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france - Page 2

  • Florilège hebdomadaire

    Le roi de Macroncéphalie a expliqué aux Français qu'ils étaient en partie responsables des attentats qui ont atteint leur pays. "Le terreau sur lequel les terroristes ont réussi à nourrir la violence, à détourner quelques individus, c'est celui de la défiance". Voilà qui méritait d'être dit. Il est vrai que l'islamisme ne touche que le territoire hexagonal : Jemaah Islamiyah en Indonésie, Boko Haram au Nigéria, Les chebabs somaliens, les Talibans afghans, Al-Qaïda, Abou Sayyaf aux Philippines, et j'en passe, tout cela n'existe sans doute pas pour lui. À moins que les susdits Français ne soient eux-mêmes responsables de toutes les dérives de l'islam, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont pas su l'empêcher...

    Le roitelet de Bordeaux veut maintenant "écraser Daech". Il ne dirige rien, sinon sa mairie. Peu importe : il parle, il donne le cap, se place en sage et en responsable, oubliant seulement que tout ce qu'il dit depuis une semaine est à l'opposé de tout ce qu'il disait jusqu'alors. Il oublie seulement que pour sa redécouverte de Bachar Al-Assad, il a dû prendre des cours de géo-politique chez Marine Le Pen. Il ne chute pas de très haut, néanmoins, vu qu'il a toujours volé très bas (quand c'est Chirac qui fait de vous "le meilleur d'entre nous"...)

    François Baroin, le Harry Potter de la politique, qui n'a pas réussi à finir premier ministre et s'est dès lors replié sur la suffisance double : municipale et sénatoriale, comme un Prudhomme weight watcher, dirige l'association des maires de France et décrète que l'urgence est à l'interdiction des crèches municipales, pour cause de laïcité, laquelle laïcité n'est que le cache-misère d'un anti-catholicisme maçonnique. Mais quand on se rappelle qui était son père dans la hiérarchie de la règle et du compas, on ne s'étonne pas. Ce triste sire ouvrait moins sa gueule quand la mairie de Paris fêtait la fin du ramadan. Je ne doute pas qu'il demandera l'intervention policière contre les résistants.

    Le normal président, sérieux comme Forrest Gump, demande aux Français de hisser les couleurs nationales, ce vendredi, en hommage aux victimes. Rien de moins : le fossoyeur de la Nation, le collaborateur d'un coup d'Etat permanent, depuis le contournement du réferendum de 2005, vient donner aux citoyens des leçons d'humanité et de patriotisme. Ce drapeau qu'il a réussi à ridiculiser jusque dans la photo officielle qui trône dans les mairies (là où les crèches sont à proscrire...), il voudrait que les hommes et les femmes de ce pays s'en drapent pour qu'il puisse lui pavoiser sur la misère des victimes. Ce sera sans moi ; j'aime trop mon pays et comme disait de Gaulle : "je me suis toujours fait une certaine idée de la France".

    On aura compris : si la violence et la terreur augmentent, la bêtise n'est pas en reste. Il va falloir que la résistance s'organise, et d'une manière autrement plus musclée dans les têtes. Si la France doit s'en sortir, c'est d'abord par une reprise en main de sa destinée, de son histoire, de son passé, de sa religion, de sa culture. Pour parodier Poutine, cela suppose qu'on poursuive la connerie jusque dans les chiottes. Peu ragoûtant mais nécessaire.

     

  • La Terreur social-libérale

    Le nouvel épisode grec est édifiant quant à l'anéantissement politique dans lequel nous a plongés l'aventure européenne. Les Grecs, on le sait, paient au prix fort une déroute économique en partie organisée par des banques d'affaires. La misère et l'absence de perspective ont atteint les limites du supportable. Le diktat des grandes organisations mondialisées qui méprisent les nations et les peuples, qui en veulent la disparition (sinon pour n'être plus que des structures de pur contrôle policier afin de mettre au pas les éventuels contestataires), a rendu exsangue le pays fondateur de la pensée européenne (1).

    Pour que tout aille au mieux des intérêts de ces organismes multinationaux (c'est-à-dire anti-nationaux), il fallait que le pouvoir politique soit à la botte. Il était donc prévu que le président grec soit un ancien commissaire européen, un de ses technocrates qui s'assoient sur la pensée du citoyen et qui obéit à l'idéologie du libéralisme le plus pur. Hélas, l'affaire a capoté et le pays se retrouve devant des élections législatives pour le début de l'année.

    Et l'on ne dira jamais assez combien il est dangereux de s'en remettre à l'électeur parce que celui-ci est par nature idiot, versatile, indocile. Il est le plus souvent le dindon de la farce mais il lui arrive aussi de ne pas faire comme il faut. Tel est le cas présent puisque le favori des sondages est un parti dit de gauche radicale, anti-austérité :  Syriza. Il n'y a rien dans les annonces de cette formation qui puisse l'assimiler à un quelconque groupe révolutionnaire. Le PS des années 70 est, en comparaison, terriblement marxiste-léniniste ! Il souhaite seulement que l'on ne saigne plus impunément les petites gens et que certaines banques arrêtent de se gaver. Mais c'est suffisant pour que le FMI coupe les vivres, que l'Allemand de service (je ne sais plus quel ministre...) dise que les élections ne changeront rien (2). Le nullissime Moscovici vient soutenir les partis responsables face à une dérive qui met en péril l'équilibre européen...

    On remarquera que le parti qui inquiète n'est pas d'extrême-droite. Il n'appartient pas à cette nébuleuse nationaliste qui monte en Europe et dont les socio-libéraux font la caricature, expliquant qu'avec eux le désordre, le chaos, la misère sont au bout du chemin. Ce ne sont pas des chemises brunes prêtes à marche au pas de l'oie. Nullement. Ce sont des gens de gauche, mais d'une gauche irresponsable et quasiment marxiste.

