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off-shore - Page 77

  • Quand le pourpre vire au noir

    Il est bon ne pas demeurer dans l'enfance. Plus encore est-il important de ne pas rester un éternel adolescent. Cela n'empêche nullement que certaines annonces ramènent à une part de vous-même disparue (pas oubliée) sans qu'alors vous ayez la moindre peine, le moindre regret. Le temps est révolu, et justement parce qu'il est révolu, vous pouvez regarder le passé débarrassé de ses scories larmoyantes. Certes, vous sentez bien que vous avez vieilli mais, dans l'histoire, ce fait est très secondaire. Vous vous dites qu'il y a autre chose à garder. Ces annonces ne vous attristent  pas mais vous murmurent que vous trimballez avec vous une constellation de souvenirs, de sensations, de détails, qui, s'ils ne font pas votre quotidien, s'ils sont même à mille lieues de vos goûts présents, n'en sont pas moins des bornes de votre chemin.

    Par exemple, d'avoir découvert, à treize ans, que l'on pouvait faire du rock, fallait-il dire du hard, avec un clavier, qui jouait de l'orgue, formant avec le guitariste un duo magnifique. De ce guitariste, Ritchie Blackmore, vous n'en êtes jamais vraiment revenu, et pas seulement pour l'introduction de Smoke on the water. Il y a bien meilleur que lui, vous le savez, dans la pop, mais c'est comme Rory Gallagher, une affaire de style, un indicible étonnement dont vous avez en mémoire le frisson. L'organiste de Deep Purple, lui, s'appelait Jon Lord. Il est mort ce 16 juillet, et l'on pense alors que comme dans Pink Floyd, avec la disparition de Rick Wright, c'est le piano qui s'est tu en premier. Made in Japan reste un des sommets dans les albums live, enregistré en août 72 ; il aura quarante ans dans moins d'un mois et Lazy une démonstration de blues inattendue...  





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  • Le prix de l'étranger

     

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    La classe politique française s'indigne. Elle aime cela, notre classe politique. Elle a l'éthique chevillée au corps. Il suffit de voir les diverses affaires troubles dans lesquelles elle a trempé ces trente dernières années pour se dire qu'elle est irréprochable. 

    Dans le cœur de l'été, elle a trouvé un nouveau sujet par quoi elle peut montrer sa vertu populaire et son sens de la mesure. Elle s'indigne, droite et gauche confondues, de Jouanno à Cahuzac, devant le salaire annuel astronomique de Zlatan Ibrahimovic, transféré du Milan AC au PSG. 14 millions d'euros. La somme n'est pas petite, il faut bien le reconnaître. Mais qu'y a-t-il de choquant, vraiment ? Ne sommes-nous pas déjà engagés depuis vers plus de vingt ans dans un délire économico-sportif qui suit une courbe exponentielle pour que l'on s'en alarmât seulement un 17 juillet 2012 ? On hésite entre l'hypocrisie et la bêtise. À moins que ce ne soit les deux. Car l'indécence ne peut concerner le seul Ibrahimovic. Il n'est qu'un pion (certes très favorisé) du système, lequel système mériterait qu'on le décortique en détail pour cerner ce qui justifie ainsi de telles sommes autour d'un ballon rond. Entre prestige, argent sale, blanchiment et trucages, il faut bien mesurer que le sport, et le foot en particulier, pue.

    Cette puanteur, les politiques ne font que l'entretenir. Sur le plan économique, leur complaisance, avec les dérives mercantiles et les aides publiques, plus ou moins déguisées, est coupable. Sur le plan moral, ils se discréditent en n'exigeant pas de la fédération française de football qu'elle nettoie ses écuries d'Augias et vire de la représentation tricolore des petites frappes sans éducation. Et justement, et ce n'est pas la moindre des contradictions, ces si peu dignes représentants de la France gagnent eux aussi des sommes colossales, sans même à avoir à descendre du bus. Ribéry gagne 800 000 euros mensuels au Bayern. On tourne autour des mêmes chiffres pour Benzema, Nasri,... Qu'ont-ils à dire sur le sujet ? Qu'ont-ils dit ? Rien. Quand Zidane aurait touché 10 millions d'euros du Qatar pour qu'il soutienne la candidature (victorieuse) de ce pays à l'organisation de la coupe du monde, que disent-ils ? Rien de plus.

