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La Nuit de l'iguane, avant d'être du Huston, c'est du Tennessee Williams, une arme sulfureuse, une tension moite. Les personnages sont à la limite de l'acceptable social, sans jamais tomber dans le glauque. Ils sont furieux : en clair, habités de désir. Richard Burton joue un prêtre banni pour fornication et reconverti en guide touristique. Ava Gardner tient un hôtel. Lui a déjà ce qui ne le quittera plus : le regard abîmé, d'un bleu fascinant, l'œil toujours au-delà de ce qui est en train de se dérouler, comme en attente de la catastrophe. Elle a quarante-deux ans. Elle n'a plus sa grâce glacée. Elle a déjà bien vécu, hors et devant l'écran. Elle ne triche pas. On la contemple, on l'écoute jouer la violence de celle qui ne renonce pas. Elle est belle, belle, très belle. Une actrice très belle, à la fois l'œil, la voix, le corps. Dans le film, sa rivale symbolique s'appelle Sue Lyon, la petite Lolita du très surévalué Kubrick, rejouant un peu le même air pathétique ; et dans un curieux dédoublement, le spectateur se dit que la réalité rejoint la fiction. Il n'y a pas photo. La lycéenne, pour autant qu'elle parvienne à ses fins, peut retourner dans sa cour de récréation car, plus que dans ses films antérieurs où sa plastique masquait encore ce qu'elle était, Ava Gardner est sans rivale, parce que la vie, celle qui assume d'être la vie, est sans rivale...
Michael Murphy, Diane Keaton, Woody Allen et Mariel Hemingway
Manhattan.Je l'ai vu une première fois il y a un peu plus de vingt-cinq ans. Je me souviens que j'avais ri, trouvé si spirituelle la débauche verbale, le caractère intello-vaudevillesque centré sur un personnage si peu charismatique. Peut-être était-ce un effet de jeunesse mais la maladresse dérisoire du héros me semblait attachante. Pris (mais pas trop...) entre la tentation d'une trentenaire sarcastique qui désarmorce à la minute sa tendance nombriliste et sa liaison avec une demoiselle de dix-sept ans, dont il savoure le caractère un peu sauvage (ce qui s'applique autant à la liaison qu'à la demoiselle), où se mêlent l'angoisse de l'interdit et l'exaltation narcissique, le héros de Manhattan développait une dialectique tout en trompe l'œil, dans laquelle la parole, sans cesse réactualisée, se démentait jusqu'à dévoiler la dimension aporétique de toutes ses postures. J'y avais alors vu une distance critique, un second degré que symbolisait, en quelque sorte, le début même du film : les multiples réécritures pour introduire New York, les tentatives pour esquisser la singularité. Cela sonnait comme un avertissement sur la sincérité du langage. Manhattan, dans sa déambulation en vase clos, ses discussions interminables, tatillonnes et vaines, semblait la quintessence du spirituel (dans l'ordre du wit, de ce qui peut prendre la forme de l'humour juif, quoique pas seulement). Woody Allen, son visage lunaire, son regard toujours en alerte, son corps malingre, sa gestuelle maladroite, son débit hâché, donnait une vigueur nouvelle au anti-héros. Il avait tout pour plaire, un je-ne-sais-quoi de littéraire.
J'ai revu le film (deux fois) il y a une douzaine d'années. Une part de la magie, et de l'esprit qui s'y rattachait, avait disparu. Demeurait un charme, par intermittence : la frimousse de Mariel Hemingway, la mélancolie de quelques discussions entre Allen et Diane Keaton, des plans sur la ville, le noir et blanc (dont on voudrait croire en même temps qu'il ne fût pas un cache-misère esthétique). Les dialogues n'avaient pas tant vieilli dans leur fond que dans leur forme : la cacophonie énervée où étaient plongés les personnages sentait le surjoué. L'intention était repérable. Manhattan, cousu de fil blanc. Il faut dire que dans l'intervalle je m'étais familiarisé avec l'entreprise Woody Allen Ltd : blagues, nombril et looser. Demandez le dépliant. Il avait, avec la constance survitaminée d'un boutiquier qui prend de l'importance, produit annuellement. Une seule collection. Toujours la même. Et Manhattan apparaissait tout à coup comme l'œuvre fondatrice contenant toutes celles qui suivraient, et Woody Allen devenait un styliste ayant eu un jour une idée (mais bonne, l'idée !) dont il déclinerait les versions les plus convenues. J'éprouvais, à revoir ce film, un étrange sentiment de déjà-vu (à prononcer à l'anglaise...), une prévisibilité épuisée : ritournelle et sclérose...
