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politique - Page 13

  • Bruxelles, capitale funèbre...

     

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    Que l'artificielle Belgique ait donné, par sa symbolique capitale clivée, l'identité bureaucratique d'une Union européenne qui n'existe que pour les boutiquiers, les affairistes et les voleurs, est, pour reprendre Hegel, "une ruse de l'HIstoire". Comme quoi, ce qui n'a jamais été peut réussir à faire que nous ne soyons plus. L'absorption d'un trou noir en quelque sorte...


    Photo : Charles le Bresseler

  • Ne jamais se départir politiquement d'une grimace de joie...

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    Claude Monet, La rue Montorgueil -Fête du 30 juin 1878, Musée d'Orsay, Paris.


    "Pendant que les fonds publics s'écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages"

                  Arthur Rimbaud, "Phrases", Illuminations.

  • Ce qui devient lointain

     

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    La disparition de Margaret Thatcher ne me bouleverse pas. D'abord parce qu'elle était vieille, ensuite parce que, si elle fut une affreuse ultra-libérale, elle eut le mérite de l'être clairement, ce qui, au regard de la tripotée de faux-culs socio-démocrates européistes qui sont venus après, affadit son œuvre. Celle-ci n'est pas si loin du massacre social que l'on nous sert depuis Maastricht. C'est bien là un des effets de l'horreur politique qui se déverse sur nous depuis vingt ans : nuancer Thatcher. Qui l'eut cru ?

    Sa disparition ne me fait ni chaud ni froid, mais je pense aussitôt à ce que fut le dégoût du groupe lycéen que nous étions quand le 5 mai 1981 nous apprenions la mort du député IRA, Bobby Sands, après 66 jours de grève de la faim, à la prison de Maze. Nous étions jeunes et sensibles, peut-être. Nous étions surtout révoltés qu'un représentant politique fût ainsi traité dans une démocratie qui nous balançait son Habeas Corpus rituel comme le comble de sa vertu civilisatrice.

    Mais étions-nous, nous-mêmes, si grands, et pas un peu dans le spectaculaire tout de même, d'être ainsi en colère, et d'oublier que Sands n'était alors que le premier d'une série de dix, à mourir, entre mai et août 1981 ? Pourrions-nous nous souvenir, si l'occasion de nous revoir se présentait, que deux jours après avoir chanté le mitterrandisme triomphant, un autre homme, Francis Hugues, était mort lui aussi. Et de lui, je n'ai nul souvenir. Je n'ai nul souvenir que nous en ayons débattu. Le flot d'information passait, notre bonheur nous occupait, l'Irlande tout à coup était loin, et Margaret Thatcher à moitié amnistiée, d'une certaine manière.

    Suffit-il de blâmer la force dévorante de l'information pré-digérée et celle du flux qui fait passer de vie à trépas les malheurs, les tragédies du monde, quand on est soi-même capable de trier, selon ses humeurs, belles ou sombres, la valeur des morts aussi proches soient-elles...

  • L'arbre et la forêt (suite)

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    Je raconte à une mienne connaissance qui est dans le droit comme on dit les belles amitiés extrême-droitières du maçon rose Cahuzac. Des amis, vraiment ? me dit-elle. J'évoque la SCI des affaires péruviennes et aussitôt son œil s'illumine. Des amis, aucun doute. Et d'embrayer. La SCI (société civile d'investissement) est une structure où l'individu s'engage intuitu personae. C'est-à-dire ? Un engagement où elle se porte garant des dettes de ceux avec qui il contracte. En clair, une prise de risque conséquente qu'on ne fait qu'avec des liens de confiance. C'est, ajoute-t-elle, la forme privilégié dans des engagements de couples ou de familles. Pas le genre de chose que tu fais avec des rencontres fortuites ou de vagues connaissances. Elle conclut : Cahuzac, les gudards, c'était des potes, des vrais, des purs, des durs...


    Photo : X

     

  • L'arbre et la forêt...

     

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    Au delà du mensonge et de la fraude, l'affaire Cahuzac charrie une autre boue dont la gauche socialiste essaie de ne pas trop se couvrir. Il ne suffisait pas un ministre du Budget de planquer de l'argent en Suisse puis à Singapour. Il fallait encore que l'histoire fasse ressortir ses embarrassantes amitiés.

    Non seulement Cahuzac a fait appel à un proche de Marion Le Pen pour ouvrir le compte qui aujourd'hui le met au ban de la société politique (mais avec une nuance qui fait sourire : tout le vocabulaire et la compréhension, y compris à droite, pour l'homme à terre qu'il est devenu, l'homme blessé, l'homme meurtri, etc, etc. Ou quand, à la vindicte morale de façade on substitue la compassion entre nantis. On aimerait évidemment que les politiques aient autant d'indulgence personnelle pour la petite délinquance, le voyou de quartier, ou le voleur pauvre), non seulement il a fait appel à un avocat fiscaliste qui fricote avec le FN, mais on apprend qu'il a eu depuis longtemps des amitiés certaines avec des gudards avérés qui n'ont jamais renoncé à leur sensibilité politique.