    C'est alors qu'une pensée gênante vous traverse l'esprit. Jouer la vertu, la morale, et l'indignation en temps de crise, tout cela est d'autant plus facile quand elle concerne un étranger. Ibrahimovic, aussi fortuné soit-il, est pour le coup le métèque de service. La classe politique dit son écœurement, sur le sujet, quand c'est elle qui écœure.

    Le plus cocasse serait évidemment que le PSG, avec son recrutement en euros qataris, gagne la Champions League, auquel cas les indignés estivaux seraient les premiers à se fendre d'un message admiratif célébrant une réussite exemplaire du sport français. Il n'y a plus qu'à attendre le mois de mai 2013.



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  • Sociologie d'état civil

    Sans doute parce qu'ils ont, pour nombre d'entre eux, mal digéré l'héritage bourdieusien, certains sociologues de gauche se sont lancés dans une invraisemblable course à l'enfoncement des portes ouvertes. Ils explorent avec constance les affres de notre société libérale et viennent régulièrement nous révéler à quel point, selon que nous soyons des beaux quartiers ou de la Seine-Saint-Denis, l'avenir n'a pas la même couleur. Le rapport à l'économie, la reconnaissance de soi, l'éducation, la violence, l'accès à la culture, la libre disposition de son corps et de sa sexualité, tous ces paramètres nous différencient, nous distinguent, nous ségrèguent.

    Mais il arrive un temps où, sur ce point, le tour de la question a été fait. Entendons par là qu'elle présente toujours un intérêt mais la multiplicité des sujets qui s'y rapportent, par souci d'originalité, finit par amoindrir la portée du discours. La catastrophe est sans doute que de toutes ces multiples études le pouvoir politique n'en fait pas grand chose. Le sociologue, et c'est regrettable parfois, s'époumonne dans le désert. Il faut dire qu'il a, depuis 68, une tendance fâcheuse au tout venant victimaire qui réduit singulièrement la validité de sa démonstration. Il suffit de voir ce qui s'écrit sur la banlieue. Mais c'est là un autre problème. Pour l'heure, il s'agit de constater que la mise en évidence des inégalités ayant été largement faite, sur les traits les plus significatifs, des sociologues vont fouiller les sujets de second, voire de troisième ordre. Sur ce point, ils ont un point commun avec l'université française en littérature qui s'épuise à retravailler Balzac pour une 5286e thèse. Dès lors, ne reste guère que des bouffonneries comme « la réception de Balzac au Turkestan », « Pots de fleurs, rideaux et damas dans La Comédie humaine », ou bien « Balzac précurseur du Nouveau Roman ». C'est amusant, non ?

    Pour revenir à la sociologie, nous apprenons donc qu'un dénommé Baptiste Coulmont, maître de conférences à l'université Paris-VIII, a fait classer les résultats de 350.000 des 580.000 candidats aux bacs général et technique de l'édition 2012. Cela suppose une logistique dont je ne cherche même pas à évaluer le coût. L'absurdité des finalités suffit à désoler tout esprit sensé. À quoi sert, en effet, une telle débauche d'énergie ? Les mentions Très Bien au bac se trouvent plus facilement chez les Madeleine, Irène, Come et Ariane. Les Marie-Anne, Anne-Claire et Gaspard tiennent eux aussi la route. Idem pour Violette, Apolline, Iris, Béatrice, Judith, Domitille, Hortense, Fleur, Daphné. Si l'on cherche des prénoms plus courants, il faut féliciter les Alice, Juliette et Louise. En revanche, finissent en queue de peloton, Sandy, Kevin, Alison, Jordan, Sofiane ou Youssef.