    Qu'est-ce à dire sinon que pour les socio-libéraux (en gros, en France : le PS, l'UMP et l'UDI), rien n'est digne, qui ne soit pas eux, nul n'est responsable qui ne soit pas de leur rang. Le péril brun, l'épouvantail lepéniste est un leurre et il ferait de même si Mélenchon était en passe de prendre le pouvoir. Ils méprisent tout ce qui n'est pas eux. Ils ont la morgue et l'outrance des fascistes. Certes, pas de parti fort, pas de culte du chef, mais un discrédit systématique sur ce qui ne leur convient pas, une chasse aux sorcières contre leurs opposants (pensons à Zemmour), un travail de sape pour anéantir l'expression démocratique. Ils ont retenu les leçons des excès mussoliniens. La force est contre-productive. Il faut agir autrement, par une intimidation larvée, par un contrôle des médias discret mais efficace, par une marginalisation des voix discordantes, par une dramatisation délirante des risques politiques.

    En France, le danger, c'est le FN ; en Grèce, c'est Syriza. Ils ont comme point commun de ne pas vouloir se plier à la doxa. Les premiers sont très à droite, les seconds très à gauche (3). Tout est là, comme dans la démocratie américaine, où l'opposition républicains/démocrates porte sur les modalités d'une doxa libérale que personne ne remet en cause, à commencer par le si attendu Obama (4). La largeur de la route est étroite et il est interdit de prendre des chemins de traverse.

    Ce que cette aventure signifie est simple : il ne faut pas avoir peur d'aller contre eux et ne pas se sentir coupable de lutter contre eux. Ils appellent cela du populisme. Soyons populistes, sans honte et sans peur...

    (1)Le symbole n'est pas rien. Le libéralisme mondialisé est la négation d'une pensée européenne nourrie de philosophie grecque (entre autres). Le FMI est, dans son fondement même, l'effacement de la littérature dont s'est inspiré pendant des siècles tout un continent. Il n'est pas étonnant que la culture soit devenue cette coquille vide et pourtant spectaculaire par quoi brillent des idiots à concept et des affairistes 

    (2)Il y a dans l'Allemand triomphant un éternel souvenir de Bismarck et des aspirations à vouloir tout ramener au modèle teuton. C'est bien là son point commun avec l'Américain : son étonnement à ce que tout le monde ne soit pas comme lui.

    (3)Encore faudrait-il discuter plus longuement de ce "très"...

    (4)Ce qui rend plus fourbe encore le discours médiatique qui nous vend pour un tournant social et politique ce qui n'est qu'une variation dans le casting. Il est toujours curieux d'expliquer à des jeunes Français qu'Obama, en France, serait très à droite (on y revient...).

  • Pour finir...

    Plus nous votons, plus la fréquence électorale s'accroît, plus la démocratie (ou son semblant) s'éloigne. Le passage du septennat au quinquennat n'est rien d'autre que le parachèvement de cette illusion qui substitue la fréquence compulsive au temps du politique réfléchi. On pourrait en dire autant de la décentralisation.

    *

    Nous voterons en mars pour les cantonales et en décembre pour les régionales. Il n'était pas souhaitable que tout ce cirque se passât le même jour. Les électeurs s'y seraient, paraît-il, perdus. Étrange argumentaire que cette infantile préservation du citoyen...

    *

    Pour le moins, 2015 sera rentable pour les sondeurs, les experts en tous genres et les analystes politiques. Il faut que la démocratie profite à quelques-uns.

    *

    Le vote est devenu l'inexistence du citoyen, et le citoyen la disparition de l'homme.

    *

    Bulletins blancs : les débats autour de leur comptabilité inquiètent. Il s'agit de masquer quelque chose.

    *

    Faisons les comptes : 

    D'un côté, les bulletins blancs et nuls, les abstentions...

    De l'autre, les voix...

    Comme si les premiers n'avaient rien dit, n'avaient rien à dire, n'existaient pas. De fait, la démocratie impose ses règles et efface ceux qui, sans violence, en contestent le fonctionnement (et s'ils le font par la voie des urnes, ce sont des populistes...)

  • Le bon juif et le mauvais juif

    L'altercation médiatisée entre Léa Salamé et Éric Zemmour, naguère chien et chat sur I-tele, devrait n'être considérée que comme la énième mise en scène des pseudo oppositions qui sont le fond de commerce d'un système qui s'amusent des fausses singularisations. il faut, sur ce point, rappeler quelle perte de temps et quel cautionnement constitue le fait même de regarder le cirque animé par l'idiot satisfait de Ruquier. Mais le problème, cette fois, est ailleurs, et bien plus terrible.

    C'est bien le paradoxe de la bêtise qui fonctionne, dans ses formulations les plus hasardeuses en anti-matière d'où surgit une perle, la parfaite expression de ce qu'elle peut être, au delà de sa nature même : un concentré de haine et de mépris. Telle est l'essence de la saillie de Salamé (1). Elle s'indigne (peut-elle plus...) que dans Le Suicide français, Éric Zemmour prenne ses distances avec la lecture imposée depuis le livre de Robert Paxton sur la période de l'Occupation (2). Elle soupçonne son (ancien ?) camarade de sombrer dans le révisionnisme classique et d'avoir des complaisances pétainistes quand celui-ci expose que la réalité historique est infiniment plus complexe et que l'analyse paxtonienne est un des fondements de la nouvelle religion française de l'éternelle (désormais...) culpabilité dont la doxa gauchiste, politiquement correcte et moraliste fait son point de doctrine cardinal. Salamé est à l'instar de bien d'autres une terroriste du repentir, une passionaria gaucho-bobo du procès européen. Elle se veut une conscience morale, mais elle a un inconscient qui pue.