Déjà vu, déjà filmé. Reproche un peu facile, si l'on considère que certains cinéastes, et non des moindres, ont partie liée avec la répétition (à des titres divers : Bergmann, Tarkovski, Rohmer, Godard, Tati, Fellini, Antonioni...). Mais il y a une différence fondamentale : Woody Allen est le sujet de ses films ; l'univers de ses films correspond à son univers. Et c'est en revoyant Manhattan, une dernière fois, dernièrement, vision incomplète, faut-il l'avouer, tant l'ennui et l'agacement m'avaient gagné, que l'indulgence post-adolescente a définitivement rendu les armes. Plus rien à entendre qu'un verbiage boursouflé ; plus rien à voir qu'une série de clichés dans lesquels le cinéaste joue assez sérieusement en fait l'intellectuel. Intellectuel nourri et jouissant de ses certitudes, incapable d'appréhender l'altérité car il se croit l'absolu de l'altérité. Et de me souvenir alors d'un commentaire à la hache de Marguerite Duras paru dans Les Cahiers du cinéma, en juin 1980, repris en 2006 dans Les Yeux verts. Elle vient de voir Annie Hall et son article compare Chaplin et Allen :
"À côté de (Chaplin), Woody Allen est avare, c'est un épargnant. Il est dans une série de numéros, de scènes plus ou moins réussies, dans toute une série de gags très très joués, très calculés, très locaux, très "pris sur le vif", et en fait très élaborés. C'est, de la même façon que l'on parle de "parisianisme", le "new yorkisme" de nos années-ci. Je n'ai pas retrouvé New York Dans Annie Hall [...] Woody Allen est parfaitement bien à New York. Je ne reconnais pas en lui cette espèce de dimension illimitée, égarée, propre aux juifs [...] Woody Allen, c'est des pièces, des morceaux avec des coutures entre eux."
Et elle a raison, à plus d'un titre. Tout n'est chez lui qu'astuces scéniques, frivolité, phrases/phrasé. La drôlerie n'est plus qu'une estampille. On reconnaît la triple patte du scénariste-réalisateur-acteur : ses tics et ses pratiques. Sur ce point, l'univers de Woody Allen sent le renfermé. Son "new yorkisme", comme l'écrit si bien Duras, est un "parisianisme", c'est-à-dire l'inverse d'une ouverture : un repli identitaire avant la lettre. Mais de celui-là, il n'est pas question de médire. C'est que nous sommes dans Greenwich, sur la Cinquième, (comme on est au Rostand, au Luxembourg, ou à Saint-André-des-Arts...) ! Cela change tout. Pourtant, il n'en est rien. Manhattan pue le provincialisme chic. La ville n'est qu'un arrière-plan, un produit d'appel trompeur. Elle prend des allures de petit village branché. La violence, l'angoisse, l'underground, le clair-obscur, l'inattendu n'apparaissent pas. Une sorte de gated community du bon goût au milieu de laquelle trône le sieur Allen. Manhattan a perdu sa tendresse (et donc son sens) parce que j'avais pris, juvénile et naïf, le style de ce cinéaste pour une manière inédite de refaire/défaire le monde en ironisant sur les fragilités de l'homme. Je me suis trompé, et lourdement. C'est un film muet, ou pour être plus juste : aphasique, comme l'est l'œuvre d'Allen. Cela aurait pu prendre des dimensions tragiques et peut-être toucher en profondeur. Mais le tragique suppose que l'on renonce à la maîtrise. Et de cela, il n'en est pas question. C'est en ce sens que je n'ai pas pu regarder ce film plus longtemps : il y avait dans les images qui défilaient une confiance en soi du réalisateur telle que j'ai fini par me dire qu'il était profondément américain, ce garçon, oui, profondément américain, un peu comme un péquenot du Montana. Mais c'est très méchant de dire cela : il est new yorkais, vous comprenez : new-yor-kais ! Voilà le drame : il ne sait pas que le monde existe...
Le cliché est beau, réussi, travaillé. Le portrait, en plongée, est serré et le visage semble sortir de l'obscurité environnante comme pour une révélation. Les traits sont sérieux et le regard maîtrisé. Les yeux sombres nous saisissent, en mélangeant la certitude d'une pensée profonde et le charme de celui qui a envie de nous conquérir. On connaît cet homme ; on l'a vu mainte fois et l'on sait qu'il n'a pas pour lui d'être beau, mais là, à le regarder, dans l'emprise du noir et blanc, on oublie ce détail. On lui trouverait même un air de Leonard Bernstein ou de John Cassavetes. Mais il n'est pas acteur, pas comédien. Il est homme politique. Et ce fait nous ramène à ce qui a pu le pousser vers cette sensibilité artiste, à faire dans le Harcourt contemporain. On pense alors à Barthes, et l'on identifie alors l'une des mythologies modernes les plus désastreuses : la confusion des genres.