    La détermination des prénoms renvoie à des pratiques culturelles, sociales et économiques. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour le savoir et plutôt que de se gargariser d'un scientifisme inutile se complaisant dans la stastistique creuse, cet universitaire de salon aurait dû se déplacer dans une vingtaine de salles des profs pour qu'on lui épargne une telle débauche d'énergie. Il aurait pu, en plus, retenir quelques éléments intéressants sur la manière même dont sont perçus, par ceux qui les ont en face, les individus dont les prénoms sont déjà des signatures, si je puis dire. Et dans cette histoire, il faut être clair : Marie-Anastasie fait (peut-être) sourire mais sans plus de conséquences ; Elvis ou Johnny, eux, partent avec un handicap quasi rhédibitoire, qu'on le veuille ou non. Maître de conférence et ne pas savoir que les Dubreuil-Moncoucou ou les Du Tiroir de la Commode n'appellent pas leur fils Brandon ou Dylan, quand dans des milieux populaires, économiquement précaires, culturellement dévalorisés, on n'en trouve à la pelle, c'est grave. Il est néanmoins certain que le sieur Batipste Coulmont le savait d'emblée et que la réponse qu'il nous apporte, comme une révélation, était couru d'avance. Qu'il s'occupe à ce genre de sottes démonstrations sur son temps libre, nul ne lui en voudra. Un garçon boucher découvrit, par sa propre intelligence, les lois de la circulation du sang un demi-siècle après Harvey. C'est à l'honneur de chacun de vouloir user de sa réflexion. En revanche, de meubler le vide de la recherche avec l'aval de l'Université et d'être payé pour si peu, voilà le problème, un problème qui mériterait sans doute un regard plus sociologique.

     

     

    (1) Il y en a de droite : prendre la généalogie Boudon, par exemple.




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  • Le Métier

     

    Ce qui agace profondément chez Giono, et en particulier le modernisme de gauche qui voit en lui une figure transcendante du cul terreux n'ayant jamais voulu renoncer à Manosque, c'est, me semble-t-il, l'hommage perpétuel qu'il rend certes à la terre et surtout aux hommes et à leur assiduité à vouloir perpétuer les usages, les manières de faire, les traditions et les techniques. Il est pour ceux-là, qui voient en la modernité, en sa version post- ou hyper-, l'accomplissement de l'humanité dans son essence : en effervescence, en activité, en éveil, perpétuels, une humanité brownienne, en somme, il est pour ceux-là l'ennemi idéal.

    Il n'a rien compris à la vitesse, dira-t-on, comme si l'aspiration futuriste, par exemple, pouvait servir de modèle à une modernité bien comprise ; il voulait la lenteur, que l'on assimile désormais à une forme larvée d'immobilité, de bêtise et de mort. C'est bien sûr un peu facile. Cet écrivain avait senti, au delà de son effroi devant l'accélération des mouvements de population, l'horreur d'un déracinement fatal aux petites gens venues s'entasser dans des villes qui les broient, que finalement une certaine tradition, un certain usage des choses et de la vie allaient disparaître.

    Les pages, nombreuses, qu'il consacre au travail quotidien des paysans et des artisans, et particulièrement à ces derniers, nous ramènent non seulement à la lenteur de la tâche à accomplir mais à son apprentissage proprement laborieux. Il faut une écoute des choses, une manière de les apprivoiser. C'était cela, un métier : une inscription dans la durée, une patine douce, parfois amère aussi, pas d'angélisme, qui faisait de chacun un apprenti puis, si on parvenait à la maîtrise des choses et des techniques, un maître. Le métier était une transmission qu'on avait parfois voulue, à laquelle on s'était plié aussi, mais que l'on faisait sienne. Le temps se perdait mais l'on gardait la main.

    J'étais encore enfant et la question qui se posait était d'avoir un métier. J'en avais une appréhension très approximative mais je constatais que tout cela ne se décidait pas à la va-vite. Peut-être étaient-ce les derniers éclats des Trente Glorieuses mais on pensait à ce qui allait être mis en œuvre et l'on pouvait aimer ce qu'on faisait, justement. La crise a détruit le métier ; elle l'a remplacée par l'emploi. Et en même temps que l'un se substituait à l'autre, la vitesse prenait ses aises. Il fallait progresser, courir avec/derrière la modernité. On décrétait l'obsolescence accélérée des choses, et la caducité elle aussi accélérée des savoirs. Derrière cet implacable principe de réalité se préparait le mouvement de régression sociale dont les effets sont visibles chaque jour. Les hommes vaudraient peu. Ils courraient après un emploi. Être employé : double sens par quoi la détermination sociale signe la passivité (et donc la vulnérabilité) de l'individu. Et plus on s'enfonce dans cette conception de l'existence sociale et professionnelle, et moins l'existence entière garde sa valeur et son avenir.

