plainte contre Charlie Hebdo, au moment des caricatures, ce guignol qui agite le chiffon de l'islamophobie quand il se refuse à soutenir la libre expression française. Il est l'autorité qui n'a pas dit non aux terroristes. On ne transige pas avec la terreur, sauf si, dans le fond, on ne la condamne pas vraiment.

    C'est donc ce diabolique personnage qui reste en odeur de sainteté dans les milieux de la gauche maçonnique, laquelle n'a au fond qu'un ennemi : les catholiques, qui, paraît-il, menaçaient la République pendant les manifs anti-mariage pour tous.

    Il n'a pas lieu de s'en étonner. Depuis 1989 et la défausse de Jospin (vous savez, le nouveau sage du Conseil Constitutionnel) sur l'affaire du voile, la gauche est complice de l'islamisme rampant, du salafisme des quartiers et du discours toxique réduisant la Nation à une sorte de supermarché des différences. N'oublions jamais que Valls a d'abord défini Merah comme un enfant perdu de la République : la formule est tellement immonde qu'elle dépasse l'entendement.

    Hier, en entendant ces bonnes âmes de gauche faire, encore et encore, l'autruche, comme des collabos malins, j'ai pleuré, parce que j'ai eu l'impression que l'on tuait Cabu et les autres une deuxième fois. Ils continuaient dans leur logorrhée du vivre ensemble qui n'est qu'une forme dissimulée de la renonciation.

    Mais c'était hier, et aujourd'hui, ce fut encore pire. Le grand raoût républicain de dimanche permettra à Dalil Boubakeur et à ses complices de se refaire une virginité. Ils seront tous là, soumis, bêlant, immondes. Tous, sauf le FN, puisque, s'il faut les croire, le danger, c'est la grande blonde. N'est-ce pas magnifique ? Ces trois dernières années, pas un crime dans les rangs d'un parti à qui on demande toujours des comptes, pendant que les instances musulmanes se dédouanent d'un délitement dont ils sont les complices. Peu importe : leur cible, c'est Zemmour, Houellebecq, Le Pen. Le déni de la réalité prend de telles proportions qu'il y a de quoi devenir fou, parce que s'ils pensent vraiment ce qu'ils disent, il serait urgent d'emprisonner les deux premiers et d'interdire le parti de la troisième.

    Au moins, les choses sont claires : nous connaissons l'ennemi. Nous n'avons plus qu'à prendre nos responsabilités politiques...

  • Houellebecq, la faillite

    Les gauchos communautaristes et autres penseurs de Terra Nova, sans parler des humanistes à la petite semaine, n'ont vraiment pas de chance. On ne leur accorde aucun répit. La purulence s'étale et ils ne savent pas comment la stopper. Leur dernière affaire n'est pas de la moindre importance : il s'agit du livre de Houellebecq. Sinistre Houellebecq. Une sorte de Zemmour (1) mais en plus problématique. Il faut entendre l'idiote Nelly Kapriélan, des Inrocks, faire des contorsions de constipée afin de sauver le romancier pour comprendre que le terrain est miné.

    Il est vrai qu'avec Zemmour, l'histoire est plus simple. Outre que l'énergumène ferraille contre tous depuis longtemps, qu'il ne mâche pas ses mots sur les dérives communautaristes et la couardise des politiques, il s'en tient au strict cadre de la réflexion sociale et culturelle. Il argumente, comme on dirait dans les IUFM. À tort ou à raison. Il appartient à une ligne de pensée nationaliste, d'aucuns diront réactionnaires, et son style est celui de la plume polémique, une tradition très française que les imbéciles qui lui crachent  ou veulent ignorer, ou  veulent éteindre, ce qui est terrible, par un terrorisme intellectuel que mon demi-siècle d'existence n'avait encore jamais vu porter à ce point. Dans le fond, Zemmour est un sale con barrésien, voire un maurrassien pour certains (2). On peut vite le cataloguer ainsi et c'est bien aisé : cela permet de promouvoir les bien pensants en cour, d'Askolovitch à Fourrest...