    Pour plus de clarté : le GUD (Groupe Union Défense) est un syndicat étudiants d'extrême-droite dont l'idéologie et les méthodes sont à tout le moins musclés. Le Monde révèle que dans les années 90, Cahuzac fréquente beaucoup Philippe Péninque (le fameux avocat qui l'aide) et Jean-Pierre Eymié, lui-même avocat. Ce ne sont pas des amitiés de jeunesse, des accointances de fin d'adolescence. Ce sont des hommes mûrs qui se retrouvent et qui s'apprécient.

    En clair, Jérôme Cahuzac, adhérent au PS en 1977, aspirant à des responsabilités politiques dans le sérail socialiste, ne s'interdit pas de côtoyer des hommes dont les options idéologiques sont celles-là même qu'est censé combattre sa famille politique. Le journal précise que «la petite bande se retrouve régulièrement depuis la fac, autour d'un golf, à Vaucresson ou à la Baule. Ou encore dans la jolie maison du cap Benat, près du Lavandou, dans le Var, chez les Eymié. Jerôme Cahuzac se met à la boxe et au vélo, comme ses deux amis.» Mieux : elle investit dans une affaire au Pérou via une société, une SCI La Rumine.

    Alors que le PS fait ses choux gras d'un discours huilé et intéressé sur le FN, qu'il nous sort à la moindre occasion le couplet du cordon sanitaire ou celui de l'arc républicain, un homme appelé à une belle carrière commence à frauder et s'enrichit avec des copains d'extrême-droite. Pour faire simple : le riche socialiste a le droit de s'accommoder de l'esprit frontiste, quand l'électeur qui glisse, à tort ou à raison, son bulletin lui aussi frontiste dans l'urne, a le droit d'être traité de facho. Ce qui pourrait sembler un acte isolé, un choix individuel avec lequel il n'est pas possible de tirer le moindre enseignement est au contraire un symptôme de plus de la duplicité des socialistes vis-à-vis du FN et des idées d'extrême-droite. Ils s'en arrangent parce qu'elles les arrangent. Elles leur permettent de fonder leur légitimité morale à peu de frais (on en voit encore les restes aujourd'hui : les pires saloperies dont ils sont responsables ne les empêchent pas d'avertir le bon peuple que celui-ci n'a pas le droit d'aller voir ailleurs et que ce serait péché que de finir dans les filets de Marion and co. Toujours la même antienne : demander encore plus de vertu aux pauvres). Elles leur offrent une virginité sans cesse recommencée.

    Cahuzac n'est pas qu'un cynique économique, qu'un moralisateur indexé à l'optimisme suisse (sur un compte bloqué...) ; il est un mensonge politique, une vacuité nauséabonde du politique.

    Or, si l'on veut bien admettre, pour l'aspect financier, la ridicule ignorance de l'exécutif, la capacité de dissimulation du ministre du Budget, il n'est pas pensable, parce que, sur un tel homme, les RG ont obligatoirement des fiches, il n'est pas pensable que ce même exécutif n'ait pas su, qu'il n'ait pas connu, et donc compris, les amitiés fortes de ce dernier pour des gens d'extrême-droite.

    C'est donc une faute politique que cette nomination, une complaisance ignoble que cette célébration de Cahuzac avant sa chute.

    Les 600 000 euros sont mesquins eu égard à sa richesse et à sa fonction. Il est cupide. Il a menti pour quelques billets (encore que ces billets, bien des malheureux voudraient pouvoir les sentir dans leurs poches, pour manger, se loger, s'habiller).

    Les amitiés non sanctionnées de Cahuzac sont pires encore. Et bien plus révélatrice de l'héritage mitterrandien dont les gouvernants d'aujourd'hui sont les rejetons pourris. De même que le Florentin avait son Bousquet, les socialistes du moment ont leur nationaliste des beaux quartiers. La classe, quoi !

    À partir de là, qu'ajouter ? Rien, et se taire, faute de mieux, devant les prochaines échéances, quand Marion et sa clique viendront rafler la mise. Cela peut faire peur sans doute, mais disons-le sans détour : rien, absolument rien, ne me détournera de l'abstention. J'ai déjà donné en 2002...

  • Du danger de l'insignifiance.

     

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    Fallait-il se contraindre à écouter pérorer télévisuellement le si normal président de la République, hier soir ? Certes non. Il suffisait d'attendre les comptes rendus du lendemain pour vérifier une fois de plus que rien n'en était sorti. Il en eût été autrement que je m'en fusse étonné.

    François Hollande est comme un livre grand public. Le nom de l'auteur et le titre sont une invitation au pays des songe-creux. La quatrième de couverture et on en a fait le tour. Encore serait-il hâbleur, orateur vaguement sophiste que l'on pourrait passer un agréable moment de spectacle. Mais, sur ce plan-là aussi, il est terriblement mauvais, avec une articulation et un phrasé désastreux. Sa victoire de juin 2012 est le fruit d'un malentendu, c'est-à-dire une situation qui renvoyait à deux paramètres distincts mais complémentaires :

    1-du point de vue de Hollande lui-même, la vacuité en trompe l'œil de son programme (vacuité au sens où il ne différait en rien, sur les principes économiques notamment, de celui de Sarkozy, et il faut être bête comme un journaliste de Libération pour poser ce matin la question « Hollande est-il encore de gauche ? ». Il ne l'a jamais été !)

    2-du point de vue de Sarkozy, la cristallisation du rejet de sa personne.