    Il est toujours possible à ceux qui prônent le mouvement de faire la morale à ceux qui le critiquent et à les assimiler à d'affreux épouvantails. Ils semblent pourtant ignorer que cette réticence ne tient pas à une haine intrinsèque pour le progrès et le changement mais à l'observation de ce que coûte  aux hommes désormais cette course perpétuelle. Le combat semble perdu, parce qu'il s'agit bien d'un choix de civilisation. Il n'est pas question de se maintenir dans un passé idyllique, magnifié de toutes pièces, et de ne pas voir qu'aliénation à la terre et au lieu il y a aussi dans cette passion pour la lenteur et la durée. Mais cette aliénation a au moins le mérite de laisser à l'être une part de lui-même, ce dont le taylorisme et ses continuations l'ont privé..

    Alors on se console avec Giono, le rétrograde Giono, et la première page de L'Eau vive (publié en 1943 mais le texte date de 1930).

    "Dans mon pays, il y a encore de beaux artisans.

    Je ne veux pas parler de ceux qui ont des métiers de luxe "ou pour ainsi dire", comme ils disent, mais des humbles : le rémouleur, le potier, le boucher des petits villages, le fontainier, le cordonnier.

    Le métier est dans leur chair comme du sang. Ils ne peuvent s'en séparer sans mourir. On en a vu qui, après l'heureux afflux d'argent, restaient, bras ballants, regards humides devant l'établi d'un confrère. Ils s'approchent, prennent les outils dans leurs mains, les caressent, les soupèsent, discutent, et, sentant le temps qui coule, ne plient le dos pour s'en aller qu'à la dernière minute et avec de grands soupirs. Oh, d'ailleurs, ils sont vite morts, ou bien ils reviennent à leur métier et ça fait alors de ces vieillards vermeils, souples comme des osiers, avec cent ans de lumière dans les yeux.

    Tout, dans leurs gestes, dans leurs paroles, dans leur leçon de voir la vie, de l'interpréter, est inspiré par le métier. Le fontainier vous racontera une histoire : il ouvrira pour vous dans l'herbe des faits tous les ruisseaux qu'ouvrirait la fontaine ; le boucher vous racontera la même histoire ; elle souffrira sous son couteau de conteur ; elle montrera ses entrailles ; elle aura le hoquet de l'agneau"


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  • La politique blockbuster

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    Fin de campagne. Dernier billet sur le sujet. Il sera bien temps après de penser à l'intérêt que cela avait et aux accrochages que cela a suscités. Pour l'heure, on se dit : dernier billet, conclusion dans le calme alors même que cela pue abondamment, que Sarkozy s'extrémise non par idéologie mais pour pratiquer la politique de la terre brûlée et faire que son camp ne s'en relève pas (et Marion Le Pen se délecte...).

    Finir en douceur une campagne âpre et ennuyeuse signifie imparablement célébrer les femmes pour trouver un peu d'espoir. Les femmes en politique sont la quintessence de la délicatesse, un autre regard, une démocratie apaisée. Du moins c'est ainsi qu'on me l'a vendu, cette équation femme politique, depuis que je suis jeune. Naïf (ou sensible) comme je suis, j'ai voulu y croire. De même, l'idée qu'avec le crépuscule sarkozyste s'achevait l'époque du clinquant et du m'as-tu-vu. Retour aux affaires (1) de la gauche. Du sérieux, de l'austère, du common man, de la madame tout-le-monde, de la modestie... La gauche, la vraie, dans toute la sincérité d'une tradition qui remonte à Jaurès et compagnie.