Les journaux télévisés sont des pertes de temps. Mais il faut, de loin en loin, savoir perdre son temps, pour être convaincu d'avoir fait le choix le plus juste. Il n'est d'ailleurs pas nécessaire de s'y attarder pour constater que le vide qui structure ces émissions (images insignifiantes, ou sur-signifiées, hiérarchisation grotesque de l'information, compromissions commerciales en fin d'édition...) est abyssal et on a déjà vu cela cent fois. Pourtant, on trouve des perles, un petit changement, une inflexion supplémentaire dans le sordide. Ainsi, sur France 2, en conclusion d'un reportage sur le tsunami (une séquence où une journaliste très professionnelle double les images d'un commentaire inutile : "il y a un bateau qui dérive en pleine ville", comme si elle s'adressait à des aveugles.) ai-je découvert que je n'avais pas regardé un reportage justement mais un récit. Oui, un récit. On venait de me raconter une histoire ; on m'avait vaguement (si j'ose cet humour noir) scénarisé la misère très réelle de Japonais désemparés. C'est à ces petites audaces que l'on mesure l'effondrement d'une déontologie, que cette profession signale subrepticement qu'elle a renoncé à penser, à analyser. Peut-être n'est-ce qu'un mot pris pour un autre, une approximation sémantique à laquelle je donne une importance excessive. Considérons les choses autrement. Le journal raconte des histoires, et pas seulement celles des bons ruraux de la France rêvée par Jean-Pierre Pernaut. Il faut que tout soit récit, ce qui dispense de toute réflexion. Le fait divers est suffisamment modelable pour se plier à un formatage où se mélangent action, émotion et suspense. Comme au cinéma. Et le téléspectateur, enfant prolongé" qui se croit adulte, regarde les images, la conscience sur le mode veille. Le tsunami n'est pas plus vrai que le film-catastrophe qui sera diffusé après le 20 heures, mais un avatar du divertissement mécanique grâce à quoi on apaise les tensions. Un récit. Du copié-collé, des ressorts grosses ficelles, une bande-son minable. Cela se regarde, dira-t-on. Oui, cela se regarde, et, en conséquence, cela s'oublie aussi vite. Les Japonais sont des figurants. Ils sont morts, désemparés, apeurés. Peu importe. L'essentiel est qu'ils aient vraiment bien joué leur rôle.
Dans son édition du 9 février 2011, Libération publiait un article sur les déboires de Michèle Alliot-Marie en Tunisie. Le papier n'avait en soi rien de très neuf. Il ne faisait qu'illustrer la bêtise ministérielle, son inconséquence, ou, ce qui est le plus vraisemblable, le mépris pour la chose publique. MAM est au quai d'Orsay et l'on se demande bien pourquoi si elle est ainsi ignorante des agitations du monde. Il est vrai qu'elle n'est peut-être là que pour achever un parcours politique exemplaire où elle aura été de toutes les fonctions régaliennes (un peu comme un footballeur qui aurait fait le tour des grands clubs).
Mais la question de ce billet ne porte pas sur les reproches que l'on peut adresser à cette médiocre diplomate. Elle concerne le journal lui-même, que je ne lis plus depuis longtemps (ou si peu), rachitique et creux qu'il est désormais devenu. Il y avait fort longtemps que je ne m'étais commis à lire sa prose. Au moins ne m'y suis-je pas attardé pour rien... Pour accompagner cet article, une photographie, dans un format qui prend à peu près le tiers de la double page. C'est un portrait assez serré de MAM. Au cas, sans doute, où le lecteur idiot n'aurait pas compris ce qu'il lisait. Je m'y arrête un peu, sur ce cliché tant il est remarquable. On y voit une ministre impeccablement peignée, avec des lunettes noires, col ouvert avec un foulard discret : un petit air Catherine Deneuve qui n'aura jamais réussi à être aussi belle que l'actrice (il faut faire avec ce qu'on a). Elle esquisse un léger sourire, rictus si rare chez celle dont la rigidité, dans le physique et le phrasé, est remarquable. Elle n'a rien, bien sûr, de la vacancière en goguette, de madame Michu sortant de l'hôtel ou du camping. Mais on s'en doutait. Dans le contexte où cette photo apparaît le lecteur se dit que la mère MAM se moque du monde, qu'à l'heure où des peuples sont soi-disant à se battre pour conquérir leur liberté (je croyais moi qu'ils l'avaient obtenue à l'indépendance. Je suis bien naïf...) elle est tranquille à trimballer l'élégance française au soleil doux d'un hiver tunisien évidemment plus clément que le nôtre (pensez : il y en a à ce moment-là (nous sommes en décembre quand elle fait son escapade coupable) qui sont en train de se morfondre dans des aéroports puisqu'il neige...). Oui, ce photo est une incitation à demander sa démission, à crier à l'irresponsabilité étatique. Dehors MAM, vais-je mettre sur une banderole, remerciant Libération d'avoir avec beaucoup de pertinence démasqué celle qui fait passer mon pays pour un ami des puissants et des violents (alors qu'on nous rebat les oreilles sur la France et les droits de l'homme et phare du monde)... Il est évident que cette photo est une pièce à verser au dossier. Elle concrétise et synthétise le discours moral de ce journal anti-gouvernemental et joue sur l'immédiateté d'une visibilité à laquelle on délègue en quelque sorte la totalité du sens.