    Mais Houellebecq ? Avant d'y venir, on fera un petit détour par une autre plume française, et non des moindres (3) : Richard Millet. En voilà un qu'on a voulu faire taire. Son livre sur Brejvik n'avait pas grand intérêt mais il a eu le droit aux crocs des chiens de garde, à commencer par la pitoyable Annie Ernaux, dont le style de collégienne et les récits égocentrés sont des plus belles preuves de l'effondrement littéraire hexagonal (4). En fait, et nonobstant le rôle dans lequel il s'est ensuite complu, Richard Millet avait une tare quasi génétique dans son art, et double même : il ne cherchait pas à faire moderne dans le style, et ses plus grandes œuvres renvoyaient à un univers perdu, dépeint sans nostalgie, avec toute la dureté nécessaire, mais aussi avec toute l'épaisseur du temps et des lieux, dans un souci (parce qu'il y avait effectivement souci, pour lui) de garder vivant ce qu'une postmodernité regarde comme ridicule, sale, abject, dépassé. Richard Millet est un anachronisme et il est traité comme tel. Il était donc facile, ou disons : assez cohérent, de le mettre au ban de la littérature, laquelle littérature devenait alors une bureaucratie liberticide et les écrivains qui ont suivi Ernaux des délateurs confus et obscènes...

    Seulement Houellebecq, ce n'est pas cela. Hélas non. Pour se faire une idée de l'écrivain, il faut revenir en 1993, quand il publie Extension du domaine de la lutte. Il est alors inconnu. Une mienne connaissance d'alors me recommande vivement ce petit roman. Le style en est quelconque, presque creux. On s'y ennuierait, d'une certaine manière, si l'on voulait chercher une musique, un phrasé. Rien de tout cela. En revanche, alors que les germanopratins et les nombrilistes de tous poils nous racontent par le menu leur vie d'auto-fiction, Houellebecq tranche dans le vif d'une réalité que l'univers littéraire refuse de voir alors (sinon chez un auteur comme François Bon), de même que les politiques, qui commencent leur belle désynchronisation avec le temps des quidams que nous sommes (5). Houellebecq, lui, cerne le cadre moyen, l'invisible, le banal. Il n'a même pas besoin de descendre dans les sentiers du lumpenprolétariat, à la manière d'un Jack London, pour cerner l'effondrement social, culturel et politique d'un territoire épuisé dans un siècle qui s'enfuit. Il a à peine besoin de romancer ce que sont l'ennui au travail, la récurrence des banalités, la porosité du professionnel dans l'intime. Cette extension du domaine de la lutte se concrétise justement dans ce prolongement infini, dans cette traque perpétuelle de la performance et dans le désordre engendré par l'impossibilité du héros à être entièrement dont la comptabilité privée serait à la hauteur de sa prétention sociale (6). Autant dire que la noirceur du roman est extrême, sans jamais tomber dans la caricature. 

    Ce sont les mêmes méthodes, certains se moqueront en disant que ce sont les mêmes ficelles, qui serviront à la suite de son entreprise romanesque dont le très décapant Plateforme, dans lequel l'auteur exporte, si l'on peut dire, le malaise occidental dans des terres exotiques. Mais peu importe le lieu, au fond, puisqu'il y a le rouleau compresseur d'une uniformisation à la fois déshumanisante, mercantile et épuisante. Dans La Carte et le Territoire, le jeu et les clins d'œil, la dimension un peu perecquienne de la trame n'enlèvent rien à la mélancolie quasi abyssale des existences contemporaines amenées à un point de vulnérabilté à force de s'imaginer dans la toute puissance. 

    Jusqu'alors Houellebecq est donc une sorte d'historiographe de l'occidental fin de siècle, lequel se promène entre narcissisme et effondrement, entre fuite en avant et recherche assez dérisoire de sa volonté d'agir, sur les autres et pour soi. Houellebecq participe donc, bon gré, mal gré, d'une critique du modèle occidental alimenté par ses folies usurpatrices et sa déraison de Prométhée bas de gamme. Quelles que soient ses outrances, il peut entrer dans les cases d'un mouvement contestataire qui ne sent pas la naphtaline du passé, qui ne pleurniche pas sur une ruralité merveilleuse, et autres sornettes que les penseurs de gauche au pouvoir (médiatique) aiment démolir sans nuance. 

    Dès lors, les voilà bien embarrassés devant le dernier opus de l'animal. Pour faire passer la pilule, il est temps de ressortir la filiation avec Huysmans, de peindre un Houellebecq hanté. Il est nécessaire de prendre ses distances.

    Quitte à cracher sur la littérature, à ne pas s'étonner que l'auteur vienne s'expliquer, qu'il assure qu'il n'y a pas de provocation envers les musulmans (7). On sent bien la gêne et la quadrature du cercle derrière : comment faire le procès d'un écrivain sans passer pour des staliniens ? Comment mettre en demeure la fiction de se taire quand la fiction déplaît aux islamo-gauchistes qui, depuis quarante ans, font la pluie et le beau temps, alors même que l'auteur fut, un temps, en odeur de sainteté ? Comment se plier à une demande larvée de censure, d'étouffement et de bannissement, sans que cela passe pour une reprise, à un autre niveau, de l'affaire Zemmour ?