    En effet, faute de pouvoir argumenter sur le fond, ce qui requiert une culture historique dont elle est visiblement dépourvue (3), elle finit par attaquer Zemmour dans ce qu'elle pose de facto comme l'essence de son être (à lui). Le passage mérite d'être recopié sans erreur :

    "Moi je note parfois chez vous que vous aimez tellement la France, vous voulez tellement, vous le juif, faire plus goy que goy, plus Français que Français, [...]"

    L'attaque est franche, nette ; elle sonne comme une sentence. Le fond explose, les intestins se lâchent. C'est aussi nauséabond que le Durafour crématoire lepéniste. il y a d'ailleurs un petit malaise sur le plateau et Zemmour relève que s'il avait l'esprit procédurier, la Salamé pourrait se manger un procès (4)

    Que vient-elle de dire, en effet ? Deux choses. 

    1-Le plus évident tient dans l'opposition entre juif et français, entre le Juif et le Français, puisque Zemmour ne serait que dans l'imitation superlative du second. Elle reproche à son confrère de singer le Français, d'être, au fond, comme ces born-again ou ces convertis radicaux (5). Zemmour oublie d'où il vient et c'est une faute majeure. Salamé essentialise l'être non dans son devenir (il n'y a pas de chemin possible, de construction crédible de soi) mais dans son origine. Elle reprend le vocabulaire (le mot "goy" en atteste) d'une altérité discriminante et sélective. Son argumentaire se nourrit d'une conception figée, normative et pure de l'être qui ne pourrait, pire : ne devrait, échapper à une naturalité sans faille, sans défaut, quasi génétique. Être français, c'est abandonner le profond. Cette manière de répondre à Zemmour, en le retranchant d'une communauté politique au profit d'une identité ethnicisée sidère. il faillit d'oublier son antériorité qui rendrait factice ou ridicule son "être-français". Tout son engagement français est une trahison, une implantation grotesque. À croire que Zemmour, dans son amour hexagonal, est traître au père. Il a bien raison de répondre que Salamé fait de la psycho-analyse de bazar. Il aurait dû ajouter qu'elle fait aussi de la politique de comptoir.

    Cette manière d'invectiver l'autre en lui demandant de se ressaisir définit assez bien le mépris de la bien-pensance pour la nation et le primat à peine déguisé du religieux en tant qu'essence sur le politique. La ferveur nationale de Zemmour est une aberration, de ce point de vue, une quasi pathologie. Pour parodier Montesquieu : "comment peut-on être Français ?".

    Derrière tout cela, il y la réactivation d'une opposition radicale entre la nation, assimilée à une prison spatiale et intellectuelle, et un idéal cosmopolite dont la doxa se prévaut à travers, entre autres, les divers nominations où le mot "monde" sert à tout : citoyen du monde, alter-mondialisme, littérature-monde. Cette aphasie lexicale est à la mesure du désastre conceptuel qu'elle symbolise en partie. En clair, Zemmour n'est pas assez ouvert. Il ne peut pas l'être puisque Français et fier de l'être. Il n'est pas assez juif...

    2-Ce dernier constat ouvre sur une seconde lecture, plus honteuse pour Salamé que la première. Le juif Zemmour est un traître à l'esprit, à l'esprit juif. Mais à quel esprit ? Sur ce point, il ne faut pas se leurrer. Même si le sujet visible porte sur la question de l'Occupation, de Pétain, de la collaboration, des rafles, le regret de Salamé renvoie à une problématique bien plus sournoise. 

    Rappelons au préalable la nature contradictoire du procès classique fait aux juifs. Ils sont, d'un côté, une sorte de secte, toujours entre eux, avec un pouvoir immense. C'est le fantasme de l'Internationale juive, dont se nourrissent les discours de l'extrême-droite et de l'extrême-gauche (6). D'un autre côté, beaucoup leur reprochent de se fondre dans l'espace qui les accueille. Le juif est un être magique : à la fois trop lui-même, trop différent, et trop semblable. De là, les discours contradictoires, qui trouvent leur écho dans les considérations physiques : un juif se reconnaît à l'œil... surtout quand il porte une étoile jaune.

    Cette dialectique de l'identification peut, en fait, se rabattre sur une appréciation où il faut intégrer une dimension sociale, économique et politique. Pour ce faire, il faut poser que le juif n'existe pas, sinon dans une acception généralisante dont se sert un certain nombre de juifs à qui la parole est donnée et qui la confisque à dessein (7). Si le juif est une fiction construite, les juifs, eux, sont une réalité et bien loin d'une communauté une ils sont des hommes et des femmes aux trajectoires uniques et hétérogènes. Au juif riche et cosmopolite répond aussi le juif modeste et "sédentaire".

    C'est sur ce point que Salamé attaque insidieusement Zemmour. il est un mauvais juif parce qu'il ne défend pas la représentation mondialisé dont l'idéal s'inscrit dans les aéroports, les hôtels de luxe, l'investissement, la financiarisation, les mouvements de capitaux,... Il n'est pas le juif devenu paragon de l'ère ultra-libérale. Cette version golden boy, d'une errance cette fois dorée, qui réunit les élites mondialisées. Son mépris pour Zemmour est en fait celui du moderne (forcément moderne) vis-à-vis de l'ancien, du grand pour le petit. Salamé est fille de ministre libanais. Elle est le pur produit de classe d'un pouvoir qui peut/veut s'adapter à toutes les situations. Elle appartient à cette classe que les guerres touchent moins, comme furent moins touchés, entre 39 et 45, les juifs riches que le petit juif. 

    Le mépris de Salamé n'est pas au propre antisémite, parce que dans son réflexe pseudo-dialectique, sa vision du juif n'est pas une mais conditionnée par une appréciation socio-économique nourrie de tout ce qui fait aujourd'hui le lit de l'ultra-libéralisme : la haine de la nation, de l'enracinement, de la tradition, de l'héritage, de la frontière...