    C'est dans cet esprit, sans doute, que les Inrocks ont choisi de faire leur couverture sur la nouvelle garde socialiste. J'imagine que le Huron voltairien ou l'Indien de Montaigne voyant une telle photographie, à l'aveugle, déclarerait qu'il s'agit de quatre actrices réunies, à coup de fric, pour un blockbuster où l'on trouvera de l'action, du suspens, du sexe et de l'amour. On y trouve tout : le mélange cultural studies, la beauté un peu mystérieuse, la rudesse des regards, le chic retenu et le décontracté de marques. Le lecteur suppose qu'elles sont quatre sur la photo mais que le scénario a prévu que certaines s'affronteront. C'est un casting où chacune a un rôle, incarne une certaine ligne hollywoodienne, entre femme fatale et femme de tête, entre sévérité et sensualité, entre traîtrise et fidélité. L'Europe, l'Asie, le monde arabe : tout y est. Très mainstream. Les visages fermés, le sourire carnassier, le style un peu masculin et le rouge à lèvres qui claque. Toutes ensemble et déjà prêtes à s'entretuer. D'ailleurs le titre du film dit tout : Girl Power On a hâte d'y être. Pas de panique : elles arrivent, les Drôles de Dames de la rue Solférino. Et de se demander laquelle in fine terrassera les autres et trouvera l'amour dans les bras du magnifique héros dont l'affiche fait l'économie...

    Que les Inrocks tentent le coup d'une politique rock and roll n'étonne pas. C'est de leur niveau : bobos de gauche décalés et vaguement révolutionnaires du MP 3. Leur ligne d'horizon, fort basse, comme leur intelligence, ne peut guère viser autre chose. En revanche, que les égéries du PS se prêtent au jeu, qu'elles n'y voient qu'une stratégie de com supplémentaire, sans en saisir ni la puérilité (eh oui, les filles, vous ne serez jamais Uma Thurman ou Scarlett Johanson (2)) ni l'indécence, ni le déni que représente une telle posture, voilà qui consterne. Il ne s'agit pas d'être dupe : s'engager à ce niveau en politique n'est pas le fait d'enfants de chœur, de bons samaritains. Soit. Mais jouer avec les codes d'une pensée jeune (!) et illusoirement rebelle est pitoyable. Que la gauche aux aspirations moralisantes cède à la tentation n'est pas à sa gloire. Mais il y aura toujours des bonnes âmes pour m'expliquer que cela n'a absolument rien à voir avec Sarkozy et Carla, le Fouquet's, Nicolas et ses amis du show-bizz... Je ne vois pas la différence et je trouve que finir symboliquement ainsi qu'avait commencé l'histrion hystérique, c'est risible (sauf que je n'ai pas envie de rire, au fond...).

     

     

    (1)J'aime bien cette expression. Elle est savoureuse, car, dans la majorité ou dans l'opposition, quel parti politique a-t-il jamais quitté les affaires ? Ou pour l'écrire autrement : les affaires ont-elles jamais quitté les politiques ?

    (2)Je prends à dessein des exemples contemporains pour renforcer le ridicule. Il eût été infamant d'aller invoquer les mânes d'actrices authentiques...

     

  • Chaque note, détachée et légère, Daniel Lanois

    Daniel Lanois est un remarquable producteur à qui on doit le meilleur album de Peter Gabriel, So, et le seul audible de U2, Joshua Tree. Bel exploit, d'une certaine manière. Il a aussi mené une carrière personnelle, beaucoup plus confidentielle, et infiniment plus attachante.

    Acadie, son premier album, sorti en 1989, contenait quelques perles : Ice, St Ann's Gold ou Silium's Hill, plus sensibles que le plébiscité Jolie Louise.

    En 2005, il enregistre Belladonna : des compositions instrumentales,  plus proches d'un esprit ECM (on pense à Terje Rypdal, par exemple) que du tout venant pop. Il y circule une lenteur éthérée qui ne suggère nullement des images d'espaces ouverts. Ce n'est pas de la musique pour documentaire célébrant la grande nature, même si certains titres pourraient le suggérer (et comme l'illustre hélas la photo pour le second extrait). Il faudrait plutôt penser à des enfilades de rues glacées, dans une obscurité illuminée par un ciel quasiment blanc et l'énergie de la neige qui étouffe les pas. Le premier morceau s'intitule Sketches,


     

    le second The Deadly Nightshade.