    Tout cela est une affaire de bruit, de parasitage, comme dirait Shannon. L'égocentrisme sarkozyen, la suffisance de l'hyper-président (1), l'auto-glorification et la vulgarité du bling-bling ont été les vrais indices de l'orientation démocratique, ce qui en dit long sur la santé de la démocratie hexagonale. Sarkozy était le point nodal de l'équilibre politique et de ses variations. Grenouille hypertrophiée, il apparaissait à toute heure, en toutes circonstances, pour n'importe quel sujet. Il fallait donc que tout se fît face à/contre lui. Il était un signe plein. Ce constat ne suppose nullement que ce signe qu'il était avait un sens précis, cohérent, valable, tant il est vrai que désormais le « faire-signe » suffit à créer de la valeur politique (comme il y a une valeur marchande).

    Sarkozy était un signe plein, voire débordant. Il occupait le terrain ; il nous occupait, à défaut de s'occuper de nous (2) ; il nous préoccupait. Ce tir de barrage qu'il entretenait, en vue de sa victimisation, et qu'entretenaient ses ennemis socialistes, en vue de leur réussite électorale, a masqué l'abandon du politique qui nous guettait. L'histrionisme sarkozyen a été un spectacle ; il a été le spectacle auquel ont participé les parties prenantes politiques et sociales du pays, parce qu'elles y trouvaient leur compte, présent ou à venir.

    Ce signe plein a concentré tous les maux/mots du moment. Il était la tension même de l'espace politique français et sans lui, jamais Hollande n'aurait été élu. Jamais il n'aurait pu jouer sur le registre de l'homme normal. Jamais monsieur Hollande n'aurait fait son entrée à l'Élysée. Cette normalité n'avait rien à voir avec la common decency d'Orwell. Elle n'était qu'un artifice communicationnnel, une posture, un positionnement marketing. L'affaire a réussi. De peu ! Oui, de peu, car il faut avoir un esprit sévèrement encarté pour ne pas voir que les 48,5% de Sarkozy sont un exploit qui en dit long sur l'illusion Hollande, dès le départ. La normalité avait déjà des limites. Sa vocation (?) à être monsieur tout le monde pouvait tenir comme slogan électoral, tant que le signe plein entrait dans le processus combinatoire. Mais après...

    De la normalité du corrézien, il a vite fallu déchanter. Il ne va pas au Fouquet's ; il n'est pas l'ami de Bolloré, mais on trouve chez lui un souci de l'État socialiste, du copinage et des équilibres partisans qu'on en revient vite. Sa normalité de preneur de train et d'aviateur en lignes régulières, elle ferait rire s'il n'y avait pas du tragique à l'horizon.

    La normalité, c'était, face au signe plein, l'exaltation de l'axe moral. Hollande imposait un semblant d'éthique face à l'arrogance. Une fois le signe plein sarkozyen parti se refaire la cerise on ne sait où, restait le roi nu.

    L'illisibilité de la ligne politique, la composition d'un gouvernement d'ectoplasmes (3), l'absence d'idées force, la permanente cacophonie inter-ministérielle,... Voilà ce qu'est Hollande. Ce qui nous avait été vendu pour un retour à un État humble, responsable, travailleur et moral tourne à la farce autour d'un personnage sans prise sur le monde.

    Et pourquoi cela ? Certains qui ont, comme moi, moqué la candidature Hollande le faisaient souvent au regard de l'historique de sa carrière politique. L'homme fut sans doute une brillante bête à concours (Sciences-po, HEC, et l'ENA) mais c'est à peu près tout. Il ne fut jamais ministre. Il fut le premier secrétaire de deux défaites électorales (dont un désastre, celui de 2002), sans que jamais ne l'effleurât l'idée de sa démission. Insubmersible apparatchick d'un parti sans âme, sans valeur, sans projet, sans ambition, tel apparaissait Hollande. Il était non seulement un personnage sans relief, mais aussi un homme sans idées et sans vision. Il était insignifiant.

    Insignifiant : passe-partout, capable de se fondre dans le décor, d'épouser les formes que prendront les opportunités. Ce qui lui réussît fort bien tant qu'il fallait manier la barque socialiste et jouer des différents courants qui formaient l'équipage. Mais lorsqu'il fut question du pays, de la France, qu'il n'y avait plus que lui face à lui-même, qu'avons-nous vu ? Rien.

    Insignifiant : le vide. Qui ne signifie rien, en somme. Après le bruit sarkozyen, l'aphasie hollandienne. Le signe vide. Du bavardage inaudible et de l'ankylose. La normalité s'est très vite transformée en un terrible silence. Hollande est là où, peut-être, comme Sarkozy, il avait rêvé d'être. Comme Sarkozy, à ceci près que chez ce dernier demeurait cette intime conviction de l'exception qu'il représentait. Et cette exaspérante nécessité de remplir le vide, d'aller au devant des choses, même pour ne pas faire grand chose, avait une vertu, oui, une vertu. Elle attirait vers elle la crispation sociale et politique qui traverse depuis de nombreuses années le pays.

    Il n'est pas très agréable de le dire ainsi mais tel est, me semble-t-il, la dimension salvatrice de l'hypertrophie sarkozyenne : en signe plein qu'il était, le président bling-bling phagocytait une partie du délitement social et politique. Contrairement à ce qu'on aura entendu pendant un quinquennat, ce n'est pas ses accointances supposées avec le FN, la promotion de la ligne Buisson, qui expliquaient le maintien des aspirations lepénistes et des replis identitaires dans certaines limites. C'était le rapport que Sarkozy avait imposé aux autres politiques qui amoindrissaient les extrêmes (et par effet de transfert donnaient de l'air aux socialistes qui auront, comme toujours depuis trente ans, été les vrais bénéficiaires du lepénisme, ce qui explique pourquoi ils ne veulent nullement l'éradiquer).