    En traitant Zemmour de "goy", Salamé n'insulte pas seulement un petit juif ; elle fait le procès du pays qui est le mien, le nôtre, dont l'histoire fut parfois peu glorieuse, certes, mais qui nous construit. Elle trace une ligne qui dépasse effectivement les identités classiques. Elle dit le bon et le mauvais, le bon Français, qui doit s'oublier, le mauvais Français qui ne veut pas abandonner son passé (8). Elle doit regarder avec hauteur les gens de peu qui aiment la France, sa culture, ses paysages, sa langue, son histoire. Des gens de peu, bien sûr, dont l'attachement national vient d'ailleurs, pour partie, du fait qu'ils sont nés pauvres, qu'ils doivent à ce pays de vivre mieux, de vivre libres. Des médiocres (au sens du XVIIe siècle) qui ne connaissent rien des couloirs ministériels, des médiocres pour qui les frontières sont des protections, les lois sociales des garanties, la culture historique un moyen d'émancipation. Tout ce que le discours de Salamé, à travers Zemmour, essaie d'avilir.

    En vain...

    (1)Idiote qui fit un jour "péter le décolleté", selon ses propres mots. Tout commentaire passerait pour sexiste. La loi a vertu, parfois, de protéger n'importe qui...

    (2)Robert Paxton, La France de Vichy, 1973

    (3)L'intelligence n'est pas une promesse. C'est un fait qui se doit de répondre à la charge de la preuve. Mais il est vrai que l'époque contemporaine a le goût des grands esprits cachés, des brillants inconnus ou des surdoués décalés. Le corps enseignant gauchiste voit du potentiel dans n'importe quel crétin. C'est une des formes les plus aiguës du pédagogiques à la Meirieu qui a dévasté l'école nationale.

    (4)Mais Zemmour n'est pas comme Taubira et consort. Il a conscience de sa position médiatique, de son statut privilégié qui l'expose. il a la décence de passer outre, ce qui est infiniment plus intelligent. il a eu suffisamment l'occasion de dénoncer les postures victimaires.

    (5)On attend évidemment de la part de Salamé la même agressivité devant un salafiste ou Tariq Ramadan...

    (6)Il est utile au passage de souligner que l'extrême-droite n'a pas l'exclusive de l'antisémitisme. L'extrême-gauche, au nom d'une haine du capitalisme, est forte en la matière. Elle se retrouve ainsi des accointances profondes avec l'antisémitisme arabo-musulman. C'est toujours un délice de voir se côtoyer dans les couloirs universitaires les gauchos et les voilés, en parade contre la puissance capitalo-judaïque. Le pouvoir en place s'en accommode visiblement assez bien. Il est vrai que le PS recrute beaucoup de ses jeunes cadres chez les anciens Rouges...

    (7)Le modèle français est, on s'en doute, BHL ou Attali.

    (8)Et cette dichotomie du bon et du mauvais Français n'est que la figure inversée du discours lepéniste. Dans les deux cas, il n'est pas de place pour la nuance et l'entre-deux. Dans le premier cas, on fustige la pureté parce qu'il faut n'être de nulle part ; dans le second, on vilipende le métissage parce qu'on veut ignorer l'effort produit à vouloir échapper à sa détermination conceptuelle (qui est toujours une détermination que l'autre vous inflige...)

     

  • Pleine lucarne, songe creux

    marc gourmelon.jpg

     

    Une certaine France s'en va bientôt au Brésil. La France aux pieds carrés et aux têtes creuses, la France aux trois mots de vocabulaire, la France à l'accent racaille, la France à la suffisance indexée à l'épais matelas bancaire, la France vulgaire et arrogante, la France à l'ego surdimensionné, la France maillot-short-crampons. Cette France-là a gagné, il y a quelques mois, et il n'y a pas de quoi jubiler.

    La saveur de cette qualification miraculeuse, en forme de résurrection morale d'un pays en détresse, permet à certains de ré-orchestrer l'odyssée black-blanc-beur de 98. Ce moment-là fut un cap dans la course éperdue à la débilité culturelle et politique. D'avoir exploité jusqu'au trognon l'hystérie footeuse, d'avoir vu des politiques, à commencer par Chirac et son ridicule maillot floqué, se pavaner comme des dindons à la suite des victoires d'une équipe par ailleurs d'une grande médiocrité, d'avoir entendu des intellos (de gauche, évidemment de gauche...) indexer leurs théories sociologiques sur les dribbles de Zidane, les courses de Thuram (devenu depuis un phare de la pensée francaise...), l'esprit de responsabilité de Deschamps, d'avoir vu, entendu et lu tout cela nous prépare à un remake savoureux, si, par le plus grand des hasards, l'équipe nationale allait loin (et la tâche n'est si difficile : les Suisses, les Équatoriens et les Honduriens ne sont pas des terreurs).

    On pourrait alors réentendre ce discours de la France qui gagne et donne du plaisir au citoyen, ne serait-ce que pour servir d'agent masquant du réel (un de plus, il est vrai : après le mariage pour tous, la baballe pour tous). Ce sera pratique d'user de ce discours grotesque qu'on nous a imposé. Le profil d'un pays, sa physionomie morale et politique se jugent à sa représentation non législative mais footballistique (c'était bien de cela qu'il s'agissait en 98, non ?), à sa vitalité sportive, non à sa respiration démocratique. Et donc tout va bien, ou du moins : pendant quelques semaines, tout ira bien.  

    On pourrait gentiment ironiser sur ces célébrations d'une crétinerie abyssale. Mais comparaison n'est pas raison. C'est un simple jeu de retournement n'ayant pour seul but que de rappeler cette évidence : l'idiotie comme philosophie pour attraper les masses présente des risques, à commencer par ce qu'on appelle l'effet-boomerang.