     

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  • Lapidaires

    Avant que de voir Rome pour la énième fois, penser à ses propres souvenirs et les heures passées, au tournant des années 80, à lire la Renaissance, sans comprendre vraiment ce que Du Bellay trafiquait de ses gémissements d'exilé. Tu découvrais Les Antiquités de Rome et sa misère devant le passé glorieux devenu poussière, tu la trouvais un peu facile, un peu sotte, même. Elle ne trouva sa place dans ton esprit qu'au jour où tu compris qu'il essayait de conjurer et l'inanité du monde, et l'angoisse de son propre anéantissement.

    Et ce poème est magnifique, parce qu'au panorama abîmé du Palatin, au désastre du Circo Massimo, au ridicule encastré de Torre Argentina, tels que tu les connais, toi, désormais, il répond sèchement, comme une prémonition, de seize vers élégamment lapidaires, qui, pas plus que la pierre, sans doute, ne survivront à l'indifférence d'un monde happé par la technologie et la préoccupation de sa seule finitude...


    XVIII

    Ces grands monceaux pierreux, ces vieux murs que tu vois
    Furent premièrement le clos d'un lieu champêtre :
    Et ces braves palais, dont le temps s'est fait maître,
    Cassines de pasteurs ont été quelquefois.

    Lors prirent les bergers les ornements des rois,
    Et le dur laboureur de fer arma sa dextre :
    Puis l'annuel pouvoir le plus grand se vit être,
    Et fut encor plus grand le pouvoir de six mois :

    Qui, fait perpétuel, crut en telle puissance,
    Que l'aigle impérial de lui prit sa naissance :
    Mais le Ciel, s'opposant à tel accroissement,

    Mit ce pouvoir ès mains du successeur de Pierre,
    Qui sous nom de pasteur, fatal à cette terre,
    Montre que tout retourne à son commencement.



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  • Là et ailleurs (sur une photographie de Georges A. Bertrand)

     

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    Bangkok (à bord du chao phraya express)

    Le matin est chargé de la lourde ardeur de l'eau. Non le voyage, ou l'errance mais la palinodie du quotidien, moite ; et la fatigue, mange-songes, est déjà là, entre les paumes éployées. Les moteurs grasseyent ; les vibrations fouillent le corps, plantes des pieds et fesses en conducteurs.

    Et si c'était le crépuscule ? Rien n'y ferait. D'ailleurs, le mot, anciennement, pouvait s'employer pour l'éclosion de la lumière. Il faut sillonner au lancinant du même. Mais quoi qu'il arrive, parfois, au-delà des heures, c'est le retrait derrière lequel il court. Passerelles, coursives, escaliers, tout se plie à l'épuisé. Moments rarement accessibles, fugitifs, que l'on comptera dans la journée sur les doigts d'une main.


  • Croquis

     

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    Il y avait le boulevard, le bruit incessant des véhicules et, de ton côté, la noria des conversations sur la terrasse où tu buvais ton café. Elles, lycéennes sans doute, attendaient à l'arrêt de bus, un écouteur chacune, le corps presque figé, mais la tête dodelinant, en cadence, à l'unisson d'une musique inconnue, comme un rappel immédiat de ces chiens décoratifs, sur la plage arrière d'une voiture customisée...


    Photo : Ludovic Maillard.



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  • Le bruit des imbéciles cafards...

     

    tillinac_129805047718852100.jpg


    La chasse à l'homme continue et les Inrocks ne démentent pas la tradition des coupeurs de têtes. J'avais évoqué le cas de Renaud Camus, dont P.O.L. venait de découvrir qu'il était effectivement réactionnaire, et le chant joyeux des journaleux rock and roll. Dans ce même billet signé Nelly Kaprièlan Denis Tillinac a droit à la même vindicte différentialiste. Que lui reproche-t-on ? d'écrire mal ? d'être classique ? d'être idiot ? Rien de tout cela. Le vrai problème, semble-t-il, est que ses écrits "suintent le Français de souche".

    J'ai beau chercher. Je ne comprends pas ce que ce terme signifie. S'agit-il des sujets que traite Tillinac ? d'un discours sous-jacent ? y a-t-il une écriture reconnaissable selon l'ethnie (puisqu'il faut parler ainsi), de même qu'on nous a bassinés depuis trente ans avec l'écriture féminine ? une sorte de génétisme littéraire ?