    Avec l'insignifiance hollandienne, il en va tout autrement, et la mise en examen de Sarkozy est peut-être la pire des nouvelles qui soient pour les élections à venir. L'UMP s'étant ridiculisé, le PS ne pouvant se désolidariser d'un pouvoir dirigé par l'insignifiance, un boulevard s'ouvre pour Marion et ses copains, parce qu'il n'est pas possible, c'est un principe fondateur de la politique lorsqu'en régime démocratique son expression est structurée par la concurrence, qu'un espace vide ne soit pas comblé.

    La présidence d'Hollande, dans son déroulement, dans le délitement progressif qu'il consacre de la politique active mise au rebut au profit d'un mensonge permanent (ne jamais prononcer le mot rigueur, ne jamais avouer que trois mois auront suffi pour mettre au placard les quelques promesses de campagne, ne pas avouer que le mariage pour tous devait être un cache-misère et que même la réaction du pays n'avait été prévu), dans l'abandon de toute volonté ambitieuse au profit d'une gestion au jour le jour, dans la promotion, même bidon, d'une gouvernance normale alors que la Ve République est conçue pour l'affirmation d'une personnalité, cette présidence Hollande est une catastrophe. Non pas en considération de ce qui n'a pas été fait, mais de ce qui est à venir.

    La preuve la plus belle de cette insignifiance est sans doute à prendre dans ce duo gouvernemental que l'homme normal a adoubé. Taubira à la Justice, Valls à l'Intérieur. Peut-on faire plus insignifiant ? C'est-à-dire, ici, significatif. Significatif de celui qui cherche à ce que tout s'annule, à ce que deux son discordants finissent par se neutraliser et que ce soit le silence.

    Il faudrait lui dire que, paradoxalement, si l'on peut être maître de ses paroles et responsables de ses actes, on n'est jamais maître du silence et de l'immobilité. Et surtout pas en politique. Parce que le silence et l'immobilité vous effacent, de toute manière. Quand le pays aura fait le tour de la normalité réduite au radotage incantatoire du président, il est à craindre qu'il veuille chercher raison du côté de la force et de l'affrontement. La montée de l'argumentaire identitaire dans toute l'Europe est un signe. vrai, celui-là. Une réalité sensible. Une perspective. Une aspiration. Il est urgent d'y réfléchir.

     

    (1)Une fumisterie de plus. Hyper ? Où ? Quand ? Comment ? On a confondu le pouvoir et la mise en scène de soi. On a identifié la capacité de faire à la turbulence médiatique.

    (2)Sauf si l'on veut bien comprendre l'expression ainsi : « je vais m'occuper de vous », soit : « je vais vous faire votre fête ». Et sur ce point, Sarkozy n'a pas menti. Il faut un efficace liquidateur.

    (3)Ayrault n'existe pas. Émergent, qu'on les apprécie ou non, Taubira, Valls et Montebourg. Pour le reste, un théâtre d'ombres. Le gouvernement le plus grotesquement nul de toute la Ve République. Malgré la parité...


    Photo : Olivier X.

  • Populisme (substantif masculin)

     

    Le festival continue. On en parle une dernière fois, on relève une dernière fois la gangrène journaleuse et on passera à autre chose, définitivement. Il s'appelle Michaël Darmon. Il est l'analyste politique d'I-Télé. Il vient commenter à la mise en examen de Nicolas Sarkozy dans l'affaire Bétancourt. Cette décision vient après l'ouverture d'une enquête préliminaire touchant Jérôme Cahuzac. Et qu'en tire-t-il comme conséquence ? Que « c'est une mauvaise semaine pour la démocratie, et une bonne pour le populisme ». Christophe Barbier, le bavard creux qui trône sur les plateaux et dirige L'Express, est sur le plateau et acquiesce.

    La démocratie et le populisme en rivalité. Soit. Mais le problème est ailleurs. Car concevoir que la semaine qui s'achève est un coup dur pour la démocratie signifie de fait que l'inculpation d'un politique, que la demande judiciaire à ce que des élus ou des dirigeants rendent des comptes sur le agissement est une atteinte à la démocratie. Ni plus, ni moins. Cette casuistique jésuite est bien plus redoutable que l'homélie du nouveau pontife. Elle fonde le caractère d'exception qui structure désormais l'appareil pseudo démocratique. Carl Schmitt est consacré. La démocratie est en danger quand la justice essaie de faire son travail. On la dit faible quand elle ne sanctionne pas assez Rachid qui deale, Renaud qui trafique, Mamadou qui vole ou Paul qui escroque, quand le quidam du bas de l'échelle ne reste pas dans les clous ; elle est outrancière quand elle s'interroge sur les agisssements de Jérôme ou Nicolas.