    Quand on monte aux cieux nationaux des footeux incultes (et ceux d'aujourd'hui sont magnifiques : les regards bovins de Giroud, Matuidi, Nasri ou Ribery sont exemplaires) à des fins idéologiques, il n'est plus possible d'empêcher quiconque de reprendre la balle au bond. Marion Le Pen le fait, sans difficulté : elle préfère le bleu, blanc, rouge au black, blanc, beur. En ethnicisant en 98 onze paires de guibolles, certains, encore en place d'ailleurs, ouvraient la boîte de Pandore. En ne circonscrivant pas la réalité sportive aux limites du terrain, en lui substituant un imaginaire travaillé par la couleur de peau, ces gens-là ont justement permis, volontairement, le particularisme identitaire. Seize ans ont passé et les discours de 98 sonnent plus encore qu'à l'époque creux, affreusement creux. Zidane sur l'Arc de Triomphe. Vulgarité pour peuple en perdition... Dans un contexte d'affrontements, de délitement, de communautarisme et de fronde (2) qui caractérise la France de 2014, il ne faudrait pas que nos gaillards échouent dès le premier tour parce que la facture de la défaite pourrait s'avérer plus salée qu'on ne l'imagine. Et quand j'écris : il ne faudrait pas, je ne signifie pas que c'est un souhait, mais la simple évaluation d'un risque. 

    (1)Il ne fait pas de doute, de notre point de vue, que l'affaire était volontaire.

    (2)Rions amèrement des comiques qui nous chantaient l'air du clivage sarkozyen. En l'espèce, le normal président aura fait mieux, beaucoup mieux.

     

    Photo : Marc Gourmelon

  • Appel à la résistance

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    On en parle le moins possible. Valls n'en aura pas dit un mot. C'est la collaboration libérale dans toute sa splendeur. Le guignolesque Montebourg n'aura pas le commerce extérieur (1) : Fabius s'en charge, et l'on comprend pourquoi. Fabius, le retors et le servile, lequel sera la carpette qui ne négociera pas le traité transatlantique dont la conclusion sera le désastre absolu pour la France mais dira amen à tout. Les socialistes vendus courent à Canossa et les prétendus esprits de gauche qui ont voté la confiance au nouvel exécutif sont des traîtres ; l'UMP se tait, puisqu'elle consent. Et nous, que nous reste-t-il ? Faire le travail de la fourmi informative, modestement, pour que cela se sache et que le mot passe :

    c'est donc ici : 

    http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803

    ici

    http://l-arene-nue.blogspot.fr/2013/06/jean-michel-quatrepoint-laccord.html

    ou là

    http://www.pauljorion.com/blog/?p=62386

     

     

     

    (1)En fait, il n'a rien, Montebourg. Il est payé à ne rien faire. Ministre de l'économie, quand on n'a pas les finances, le budget et le Trésor, c'est comme pisser dans un violon. La métaphore de la pourriture n'est jamais mieux illustrée que par ceux qui font mine d'être au-dessus et de se battre seul. Présomptueux et vulgaire...

     

    Photo : Elliot Erwitt

  • Le Bien commun

     

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    Au milieu du discours vide et présidentiel d'un lendemain de déroute électorale, il y a cette phrase : « la République est notre bien commun ». Et comme si elle ne suffisait pas : « Je ne laisserai aucune de ses valeurs être abîmée ou froissée, où que ce soit sur le territoire national. »

    Combien est consternante cette affirmation républicaine (forcément républicaine...) sonne creux, sans doute parce que la petite morale de gauche s'est tellement emparée de la République qu'elle en a vidé la substantifique moëlle. La République n'est pas une essence intangible ; elle n'a pas la vertu d'incarner notre histoire et notre devenir. La République socialo-hollandaise est une parole rétrécie à quelques symboles qui ne fonctionnent plus. En l'évoquant ainsi, il invoque les mannes révolutionnaires, les heures choisies d'une résistance magnifiée et trompeuse. Si la République est notre bien commun, alors notre bien commun est pourri. Elle n'est plus que l'état transitoire d'une vitalité qui devient cadavre. La République n'est pas un en-soi, surtout lorsqu'elle a vu fleurir les comportements mafieux, le népotisme ministériel, l'incurie et l'incompétence. Il n'est même pas nécessaire de donner des exemples : la désaffection des abstentionnistes suffit à définir le dégoût.

    Les républicains, c'est-à-dire ceux qui désormais transforment un régime politique particulier en finalité quasi divine, les mêmes républicains, qui utilisent l'ordre symbolique de la Révolution française pour interdire de penser autrement, ces mêmes républicains sont des cuistres, des vaniteux, des petits-maîtres ridicules.

    La République n'est pas un bien, c'est un instrument, une méthode, et, arrivé au point où nous en sommes, une chaîne. Une chaîne d'autant plus lourde qu'elle est devenue le bien propre de ceux qui s'en prévalent, leur chasse gardée, au point qu'ils s'indignent de leurs revers électoraux.

     

    Mais, pour celles et ceux qui sont pour un temps partis loin de ce pays, ce n'est pas à la République qu'ils pensaient. Eût-elle été une monarchie constitutionnelle ou une simple démocratie populaire qu'ils n'eussent pas éprouvé un sentiment dissemblable à celui qui les animait quand, dans un avion retraversant l'Atlantique, à l'annonce que dans vingt minutes ils atterriraient à Roissy, ils se disaient qu'alors, quoi qu'il advînt (explosion en vol ou crash sur la piste), ils mourraient en France.