D'ailleurs, la colère monte en moi (enfin presque) quand je commence à lire la légende qui, en blanc sur le fond de la dite photo, est écrite en petits caractères. Michèle Alliot-Marie en Tunisie... Oui, vraiment, à vous dégoûter de tout... Sauf que... en Tunisie en avril 2006. Oui, je lis bien : en avril 2006. Quand tout le monde s'accommodait très bien du régime de Ben Ali... Quel est le contexte de ce portrait souriant et guindé ? Des vacances ? Un voyage officiel ? Rien en tout cas qui puisse être objectivement et honnêtement rattaché à la situation présente, sinon que Libération nous informe (?) que MAM a déjà mis les pieds sur le sol tunisien.
Alors ? Il s'agit de produire un effet, de cingler immédiatement l'esprit du lecteur d'un surcroît de mépris. L'information est nulle ; elle est même détournée. Le cliché est ici un exercice de falsification et le fait de légender la photo ne change rien. Il ne suffit pas aux diverses compagnies commerciales d'écrire en bas de page, dans des dimensions quasi illisibles, toutes les tables de leur loi, et de les invoquer ensuite, quand on veut presser le citron que vous êtes devenu, il ne suffit pas d'être en règle avec la loi pour ne pas être malhonnête. De même que le légal n'est pas le légitime... En procédant de la sorte et Libération n'est qu'un exemple, le journalisme fait la preuve de sa déchéance. En donnant de plus en plus de place à l'image, c'est-à-dire à ce qui se passe de commentaires, selon la bonne parole commune, parole creuse s'il en est, les journaux n'éclairent en rien les arcanes de la démocratie ; ils s'effacent un peu plus chaque jour de l'ambition qu'ils affichent : informer, aider, libérer, pour n'être plus que les promoteurs de leur propre nécessité. Les quotidiens de la presse écrite française sont devenus aussi pauvres qu'est légère leur pagination. Le texte n'est plus leur unique préoccupation. Pour qui les lit de loin en loin, on se dit qu'on n'y perd rien...
Il y a un an tout juste disparaissait Éric Rohmer. La tristesse n'est pas de mise. Il demeure.
J'avais le lendemain écrit un de mes premiers textes sur Off-shore, et je voudrais partir du titre que je lui avais donné parce que ce choix quasi instinctif n'était en fait pas anodin. La traversée des apparences. La référence explicite à un roman de Virginia Woolf, ou plutôt : à la première traduction française qu'on en fit (1), correspondait à une volonté de rapprocher l'étrange voyage initiatique du roman avec ce qui me semblait être une constance rohmérienne : creuser les faux semblants du discours, filmer un théâtre de la cruauté avec une certaine malice afin que le spectateur lui-même se laissât prendre au(x) jeu(x) des différents protagonistes, sans tomber dans les travers d'un tragique facile.
Puis, j'ai repensé à ce rapprochement peut-être discutable, je l'ai considéré avec circonspection, mais, comme s'il n'avait été, en fait, qu'une première prise devant quelque chose qui m'importait davantage, j'ai fini par penser que derrière tout cela, il y avait un murmure capable de mieux nouer mes attaches à ce cinéaste. Autre référence woolfienne : Les Vagues (The Waves, 1931), avec son continuum de monologues à six personnages, entrecoupés de brefs récits centrés sur une évocation de la côte. Un roman où l'on parle, beaucoup, beaucoup. Comme dans les films de Rohmer, qui, lui aussi, a aimé la mer. Et j'en suis revenu à deux films qui me sont chers entre tous : Pauline à la plage (1983) etConte d'été (1995). Plusieurs raisons à cela.
Une actrice d'abord. Rare, parce que sa filmographie n'est guère étoffée, ce qui en fait une personne intimement lié à l'univers du réalisateur. Amanda Langlet, faisant d'une certaine manière le lien entre les deux univers. Dans Pauline à la plage, elle est adolescente et n'est que le témoin privilégié du jeu d'adultes qui occupe Fédor Atkine, Pascal Grégory et Arielle Dombasle. Elle serait, un peu lointaine et amusée, comme à une fenêtre surplombant un labyrinthe où évoluent ceux qui, par l'âge et la maturité, sont censés la dominer. C'est un moment d'éducation sentimentale, à la réserve près que cette éducation, du point de vue rohmérien, demeure toujours en partie insoluble, puisque, symboliquement, de ce labyrinthe, il n'est pas possible d'envisager tous les lieux avec la même lisibilité/visibilité ni de suivre avec une égale attention tous les protagonistes.
On la retrouve douze ans plus tard en Margot, ethnographe de terre-neuvas, l'une des trois amoureuses possibles de Gaspard (joué par Melvil Poupaud). Rôle central et pourtant comme dans la perte inéluctable de cette centralité. On repense régulièrement à Pauline et (Rohmer y pensa-t-il ?), il vient à l'esprit que la chance adolescente d'avoir pu observer des adultes jouer n'avait en fait servi à rien, que devant l'irruption des sentiments l'individu, à moins d'avoir délibérément choisi le cynisme ou la défense ferme (le type passif-agressif), est dépourvu et qu'il n'a plus qu'à sonder dans l'autre les signes d'espérer ou de désespérer. Elle espérera en vain, quoi qu'elle en dise...