    De fait : le populisme, ce n'est plus le fascisme supposé de ceux qui expriment leur défiance vis-à-vis des partis et des dirigeants de la social-démocratie pourrie (et cette défiance passe aussi par l'abstention et la réflexion, pas seulement par l'agacement épidermique et le vote frontiste...) ; le populisme dans la bouche d'un journaliste commence là où, dans un esprit de caste médiatico-politique il faut protéger les sortants. Le populisme, ce n'est plus une théorie politique, une filiation idéologique ; c'est la figure de l'ennemi. Le populiste, c'est le bourgeois des staliniens, transposé en régime social-libéral de l'entre-soi UMPS et médias réunis.

    Le petit Darmon bredouille une antienne nauséabonde faite pour incriminer ceux qui demandent, non pas le mariage pour tous, mais la justice pour tous. Celle-ci est autrement plus problématique à offrir que celui-là. Le populisme sociétal passe beaucoup mieux que l'aspiration à plus d'égalité devant la loi.

    Le statut juridique du président de la République (concession exorbitante d'un président de conseil constitutionnel de « gauche » -Roland Dumas- à un président de « droite » -Jacques Chirac) n'est pas le seul pare-feu. L'engeance journaleuse, quand le droit constitutionnel n'y suffit plus, vient à la rescousse. Et cela, ce n'est pas du populisme. Que non ! C'est un sens de l'État, une raison d'État ! Mais elle est rampante et fielleuse. Rien à voir avec ce qu'on définit comme le populisme, cet hydre qui en voudrait tellement à la démocratie...

  • Le ridicule...

     

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    Le ridicule sénateur-révolutionnaire Mélenchon continue de se confire dans sa bêtise et dans le rôle grotesque de penseur alternatif. La dernière de ses saillies creuses concerne la présence du premier ministre français pour la messe d'intronisation du pape François. "La république n'a rien à faire au Vatican".

    Il oublie sans doute qu'il s'agit d'un rapport d'État à État, selon les accords de Latran établis en 1929. Mélenchon ne peut donc fonder sa contestation sur une compromission de la France laïque avec une religion quelconque, en l'espèce la religion catholique. S'il le fait, c'est en considérant l'esprit même qui organise le Vatican comme état religion, comme théocratie.

    Théocraties, et je l'écris au pluriel, devant lesquelles on aimerait qu'il s'insurge systématiquement, demandant sans doute qu'on rappelle les ambassadeurs français installés dans des pays où la religion est ou devient le vecteur majeur de la vie civile.

    On aimerait qu'il s'agite, autant que pour le pape, devant la république islamique d'Iran, devant le furieux Ahmadinejab, grand antisémite devant l'Éternel, grand ami de Chavez qu'il est venu pleurer il y a peu. Chavez, le grand ami de Mélenchon.

    Sa vindicte anti-catholique est devenue tellement caricaturale qu'elle laisserait sourire si elle n'était pas le signe curieux d'une logique plus profonde de ce qu'on appellera les réflexes pavloviens des intellectuels de gauche...

  • XX

     

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    Que les petits provinciaux, les misérables de l'outre-périphérique ne l'oublient jamais : Paris est éternel, Paris sera toujours Paris, avec un temps (que dis-je : une éternité) d'avance. Elle était la capitale du XIXe pour reprendre les mots de Walter Benjamin. Son étoile ayant légèrement pâli, elle reste le phare hexagonale. Elle ouvre la voie.

    Pour l'heure, elle nous susurre, dans une parodie toute malrucienne, que le XXIe siècle municipale sera féminin ou ne sera pas. Et nous, perdus en nos communes, nos hameaux ou nos lieux-dits, n'aurons pas le bonheur parisien de voir des femmes, des femmes, et des femmes, descendre dans l'arêne politique pour nous offrir le meilleur. 

    Qu'on fasse un temps l'estimation de ce qui attend l'électorat capital : Anne Hidalgo, Nathalie Kosciusko-Morizet, Rachida Dati, en attendant la sémillante Cécile Duflot. Autant dire un florilège d'intelligence, de réflexion et de grandeur. Il manque Roselyne Bachelot (ou Marie-Goerges Buffet, ou Marielle de Sarnez) pour que nous puissions parler d'un cinq de départ éblouissante, comme dans une équipe de basket.

    Pourquoi parler d'équipe, quand nous évoquons, logiquement, des adversaires, des rivales sans pitié et sans merci ? Parce que leurs différences sont si ténues qu'on se demande ce qui justifie un tel affrontement ? On dirait un défilé pour bobos de gauche. C'est à ce point risible qu'on en vient à penser que c'est le silence devant ce risible qui intrigue et qui donne à l'événément tout son piquant.

    Cette effervescence d'ardeur politique féminine éblouit les donneurs de leçon en matière de démocratie. J'entends : les mesureurs de santé publique et politique à l'aune de la terreur gender studies. Le dynamisme est femme ; la respiration démocratique se mesure au tailleur et au rimmel, qu'on se le dise une fois pour toute. Françoise Giroud avait ce mot savoureux : "l'égalité, c'est quand on nommera une femme pour son incompétence" (1). Vu sous cet angle, on peut légitimement penser qu'on avance à pas de géants. Ce sont pour le coup des enjambées à la Rabelais ou à la Swift.

    Se moquer de cette bataille en jupons (ou en jeans : l'affaire est encore en discussion. Tout dépendra de l'engagement de Cécile Duflot. Soit le classique, un peu guindé -mais pas trop- sans elle ; soit le destructuré revival hippie, avec elle) est d'un mauvais goût certain. Je suis de mauvais goût. Passablement sexiste, machiste, rétrograde. Si on veut : je prends tout. Au bout d'un moment, cela n'a plus d'importance. Néanmoins, il est raisonnable de se poser une question plus sérieuse.