    Ce n'était pas la République à laquelle ils demandaient ce sentiment ; ce n'était pas pour elle qu'ils étaient traversés de telles émotions, mais pour le pays, la nation, le sol. Pour cette certitude du lien qui vous fait sentir la limite, la frontière, la différence du bosquet français et de la haie belge, de l'enclos français et de la pâture espagnole, du buron hexagonal et de la cabane transalpine. Pour cette épreuve épidermique que sont les traversées de la Beauce et de la Bourgogne, pour l'ineffable de l'enclos paroissial de Lampaul-Guimiliau, pour l'humide forêt au-dessus de Charleville-Mézières, pour les marais vendéens, pour la montée si douce vers Saint-Agnès, pour la bascule des toitures d'ardoise vers celles de tuiles.

    La vue, le sensible des architectures, les clochers de Martinville, la brume qui se lève sur le mont Aigoual ou les nuages paisibles au-dessus de Trigance, mais aussi les odeurs, le salé de la baie de Cancale ou l'humide automnal du Tronçais ; mais aussi le goût, entre l'andouille de Vire et les tielles sétoises ; mais aussi le rythme, entre l'ennui de la gare de Mézidon et une nuit passée dans un wagon à Chambéry ; mais aussi le bruit craquant du bois qui brûle face à la mer, sur une plage rhétaise ou celui d'une passée aux canards, en Brenne ; mais aussi, mais aussi, mais aussi, jusqu'à ce que l'envie de dormir ne vienne suspendre la présence infinie du territoire, de la nation en sa force magistrale, qu'aucun ordre, fût-il républicain, ne pourrait épuiser.

    Notre bien n'est pas dans la litanie des articles constitutionnels dont se gargarise le locataire éphémère de l'Élysée, lequel locataire devrait se rappeler que l'endroit fut un temps un garde-meubles. Notre bien n'est pas dans la parole vaine d'un petit concierge ensuffragé. Notre bien est dans ce qui ne se dicte pas, mais dans ce qui s'éprouve, dans cette différence qu'on veut nous retirer au profit d'une différence qui anéantit tout, d'un mondialisme dont la République présente est une collaboratrice zélée.

    Notre bien est dans ce par delà l'envie d'être français qui ne se décrète pas, parce qu'il est une part indéfectible de nous-mêmes. La République est devenue pour certains une affaire de papiers, de droits, d'indemnités et de prébendes. La Nation, c'est bien plus...

    Cela sonne évidemment très barrésien, et c'est donc fort suspect (1). Alors soyons suspect... (2)

     

    (1)Pour celles et ceux qui veulent les échos barrésiens d'Off-shore, c'est ici, , , encore, et pour finir, là...

    (2)Mais ce n'est pas moi, au demeurant, qui ai défini Barrès comme le premier intellectuel français. Il faut lire Michel Winock, qu'on ne peut soupçonner de complaisance à l'égard de cet écrivain.

     

    Photo : Yannig Hedel

  • Nimby

     

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    La real politik est un fait et ceux qui s'en offusquent sont ou des idéalistes un peu idiots ou des menteurs. Ils négligent le fait que la totalité des citoyens ne peut ni ne doit s'identifier à un pouvoir, moins encore à une nation. Encore faudrait-il croire en la nation, ce qui est de moins en moins vrai. L'État, c'est d'abord l'exception, si l'on se penche du côté de Carl Schmitt, ou la violence légitimité si l'on prend l'option Max Weber. Dans tous les cas,  ce n'est jamais propre et ragoûtant.

    Beaucoup ont sur le sujet la même posture que celle qu'ils adoptent avec les forces de l'ordre. Ils en conchient l'existence mais sont les premiers à courir au poste quand on a fracturé leur domicile. Ce n'est qu'une variane du fameux principe nimby (not in my backyard) : pas chez moi, mais chez les autres, tant que vous voudrez. Le cynisme commence là et ceux qui vilipendent l'immoralisme politique sont les mêmes qui s'en vêtent quand il s'agit de leurs petits intérêts.

    En fait, le problème majeur de la real politik n'est pas tant son existence que sa visibilité. C'est là que le bât blesse. Si elle existe, elle doit se faire la plus discrète possible. L'intelligence politique tire pour une part sa force de sa capacité de dissimulation. Sinon vous passez pour un idiot, un salaud ou un fantoche.

    Un exemple.

    Quand la diplomatie française se met en avant pour faire tomber le régime de Bachar Al-Assad en Syrie au nom d'une énième croisade droit-de-l'hommiste, il y a lieu de s'étonner que des candidats djihadistes majeurs (entre 20 et 28 ans) soient arrêtés sur notre sol. Pour quelle raison ? Parce qu'ils vont rejoindre des forces radicales qui veulent la destruction de la démocratie, de l'Occident et l'imposition d'un islam politique sans nuances ? Parce qu'ils vont alimenter un terreau terroriste ? Parce qu'ils vont devenir les futurs prêcheurs d'un radicalisme banlieusard ? On aimerait des éclaircissements sur ce point de la part des autorités. On aimerait plus de cohérence.

    Pourquoi alors, ce qui serait bon pour les Syriens ne le serait pas pour nous ? Pourquoi les rebelles syriens seraient-ils estimables là-bas et inquiétants ici ? Pourquoi, au fond, voulons-nous la fin de Bachar Al-Assad, quand nous nous faisons les carpettes des puissances saoudienne et qatari, lesquelles financent, et tout le monde le sait, les mouvements radicaux de l'islam ?

    Que l'on nous cache des choses est logique, normal. Qu'on ne sache pas nous les cacher est une faute, une erreur politique...

     

    Photo : Jean Gaumy

  • La loi du nombre

     

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    Parlons franchement. Je n'aime guère le suffrage universel. Savoir que la voix inculte et abrutie vaut autant que la mienne me dérange. Il est assez désagréable d'admettre que les élections se font grâce à/à cause d'idiots qui se décident en fonction de la tête du client, de l'engueulade avec madame (ou monsieur) la veille, et que toute cette tambouille prend sauce dans l'isoloir parce que le couillon a devant lui des bouts de papier et qu'il faut bien en faire quelque chose. La plaisanterie peut plaire un moment. Elle s'avère à long terme désastreuse. Le vote est donc un danger. Pour nous faire comprendre au mieux, prenons quelques exemples.