Dans les deux films, le bord de mer, la plage, le halage, le littoral. C'est-à-dire une zone frontière, aux limites passablement mouvantes. Le sable mouvant. Y mettre ou non un pied, y laisser ou non sa trace, avant que la mer reprenne le dessus. Le littoral : là que Margot et Gaspard discutent longuement, de ce qu'ils sont, ne sont pas, avec le bruissement furtif de ce qu'ils pourraient être (l'un pour l'autre), mais vaguement. Jamais de frontalité à cette frontière, rien de démarqué définitivement. Suivre la côte découpée, plus ou moins en retrait de la mer ; la mer elle-même plus ou moins en retrait sur le sable. Confession passagère, chemin passé, dans l'émouvante tiédeur de l'été. En clair (mais est-ce l'expression adéquate...) y aller ou pas...
Les lieux de ces deux films, mais plus encore pour le second, sont plus que jamais rohmériens : ils sont littéralement Rohmer, en ce sens qu'ils donnent l'apparence de la légèreté, voire de la futilité, alors que le cinéaste nous rappelle une évidence : il n'y a pas de vacance à être. Toujours ceux qui veulent vivre sont saisis par un mouvement dont ils n'arrivent qu'à comprendre une partie, à leurs risques et périls, tout du moins au début. Chez lui, comme chez Woolf, une fluctuation interne (la vie mystérieuse qui rôde en nous) se mélange à une fluctuation externe (le monde qui va sa route) et voilà qu'il y a friction/fiction. Il n'est peut-être rien de plus vraiment dit, dans Conte d'été, où pourtant les personnages ne cessent de parler, que l'adresse du paysage à notre regard, ni tout à fait le même, ni tout à fait autre. Chaque promenade a sa tonalité, sa clef et son mode. On croit que les personnages rabâchent, radotent, ressassent, alors qu'ils varient, évoluent, revenant sur leurs pas discursifs, déformant une première image, puis une autre, puis une autre. La parole, toujours recommencée, dont nous suivons les alternances et les alternatives. Et tout discours est étymologiquement dis-cursus, un détour.
Pour qui connaît les côtes malouines et leurs environs, nul doute que l'endroit attendait Rohmer et son théâtre, parce que là, le moindre point en perspective, pourtant si proche à l'œil, à vol d'oiseau, selon l'expression consacrée, est une aventure indécises et surprenante. L'objet du désir est proche et lointain. Se croire auprès de lui, lui parler, le toucher (physiquement et intérieurement), oui, mais ce n'est peut-être qu'une illusion. Une illusion que l'on poursuit, avec l'acharnement de ce qui vous détruit de vous construire, invitus, invitam, pour faire un clin racinien (2). Ou un ravissement (mais on sait, avec Duras, et même après Dom Juan, que le ravissement est une douceur mortelle), à voir, à revoir, comme l'extrait ci-dessous.
(1)The Voyage Out (1915) fut aussi publié, en 1952, sous le titre Croisière.
(2)Racine écrivit les cinq actes de Bérénice à partir de la phrase latine suivante : Berenicem Titus invitus invitam dimisit (Titus renvoya Bérénice malgré lui, malgré elle).
Un homme épouvantable entre et se regarde dans la glace. "- Pourquoi vous regardez-vous au miroir, puisque vous ne pouvez vous y voir qu'avec déplaisir?" L'homme épouvantable me répond: "- Monsieur, d'après les immortels principes de 89, tous les hommes sont égaux en droits; donc je possède le droit de me mirer; avec plaisir ou déplaisir, cela ne regarde que ma conscience." Au nom du bon sens, j'avais sans doute raison ; mais, au point de vue de la loi, il n'avait pas tort.
Ce poème en prose de Baudelaire, qu'on trouvera ensuite dans Le Spleen de Paris, est publié le 25 décembre 1864 dans La Revue de Paris. On essaiera d'imaginer le bourgeois impérial, encore en digestion de sa volaille, lisant cette provocation du dandy. Bourgeois impérial qui n'en a pas moins l'aspiration démocratique (même avec sa réserve concernant le peuple) d'une reconnaissance à être, dans une logique égalitaire (on n'avait pas liquidé l'Ancien Régime pour rien. Quoique liquidé soit un mot bien fort. L'aristocratie avait plus de ressources qu'on croyait). Il a dû se demander selon quelle audace un bohème qui avait déjà fait scandale sept ans plus tôt se permettait ainsi de rabattre la légitimité politique sur des impératifs esthétiques. Il s'est même peut-être dit que la présomption à ce point (qui est d'ailleurs un point de vue, radical, chez Baudelaire, mais comment s'en étonner ?) supposait que celui qui écrivait ainsi se plaçait comme un homme au-dessus des autres. Or, il devait bien se faire une idée de lui-même suffisamment éloquente pour ainsi fustiger la laideur se contemplant elle-même avec une certaine complaisance. Était-il si beau, le sieur Baudelaire, qu'il se fît contempteur de l'épouvantable au miroir ?