    Lorsque l'ordre des représentations ne fait qu'inverser un état antérieur, ne tombe-t-on pas dans le grotesque ? Entendons par grotesque cette forme de représentation théâtrale que les Anglais connaissaient avec Shakespeare et que les romantiques, Hugo en tête, ont exploité au XIXe siècle. Grotesque, en ce que le mélange des genres, l'excès communicationnel, le va-et-vient entre la volonté de discours sérieux et l'impossibilité de ne pas jouer un numéro de charme, tout cela nous fait penser à la pesanteur des gros gâteaux du romantisme boursoufflé. La manière dont ces dames ont commencé à débattre relève plus crépage de chignons que de la dialectique idéologique. Les quelques échos que j'en ai eus faisaient penser à une querelle de lavandières. Et sur ce plan, pas moyen de faire mieux que Goldoni.

    Pourquoi ainsi parler de théâtre ? Pourquoi ne pas se gausser avec la même vigueur de l'affrontement fratricide -deux clônes, imaginez- entre Fillon et Copé ? Sexisme masqué ? Indulgence masculine ? Esprit de corps, en quelque sorte ? Nullement. Il est simplement normal, sain et raisonnable d'évaluer la nouveauté, le changement, l'évolution, pour tout dire : le progrès, qu'on nous a promis et vanté. Cet inévitable progrès, sans quoi il n'y aurait pas de marche vers des temps meilleurs.

    Depuis 68, on nous bassine avec ces espérances de la féminité, féminité posée comme une sorte de synthèse de l'humanité bienveillante et douce ; depuis 68, on confond l'émancipation des femmes (et tant mieux, il n'y a rien à redire là-dessus) et une lecture génétiquement douteuse de la féminité bouclier contre la prédation masculine. Les hommes ont fait l'Histoire, la violence, les massacres et tout le tintouin. D'accord. Est-ce une raison pour croire que le bouleversement des sexes induit un changement radical des comportements, des idéologies politiques et réduit la noirceur phallique dans une sorte de candeur vaginale ?

    Le ridicule de cet éblouissement féminin avait commencé dans les années 70-80 quand on faisait se tordre rire l'étudiant de lettres que j'étais avec l'aporie de l'écriture féminine, laquelle reste, d'un point de vue stylistique, une énigme : j'attends encore une lecture à l'aveugle d'extraits pour m'expliquer la détermination sexuée des pages soumises à la lecture. Certain qu'on arrivera à la même escroquerie que dans le domaine de l'œnologie. Ici, ce n'est pas le flacon qui fait l'ivresse, mais l'étiquette. Après la littérature (2), la politique. Et de nous servir le plat d'une différence dont on attend toujours les effets. Les femmes, ou une manière différente de faire de la politique. Vaste escroquerie...

    Glosons un temps sur le concept de différence avant de revenir à nos parisiennes. Celle-ci, qui procède en partie d'une analyse structuraliste du monde (la pertinence, de Saussure et Jakobson), est un pis-aller en la matière. On confond le sexe avec une philosophie essentialiste dans laquelle la différence, c'est toujours le mieux, le plus. On oublie au passage que la différence est devenue au fil du temps une ressource communicationnelle, un gimmick pour agence de pub (3), un credo pour représentants de commerce.

    Alors, la différence des femmes ? Plus d'opportunisme ? Plus de stratégie ? Plus de reniements ? Plus de compromissions ? Plus de violences verbales ? (4)

    Nos parisiennes, nos parisiennes... Des dents à rayer le parquet pour toutes, jusqu'à la caricature en ce qui concerne Hidalgo et Dati. Chez Duflot, aussi, mais avec ce petit air "dites les filles, vous avez, ministre, je suis, les filles" qu'elle pousse à l'extrême. C'est, de très loin, la plus ridicule du quatuor. Reste NKM. Réduction à l'acronyme. Un équivalent en jupons de DSK, ou bien une marque, comme BMW, NHK ou KTM. Ça claque, ça sonne. Éventuellement porteur...

    Sa médiocrité ministérielle fut grandiose, sa nullité électorale plus grandiose encore (5), pendant une présidentielle où elle avala coulœuvre sur coulœuvre... Mais, dira-t-on, ce n'était pas elle. Elle n'était pas vraiment libre de ses mouvements. Alors, regardons faire cette différence féminine-là, dans sa conquête de la mairie de Paris. Ayant compris qu'il n'y aurait en ce lieu nulle victoire sans être gay friendly (selon les commentaires de sa copine Bachelot qui s'inquiétait de ce que la bonne et sérieuse Nathalie allait décider quant à son vote sur le mariage pour tous), elle a choisi de s'abstenir. Oui, s'abstenir, au motif qu'elle est pour mais contre la MPA et la GPA. Comme si l'un ne pouvait pas immanquablement procéder de l'autre. En clair : ne pas aller dans le camp d'en face, pour ne pas choquer son électorat de base ; ne pas rester dans une opposition radicale, pour qu'on ne lui rétorque pas le moment venu qu'elle n'était pas assez ouverte... L'abstention donc. Ce qui, sur un sujet aussi crucial, relève de la bêtise absolue. Ab-so-lue et méprisable. Pour le coup, j'ai infiniment plus de respect pour Benoït Apparu qui a choisi de voter le texte. NKM, c'est le cynisme au rouleau compresseur. Mais c'est une femme : il faut y voir une subtilité dialectique là où, pour un homme, on ne verrait qu'intérêt politicien (6)...