    La vérité est cruelle et les masques tombent. Il s'avère de plus en plus que l'aune de toute discussion politique mais aussi philosophique, ou culturelle, ou littéraire désormais, c'est l'islam. Ce n'est plus un sujet, mais un tabou, et comme tout tabou, c'est lui qui dicte sa loi. Et à ce sinistre jeu-là, Houellebecq finit par être pire que ses opposants. Le livre n'est pas encore sorti qu'il précise qu'il n'y a chez lui aucune provocation, comme le risque était trop grand et qu'il fallait illico presto remiser la littérature au rang des colifichets, des bibelots sans importance. Il n'a de cesse que de s'expliquer, comme si la littérature qu'il offre, comme si la fiction qu'il bâtit, toute cette œuvre n'était qu'une mascarade, un sujet de polémique pour faire vendre. Il s'explique dans les journaux, il va aller aux 20 heures de France 2. Pas encore lu une ligne de son nouvel opus, mais pour ce qui est de la soumission, aucun doute : il est prêt pour 2022.

     

    (1)Il n'aura pas fallu attendre longtemps pour que le parallèle soit fait et c'est un imam de Bordeaux, la ville du si consensuel Juppé, le futur candidat de la gauche en 2017, qui s'y colle. "Le livre de Houellebecq, c'est celui de Zemmour en plus soft". Voilà qui est un jugement d'une grande intelligence. Confondre un roman et un essai, dénigrer le "scénario invraisemblable" du premier, assimiler la trajectoire de l'écrivain et du polémiste, les mettre dans le même sac, c'est de l'amalgame de première grandeur. Il est vrai qu'en matière de liberté d'expression nous avons beaucoup à apprendre des pays musulmans...

    (2)Le détour par Maurras est absurde, parce que la place du religieux pour chacun des deux est à l'opposé. Lire de tels raccourcis en dit long sur la culture journalistique

    (3)Même si ses derniers livres de fiction ont perdu de leur grandeur. Il écrit trop.

    (4)Pire, il y a Angot, sans doute, mais à ce niveau, on touche au sublime, comme aurait dit Marguerite Duras...

    (5)Souvenons-nous : Mitterrand joue les Sphinx, Balladur se prend pour Louis XIV et Chirac dit oui à Maastricht par pur calcul politicien. C'est le triomphe des Attali, Minc et Lévy, quoi qu'ils disent. Le bonheur, quoi...

    (6)Sur ce point, la lecture des ouvrages d'Alain Ehrenberg est éclairante, en particulier Le Culte de la performance, paru en 1991, et  La Fatigue d'être soi, publié en 2000.

    (7)Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes puisque le roman raconte l'arrivée au pouvoir d'un musulman par la voie démocratique...

  • Nimby

     

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    La real politik est un fait et ceux qui s'en offusquent sont ou des idéalistes un peu idiots ou des menteurs. Ils négligent le fait que la totalité des citoyens ne peut ni ne doit s'identifier à un pouvoir, moins encore à une nation. Encore faudrait-il croire en la nation, ce qui est de moins en moins vrai. L'État, c'est d'abord l'exception, si l'on se penche du côté de Carl Schmitt, ou la violence légitimité si l'on prend l'option Max Weber. Dans tous les cas,  ce n'est jamais propre et ragoûtant.

    Beaucoup ont sur le sujet la même posture que celle qu'ils adoptent avec les forces de l'ordre. Ils en conchient l'existence mais sont les premiers à courir au poste quand on a fracturé leur domicile. Ce n'est qu'une variane du fameux principe nimby (not in my backyard) : pas chez moi, mais chez les autres, tant que vous voudrez. Le cynisme commence là et ceux qui vilipendent l'immoralisme politique sont les mêmes qui s'en vêtent quand il s'agit de leurs petits intérêts.

    En fait, le problème majeur de la real politik n'est pas tant son existence que sa visibilité. C'est là que le bât blesse. Si elle existe, elle doit se faire la plus discrète possible. L'intelligence politique tire pour une part sa force de sa capacité de dissimulation. Sinon vous passez pour un idiot, un salaud ou un fantoche.

    Un exemple.