Pas vraiment si on veut bien considérer les multiples photographies dont celle que nous avons choisie. Elle est de Nadar, prise aux alentours de 1860.
Si la beauté de Charles Baudelaire nous importe peu, son goût pour la pose en revanche nous intéresse. Le poète n'avait guère d'indulgence pour la photographie, ou pour plus d'exactitude, il en détestait l'usage démocratique et les valeurs esthétiques que le tout venant lui associait, ainsi qu'en témoignent les lignes suivantes tirées d'un texte paru en 1859, «Le public moderne et la photographie» :
«Dans ces jours déplorables, une industrie nouvelle se produisit, qui ne contribua pas peu à confirmer la sottise dans sa foi et à ruiner ce qui pouvait rester de divin dans l’esprit français. Cette foule idolâtre postulait un idéal digne d’elle et approprié à sa nature, cela est bien entendu. En matière de peinture et de statuaire, le Credo actuel des gens du monde, surtout en France (et je ne crois pas que qui que ce soit ose affirmer le contraire), est celui-ci : «Je crois à la nature et je ne crois qu’à la nature (il y a de bonnes raisons pour cela). Je crois que l’art est et ne peut être que la reproduction exacte de la nature (une secte timide et dissidente veut que les objets de nature répugnante soient écartés, ainsi un pot de chambre ou un squelette). Ainsi l’industrie qui nous donnerait un résultat identique à la nature serait l’art absolu.» Un Dieu vengeur a exaucé les vœux de cette multitude. Daguerre fut son Messie. Et alors elle se dit : «Puisque la photographie nous donne toutes les garanties désirables d’exactitude (ils croient cela, les insensés !), l’art, c’est la photographie.» A partir de ce moment, la société immonde se rua, comme un seul Narcisse, pour contempler sa triviale image sur le métal. Une folie, un fanatisme extraordinaire s’empara de tous ces nouveaux adorateurs du soleil.»
Certes il y est question de l'opposition entre la photographie et la peinture, à travers la problématique de la mimesis. On peut de fait prendre cette analyse comme un pur exercice intellectuel dont l'enjeu est de taille quant à l'avenir de l'art pictural, et on sait combien le poète fut sur ce point un brillant critique. Mais il est aussi assez amusant de voir encore une fois Baudelaire s'ingénier à distinguer in fine la technique, non seulement de son usage, mais de son appréhension intellectuelle, ce qui revient peu ou prou à signifier que tout le monde n'a pas la même dignité devant l'art et la philosophie des moyens qu'il engage. Ce en quoi Baudelaire a totalement raison, n'en déplaise à l'air du temps qui voudrait que non seulement tous les goûts soient dans la nature (je reviendrai un jour sur la niaiserie de cette formule), mais que tout soit naturellement accessible (1). Néanmoins, lui qui voit avec horreur une «société immonde» se transformer en «Narcisse», que fait-il de mieux lorsqu'il cultive son œil ténébreux, son front pensif (où flotte, comme chacun le sait, «le drapeau noir de la mélancolie»), que fait-il, sinon d'être son propre contemplateur ? Ne se pense-t-il pas dans l'éternité d'un poète enfin arrivé à sa place dans un monde qui fait de lui un élément de ce nouvel espace, bourgeois, concurrentiel, où la littérature prend la place des Belles-Lettres, ce qui signifie, entre autres, qu'elle est un produit ? Cette machoire rude, cette lèvre pincée, ce regard à distance : rien qui ne sente pas l'étude de soi, la pensée de l'œil qui prend. Baudelaire ne parut pas sur les bandeaux des livres qu'aujourd'hui on place dans les devantures : ce n'était pas alors l'usage. Mais il y a dans ses manières de modèle, dans ses minauderies faussement sataniques, un ridicule qui m'a toujours fait rire, une arrogance en baudruche (arrogance que des admirateurs fervents et inconditionnels mettront sur le compte d'une existence difficile et d'une exigence esthétique rigoureuse). C'est, au fond, toute l'ambiguïté du dandysme, et donc de Baudelaire. Il peut se gausser de l'homme affreux devant son miroir, et mettre cette posture sur le compte d'une opposition radicale entre politique et esthétique, mais jusqu'à quel point ne concède-t-il pas lui-même en tant qu'artiste à la dépréciation du monde qu'il dénonce ?