    NKM a fait preuve, en quelques jours, pour un projet qui ne concernait qu'elle, devenir maire de Paris, pour une perspective qui ne mettait en jeu que son ego, d'une fourberie dont je ne dirai jamais qu'elle est féminine, parce que je ne dirai pas non plus qu'elle est masculine. L'ambition et l'art du louvoiement n'ont pas de sexe, comme la médiocrité. Tel est l'enseignement de ce jeu d'hypocrites auquel les parisiens seront conviés.

    Entre hommes ou entre femmes, la belle affaire. Un leurre de plus dans l'arêne politique ; une distraction de plus dans la marre médiatique. Cela servira seulement à faire vendre de la feuille, à faire bavasser les politologues et les sociologues qui y verront un signe indubitablement de changement, d'évolution, de maturité, de renouveau, de grandeur, d'apaisement, de conformité avec l'espace du réel, d'adéquation avec la vitalité sociale, d'écoute nouvelle, de mutation sociologique, de bouleversement dans les instances décisionnaires,... Bref : à vous d'imaginer.

    Qui n'a pas compris la beauté de la chose est un être obtus, diront ceux qui nous vendent ce nouveau féminisme comme une porte de sortie à la catastrophe ambiante. Force est pourtant de constater que la seule vertu de la parité gouvernementale, et nous en sommes redevables à la présidence Hollande, est d'avoir démasqué ce mythe de la femme politique, cette aporie de la différence. Le nombre aurait fait apparaître une médiocrité (de Delaunay à Bertinotti), une prétention (Filipetti) et une arrogance (Vallaud-Belkacem) qui n'est ni plus ni moins le reflet d'un comportement politique que nous connaissions du temps où l'État était une affaire d'hommes.

    Il n'est pas interdit de continuité dans cette voie. Je n'y trouve nul inconvénient, étant donné que le problème est ailleurs. Non pas dans la détermination des genres mais dans l'élaboration des politiques. Or, la féminisation de la politique correspond étrangement au triomphe de l'ultra-libéralisme et à la vacuité décisionnaire de ceux qui prétendent nous gouverner. De fait, les femmes qui sont aujourd'hui au pouvoir non seulement ne changent rien à la politique mais participent (dans le sens où elles sont le symptôme) d'un désastre plus grand : celui de la mort du politique. Il n'est pas question de prôner le retour à un ordre ancien, à une sorte d'archaïsme patriarcal qui sonnerait comme le signe des temps heureux. Ce billet ne défend pas l'homme, comme il n'attaque pas la femme. Il signifie seulement que le discours autour des sexes et de la politique est une fumisterie, qu'elle est un écran de plus pour ne pas aborder les questions de fond : quelle politique ? quelle société ? quelle misère ? quelles solidarités ? quels partages ?

    Pour l'heure, la parité politique et ses effets accompagnent fort bien la décomposition sociale et l'accentuation de la paupérisation. Je ne suis pas sûr que les femmes d'en haut s'en préoccupent beaucoup, trop occupées qu'elles sont à leur plan de carrière.

    Certainement : sur la question des femmes en politique comme une nouvelle ère, je resterai obtus et dédie ce petit billet à Laurence Parisot.


    (1)Ce que prouve la récente nomination de Ségolène Royal comme vice-présidente de la BPI par l'ami socialiste Jean-PIerre Jouyet, copain de promo à l'ENA de l'homme normal. Bel exemple de république bananière...

    (2)Précisons qu'il en est des femmes-écrivains comme du reste : du pire et du génial. Au choix, Katherine Pancol et Amélie Nothomb pour la catastrophe, Marguerite Yourcenar ou Virginia Woolf (mais il est vrai que la sublime Virginia avait par avance cloué le bec aux bavardes qui nous faisaient la leçon. Il suffit de lire Une Chambre à soi, où elle place d'abord la question sur le plan économique, c'est-à-dire dans un cadre qui n'a rien d'abstrait et pseudo-philosophique).

    (3)"France-Inter : écoutez la différence", il y a quelques années.

    (4)Subversité de la langue. Le "plus" compris, selon l'envie, comme une négation ou une exagération.

    (5)Sans esprit partisan : on se demande comment Sarkozy a pu penser un seul instant faire campagne avec un porte-parole aussi insipide...

    (6)C'est sans doute en fonction de ce même paramètre que l'on est si indulgent avec Marisol Touraine, ministre de la santé, qui fut inexistante et silencieuse dans le désastreux épisode des pillules des troisième et quatrième générations. Elle était beaucoup plus en verve quand il s'agissait de se placer dès l'automne dans la course à la succession de Jean-Marc Ayrault...


    Photo : Renaud Allirand

  • Le bon plaisir des uns...