    En 2005, la France dit non à la Constitution européenne à 55 %. Était-il raisonnable de s'en tenir à ce désaveu ? C'était impossible. D'ailleurs l'intellectuel de Libération (1), son commandant en chef, Serge July résuma la situation, au lendemain du désastre :

    « Ce sont des cris de douleur, de peur, d’angoisse et de colère que l’électorat de gauche a poussés dans les urnes, à l’occasion du référendum, face à la course folle du monde et face à l’incurie des hommes qui nous dirigent depuis plus de deux décennies. Comme en pareil cas, il fallait des leaders d’occasion qui nourrissent ce désarroi national. Les uns ont surenchéri dans la maladresse, les autres dans les mensonges éhontés. A l’arrivée, un désastre général et une épidémie de populisme qui emportent tout sur leur passage, la construction européenne, l’élargissement, les élites, la régulation du libéralisme, le réformisme, l’internationalisme, même la générosité. »

    Que dire de plus, sinon que l'idée un homme, une voix est un non-sens historique et un risque de faillite pour la tempête libérale ?

    Et que l'on ne croie pas que les Français soient les seuls débiles de l'aire européenne. Les Irlandais ne sont pas mieux qui disent non, en 2008. Buveurs invétérés de Guiness, sont-ils aptes à définir un destin politique ? La réponse est, comme on dit, dans la question.

    Dernièrement, les Suisses veulent, par votation (ridicule particularisme linguistique...), limiter l'immigration.

    Dans les trois cas, des cris d'orfraie, des indignations libérales et des récriminations sur des comportements liberticides et irresponsables, au nom d'une réalité économique dont on voudrait qu'elle ne se fonde sur aucune idéologie (puisque, c'est clair, le libéralisme n'est pas une idéologie mais le réel, l'inéluctable de la société !). À Chaque fois, dans le fond, le propos sous-jacent est identifiable : le vote n'est pas un droit ni même un devoir, mais un devoir de voter comme on veut que vous votiez. On peut dire ce que l'on veut, le résultat est identique. Il y a, sur fond de dénonciation populiste, la même haine de la démocratie. Les dirigeants libéraux, médias en tête, vomissent le droit de vote, tout autant que n'importe quel tyran ou que n'importe quel défenseur du régime censitaire. C'est d'ailleurs dans cet état d'esprit qu'ils furent si soucieux de la réussite des juntes militaires d'Amérique du Sud. Ils le vomissent mais jamais, bien sûr, ils ne le diront. Ils veulent l'assentiment du troupeau. Ils caressent la bêtise dans le sens du poil pour autant qu'il n'ait d'âmes révoltées à l'horizon. Ils n'aiment pas les Français, les Irlandais ni les Suisses lorsque ceux-ci n'obéissent pas par voie électorale.

    En fait, ils n'aiment pas plus la démocratie que moi qui écris Je n'aime guère le suffrage universel. La seule différence tient dans l'habillage. La rudesse de mon propos me fera passer pour un fasciste (c'est le terme en vogue, une sorte de passe-partout de la pensée libéro-gauchiste), alors que leur enrobage rhétorique et leur appel à l'Histoire (2) donnent l'apparence de la bienveillance. Ils ont pour eux la structure des partis et le soutien managérial ; ils ont le plan en deux parties de Science-Po et les éléments de langage récupérés des stages de com. Je n'ai face à eux que mes doutes et une certaine écoute des pratiques électorales réelles. Mon affirmation pue la misanthropie (ou le rance : le rance est à la mode chez les ultra-modernes...) ; elle fleure l'élitisme méprisant et la suffisance facile. C'est trop peu pour ne pas passer pour le salaud de service.

    Dont acte.

     

    (1)Dont la mort est annoncée. Champagne... Je ne suis pas de ceux qui disent que la disparition d'un journal est en soi une perte pour la démocratie. La pluralité de l'offre n'est pas la preuve de la pluralité de la pensée. Il suffit de réfléchir à ce qu'est devenue la démocratie sous l'offre pléthorique de la sphère médiatique.

    (2)Sur ce point, la double détente de leur argumentaire récupère avec maestria les morts des tranchées de 14 et les disparus des camps de concentration... Il faut voter libéral par peur que la guerre ne revienne. Comme si elle avait disparu (certes, elle a en partie disparu des aires de prospérité mais quant aux aires d'exploitation... Parlons-en aux africains.).

     

    Photo : Caroline Tabet

  • La fureur de soi

     

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    Modernité, liberté (de choix), individualité

    Il est pour le moins ironique de remarquer la congruence sémantique qui lie aujourd'hui les tenants du libéralisme intégral et les chantres d'un vivre-ensemble revisité à grands coups de liftings sociétaux.

    il est curieux de voir ces deux univers converger vers une détermination politique et économique qui, dans l'espace européen, a clairement identifié son ennemi : l'héritage chrétien et plus particulièrement le catholicisme. On retrouve chez les défenseurs communautaires d'un droit individuel sans limites le même besoin de désigner l'objet sacré, celui contre lequel il faut absolument lutter. Comme les régimes totalitaires jadis, ici ou là, il y a une espèce à pourchasser : le juif ou l'aristocrate, l'intellectuel ou le bourgeois. Aujourd'hui : le catholique hétérosexuel.