Il serait absurde de projeter une actualité baudelairienne, d'élaborer une figure présente du poète, mais à chaque fois que je regarde des photos de ce pourfendeur de la vulgarité satisfait de son immortalisation argentique, je me dis qu'il vaut mieux s'en tenir aux livres, aux œuvres, que les artistes retranchés sont les plus conscients du danger (à la manière de Thomas Pynchon), et qu'ils sont rares (et il n'est pas certain que Baudelaire, de nos jours, en ferait partie)...
(1)La force contemporaine de la naturalité est un des signes les plus sensibles de la décadence. Quand la pensée comme acte de civilisation se replie sur la naturalité, c'est que l'homme ne se comprend pas lui-même, ne mesure pas ce qu'il fait. L'écologisme intellectuel est un contresens.
Nous devons à Roger Lembrechet la mise au point (faut-il dire l'invention ?) du miroir moderne. Remercions-le, plus encore aujourd'hui qu'hier, puisque ce présent monde est absorbé à sa propre contemplation ; qu'il n'est de centre ville dévolu au commerce, aux boutiques qui ne soit une succession de miroirs, de glaces, de vitrines suffisamment belles pour que nous y contemplions notre finitude.
Il est certain que c'est bien là un instrument de notre désir d'être et de reconnaissance (face aux autres et face à soi-même, mais en pensant d'abord que les autres ne sont que les figurants dans un espace central où nous nous tenons, en improbable existence). Nous avons donc fait de lui un élément dépassant largement le stade du miroir, et nous nous promenons désormais avec lui, et s'il n'est pas là (il reste malgré tout des murs, des surfaces qui ne nous réfléchissent pas), nous sommes en attente de lui, dans l'impatience d'une vérification rassurante. Nous voilà à l'ère du narcissisme outrancier, celle dont Christopher Lasch a si bien pourfendu la vanité (et la vanité, double, de ceux qui s'y soumettent désormais dans l'intégralité de l'être sans devenir).
Et la glace (ou le miroir : usons, par commodité, indifféremment l'un et l'autre) a trouvé au XXe siècle son accomplissement dans cet endroit magique qu'est la salle de bain, oui, cet endroit où l'on a le droit, plus qu'ailleurs, de s'enfermer, et d'être à soi seul. Délectation princière du lieu par lequel débute maintenant l'artifice et la comédie. Nous nous y apprêtons, oubliant, ou faisant mine d'oublier, que cet isolement n'est que la coulisse d'un jeu épuisant, celui de notre apparition. Il aurait pu en être autrement si nous avions gardé en mémoire les leçons antiques du theatrum mundi, si nous (re)lisions Montaigne, lorsqu'il rappelle que «nos vacations sont farcesques» et que «du masque et de l’apparence il n’en faut pas faire une essence réelle, ny de l’étranger le propre». Avant que de se gausser, avec la même rigueur, de ceux «qui se prélatent jusques en leur garde-robe». Il eût été possible, plutôt que dans la divine recherche d'une perfection exposable (à réfléchir longuement sur notre corps et sur notre mise), de se voir justement dans les limites de cette corporalité qui n'est ni magie, ni indécence. Se regarder nu(e) ; non pas avec l'interrogation sur ce que sera l'après, lorsque nous nous serons vêtus et de nos habits, et de nos mimiques, et de nos stratégies, mis en vitrine, d'une certaine manière, mais avec la pleine conscience d'être un homme ou une femme, tout simplement.
La glace aurait donc pu être ce compagnon de modestie grâce auquel, sans se mépriser, nous nous serions retrouvés avec notre humanité. Mais l'aspiration démocratique, doublée de l'idéologie libérale d'une estime aiguë de soi pour pouvoir faire son chemin, nous a convaincus qu'elle était une arme dont nous saurions nous servir pour être, enfin, tels qu'en nous-mêmes. Ainsi les progrès hygiéniques et les aménagements spatiaux de l'intimité vont-ils, par une suprême ironie, à contre-courant d'un possible approfondissement de la connaissance que les individus auraient d'eux-mêmes, connaissance qui commence, raisonnablement, par notre insignifiance dans le temps et dans l'espace. Ce choix qui n'a pas été fait, qui ne pouvait sans doute pas être fait collectivement, il est pourtant nécessaire de le faire individuellement, pour ne pas encourir la désillusion d'une décrépitude du corps ou le désastre d'une éviction de la scène sociale (mais l'une ne serait que la préfiguration de l'autre). Car, derrière tout cela, il y a effectivement le risque, à long terme, d'une socialité exsangue et d'un désarroi individuel. Il n'est d'ailleurs pas sûr que ce phénomène ne soit pas déjà engagé...
Nous ne pouvons pas à la fois fustiger la prétention rageuse de pouvoirs politico-médiatiques (quand il nous faut mettre dans la même engeance ridicule les gouvernants et les people) et croire nous-mêmes que le monde ne pourrait pas se passer de nous regarder, qu'il est même indispensable qu'il nous regarde, nous, oui, nous, qui nous regardons si complaisamment (et complaisance il y a jusque dans les reproches que nous nous adressons, parce qu'il s'agit bien de rattraper l'affaire, reproches que nous nous faisons par orgueil, de ne pas plaire, peut-être) le matin, devant la glace.