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    Il y a quelque sublimité à voir les progressistes de gauche (pléonasme...) se tourner vers les conservateurs anglais pour justifier du bien fondé de leur loi du «mariage pour tous»... Il est très drôle (mais l'ironie n'est pas tant grinçante que funeste) de prendre modèle sur la modernité britannique en matière de mœurs, de contempler le Royaume-Uni comme la voie royale d'un progrès sociétal à même de rendre heureux les si multiples segments de la société. La paupérisation des classes laborieuses, l'horreur social si souvent rappelé par Ken Loach, le thatchérisme étendu au New Labour, le communautarisme terrifiant, cela donne envie, en effet, qu'on appelle Cameron et sa clique à la rescousse... Sauf à vouloir activer davantage la décomposition du monde, je ne vois pas...

    Car c'est bien là l'escroquerie ultime du mariage pour tous : il n'est qu'un élément supplémentaire d'une théorie marketing de la segmentation. La victoire apparente de la liberté à accorder à l'infini des droits, qui sont autant de possibilités de se soustraire à l'horizon commun, cette victoire n'est qu'un enterrement de première classe. En démultipliant les cellules de légitimité, en reconnaissant à l'infini ce droit d'être-soi, on délite la pensée sociale au profit (et l'expression est plus que jamais approprié) d'un nombrilisme qui veut à la fois démolir les institutions et les mots (1), qui veut se vivre soi, en dehors de toute allégeance, à l'exclusion de toute volonté dont il ne serait pas l'unique détenteur. C'est le bon plaisir du roi, l'accession, à l'ère pseudo-démocratique, d'une souveraineté individuelle qui ressemble à un rêve aristocratique.

    Il n'est pas étonnant que cette évolution soit portée par ceux, de droite et de gauche, placés sur l'échiquier politique selon les opportunités et les calculs stratégiques, qui n'ont in fine que les lois du marché comme référence. Dès lors, David Cameron devient, au nom de cette apparente défense des libertés, un homme dont on peut invoquer le courage et l'ouverture. Puisse-t-il se libérer rapidement pour venir battre le pavé parisien avec la tripotée de bobos gauchistes, de seins nus barbouillés des femen, de trotskos survivants et de libéraux open-mind. Je veux une photo : ce sera collector, comme on dit...

    Rappelons ce qu'écrivait Simondon, dans L'Individuation psychique et collective :

    «Une société dont le sens se perd parce que son action est impossible devient une communauté, et par conséquent se ferme, élabore des stéréotypes ; une société est une communauté en expansion, tandis qu'une communauté est une société devenue statique ; les communautés utilisent une pensée qui procède par inclusions et exclusions, genres et espèces ; une société utilise une pensée analogique au sens véritable du terme, et ne connaît pas seulement deux valeurs, mais une infinité continue de degrés de valeur, depuis le néant jusqu'au parfait, sans qu'il y ait opposition des catégories du bien et du mal, et des êtres bons et mauvais [...]»

    Il ne peut échapper que c'est bien ce glissement communautaire qu'on est en train de nous vendre, lequel glissement finira par être, en droit, le fer de lance de ceux qui n'ont pas la démocratie en héritage, ou qui voudrait en finir avec elle. Que l'on s'extasie tout à coup, à gauche, du miracle anglais (2), est une preuve supplémentaire que l'enjeu du mariage pour tous est d'une importance capitale. Cette loi est une bascule. Une bascule définitive dans l'horreur libérale. C'est bien pour cela, et les gauchistes n'en sont pas tous conscients (3), que l'invective est de mise, que la haine et l'outrecuidance des défenseurs de la loi sont portées à ce niveau, jusqu'à une cécité qui glace. Que les propos ahurissants d'un Pierre Bergé aient laissé de marbre les féministes (ou tout simplement les femmes) et les âmes bien nées de ceux qui sont évidemment de gauche (4) en dit long sur le terrorisme ambiant. Aller au bout, coûte que coûte... En appeler à la clairvoyance de Cameron, s'il le faut, à la retenue de Rajoy, à la démocratie argentine, fustiger le moindre catholique qui passe, se prendre pour un dreyfusard de la cause différentialiste face à d'obscènes réacs.

    Traiter l'opposant d'homophobe, de salaud d'homophobe, surtout, le nier, vouloir l'effacer du paysage, le reléguer... Et porter un tee-shirt avec la photo de Cameron, pourquoi pas ?

      

    (1)La dernière absurdité d'une élue socialiste en pointe sur l'affaire du mariage pour tous, de vouloir rebaptiser l'école maternelle, en est une preuve supplémentaire. Après la LTI dont parlait Viktor Klemperer, les errances de Nicolas Marr, les analyse de la LQR d'Eric Hazan, on continue : destructurer la langue, miner la sémantique, ruiner l'histoire...

    (2)Car on reluque aussi, en matière d'économie, vers la City et le gouvernement actuel se lance, avec le plus de discrétion possible, dans une politique de droite faisant singulièrement pâlir le conservatisme sarkozyen

    (3)Mais leur libertarisme bourgeois les y prépare pourtant. Il est «interdit d'interdire». Encore et toujours. 

    (4)Ou quand l'adverbe supposerait un excellence génétique cachée... Mais imaginons une seconde que ces propos eussent été tenus par un affreux réac et nous eussions eu des bataillons de révolutionnaires pour hurler au loup. Seulement, à ce point de décervelage, les femmes qui défendent le mariage pour tous ne sont même plus capables de relever l'insulte qu'on leur fait. Être gay friendly à tout prix, quitte à abandonner tout esprit critique...