    Quand la diplomatie française se met en avant pour faire tomber le régime de Bachar Al-Assad en Syrie au nom d'une énième croisade droit-de-l'hommiste, il y a lieu de s'étonner que des candidats djihadistes majeurs (entre 20 et 28 ans) soient arrêtés sur notre sol. Pour quelle raison ? Parce qu'ils vont rejoindre des forces radicales qui veulent la destruction de la démocratie, de l'Occident et l'imposition d'un islam politique sans nuances ? Parce qu'ils vont alimenter un terreau terroriste ? Parce qu'ils vont devenir les futurs prêcheurs d'un radicalisme banlieusard ? On aimerait des éclaircissements sur ce point de la part des autorités. On aimerait plus de cohérence.

    Pourquoi alors, ce qui serait bon pour les Syriens ne le serait pas pour nous ? Pourquoi les rebelles syriens seraient-ils estimables là-bas et inquiétants ici ? Pourquoi, au fond, voulons-nous la fin de Bachar Al-Assad, quand nous nous faisons les carpettes des puissances saoudienne et qatari, lesquelles financent, et tout le monde le sait, les mouvements radicaux de l'islam ?

    Que l'on nous cache des choses est logique, normal. Qu'on ne sache pas nous les cacher est une faute, une erreur politique...

     

    Photo : Jean Gaumy

  • Le courage catholique

     

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    Monseigneur André Vingt-Trois, évêque de Paris, dans son discours d'ouverture à l'assemblée des évêques, a rappelé son opposition au mariage homosexuel, que l'actuel gouvernement veut instituer. Il reprend la ligne que Monseigneur Barbarin, primat des Gaules, avait déjà définie.

    Il faut être d'une inculture sidérante pour s'étonner que la hiérarchie catholique soit réticente devant un tel projet. Celle-ci peut-elle, en toute bonne foi, et selon un principe pluriséculaire, en héritage d'ailleurs d'une tradition antérieure à l'établissement du christianisme et de la chrétienté, rappeler autre chose que cette évidence : le mariage consacre une union hétérosexuelle ? Évidemment non. Faire le procès de cette position en établissant directement, comme le font les progressistes patentés de la gauche (mais on sait ici ce que je pense de l'invocation du progrès en matière politique), qu'il s'agit là d'une attitude homophobe relève du procès en sorcellerie, d'une pratique stalinienne courante. L'acharnement de ces trente dernières années contre le catholicisme est à ce point constant qu'il en est caricatural. Mais il fallait bien que les promoteurs des gender studies, des cultural studies et autres supercheries où tout se mesure à l'aune d'un discours minoritaire creux (1) établissent la hiérarchie des peines, des manquements et des responsabilités. En braves soldats de la doctrine foucaldienne, ils ont désigné le principal acteur de leur misère : l'église catholique et son cortège inquisiteur. En ce cas-là, spécifiquement, l'histoire est utile. Elle sert les intérêts du requérant. L'homosexuel, qu'on n'appelait pas encore gay, mais sodomite, inverti, pédéraste, a payé au tribunal de Dieu ses pratiques. Contester ce point serait complètement idiot. Mais se focaliser sur ce seul élément historique, je veux dire : sur ce seul axe de l'Histoire, est un peu court. Les délires médicaux sur l'anormalité des homosexuels n'avaient pas besoin de l'Église. Les aspirations positivistes et le goût des classifications suffisaient.

    Qu'il y ait, dans l'épiscopat, une certaine hypocrisie vis-à-vis de l'homosexualité, comme de la sexualité en général, n'est pas douteux. Mais, en l'espèce, il ne s'agit pas tant de cela que de définir l'ordre de la relation au mariage, jusques et y compris, dans sa définition administrative. L'invocation du mariage pour tous (2) fait sourire, quand l'institution qu'il représente se détermine d'abord dans une perspecive familiale et de protection de la progéniture (et les homosexuels ne peuvent pas avoir d'enfant, c'est un fait). Sur ce point, il aurait déjà fallu que les progressistes analysent de quoi étaient faits les textes du Code Civil. Les évêques ne vont même pas aussi loin dans la critique, et c'est un grand tort. Ils s'en tiennent à la seule contestation (très rétrograde, non?) de la famille, avec un père et une mère...