    Le délire sécuritaire autour des manifestations pour tous, le déversoir injurieux sur ceux qui défilent rappellent les plus belles heures de l'ostracisme dictatorial. Il est vrai qu'aux manettes, les lobbbyistes communautaires héritent de l'art sournois de la manipulation cher à l'entrisme trotsko. Les mêmes qui pourrissaient le débat et répandaient la terreur dans les lettres et ailleurs en s'extasiant devant Mao ou les mouvements tiers-mondistes (quel que soit leur obédience : il suffit de voir les crétins contemporains se féliciter des prétendus printemps arabes...) continuent de plus bel en vilipendant une France réactionnaire, raciste, fasciste, rance, homophobe, antisémite, islamophobe, et j'en passe. La liste s'allonge chaque jour et elle prend une telle ampleur que sa raison en devient suspecte. Oui, suspecte. Car si le monde est ainsi gangrené par la prêtrise, les culs bénis et les furieux de Dieu, il faut assurément ouvrir des camps (de rééducation il va sans dire...).

    La pourriture d'un régime et d'une pensée se juge par le besoin qu'il éprouve (c'est un quasi besoin  physique) d'incarner l'ennemi, d'en découdre avec lui. La nécessité de l'ennemi et la démesure de la vindicte. C'est d'une drôlerie macabre que de voir les chantres de la liberté et de la fraternité, sans qu'ils le sachent même tous (1), sur les traces d'une idéologie politique que n'auraient pas désavoué ni Paretto ni Carl Schmitt.

    Modernité, liberté (de choix), individualité.

    Le pacte républicain revu et corrigé, corrigé surtout (comme on sanctionne). C'est-à-dire réadapté aux besoins d'une économie qui après nous avoir voulu sans terre (2), sans moyens (ou sinon limités), nous veut désormais sans nation, sans filiation, sans religion (sinon privée : vous prierez maintenant dans vos chambres). Pour arriver à leurs fins, les nababs du laisser-faire ont su trouver les meilleurs appuis qui soient dans les travées du laisser-aller qui s'est transformé alors en laisser-être. Loin de se tourner vers les tenants d'un capitalisme moral et rigide, ils ont rameuté les libertaires qui veulent à la fois la reconnaissance juridique et la marginalité identitaire. Il fallait prendre appui sur ceux qu'un ego démesuré pouvait aveugler, tant ils se croient au-dessus des autres. Voilà qui est, sur le plan stratégique, bien trouvé. L'amour de soi devient le droit à tout. Mais il est vrai que l'essence libéral tient en cette dernière phrase : elle en est le moteur et la finalité.

    C'est d'ailleurs à la lumière de ce constat qu'il faut comprendre leur souci de passer par le juridique. Par la loi, il s'agit de défaire tout autant que de faire. L'acharnement autour du mariage gay et surtout la perspective d'institutionnaliser la PMA et, plus encore, la GPA, ne trompent pas. La loi n'est plus alors la défense de tous, ou la protection de minorités persécutées mais le dépeçage de l'histoire. Un député socialiste, en 1981, rappelait à ses compères de l'opposition qu'ils avaient "juridiquement tort parce qu'(ils étaient) politiquement minoritaires" : au-delà de l'inélégance de la formule et de ses présupposés proprement fascisants (la loi, c'est nous, la loi, c'est tout, et vous n'êtes rien), on remarquera combien le concept de minorité est lui-même soumis à une lecture variable. Respectable et agissante un jour, la minorité est en d'autres temps négligeable et à mépriser.

    Qu'a-t-il bien pu se passer en plus de trente ans qui puisse donner à ce point à un petit groupe d'intrigants un tel pouvoir, sinon qu'ils ne sont que la fausse minorité d'une volonté elle majoritaire, dans l'espace de la classe dirigeante et politique, se pliant aux diktats d'un délire individualiste conforme/utile à une société où on s'en remet à la loi du plus fort et aux capacités de chacun à vivre comme il l'entend.

    Le mariage gay est un symptôme, comme la revendication cosmopolite : dans les deux cas, il s'agit, sous couvert d'aspiration égalitaire et d'ouverture à autrui, de satisfaire les désirs égocentriques d'un groupuscule nanti. En ce sens, autrui n'est qu'un alibi. Il est la façade par quoi passent les revendications nombrilistes. Il est cet autre dont je peux me servir, et sur ce point la gauche est imbattable : de même qu'elle instrumentalise l'arabe ou le noir (comme étranger reconnaissable), elle récupère le ventre d'autrui. Autrui n'existe pas en soi. Il n'est qu'un service. Il me rend service. Et rien de plus.

    Ne soyons pas modernes. Surtout pas. C'est la seule manière de revenir à la question d'une humanité dans toute sa limite et de récuser les grotesques promesses d'un futur technologisé et ouvert à la disparition de la Loi.

    C'est maintenant que tout se joue. On comprend mieux ce qu'il y avait de sordide (et faussement niais) dans le slogan présidentiel. Le changement, c'est effectivement maintenant. Il est temps de ne pas s'en remettre au destin. Il nous voudrait rances et nous sommes vivants ; ils nous voudraient de toutes les phobies et nos amis homos ou lesbiens rient avec nous, et Mohamed fait sa cinquième prière dans la chambre à côté ; ils nous voudraient antisémites et nous sommes plus juifs qu'eux. 

    Ils nous voudraient seuls et aigris ; nous sommes de toute notre antériorité, et des ramifications de nos antériorités. Et nous n'avons pas de preuves à leur donner de notre appartenance à la réalité du monde. Nous ne sommes pas nous-mêmes, mais au-delà de nous-mêmes. Non pas dans l'éternel présent du désir forcené. Nous sommes dans l'ascendance, dans le seul territoire qui soit capable de recevoir autrui en ce qu'il est et pour ce que nous sommes...

     

     

     

     

    (1)Pour les plus idiots, s'entend. Je ne crois pas à la naïveté des dirigeants.

    (2)Et de vouloir relire Juan Goytisolo, Juan sans terre...

     

    Photo : Narelle Autio