    Autant y aller directement : Denis Tillinac est-il un écrivain raciste, fasciste, néo-nazi ? ou bien faut-il concevoir, si ce n'est pas le cas, que la détermination même de "Français de souche" est un signe révélateur qu'il faut stigmatiser à tout prix. Cet auteur se défend fort bien dans Valeurs actuelles

    De fait, la question n'est pas là et plus encore qu'avec Renaud Camus, le problème posé se situe dans un cadre bien plus large : celui de la haine, de la haine honteuse, sous couvert d'une repentance et d'un révisionnisme historique radical imputant à l'Europe, et à l'Europe seule l'héritage d'un mal absolu dont on se demande si l'unique moyen de l'en guérir ne serait pas de la voir disparaître, elle et sa culture, dans le trou béant d'un différentialisme assassin.

    Les gauchistes radicaux qui œuvrent aujourd'hui dans les médias et les think tanks roses et rouges (on pense à Terra Nova) ont décidé d'éradiquer comme une vermine supposé tout ce qui ne leur ressemble pas. On pourrait comprendre leur démarche s'ils avaient un certain courage politique, des titres de gloire à faire valoir, des engagements héroïques. Que nenni ! Ils éructent dans Paris intra muros. Et ce n'est pas la victoire de la gauche socialiste qui les fera changer d'avis. Ils imposent leur raison avec la même indéfectible raideur que dans les décennies passées ils (ou plutôt ceux dont ils sont les héritiers) vantaient l'espérance venant de l'Est ou les magnifiques réussites du maoïsme. Rien ne les arrête.

    S'attaquer à Denis Tillinac qui n'est pas un phare de la littérature française et qui n'a jamais affiché autre chose qu'un attachement chiraco-corrézien (lequel nous tient fort loin du procès stalinien que lui fait le journal mais nous supposerons que le corrézianisme de cet auteur est de trop et qu'aimer Brive et ses environs, c'est à coup sûr ne pas aimer le monde), s'attaquer à si modeste souligne à quel point ils aiment mordre, combien leurs esprits formatés et réifiés par un moralisme à rebours cachent de violence. Les Inrocks en sont presque la caricature. Du moins on l'espérerait mais il ne faut guère se faire d'illusions et c'est bien là qu'est le pire.

    Les donneurs de leçon, défenseurs d'une littérature stérilisée par les lendemains désastreux du structuralisme et du roman egocentré (très jardins du Luxembourg) devraient retourner dans les bibliothèques. Ils y trouveraient bien des âmes peu recommandables, de vieux réactionnaires que leur goût révolutionnaire aurait exécutés à la première heure. Oui, ils devraient réfléchir au mouvement dextrogyre de la littérature française. Est-ce trop demander ?

    Mais s'il n'y avait que ce problème, passe encore. L'ignorance et le refus du réel historique est une tare qui les concerne, eux, pas moi. En revanche, plus grave est l'implicite de leur posture, me demandant, puisque l'écriture serait une affaire de couleur, de sexe, et de géographie politique à sens unique, de lire tel ou tel comme un noir, un fils d'esclave potentiel, un minoritaire, un soumis en rebellion, un métis, un affamé de liberté, un sans terre, une femme, un homosexuel, etc. Non que je veuille minimiser, au contraire, le terreau sur lequel se dresse l'écriture, mais je désire d'abord  considérer l'expression individuelle d'une personne, hors de toute inféodation à une problématique hasardeuse mettant en jeu la génétique ou des considérations minoritaires dont on ne m'a toujours pas prouvé qu'il définissait certainement l'orientation stylistique et thématique. Je n'ai pas envie de minimiser Chamoiseau ou Condé de leur créolité, Toni Morrisson de sa position de noire américaine, Reynaldo Arenas ou Lezama Lima de leur homosexualité, car c'est ainsi que ces petits lecteurs les humilient sans le savoir. Mais il est vrai qu'il n'y a que le prisme minoritaire qui les fasse jouir. En bons élèves deleuziens, ils cherchent le minoritaire comme un pansement à la haine d'eux-mêmes, sans comprendre que c'est aussi l'autre, magnifié jusqu'à la bêtise, qu'ils méprisent ainsi.


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