    C'est pour cela qu'on leur tombe dessus à bras raccourcis. Encore ont-ils, eux, le courage d'afficher leur position ! Car, l'une des plus remarquables abérations du moment, c'est le silence des autres confessions monothéismes, lesquelles ne peuvent, sur ce point, qu'être en accord avec les catholiques. Faut-il, en effet, penser que le silence du Consistoire juif, du CFCM et des autorités protestantes a valeur de consentement ? Il est bien curieux que ces institutions, si chatouilleuses sur leurs prérogatives, si regardantes sur les pratiques que l'on encadre quand elles entachent l'espace public d'une expression ostentatoire de l'appartenance religieuse, il est bien curieux que, sur ce point, elles se taisent toutes. Bizarre, vraiment, que les intégristes de ce coin-là, qui ne manquent jamais de rappeler ce que Dieu, ses prophètes et ses commenteurs ont dit, écrit, prescrit, ne viennent sur le devant de la scène nous avertir qu'il y a là une loi scélérate, indigne et tout à fait contraire aux préceptes religieux. On devrait leur savoir gré d'avoir ainsi modéré, voire changé, leur position. Il est évident qu'il n'en est rien. C'est d'ailleurs, par exemple, parce que le rejet massif de l'homosexualité par les jeunes maghrébins est un fait que certains s'inquiètent du glissement nationaliste, voire d'extrême-droite, d'une frange de la communauté gay.

    De fait, il est bien agréable, et facile, de voir la hiérarchie catholique monter en première ligne et de faire que les éternels geignards du minoritaire (en particulier ceux qui voient de l'islamophobie partout : CFCM en tête) puissent se taire sans montrer qu'à leur tour ils pourraient désigner d'autres minoritaires. Le choix catholique a au moins le mérite de la clarté et de l'honnêteté. Il se définit dans la plénitude d'une position affichée qui n'exclut en rien le dialogue avec les homosexuels. La question du mariage est épineuse mais, au moins, devant une loi qui lui semble contestable et dangereuse, monseigneur André Vingt-Trois ne fait pas semblant. Il ne cherche pas à s'attirer les bonnes grâces de la doxa ambiante ; il ne cherche pas à feindre et à tromper ; il ne se cache pas. Il choisit le choc frontal. Sans doute parce que la position qu'il défend est plus importante que l'estime temporaire d'une médiatisation qui voudrait à tout prix la modernité. Il est seul à prendre cette voie, au risque d'enfoncer un peu plus l'Église catholique dans la crise, au risque de donner du grain à moudre à ceux qui voient en lui l'incarnation du mal.

    Ces derniers font un calcul petit, minable et dangereux. Trop contents d'avoir l'adversaire qu'ils s'étaient choisis depuis longtemps, et lui seul, car les autres sont tapis dans l'ombre, ils pavanent. Ils seront heureux de brandir la loi, une fois qu'elle sera votée, heureux et heureuses de pouvoir être comme tout le monde, marié(e)s, et d'avoir, dans les grandes largeurs, niqué les cathos... Ils se trompent, et lourdement...

     

     

    (1)Creux, quoique assez efficace, si l'on en juge par certaines évolutions visibles dans les institutions. Il est dès endroit, aujourd'hui, où le minoritaire est un universitaire hétérosexuel. La cooptation existe aussi chez ceux qui hurlent à la ségrégation. La revendication homosexuelle est aussi une réalité et il est des milieux où elle forme un rempart entre les admis et les refusés. C'est un fait. Le dire n'induit en aucune façon que l'on soit homophobe. Encore faut-il alors souligner que, dans le monde homosexuel aussi, il existe des différences de classes : l'homosexuel du Marais peut vivre, assumer, revendiquer, voire exclure, quand celui de la banlieue de Seine-Saint-Denis est obligé de se cacher, de prendre ses choix comme une tare, et de se taire. On aimerait qu'il eût un peu plus de solidarité sur ce plan. Or, ce n'est pas avec un Gay Pride à l'esprit petit bourgeois qu'on a des chances d'y arriver.

    En vertu de ce principe, d'ailleurs, Anne Lafetter dans Les Inrocks écrit, le 17/01/2012, au sujet du livre publié par l'ancien président d'Act-Up, Didier Lestrade :

    «Un hétéro n’aurait pas pu écrire Pourquoi les gays sont passés à droite. Discriminatoire aurait-on dit, voire homophobe.» Un tel aveu est consternant, et doublement : a)il fait le constat d'un état de terreur dans le droit de penser b)il marque l'approbation par celui qui fait ce constat de cet état de terreur du bien fondé de cet état. La boucle est bouclée. Comme quoi il est toujours intéressant de fouiller les poubelles de ceux que l'on combat... 

    (2)La formule a des airs de slogan publicitaire. Le mariage pour tous, c'est plus facile, quand on sombre, comme les socialistes, dans le libéralisme intégral, que la dignité pour chacun, un toit pour chacun, un travail pour chacun. Privilégier le pluriel devant le singulier est un moyen rhétorique classique pour cacher la misère de sa pensée et pour placer celui qui conteste en position de méchant réactionnaire bridant les aspirations et l'épanouissement des citoyens...

     

    Photo : Reuters