Alors ? Qu'en dis-tu ? Pas mal, pas mal, un casting d'enfer... Pas une affaire de casting, cette histoire, du moins pas au sens d'aujourd'hui. On ne va la contempler en pensant qu'un tel trio est bankable, ou ce genre de balivernes. C'est quoi, au juste ? Une photo de 1960, sur le tournage des Misfits de John Huston. Et tu trouves cela beau ? Émouvant ? J'en étais sûr ! La contemplation avec toi tourne toujours au soupçon, la larme à l'œil, l'impression d'une fin du monde, comme si contempler était lié à une condition romantique, ou quelque chose dans le genre... Alors quoi, c'est le côté mythe hollywoodien qui t'accroche ? Pour qu'il y ait mythe, il faut un rapport à la Mort et à la transcendance. Pas moi qui le dis mais Jean Rousset, à propos de Don Juan. Il n'y a plus de mythe depuis longtemps. De la pure fabrication, oui, mais plus rien de vraiment profond. Et si tu crois que je pense à Hollywood en regardant cette photo, tu passes à côté. Mais pour la mort... Il n'y a plus que de l'humain, et c'est à ce niveau que ces trois visages me tiennent. Parce que c'est une vieille photo ? Il n'y a que de vieilles photos, par essence... Je sais, je sais. Autre chose, de plus sensible, de presque incongru. Une sorte de dérision américaine, dont on ne sait pas encore qu'elle est tragique. C'est le dernier film de Gable, le dernier de Marilyn. Et Clift, lui, il est déjà outre-tombe, depuis son accident de voiture en 58. Ils sont bien misfits, tous les trois, et leur visage heureux n'est qu'un vernis pour cacher un désarroi plus grand. D'ailleurs, Clift s'en tient à l'esquisse d'un sourire. L'histoire est quelconque, à l'envers de leur destinée, mais ils se tournent autour sans jamais vraiment se toucher. C'est un sentiment fort, de regarder leur absence, cette absence à eux-mêmes dont seul Clift a l'air d'avoir conscience. Elle, avec son épaule jetée en avant et son apparence charmeuse ; lui, le bellâtre d'Autant en emporte le vent, avec ses rides, sa joie forcée, son visage ravagé... Il n'est plus tout jeune.. Il a cinquante-neuf ans ! La question n'est pas de savoir s'il fait plus. Non, l'essentiel est ailleurs, et personne ne sait à l'avance que le tragique est là. Il va mourir dans quelques semaines, Gable, à peine le film sorti, et elle dans un an. Et Clift ? Huston le reprendra pour jouer Freud et ce sera bien compliqué. Mais sa carrière est finie. Sa santé décline. Non, ce que je vois, ce sont des gens qui tirent leur révérence. Enfin, cela, ce sont des considérations a posteriori ! Bien sûr, mais ce qui nous attache au monde et auquel on réagit, les rencontres, et je veux dire : réelles ou symboliques, des êtres ou des choses, tout cela ne prend souvent son sens que plus tard, quand tu y ajoutes la connaissance de la fin, la perte désespérante et la part inconsolée avec laquelle tu avances chaque jour. Tu brodes alors ! Oui, on peut présenter notre vie ainsi : de la broderie. Mais, si on revient à notre sujet, je dis que c'est un monde qui s'en va, sans savoir qu'il s'en va, et chez ces rois du puritanisme que sont les Américains des années soixante... Encore maintenant. Oui, encore maintenant, chez ces puritains-là, de me dire que le dernier trio royal, où chacun a sa place, où tout n'est pas réduit à un duo, à un numéro d'acteur tournant à la ballade narcissique, un trio, tu imagines ?, que ce trio, ce soit un homosexuel ténébreux et mélancolique, le gars qui jouait si bien dans Une Place au soleil, que ce soit la bombe délurée que tout le monde devait désirer dans le secret de son retour de messe du dimanche, que ce soit un vieux beau républicain qui n'est plus que l'ombre de Rhett Butler, que ce soit ce trio, avec stetson en prime, cela me touche, oui, me touche... Un trio, comme dans Géant. Rock Hudson, Liz Taylor et James Dean... Toi, tu es du genre à comparer James Dean et Montgomery Clift. Laisse tomber, tu me fatigues...
Dans la démesure du off d'Avignon, deux spectacles (dont, je le précise, nous ne connaissons pas les comédiens), des spectacles fort éloignés l'un de l'autre, dans leur conception et les traditions dont ils relèvent.
Une adaptation de Dario Fo, à la cour du Barouf : un mélange de poésie, de gravité et de verve italienne (avec une rencontre des langues, française et italienne, très réussie). C'est à 16 heures.
Un spectacle où se mêlent une composition de vidéaste, les montages de textes et une performance physique, pour voir le monde dans toute sa déliquescence. C'est à l'Atelier 44, à 22 heures 40.